Accès à l insémination artificielle pour les femmes seules et les couples de lesbiennes les effets de la législation récente



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Transcription:

C O N C E V O I R : T Ô T O U T A R D? Accès à l nsémnaton artfcelle pour les femmes seules et les couples de lesbennes les effets de la légslaton récente 6 par Mchel T. Groux Les femmes seules et les lesbennes en relaton de couple détennent-elles un drot à l enfant? Ces femmes peuvent-elles exger l nsémnaton artfcelle? Quelle est la portée de la légslaton récente? Lorsque Rachel vt qu elle ne donnat pont d enfants à Jacob, elle porta enve à sa sœur, et elle dt à Jacob : Donne-mo des enfants, ou je meurs! (Genèse) Le refus de la maternté! C est, pour un peuple, la chose la plus nquétante, la plus mortelle qu sot. La connassance humane a commencé par le sourre de l enfant à la bonté. L enfant a cette vertu de bonfer non seulement le cœur de sa mère, mas celu de son père auss. L enfant est, en plus, le len le plus naturel et le plus beau entre sa mère et son père et l avenr d un peuple. (Félx-Antone Savard, Carnet du sor ntéreur II) M e Mchel T. Groux, avocat et éthcen, est professeur assocé à la faculté de médecne de l Unversté Laval et drecteur de l Insttut de consultaton et de recherche en éthque et en drot (ICRED). ABORD, UN PARADOXE. Peu de dmensons de l exstence D humane sont auss ntmes et prvées que l orentaton sexuelle et la procréaton. La mse en œuvre de la procréaton suppose qu une femme prenne au mons tros décsons qu lu appartennent : l opportunté d avor des enfants à tel moment de sa ve, le chox de son partenare et le nombre d enfants. Par contre, peu de décsons ntmes comportent des questonnements jurdques et socaux auss sgnfcatfs que celle d utlser des servces d nsémnaton artfcelle. La femme qu désre un enfant peut toujours recourr à la brève mas ntense rencontre lors de laquelle elle n nforme pas de son projet parental l heureux génteur qu s gnore. Toutefos, cet expédent comporte des dffcultés mmédates de deux ordres. D abord, la possblté de contracter une malade transmssble sexuellement, dont certanes menacent la santé ou la ve. La seconde dffculté survent lorsque la femme qu désre un enfant est lesbenne et que le recours à la méthode naturelle ne lu sourt pas partculèrement. Vu ces dffcultés, les femmes seules et les couples de lesbennes qu désrent un enfant s adressent à des clnques publques ou prvées d nsémnaton artfcelle. Grosso modo, ces clnques peuvent offrr leurs servces dans tros contextes, selon la stuaton socale de la femme nsémnée. Premèrement, nsémner une femme au moyen du sperme de son mar ou de son conjont de fat. Deuxèmement, nsémner une femme en relaton de couple avec un homme au moyen du sperme d un autre homme. Dans ces deux cas, la fnalté est de contourner l nfertlté de l homme ou de prévenr un rsque élevé de transmsson d une malade hérédtare grave. La trosème possblté est d nsémner une femme seule ou une femme en relaton de couple avec une autre femme. Le Médecn du Québec, volume 37, numéro 11, novembre 2002 95

96 Au Québec, les demandes d nsémnaton provenant de femmes seules ou de couples de lesbennes ont reçu des accuels varés. Dans les cas où l nsémnaton artfcelle a été refusée aux femmes seules ou aux couples de lesbennes, les responsables des clnques ont fat valor que l ntérêt de l enfant dot être au centre des préoccupatons de toutes les personnes concernées et qu une femme seule ou un couple de lesbennes ne peut offrr à l enfant un mleu auss propce à son développement qu un couple hétérosexuel. L état du drot a été modfé lorsque l Assemblée natonale a adopté le projet de lo n o 84 nttulé Lo nsttuant l unon cvle et établssant de nouvelles règles de flaton. Ce projet de lo a été sanctonné le 8 jun 2002 et est entré en vgueur le 24 jun 2002. Voyons s les modfcatons apportées au Code cvl garantssent aux femmes seules et aux couples de lesbennes l accès aux servces d nsémnaton artfcelle. Exste-t-l un drot à l enfant? Demandons-nous s