En Ukraine, le conflit avec la Russie redessine les contours de l orthodoxie
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1 Urbi&Orbi La Documentation catholique En Ukraine, le conflit avec la Russie redessine les contours de l orthodoxie Par Marie Malzac, le 19/5/2017 à 05h05 Dans le contexte du conflit avec la Russie, l Ukraine cherche à renforcer l autonomie de la branche locale du Patriarcat de Moscou.
2 Jeudi 18 mai, le parti présidentiel de Petro Porochenko a tenté de faire examiner un projet de loi au parlement ukrainien prévoyant des restrictions sur les activités de la branche locale de l Église orthodoxe russe. L examen de ce texte a toutefois été reporté sine die. Il prévoit que les organisations religieuses dont la direction est basée dans un «État agresseur» un terme souvent utilisé par Kiev pour désigner la Russie soient obligées de s enregistrer de nouveau auprès des autorités ukrainiennes, les plaçant ainsi sous une surveillance accrue. Un autre texte propose par ailleurs un accord sur la nomination des prêtres de l Église orthodoxe ukrainienne entre l Ukraine et la Russie. Cette tentative s inscrit dans un contexte global tendu à l égard de l Église orthodoxe ukrainienne, rattachée historiquement au Patriarcat de Moscou tout en jouissant, depuis 1991, date de la
3 disparition de l URSS, d une grande autonomie. Le gouvernement ukrainien souhaiterait renforcer encore cette indépendance. Pourquoi? «L Église orthodoxe russe est la seule institution recouvrant encore aujourd hui des anciens territoires de l URSS, il s agit donc d un levier diplomatique majeur pour Moscou», décrypte Jean-François Colosimo, intellectuel orthodoxe et historien des religions. D autant que l Ukraine constitue le «foyer» historique de l orthodoxie russe, d où l importance de cette Église aux yeux du patriarche russe Kirill. «Un obstacle à l émancipation par rapport à la Russie» On comprend ainsi la suspicion nourrie par le gouvernement ukrainien tandis que la guerre avec les pro-russes se poursuit à l Est du pays. Les autorités de Kiev accusent la Russie de les soutenir. Dans cette optique, «les liens entre le Patriarcat de Moscou et son antenne ukrainienne, tout indépendante qu elle soit, sont perçus comme un obstacle à l émancipation par rapport à la Russie», poursuit Jean-François Colosimo. Pourtant, les choses sont loin d être simples. En effet, les orthodoxes de l Église ukrainienne, qui représentent une part importante de la population dans le pays, ne sont pas forcément favorables à la Russie, ils sont même parfois tout à fait opposés à la politique, nourrie par une propagande offensive, menée
4 actuellement par Moscou. «On retrouve parmi eux les mêmes distinctions et lignes de fracture qu au sein de la société ukrainienne», souligne Jean-François Colosimo. Les tensions se retrouvent donc à plusieurs niveaux, y compris entre les différentes confessions. Si l Est de l Ukraine est principalement peuplé par les fidèles de l Église orthodoxe ukrainienne, l Ouest l est en revanche par les membres d une Église orthodoxe schismatique fondée en 1991, le Patriarcat de Kiev, et les grecs-catholiques, dont les relations avec les orthodoxes sont marquées par une hostilité réciproque. «Garantir une réelle indépendance» Selon Antoine Arjakovsky, historien orthodoxe et directeur de recherches au Collège des Bernardins, le texte proposé récemment au Parlement paraît toutefois «tout à fait normal» à nombre de fidèles de l Église orthodoxe ukrainienne. «Pour que cette dernière continue d exister et ne pas perdre toute crédibilité, ils ont bien conscience qu il faut qu elle puisse garantir une réelle indépendance vis-à-vis de Moscou, précise-t-il. Les orthodoxes ukrainiens sont conscients que leur Église est de plus en plus critiquée et veulent empêcher cette utilisation du religieux par le politique.» «De nombreux orthodoxes restent encore dans cette Église car le Patriarcat de Kiev n est pas reconnu comme canonique,
5 Powered by TCPDF ( poursuit par ailleurs le spécialiste. C est souvent le dernier verrou.» Mais le projet de loi a, en toute logique, provoqué une vive réaction du patriarche Kirill. Cette initiative, a-t-il déclaré, «menace les droits constitutionnels de millions de croyants ukrainiens». «Cela pourrait provoquer une vague de violence et une nouvelle saisie des églises (russes) et aboutir à une escalade du conflit intercommunautaire en Ukraine», a-t-il ainsi mis en garde dans un communiqué, inquiet de cette perte d influence. Kirill accuse l Ukraine d avoir saisi illégalement entre 2014 et 2016 plus de 40 églises, situées sur le territoire ukrainien, mais dépendantes du Patriarcat de Moscou. Mais le patriarche sait aussi qu il marche sur des œufs. «Il ne veut pas cabrer les fidèles ukrainiens, analyse Jean-François Colosimo, pour ne pas risquer de perdre cette Église.» À lire : En Ukraine, une marche religieuse accentue les divisions entre fidèles
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