E05 - Antivitamines K (AVK)
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- Norbert St-Jean
- il y a 8 ans
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1 E05-1 E05 - Antivitamines K (AVK) Les antivitamines K (AVK) sont des anticoagulants actifs par voie orale. 1. Mode d action Les AVK inhibent la carboxylation hépatique des facteurs vitamine K dépendants (II, VII, IX et X) mais également des protéines C et S. Les AVK n ont pas d action sur les facteurs circulants déjà synthétisés qui persistent dans le plasma un temps variable en fonction de leur demi-vie (6 à 72 h). En conséquence, l effet anticoagulant des AVK est retardé (délai minimum de 48 à 72 h) et persiste également 2 à 5 jours après l arrêt du traitement. Le plateau d équilibre est observé après 5 demi-vies. Les AVK traversent la barrière placentaire et sont contre-indiqués au cours de la grossesse. Ils passent dans le lait maternel sous forme active ou inactive en très faible quantité et sont contre-indiqués au cours de l'allaitement en France. T1 AVK Nom commercial Liaison protéique Demi-vie plasatique Durée d action Dérivés de Fluindione Préviscan 20 mg 95 % 30 h 48 h l indanedione Dérivés coumariniques Acéno- Sintrom 4 mg coumarol Mini-Sintrom 1mg 97 % 8-9 h 24 h Warfarine Coumadine 2 et 5 mg 97 % h h
2 E Principales caractéristiques des AVK La forte liaison protéique des AVK (95 %) laisse une forme active circulante de l'ordre de 3%. Toute action médicamenteuse qui fait varier de 1 à 2% la liaison protéique fait varier la forme libre de 50 à 100 %, d'où l'importance du risque hémorragique. 3. Indications des AVK et niveau d anticoagulation recommandé 1. Définition de l INR La mesure du niveau d anticoagulation doit se faire par l INR (International Normalized Ratio). L intensité de l anticoagulation est évaluée en mesurant le temps de Quick (TQ) ou taux de prothrombine (TP) exprimé en pourcentage d un témoin. À l état basal le temps de Quick est égal à 12 secondes. Il correspond à un taux de prothrombine de 100 %. C est un test semi-analytique qui reflète l activité de 3 des 4 facteurs vitamine K dépendants (II, VII, X) et du facteur V non vitamine K dépendant. Les réactifs utilisés pour mesurer le TQ (les thromboplastines) n ont pas tous la même sensibilité aux effets plasmatiques des AVK ; cette caractéristique variable est appréciée par l ISI (International Sensitivity Index). L INR est un mode d expression du TQ utilisé pour supprimer la variabilité des résultats en fonction des thromboplastines et donc des laboratoires. INR = (TQ patient/tq témoin) ISI.
3 E05-3 Le TQ ou le TP ne doivent plus être utilisés pour surveiller un traitement par AVK. L INR est le meilleur test de surveillance des traitements par AVK. 2. Zones thérapeutiques recommandées en fonction des indications (T2 ci-dessous) Indications T2 INR recommandé Prévention secondaire des TVP et EP en relais de l héparinothérapie 2-3 Prévention primaire des TVP lors de chirurgie à haut risque thrombotique 2-3 Prévention primaire des TVP sur cathéters centraux 2-3 Prothèse valvulaire mécanique - valve mécanique 1re génération (Starr Edwards) 3-4,5 - valve mécanique de 2e génération (Saint Jude) 2,5-3,5 - valves mécaniques multiples 3-4,5 - bioprothèse (3 mois post-opératoire) 2-3 Risque thromboembolique MITRAL > AORTIQUE Prévention des embolies systémiques en cas de fibrillation auriculaire - cardiopathie valvulaire - cardiomyopathie dilatée décompensée 3-4,5 Embolie systémique récidivante Syndrome des antiphospholipides 2-3
4 E Contre-indications des AVK les AVK sont des médicaments potentiellement dangereux (2 % d'accidents graves par année de traitement). Il faut donc mettre en parallèle ce risque avec les bénéfices escomptés. Une mauvaise compliance, un état psychique déficient, des chutes fréquentes peuvent ainsi devenir des contre-indications. Absolues Hypersensibilité connue à ce médicament ou aux dérivés de l'indanedione, ou à l'un des excipients. Insuffisance hépatique sévère. Acide acétylsalicylique à forte dose, miconazole utilisé par voie générale ou en gel buccal, phénylbutazone par voie générale ; millepertuis (plante utilisée en phytothérapie) : cf Interactions. Allaitement : cf Grossesse/Allaitement. Hypersensibilité ou intolérance au gluten, en raison de la présence d'amidon de blé (gluten). Relatives Risque hémorragique. La décision de débuter ou de continuer le traitement par AVK doit être prise en fonction du rapport bénéfice/risque propre à chaque patient et à chaque situation. Les situations à risque sont en particulier les suivantes : lésion organique susceptible de saigner; intervention récente neurochirurgicale ou ophtalmologique, ou possibilité de reprise chirurgicale ; ulcère gastroduodénal récent ou en évolution ; varices œsophagiennes ; hypertension artérielle maligne (diastolique > 120 mm Hg) ; accident vasculaire cérébral (excepté en cas d'embolie systémique). Insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 20 ml/min). Acide acétylsalicylique à dose antalgique et antipyrétique par voie générale, AINS par voie générale, chloramphénicol, diflunisal : cf. Interactions. Grossesse : cf. Grossesse/Allaitement.