l exste vértablement un drot à l enfant. Chaque personne détent la lberté d avor des relatons sexuelles avec qu elle veut. Une autre lberté vécue tous les jours est celle d avor et d éduquer un enfant. Par «lberté», on entend c la possblté d agr selon ses propres chox, sans contrante extéreure ou sans avor à en référer à une autorté quelconque. Toutes les femmes peuvent avor des relatons sexuelles avec quconque leur plaît et chosr de procréer au moment et dans les condtons ndvduelles ou famlales qu leur convennent. Il exste une lberté totale d avor un enfant, au sens où personne ne détent le pouvor légtme d empêcher une femme d avor un enfant, tant qu elle compte y parvenr par le procédé naturel. La reconnassance de la lberté d avor un enfant mplquet-elle qu l exste auss un drot à l enfant? Toute chose désrée fat-elle l objet d un drot? S agt-l de convoter cette chose avec détermnaton pour qu elle fasse l objet d un drot? S agrat-l plutôt de l espérer dans la souffrance du beson nassouv? Cette expresson de «drot à l enfant», s souvent lue et entendue, mérte qu on s y arrête parce qu elle colore des perceptons et qu elle amplfe consdérablement certanes attentes. Arrêtons-nous d abord sur le désr ou le beson d avor un enfant. Rachel s adresse à Jacob dans le langage du désespor. La procréaton consttue un acte de la ve absolument fondamental et nécessare dans l exstence de pluseurs adultes. Il semble que, chez certanes personnes, l absence d enfant peut unment être vécue comme une absence radcale de sens. Arstote a défn l unon nécessare de l homme et de la femme à des fns de procréaton comme provenant de la tendance naturelle à lasser derrère so un être qu nous ressemble : La premère unon nécessare est celle de deux êtres qu sont ncapables d exster l un sans l autre : c est le cas pour le mâle et la femelle en vue de la procréaton (et cette unon n a ren d arbtrare, mas comme dans les autres espèces anmales et chez les plantes, l s agt d une tendance naturelle à lasser après so un autre être semblable à so) 1. L nsémnaton artfcelle a pour caractérstque et comme avantage sur l adopton d offrr aux femmes la possblté de mettre au monde et d éduquer un enfant qu prolongera leurs caractérstques bologques personnelles ans que celles de leur famlle. La satsfacton du désr d avor un enfant est-elle exgble à ttre de drot? Qu est-ce qu un drot? Le premer sens du mot «drot» est celu de chose due en rason de sa convenance ou de son égalté. Cette chose due, qu fat l objet des échanges socaux, prend toutes les formes possbles : une somme d argent, un meuble, un vaccn, un servce professonnel, etc. J a drot à tel servce parce que je paye ce que vaut ce servce pour l obtenr. J a drot à tels sons de santé parce qu ls convennent à mon état. Un drot trouve son fondement sot dans la lo (drot légal), sot dans la morale (drot moral). Une llustraton de drot légal se trouve dans la réglementaton fscale qu fxe le montant des acomptes provsonnels. Le contrbuable qu aurat versé un montant trop mportant de ces acomptes L nsémnaton artfcelle a pour caractérstque et comme avantage sur l adopton d offrr aux femmes la possblté de mettre au monde et d éduquer un enfant qu prolongera leurs caractérstques bologques personnelles ans que celles de leur famlle. Le Médecn du Québec, volume 37, numéro 11, novembre 2002

détent le drot d être remboursé. Quant au drot moral, les revendcatons à l égalté jurdque et poltque des mnortés racales de certans pays l llustrent ben. Exste-t-l, au Québec, un drot légal à l enfant? Plus précsément, pouvons-nous trouver une dsposton de la lo qu accorde aux usagers des servces de santé la capacté légale d exger un enfant des clnques de fertlté? L artcle 5 de la Lo sur les servces de santé et les servces socaux qualfe les servces auxquels ont drot les usagers. Cette dsposton énonce que toute personne a le drot de recevor des servces de santé et des servces socaux adéquats : Toute personne a le drot de recevor des servces de santé et des servces socaux adéquats sur les plans à