L avenir de la Grèce. Les faits jusqu à aujourd hui
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- Flavie Bourget
- il y a 8 ans
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1 L avenir de la Grèce Dimitris Katsikas 1 Chef de l Observatoire de la crise Fondation hellénique de politique européenne et étrangère (ELIAMEP) et Université d Athènes Cette année est l une des plus cruciales de l histoire actuelle de la crise grecque. En 213, les Grecs sauront si, après six ans de détérioration économique et d augmentation de la dégradation sociale, ils auront enfin la possibilité d apercevoir «la lumière au bout du tunnel» ou si, à la perspective d une année supplémentaire d austérité et de récession, le calme relatif de ces derniers mois va se transformer en tempête. Les faits jusqu à aujourd hui On peut faire remonter le début de la crise grecque à 29, au moment où, après le changement de gouvernement d octobre, il est apparu que le déficit budgétaire du pays allait être supérieur au double de celui annoncé par le gouvernement sortant. Cette révélation a ébranlé la crédibilité du pays et attiré l attention des marchés financiers sur l état désespéré de l économie grecque. Les marchés étant de plus en plus réticents à concéder des prêts à la Grèce à un taux abordable, le pays s est vu contraint de se tourner vers ses partenaires européens pour leur demander leur aide financière. L accord de sauvetage signé le 2 mai 21 accordait sur trois ans un prêt de 11 milliards d euros, concédés par les États européens et le Fonds monétaire international (FMI). Pour l obtenir, le gouvernement s était engagé à mettre en œuvre un vaste programme politique (mémorandum) qui devait être supervisé par ce que 1 La rédaction de cet article a été achévée en avril 213 (note de l éditeur). l on a appelé la troïka (le FMI, la Commission européenne et la Banque centrale européenne ou BCE). Le programme politique exigeait la mise en place d une austérité drastique pour réduire le déficit budgétaire et améliorer la viabilité de la dette publique grecque, qui, à la fin 29, était de 3 milliards d euros, soit 13 % du PIB. Les mesures d austérité horizontales, telles que les coupes effectuées dans les salaires, dans les pensions et les augmentations d impôts ont été vite adoptées, ce qui a permis au gouvernement d avancer considérablement sur la voie de la consolidation budgétaire dès la première année du programme (graphique 3). En dépit de ces premiers signes positifs, il est devenu vite évident que la crise grecque n allait pas se régler facilement. Tout d abord, le programme de réformes structurelles visant à aider la Grèce à remanier un secteur public onéreux et inefficace et à améliorer sa compétitivité internationale n a jamais réussi à vraiment décoller, en raison principalement de la forte opposition, très bien organisée, de groupes d intérêts qui avaient tout à perdre de sa mise en œuvre. Du côté de l économie, l adoption d un premier programme d austérité s est vite traduite par une profonde récession. L activité économique s est paralysée tandis que des milliers de compagnies faisaient faillite et que le taux de chômage grimpait rapidement. Voilà qui a nui au succès du programme d ajustement. Les revenus publics ont chuté malgré l introduction d un tas de nouveaux impôts et une augmentation substantielle des impôts indirects. Dans le même temps, la dépense publique grimpait en raison de l augmentation des paiements d allocations chômage. Des écarts par rapport au programme ont obligé à prendre encore davantage de mesures d austérité, ce qui a alimenté la spirale éco- Annuaire IEMed. de la Méditerranée