5 E Conduite pratique d un traitement par les AVK 1. Mise en route du traitement : le relais Héparine-AVK La dose initiale d AVK est fixe : 1 cp de Préviscan, 4 à 5 mg de Coumadine ou 1 cp de Sintrom. On ne doit pas faire de dose de charge. Le traitement est pris tous les jours à la même heure, le soir de préférence. Le premier contrôle de l INR est effectué à 48 h pour détecter une hypersensibilié aux AVK. Les adaptations posologiques se font par demi ou quart de la dose initiale. Les AVK sont débutés sous héparine (HNF ou HBPM) à dose anticoagulante. La posologie de l héparine n est pas modifiée pendant cette période de relais. Elle est interrompue après 2 INR dans la zone thérapeutique souhaitée à 24 h d intervalle. Les posologies à jours alternés ne sont pas recommandées. 2. Traitement par AVK Une fois l équilibre obtenu, le traitement est surveillé par l INR deux fois par semaine pendant le premier mois puis 1 à 2 fois par mois en fonction de la stabilité de l équilibre du traitement chez chaque patient. 3. Arrêt des AVK Il n y a pas de consensus sur le mode brutal ou progressif de l arrêt des AVK. 4. Précautions d'emploi Les injections intramusculaires sont contre-indiquées et les traumatismes (sports violents) doivent être évités.
6 E Cas particuliers L enfant L utilisation des AVK chez l enfant est rare. Les recommandations sont extrapolées de celles de l adulte. Les doses sont rapportées au poids. Le contrôle de l INR doit être plus fréquent que chez l adulte. Les AVK sont contre-indiqués dans le premier mois de vie. Le sujet âgé Au-delà de 75 ans, le risque hémorragique est deux fois plus important. La prescription et la surveillance doivent tenir compte de l altération de la fonction rénale, des chutes, des polymédications, de la détérioration mentale. Le sujet non compliant Lorsqu il est prévisible que la compliance serra mauvaise, le rapport risque/bénéfice doit être particulièrement pesé. La grossesse Il existe un risque d embryopathie maximum entre la 6e et la 12 e semaine de grossesse. Les AVK traversent la barrière placentaire. Il existe un risque hémorragique fœtal au 3e trimestre. Les AVK sont formellement contre-indiqués au premier et au troisième trimestre de la grossesse. Ils sont déconseillés au second trimestre de la grossesse. En cas de grossesse débutée sous AVK, il ne semble pas y avoir d effet tératogène des AVK pendant les 6 premières semaines de grossesse. L allaitement L allaitement est à éviter. Contraception orale Étant donné l effet tératogène des AVK, il est justifié d instituer une contraception efficace chez la femme en âge de procréation. Le choix de la contraception dépendra de la maladie en cause.
7 E Interactions médicamenteuses De très nombreux médicaments interfèrent avec les AVK. Les associations thérapeutiques doivent être prudentes. T3 Potentialisation de l effet des AVK Diminution de l effet des AVK Absorption digestive Ralentisseurs de transit Antiacides, charbon activé, cholestyramine, laxatifs Liaison protéine-avk Diminution liaison : AINS, salicylés, les sulfamides, fibrates, Diflurex Daktarin, Nizoral statines Catabolisme hépatique des AVK Diminution : cimétidine, allopurinol, chloramphénicol, Daktarin Nizoral F lagyl, disulfirame Synthèse des facteurs K dépendants Diminution : amiodarone, quinidine, quinine, AINS Augmentation : barbituriques, carbamazépine, méprobamate, phénytoïne, rifampicine, griséofulvine Augmentation : œstrogènes, corticoïdes Vitamine K Diminution synthèse intestinale antibiotiques. Augmentation catabolisme Vitamine K per os et alimentaire Vitamine K injectable 7. Estimation d u risque hémorragique L estimation du rapport bénéfice/risque est une étape difficile de la décision thérapeutique, en particulier chez le sujet âgé. Certaines équipes ont établi des scores permettant d estimer le risque hémorragique au cours du temps en fonction de critères cliniques simples.