la fos scentfque, human et socal, avec contnuté et de façon personnalsée 2. La qualfcaton des sons comme devant être adéquats, notamment sur le plan scentfque, n a pas pour effet de créer une oblgaton de résultats exgble des établssements et des professonnels du réseau de la santé. Il exste un drot aux servces de santé dans la mesure de leur dsponblté, mas pas un drot à la santé. De la même façon, les sons dspensés pour ader une personne à avor un enfant ne sont pas régs par une oblgaton de résultat, mas par une oblgaton de moyens. Il n exste pas de drot légal à l enfant, car un tel drot mposerat une oblgaton de résultat aux professonnels de la santé. L oblgaton de moyens s applque auss aux clnques de fertlté prvées. Exste-t-l un drot moral à l enfant? L affrmaton ou la revendcaton d un drot provent d une personne qu on appelle le détenteur ou le créancer. La personne est détentrce de ce drot s elle l exerce, et elle en est créancère s elle le revendque. Le drot de l un a pour corrélatf le devor d un autre qu on appelle le débteur. Le drot de l un se justfe par une relaton qu fat de l autre un débteur. Un drot exste lorsqu on a dentfé un créancer et un débteur et qu on a fondé ratonnellement la dette du débteur. Dans le contexte de nos servces de santé en matère de reproducton, qu ls soent publcs ou prvés, pouvons-nous fonder ratonnellement l oblgaton de l État ou celle de l entreprse prvée de procurer un enfant à une femme qu en veut un? La réponse est manfestement négatve. Il n exste pas de drot moral à l enfant. En morale ou en éthque, l expresson «drot à l enfant» pose des dffcultés mportantes d un autre pont de vue, qu est celu du respect que l on dot à toute personne, ncluant l enfant. De par sa composton comme expresson lngustque et la connotaton qu l dégage, le concept de «drot à l enfant» s apparente aux drots revendqués relatvement à des objets. Certans cragnent que la noton de drot à l enfant comporte une nstrumentalsaton de l enfant. Instrumentalser quelqu un sgnfe le consdérer comme un smple moyen ou un ntermédare, le concevor sous son angle utltare. Dans un ouvrage récent, le phlosophe amércan Wllam B. Irvne décrt deux types de parents: les parents-proprétares (parents as owners) et les parents-fducares (parents as stewards). Cet auteur décrt les parents-proprétares comme des gens pour qu l enfant est un nstrument : Why do people make and rase chldren? Accordng to the ownershp model of parentng, for much the same reason as they buy and own cars. Chldren are useful to have around. And accordng to the ownershp model, chldren, lke cars, are there to be used or exploted; they are there so that the owner s lfe can be made easer, or so that the owner can accomplsh varous self-nterested goals. The chldren are not an end n themselves, but are nstead means to an end, that end beng the well-beng of the owner-parent 3. Supposons qu un adulte désre un enfant parce que cette présence devrat faclter ses rapports socaux ou lu permettre un melleur développement personnel. Suvant le mode nstrumental, cet adulte pourrat revendquer son drot à l enfant unquement en rason de l épanoussement qu l en attend. L nstrumentalsaton de l enfant est radcalement nacceptable, pusqu elle le dépoullerat de sa dgnté ntrnsèque et en ferat un être qu vvrat pour Formaton contnue 97 L nstrumentalsaton de l enfant est radcalement nacceptable, pusqu elle le dépoullerat de sa dgnté ntrnsèque et en ferat un être qu vvrat pour autru, un être dont l exstence même, et depus les orgnes, se trouverat au servce d autru. L exercce légtme que les adultes font de leur autonome ne saurat justfer qu une autre personne, l enfant, exste exclusvement pour la convenance d autru. Le Médecn du Québec, volume 37, numéro 11, novembre 2002