2 GRAPHIQUE 3 Solde budgétaire des administrations publiques, Grèce (déficit (-) /excédent (+), % PIB, ) ,3-1,5-4 Annuaire IEMed. de la Méditerranée ,5 nomique descendante et élevé le chômage à des niveaux sans précédents (graphique 5). Dans le même temps, la baisse continue du PIB nuisait à la viabilité de la dette publique grecque, dont le taux par rapport au PIB ne cessait d augmenter, malgré l importante réduction du déficit budgétaire (graphique 4). -9,8-4,8-15,6-1, Solde budgétaire des administrations publiques, Grèce (déficit (-) /surplus (+), % PIB, ) Solde primaire des administrations publiques, Grèce (déficit (-) /surplus (+), % PIB, ) Remarque : Les données de 212 sont des prévisions. Sources : Commission européenne, Prévisions économiques européennes : hiver 213 Eurostat. GRAPHIQUE 4 Dette brute consolidée des administrations publiques,grèce (% PIB, ) ,2 112,9 129, ,7 148,3-4,9-9,4 17,6 Dette brute consolidée des administrations publiques, Grèce (% PIB, ) Remarque : Les données de 212 sont des prévisions. Sources : Commission européenne, Prévisions économiques européennes : hiver 213 Eurostat. Dans ce contexte, il est vite apparu que le programme de sauvetage n allait pas pouvoir atteindre ses objectifs. De fait, en février 212, un second accord de sauvetage de 13 milliards d euros était signé, accompagné d une restructuration de la dette publique grecque aux mains de créanciers privés. L accord d implication du secteur privé, qui a demandé une dé- -6,6 161,6
3 GRAPHIQUE 5 Taux de chômage et taux de croissance du PIB (27-212) GRAPHIQUE 6 Prêts non productifs (% total des prêts, ) Taux de chômage (% de la population active, ) Produit intérieur brut (Variation annuelle en pourcentage, ) Remarque : Les données de 212 sont des prévisions. Sources : Commission européenne, Prévisions économiques européennes : hiver 213 Eurostat. cote volontaire de 53,5 % de la valeur nominale des obligations, a réduit la dette publique grecque de 16 milliards d euros. Le nouvel accord de renflouement et l implication du secteur privé ont apporté un peu d oxygène au programme de sauvetage grec et substantiellement amélioré l échéance et le taux d intérêt de la dette grecque. L accord n a cependant pas vraiment suffit à réduire la dette, celle-ci, qui était auparavant à rembourser à des créanciers privés, étant désormais à rembourser au secteur public. Une partie du second prêt est une tranche d environ 5 milliards d euros empruntés par le gouvernement grec pour recapitaliser les banques du pays, lesquelles ont essuyé une lourde perte avec la décote des obligations gouvernementales qu elles avaient en portefeuille. Cette perte était venue s ajouter aux difficultés d un système bancaire déjà chancelant qui, en raison de l incertitude régnant sur l avenir du pays, avait dû subir une fuite de capitaux d environ 7 milliards d euros depuis 21. Pour ne rien arranger, la détérioration continuelle de l économie a sapé la santé du portefeuille de prêts bancaires, les prêts non productifs grimpant en flèche (graphique 6). Tous ces problèmes ont empêché les banques grecques d être en mesure de faire crédit aux entreprises, ce qui n a fait qu empirer le manque de liquidité général et accélérer encore la crise économique Prêts non productifs (% total des prêts, ) Source : FMI, Indicateurs de solidité financière (22/2/213). Modification de la scène politique Ces conditions ont alimenté la frustration et la colère de la population. Ces sentiments se sont exprimés ouvertement lors des élections de mai 212, un scrutin qui a changé radicalement (et peut-être de façon irrévocable) le paysage politique de la Grèce. Le parti socialiste, le PASOK, jusque-là en position dominante et qui était arrivé au pouvoir aux élections d octobre 29, a été relégué en troisième position et a reculé de plus de 3 points dans les sondages. Le parti de centre-droite Nouvelle Démocratie, qui était pourtant dans l opposition pendant presque toute cette période, n a pas fait beaucoup mieux. Bien qu arrivé en tête, il a enregistré les pires résultats électoraux de son histoire. Les grands gagnants de ces élections ont été les partis d extrême droite et d extrême gauche, unis par leur opposition à l accord de sauvetage et au mémorandum. On remarquera principalement le score de Syriza, un parti de gauche radicale, arrivé en deuxième place et ayant enregistré une extraordinaire augmentation d électeurs. Les négociations visant à former un gouvernement de coalition n ayant pas abouti, de nouvelles élections ont été convoquées pour le 17 juin. Ces nouvelles élections ont confirmé la transformation du paysage politique Annuaire IEMed. de la Méditerranée