8 E05-8 T4 Estimation du risque hémorragique d un patient non hospitalisé sous AVK Facteurs de risque - Âge = 65 ans = 1 - Antécédent d AVC = 1 - Antécédent d hémorragie digestive = 1 - Infarctus du myocarde récent = 1 ou hématocrite < 30 % ou créatininémie > 15 mg/l ou diabète sucré Estimation du risque d hémorragie majeure Score = 0 Faible Score = 1 ou 2 intermédiaire 3 mois 2 % 5 % 23 % 12 mois 3 % 12 % 48 % 48 mois 5 % 26 % 78 % Score = 3 ou 4 Élevé 8. Gestion des complications hémorragiques T5 1. Surdosage asymptomatique INR 5Supprimer la prise suivante et réduire la posologie de 25 % 5 < INR 9 Arrêt du traitement INR quotidien Reprendre le traitement en réduisant de 25 % lorsque l INR est dans la zone thérapeutique INR > 9 Vit K1 1 à 2 mg per os Supprimer la prochaine prise Reprendre en réduisant de 25 à 50 % la posologie INR = (TQ patient/tq témoin) ISI 2. Surdosage avec hémorragie
9 E Hémorragie mineure. En cas d hémorragie mineure, les recommandations sont celles du T5 avec une injection de 1 à 2 mg de vit K1 IV. 2. Hémorragie majeure. En cas d hémorragie majeure, correction immédiate de la coagulation par du PPSB (Kaskadil 10 à 20 UI/kg) du facteur IX concentré, du facteur VIIa recombinant (Novoseven ) ou du Plasma Frais Congelé pour arrêter l hémorragie. Une injection de 2 mg de vit K1 IV en même temps permettra de corriger l INR dans un second temps (délai d'action de 4 à 6 h). 9. Gestion des effets indésirables non hémorragiques 1. Effets indésirables bénins Troubles digestifs, augmentation des transaminases, éruptions cutanées d origine immuno-allergique ou toxique sont plus fréquents avec les dérivés de l indanedione qu avec les dérivés coumariniques. Il convient alors de changer de classe thérapeutique sous contrôle clinique et biologique. Les AVK doivent être introduits avec prudence chez les patients porteurs d'un déficit en protéine C. Il a été rapporté plusieurs cas de nécroses cutanées sévères. 2. Effets indésirables immuno-allergiques des indanediones (Préviscan, Pindione ) Ils sont très rares. Ils surviennent 3 à 6 semaines après le début du traitement. La réaction immuno-allergique touche la moelle (agranulocytose), le foie (hépatite cholestatique) et le rein (néphropathie interstitielle aiguë). Ils imposent l arrêt immédiat du traitement et la contre-indication définitive des dérivés de l indanedione. 3. La résistance aux AVK est rare. Le plus souvent, il s agit de posologies insuffisantes. Elle justifie la vérification de l observance (dosage sanguin des produits de dégradation des antivitamines K) puis un changement de classe thérapeutique.
10 E Gestion du geste chirurgical ou de la manœuvre instrumentale chez un patient sous AVK Plusieurs schémas peuvent être proposés en fonction du rapport risque hémorragique du geste/risque thrombotique chez chaque patient. 1. Interruption ou diminution de la posologie des AVK jusqu à un INR à 1,5 (risque hémorragique chirurgical théoriquement nul) puis reprise du traitement AVK en postopératoire sous couvert d une héparinothérapie tant que l INR n est pas revenu dans la zone thérapeutique souhaitée (selon le risque thrombotique). 2. Arrêt des AVK et relais préopératoire par une héparinothérapie par héparine non fractionnée à la seringue électrique qui sera interrompue 4 h avant l intervention chirurgicale puis relais post-opératoire identique au choix précédent. 11. Éducation du patient La prescription d AVK nécessite une information et une éducation du patient. Celle-ci comporte notamment la remise d un carnet avec notification du groupe sanguin où sont notés les posologies et les résultats des INR, ainsi que l adresse et le téléphone du médecin en cas d urgence. Les notions d interaction médicamenteuse, d interférence alimentaire doivent être expliquées (choux, brocolis... sont riches en vitamine K). Il est également utile de mettre en garde le patient sur le risque de survenue d événements hémorragiques (hématomes, hématuries, gingivorragies) spontanés ou à l occasion d injections intramusculaires ou de pratiques sportives à risque ainsi que l éventualité d une grossesse, justifiant la prise d une contraception adaptée. La prise du médicament doit être signalée à l occasion de toute nouvelle consultation médicale, chirurgicale ou odontologique.
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