E N C A D R É L nsémnaton pour les femmes seules et pour les couples de lesbennes 98 Arguments défavorables La pratque de l nsémnaton, en solant la procréaton de la sexualté, prve l enfant de provenr d une vértable relaton conjugale ; L enfant a le drot de naître d une mère et d un père qu l connaîtra éventuellement et qu lu procureront une famlle, ans qu une hstore et une dentté personnelles et socales ; La venue au monde d un enfant devrat être ssue de l amour et de l unon physque des personnes qu l éduqueront ; La présence de parents du même sexe est susceptble d engendrer chez l enfant des dffcultés d dentfcaton quant à son rôle d être sexué ; Devenu adolescent ou adulte, l enfant peut éprouver le beson de connaître son génteur ; La prestaton exclusve des servces d nsémnaton artfcelle aux couples hétérosexuels stables ne retre aucun drot n aucune lberté aux femmes seules et aux couples de lesbennes ; La ve psychologque du couple de lesbennes sera marquée par la percepton que l enfant est beaucoup plus proche de sa mère bologque, pusqu l en consttue le prolongement. Cette négalté du statut parental est propre à entraîner des dffcultés de couple que ressentra l enfant ; L utlsaton de l nsémnaton pour procurer un enfant à une femme seule ou à un couple de lesbennes consttue un détournement de la msson médcale, pusqu l ne s agt pas de résoudre un problème clnque, mas de contourner les lmtes d une bologe sane. Arguments favorables Face à l alternatve de la non-exstence, l est préférable qu un enfant exste ; L nsémnaton des femmes seules et des couples de lesbennes condura à plus d égalté parm toutes les catégores de ctoyens ; Les recherches récentes sur le développement psychosocal des enfants élevés par des parents homosexuels ndquent que l homosexualté des parents n a pas d effets nocfs sur leur développement ; Pusque le ben-être et le développement des enfants ne sont pas menacés, l n exste aucun motf rasonnable de mantenr une dscrmnaton à l égard des couples de lesbennes qu désrent obtenr des servces d nsémnaton ; L nsémnaton artfcelle produt un enfant qu est génétquement relé à la femme nsémnée, ce qu crée un len plus étrot que l adopton ; Le contrôle accru de l human sur sa reproducton partcpe à l aventure de la lberté et de la conquête scentfque. autru, un être dont l exstence même, et depus les orgnes, se trouverat au servce d autru. L exercce légtme que les adultes font de leur autonome ne saurat justfer qu une autre personne, l enfant, exste exclusvement pour la convenance d autru. Partant, l n exste pas de drot à l enfant. Cependant, nous pouvons constater chez une personne le désr d avor un enfant et lu reconnaître le drot d utlser certans moyens pour y parvenr. Depus pluseurs années, la reconnassance jurdque du drot à certans servces pour les femmes seules et les couples de lesbennes a fat l objet d un débat jurdque et socal vgoureux. L accès à l nsémnaton artfcelle Pour ben comprendre cette parte, le lecteur dot être nformé de certans aspects du mandat de la Commsson des drots de la personne et de la jeunesse du Québec (Commsson). Cet organsme publc reçot les plantes de toute personne ou de tout groupe de personnes qu se crot vctme d une volaton de ses drots relevant de la com- Le Médecn du Québec, volume 37, numéro 11, novembre 2002

pétence de la Commsson. Celle-c a le pouvor d enquêter sur les cas de dscrmnaton à la condton que cette dscrmnaton se rapporte à l un des motfs énumérés à l artcle 10 de la Charte des drots et lbertés de la personne (Charte). Après avor examné la preuve, la Commsson propose aux partes la négocaton d un règlement ou l arbtrage. S le règlement ou l arbtrage ne sont pas ms en œuvre, la Commsson peut s adresser à un trbunal, dont le Trbunal des drots de la personne, pour obtenr les mesures approprées. Devant un trbunal, la Commsson prend fat et cause pour le plagnant et elle assume les fras du procès. Les établssements qu refusent l accès à leur servce d nsémnaton artfcelle nvoquent leur réglementaton nterne, qu défnt le publc vsé par l offre de ces servces. Cette réglementaton a-t-elle vértablement le pouvor jurdque d exclure les femmes seules et les lesbennes de l nsémnaton artfcelle? Le texte de lo qu l convent d examner dans cette dscusson est la Charte. Suvant la Charte, toute personne