4 Annuaire IEMed. de la Méditerranée grec. Mais cette fois-ci, les résultats ont permis de trouver une solution. Nouvelle Démocratie, le PASOK et le parti modéré de la Gauche démocratique, conscients qu un troisième round électoral mènerait tout droit le pays à la banqueroute, sont parvenus à former un gouvernement de coalition ayant pour mandat de renégocier l accord de sauvetage. Cet accord, en association avec les prévisions du gouvernement (et de la troïka) d un retour progressif de la croissance à partir du dernier trimestre 213, a fait croire à certaines personnes que l année 213 serait celle du début du rétablissement de la Grèce Pendant tout l été et jusqu à la fin octobre, le nouveau gouvernement a participé à des négociations serrées avec la Troïka au sujet d un train de nouvelles mesures d austérité de 11,5 (puis finalement 13,5) milliards d euros visant à couvrir une déviation prévisible par rapport aux objectifs d ajustement budgétaire pour 213 et 214. Le paquet de mesures d austérité induit a mis à rude épreuve le gouvernement de coalition. La Gauche démocratique, le novice du gouvernement de coalition, décida de s abstenir de voter au sujet des mesures d austérité en raison de son désaccord avec les nouvelles interventions sur le marché du travail. Par ailleurs, six parlementaires du PASOK et un de Nouvelle Démocratie rompaient les rangs de leurs partis et refusèrent de soutenir le nouvel accord. Les mesures ont finalement été adoptées par le Parlement à une toute petite majorité d à peine trois votes. Le gouvernement espérait que l adoption des nouvelles mesures allait permettre la renégociation des conditions de l accord de sauvetage et la mise à disposition d une tranche de 31,5 milliards d euros, attendue depuis juin et sans cesse reportée. Effectivement, le 26 novembre, au terme des négociations avec la troïka, les États membres de la zone euro et le FMI sont enfin parvenus à un accord de l Eurogroupe. Cet accord remplissait plusieurs des objectifs du gouvernement grec : le déblocage de 34,4 milliards d euros et une prévision de paiement des tranches de 212 restantes pour le premier trimestre 213, une prolongation du programme de consolidation budgétaire pendant encore deux ans, jusqu en 216, et une série de mesures (réduction des taux d intérêt, prolongement de l échéance des prêts, report du paiement des intérêts et un plan de rachat de la dette grecque sur le marché secondaire) visant à réduire la taille de la dette publique grecque à 124 % du PIB à l horizon 22. Les perspectives pour 213 L accord de novembre n a pas réussi à fournir une solution définitive à la crise grecque (il ne parvient pas, par exemple, à traiter en profondeur la question de la viabilité à long terme de la dette grecque). Il a toutefois apporté au gouvernement grec une solution à moyen terme qui lui a permis de présenter cet accord comme un tournant dans la crise. Plus encore, cet accord, en association avec les prévisions du gouvernement (et de la troïka) d un retour progressif de la croissance à partir du dernier trimestre 213, a fait croire à certaines personnes que l année 213 serait celle du début du rétablissement de la Grèce. Qu en est-il? Certains indices semblent confirmer ce scénario optimiste. Tout d abord, le déblocage de décembre d une tranche importante du fonds de sauvetage a permis au gouvernement de commencer à rembourser graduellement les quelque 8 milliards d euros qu il devait à des fournisseurs privés ces arriérés ayant eux aussi contribué à aggraver le manque de liquidité dont souffre l économie grecque. De décembre 212 à mars 213, le gouvernement a ainsi pu payer environ 1,5 milliards d euros. De plus, le déblocage de la tranche de décembre a apporté les fonds nécessaires pour achever la recapitalisation du système bancaire grec qui, une fois terminée, devrait permettre l octroi de crédits dans l économie réelle. Les espoirs sont également confortés par le fait que, ces derniers mois, après les élections et l accord de novembre, quelque 1 milliards d euros sont retournés dans les caisses du système bancaire. Par ailleurs, l accord de novembre a considérablement réduit le risque de «Grexit», très importante épée de Damoclès, et il a créé des conditions plus favorables aux investissements étrangers dans