bénéfce d un drot à l égalté, sans dscrmnaton fondée notamment sur l orentaton sexuelle ou l état cvl. Dans notre exposé, l orentaton sexuelle vse les couples de lesbennes, et l état cvl concerne les femmes seules. Voc le célèbre artcle 10 de la Charte : Toute personne a drot à la reconnassance et à l exercce, en plene égalté, des drots et lbertés de la personne, sans dstncton, excluson ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l orentaton sexuelle, l état cvl, l âge sauf dans la mesure prévue par la lo, la relgon, les convctons poltques, la langue, l orgne ethnque ou natonale, la condton socale, le handcap ou l utlsaton d un moyen pour paller ce handcap. Il y a dscrmnaton lorsqu une telle dstncton, excluson ou préférence a pour effet de détrure ou de compromettre ce drot 4. À premère vue, l excluson des femmes seules et des lesbennes semble prohbée. Cependant, l artcle 10 dot être lu en relaton avec l artcle 12 de la même Charte. Cet artcle 12 trate des cas de dscrmnaton concernant les bens ou les servces ordnarement offerts au publc : Nul ne peut, par dscrmnaton, refuser de conclure un acte jurdque ayant pour objet des bens ou des servces ordnarement offerts au publc 4. Examnons l nterprétaton que donne à l artcle 12 la majorté des membres de la Commsson. Les servces de santé sont des servces «ordnarement offerts au publc». En prncpe, le publc vsé par un servce de santé est consttué des personnes qu ont beson de ce servce. Il s agt c de savor quel est le publc vsé par le servce d nsémnaton artfcelle de l établssement. S le publc vsé est l ensemble de la populaton, une dscrmnaton à l égard des femmes seules ou des couples de lesbennes contrevendrat à la Charte. S le publc vsé est fat de couples stables hétérosexuels, le refus d accès aux femmes seules et aux couples de lesbennes paraît légal. Voc le pont de vue majortare de la Commsson à ce sujet : Le publc vsé par un servce médcal peut être restrent à une catégore de personnes, celles qu ont beson de ces servces. La détermnaton du publc vsé par un établssement offrant des servces d nsémnaton artfcelle a toutefos suscté un débat. Dans tros dossers d enquête, la Commsson, à la majorté de ses membres, a consdéré que le refus de donner accès à l nsémnaton artfcelle à une femme célbatare n état pas contrare à l artcle 12 parce que la clnque ou l établssement en cause offrat ce type de servce afn de paller l nfertlté masculne dans un couple stable. Une femme seule ou une femme fasant parte d un couple de même sexe ne fat donc pas parte de ce publc. Par alleurs, les membres dssdents dans ces dossers étaent d avs que l on ne pouvat accepter cette défnton du publc cblé parce que celle-c comportat en so un élément dscrmnatore excluant certanes femmes sur la base de l état cvl ou de l orentaton sexuelle. En conséquence, la Commsson n a pas jugé opportun de sasr un trbunal de ces plantes 5. Jusqu à l adopton du projet de lo n o 84, l état du drot semble avor été qu un établssement pouvat refuser aux femmes seules et aux couples de lesbennes l accès à son servce d nsémnaton artfcelle s ces deux groupes de femmes ne fasaent pas parte du publc que vsat l établssement en offrant ce servce. Formaton contnue 99 Les problèmes jurdques des dernères années vennent de ce que nous devons magner des drots parentaux fondés sur des lens non bologques ou partellement bologques dans le contexte nédt de l nsémnaton artfcelle plutôt que dans celu ben connu de l adopton tradtonnelle. Le Médecn du Québec, volume 37, numéro 11, novembre 2002

100 L évoluton du drot Les problèmes jurdques des dernères années vennent de ce que nous devons magner des drots parentaux fondés sur des lens non bologques ou partellement bologques dans le contexte nédt de l nsémnaton artfcelle plutôt que dans celu ben connu de l adopton tradtonnelle. Jusqu à tout récemment, les jurstes tentaent de régler les questonnements que soulève l nsémnaton artfcelle en procédant par analoge, sur la base des dspostons de la lo concernant la flaton et l adopton. Cependant, nous estmons que l évoluton du drot devrat être orentée selon deux paramètres étrotement relés: l ntérêt de l enfant et une nouvelle défnton du publc vsé par la pratque de l nsémnaton artfcelle. La réponse à la queston de savor ce qu est un envronnement famlal propce à l ntérêt de l enfant ade à défnr le publc vsé par la pratque de l nsémnaton artfcelle. Dans nos chamalles d adultes sur la fécondté, gardons à l esprt que le premer ben-être à préserver est celu de l enfant à venr. La Conventon relatve aux drots de l enfant (Conventon) ntervent dans ce débat, pusque l exstence de certans enfants sera affectée par des décsons judcares, admnstratves et légslatves. L artcle 3 (1) de la Conventon énonce que l ntérêt supéreur de l enfant dot être une consdératon prmordale dans toutes les décsons qu le concernent : Dans toutes les décsons qu concernent les enfants, qu elles soent le fat des nsttutons publques ou prvées de protecton socale, des trbunaux, des autortés admnstratves ou des organes légslatfs, l ntérêt supéreur de l enfant dot être une consdératon prmordale 6. Les enfants dont nous parlons n exstent pas encore, mas nous devons examner mantenant certans aspects de la ve que nous leur offrrons afn de détermner s les pratques envsagées mértent qu on les généralse ou qu on en faclte l accès. Est-l dans l ntérêt de l enfant à venr qu une femme seule ou qu un couple de lesbennes pusse obtenr l nsémnaton artfcelle et ans devenr des parents? Cette queston a fat l objet de vfs débats, notamment dans les médas. Deux ponts de vue s opposent. Celu qu a prévalu jusqu à récemment consdère généralement ncompatble avec le ben-être de l enfant qu l at un seul parent, sa mère, ou que ses parents soent deux personnes du même sexe. Selon ce pont de vue, le publc vsé par l nsémnaton artfcelle devrat comprendre exclusvement les couples hétérosexuels. L autre pont de vue affrme que les femmes seules et les couples de lesbennes sont auss aptes que les couples hétérosexuels à procurer un mleu famlal propce à la bonne éducaton des enfants. Les tenants de cette opnon nsstent pour cter les conclusons d études actuelles tendant à démontrer que les enfants éduqués par les couples homosexuels se développent auss ben que les enfants éduqués par des couples hétérosexuels. De plus, on ame rappeler le nombre et la gravté des cas de néglgence et de volence envers des enfants dont les parents forment un couple hétérosexuel stable. Une juste évaluaton de l ntérêt de l enfant exge qu on se dégage de la percepton selon laquelle les femmes seules et les lesbennes en couple font de mauvas ou de mons bons parents. Pour les tenants de ce pont de vue, le publc vsé par l nsémnaton artfcelle devrat nclure les femmes seules et les couples de lesbennes. S l reconnaît que l nsémnaton artfcelle des femmes seules et des couples de lesbennes ne comporte pas d nconvénent majeur pour l enfant, le légslateur peut juger opportun d exercer son pouvor de modfer le Code cvl pour exprmer clarement que les femmes seules et les couples de lesbennes appartennent dorénavant au publc vsé par la pratque de l nsémnaton artfcelle. En adoptant le projet de lo n o 84, le légslateur a chos d élargr le publc vsé par l nsémnaton artfcelle pour nclure les femmes seules et les couples de lesbennes. Dorénavant, la dstncton fondée sur l état cvl ou l orentaton sexuelle des femmes n est plus recevable en matère d nsémnaton artfcelle. Le projet de lo n o 84 opère une modfcaton au Code cvl, car l remplace le chaptre ancen sur la procréaton médcalement assstée par un chaptre nouveau nttulé «De la flaton des enfants nés d une procréaton assstée». Le légslateur y énonce clarement qu un projet parental peut être celu d une femme seule ou d un couple de lesbennes, en plus d être celu d un couple La réponse à la queston de savor ce qu est un envronnement famlal propce à l ntérêt de l enfant ade à défnr le publc vsé par la pratque de l nsémnaton artfcelle. Le Médecn du Québec, volume 37, numéro 11, novembre 2002