5 le pays. De fait, pendant les premiers mois de 213, des compagnies telles que Hewlett Packard, Unilever et SAP ont annoncé leur intention d augmenter leur présence en Grèce. Enfin, la saison touristique s annonce très prometteuse. Ces signes encourageants suffisent-ils à étayer la thèse d une issue favorable pour l économie grecque et à envisager une sortie de la crise en 213? Difficile à dire. Il reste encore trop d incertitudes, dont, en premier lieu, les avancées du programme d ajustement. Comme nous l avons dit, l accord de novembre, bien que positif pour la Grèce, repose sur l adoption préalable par le gouvernement grec et la troïka de mesures d austérité pour un total de 13,5 milliards d euros; des mesures pour un montant de 9,5 milliards d euros doivent être mises en œuvre en 213. Elles vont certainement aggraver la récession, même si l on ignore encore jusqu à quel point. Les prévisions de la troïka établissent la récession à 4,5 % en 213, mais toutes ses pronostics précédents ont été erronés et ont ensuite été révisés à la baisse. On peut d ailleurs craindre que la récession soit pire que prévue au vu de la récente détérioration de la situation à Chypre. Les décotes appliquées aux dépôts des banques chypriotes vont affecter de nombreuses sociétés et ménages grecs qui avaient déposé de l argent à Chypre. Et la forte récession attendue cette année à Chypre ne manquera pas d avoir des retombées sur l économie grecque puisque les deux pays sont unis par des liens économiques et commerciaux très étroits. Les parlementaires grecs subissent une énorme pression de la part de la société et ils ne donneront pas leur accord à un autre volet de mesures d austérité. Ce qui signifie que le gouvernement grec doit éviter toute édulcoration du programme et faire en sorte qu il fonctionne Outre l intensité de la récession, d autres facteurs ont une influence négative sur les avancées du programme. Ainsi, les progrès en matière de réformes structurelles restent insatisfaisants ; au-delà des considérations politiques, on peut dire que cela est dû à une capacité limitée d administration de l appareil d État et à son incapacité à faire avancer à la vitesse requise des réformes aussi profondes et aussi complexes. Le problème ne fait en réalité que s aggraver car on assiste à une avalanche de départs à la retraite anticipés, les fonctionnaires tâchant d éviter les effets indésirables sur leur régime de retraite qui découleront des changements appliqués au système des pensions. Par ailleurs, les efforts consentis par la Grèce pour gagner en compétitivité et accroître ses exportations sont minés par le défavorable climat économique international. La nouvelle récession européenne a ralenti l impressionnante augmentation des exportations grecques pendant les premières années de la crise et a donc diminué leur potentielle contribution au rétablissement de l économie. Et puis, on ne peut pas oublier le climat politique de la Grèce. Après 5 ans d austérité et de récession, plombée par un taux de chômage qui, en décembre 212, atteignait les 26,4 %, la société grecque est en proie à la colère, à la frustration et au désespoir. Il existe une énorme pression sur le système politique pour qu il mette fin à l austérité. La pression exercée sur le gouvernement de coalition, politiquement divers et fragile, est encore plus forte, en raison des discours populistes des partis rangés à gauche et à droite du spectre politique. Un déraillement du programme d ajustement dû à tous ces problèmes pourrait entraîner des changements parfois très difficiles à réaliser d un point de vue politique. Quand bien même la coalition gouvernementale conviendrait, d une façon ou d une autre, d imposer davantage de mesures d austérité pour compenser des écarts par rapport au programme, il est hautement improbable que ces mesures soient adoptées par le Parlement grec. Les parlementaires grecs subissent une énorme pression de la part de la société et ils ne donneront pas leur accord à un autre volet de mesures d austérité. Ce qui signifie que le gouvernement grec doit éviter toute édulcoration du programme et faire en sorte qu il fonctionne. S il n y parvient pas, nul ne pourra prédire l avenir de la Grèce. Une seule chose est sûre, et c est que 213 sera une année cruciale pour la Grèce, pour le meilleur ou pour le pire. Annuaire IEMed. de la Méditerranée
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