hétérosexuel. Le nouvel artcle 538 du Code cvl se lt comme sut : Le projet parental avec assstance à la procréaton exste dès lors qu une personne seule ou des conjonts ont décdé, afn d avor un enfant, de recourr aux forces génétques d une personne qu n est pas parte au projet parental. Les modfcatons récentes apportées au Code cvl devraent avor pour effet que tous les établssements et les clnques prvées qu offrent un servce d nsémnaton artfcelle le rendent accessble aux femmes seules et aux couples de lesbennes. Le Code cvl s est valu le surnom de «lo du peuple». On l a désgné ans parce qu l structure et ordonne la ve socale quotdenne de tous les ctoyens. Ce statut «populare» confère au Code cvl un prestge qu amplfe la dmenson symbolque de ses dspostons. Son nouvel artcle 538 manfeste de façon éclatante que certanes valeurs de notre socété sont en mutaton. S U M M A R Y Access to artfcal nsemnaton for sngle women and lesban couples: the effect of recent legslaton. Some hosptals and prvate clncs have sometmes dened to sngle women and lesban couples access to artfcal nsemnaton for the only reason that these women dd not offer a famly envronment promotng the development of the unborn chld. Reproducton consttutes a fundamental necessty n the lves of several adults. Some persons see lfe wthout chldren as a lfe devod of purpose. The need to have a chld, even though strong, does not however create the rght to have a chld. Access to artfcal nsemnaton servces does not rest on the rght to a chld, but on the rght to certan servces. The new Secton 538 of the Quebec Cvl Code wll prevent dscrmnaton aganst sngle women and lesban couples seekng artfcal nsemnaton. Key words: artfcal nsemnaton, lesbans, lesban couples, rght to a chld, Cvl Code. Formaton contnue EN PRINCIPE,l orentaton sexuelle et la procréaton appartennent à la ve prvée et à l ntmté de chacun. Chacun décde pour so. Cependant, les personnes qu ont fat appel à des établssements ou à des clnques prvées pour obtenr un servce d nsémnaton artfcelle ont constaté qu une porton mportante de leur ve prvée pouvat leur échapper. Se reconnassant une responsablté envers les enfants à naître, certanes clnques de fertlté ont adopté des exgences de nature famlale ou socale à l égard des personnes et des couples qu demandaent l nsémnaton artfcelle. Dans de telles condtons, la procréaton perd de son caractère ntme ou prvé, pusque le désr d avor un enfant se trouve crconscrt par des normes extéreures aux prncpales ntéressées. L adopton du nouvel artcle 538 du Code cvl a pour conséquence de permettre aux femmes seules et aux couples de lesbennes de requérr l accès à l nsémnaton artfcelle dans un plus grand respect de leur ve prvée et de leur ntmté, pusqu on ne pourra plus leur opposer légalement un mode de ve jugé défcent à l égard du développement de l enfant à venr. Cette évoluton de notre légslaton opère unquement dans le champ jurdque, en ce sens qu elle peut nfluencer, mas ne détermne pas le contenu du débat moral, qu demeure ouvert. c Date de récepton : 31 jullet 2002. Date d acceptaton : 8 août 2002. Mots clés:nsémnaton artfcelle, lesbennes, couples de lesbennes, drot à l enfant, Code cvl. Bblographe 1. Arstote. La Poltque. Pars : Lbrare phlosophque J. Vrn, 1982 ; lvre I, chap. 2, 1252 a, 25-30 : 24-25. 2. L.R.Q., chaptre S-4.2. 3. Irvne WB. Dong Rght by Chldren. St. Paul : Paragon House, 2001 : 211-2. 4. L.R.Q., chaptre C-12. 5. Commsson des drots de la personne et des drots de la jeunesse du Québec. Commentares sur l Avant-projet de lo nsttuant l unon cvle des personnes de même sexe et modfant le Code cvl et d autres dspostons légslatves. CDPDJ, févrer 2002 : 21. 6. Natons Unes. Conventon relatve aux drots de l enfant (entrée en vgueur le 2 septembre 1990). Servce de l édton et de la documentaton du Consel de l Europe, 1995 : 127. 101 Cette évoluton de notre légslaton opère unquement dans le champ jurdque, en ce sens qu elle peut nfluencer, mas ne détermne pas le contenu du débat moral, qu demeure ouvert. Le Médecn du Québec, volume 37, numéro 11, novembre 2002