INTRODUCTION À LA THÉORIE DE STABILITÉ DES SYSTÈMES CONSERVATIFS David Ryckelynck Centre des Matériaux, Mines ParisTech David.Ryckelynck@mines-paristech.fr Bibliographie : Stabilité et mécanique non linéaire, Quoc-Son Nguyen, Etudes en mécanique des matériaux et des structures, Hermes, 2000 31 mars 2014
Evolution et stabilité Rappel, la rupture fragile est un changement radical d un état d équilibre. Le taux de restitution d énergie est alors consommé en énergie de surface. De façon plus générale, certaines configurations d équilibre ne sont pas observables, on pourrait dire qu elle n existent pas physiquement, du fait qu elles sont instables. Pour les systèmes conservatifs, comme les poutres élastiques, il existe une énergie potentielle F(u), dont la première variation donne le théorème des travaux virtuelles : F,u(u)[u ] = δw int + δw ext u (1) MMS 2012, Evolution et stabilité Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 2/20
Evolution et stabilité Rappel, la rupture fragile est un changement radical d un état d équilibre. Le taux de restitution d énergie est alors consommé en énergie de surface. De façon plus générale, certaines configurations d équilibre ne sont pas observables, on pourrait dire qu elle n existent pas physiquement, du fait qu elles sont instables. Pour les systèmes conservatifs, comme les poutres élastiques, il existe une énergie potentielle F(u), dont la première variation donne le théorème des travaux virtuelles : F,u(u)[u ] = δw int + δw ext u (1) La stationnarité de l énergie potentielle définit l état d équilibre noté u e : F,u(u e )[u ] = 0 u (2) Hypothèses : L énergie potentielle F(u) est différentiable. Il n y a pas d autre énergie transformée que l énergie potentielle et l énergie cinétique. MMS 2012, Evolution et stabilité Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 2/20
Stabilité d un équilibre, critère de Lyapunov Soit d(t) la distance entre u e le champ de déplacement de la configuration d équilibre et le déplacement perturbé u(t). Définition : Une position d équilibre u e est stable si et seulement si, ɛ > 0 il existe α tel que d(0) < α d(t) < ɛ t > 0. (3) Il est possible de choisir une perturbation initiale pour qu à chaque instant l effet de cette perturbation soit borné par une borne donnée, quelle qu en soit sa valeur. La notion de stabilité dépend de la définition de d. On peut aussi introduire des petites perturbations en chargement à la place de d(0). MMS 2012, Stabilité d un équilibre Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 3/20
Stabilité d un équilibre, critère de Lyapunov Soit d(t) la distance entre u e le champ de déplacement de la configuration d équilibre et le déplacement perturbé u(t). Définition : Une position d équilibre u e est stable si et seulement si, ɛ > 0 il existe α tel que d(0) < α d(t) < ɛ t > 0. (3) Il est possible de choisir une perturbation initiale pour qu à chaque instant l effet de cette perturbation soit borné par une borne donnée, quelle qu en soit sa valeur. Propriété : Un système à rigidité négative selon un mode ψ est instable au sens de Lyapunov. u = u e + q(t) ψ, M q + K q = 0, K < 0 q = A 1 e K M K t + A 2 e M t ici K < 0 signifie qu en u e on a un maximum local de l énergie potentielle. La partie en A 2 est strictement croissante en t, elle ne peut pas être infinitésimale t, donc u e est instable. La notion de stabilité dépend de la définition de d. On peut aussi introduire des petites perturbations en chargement à la place de d(0). MMS 2012, Stabilité d un équilibre Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 3/20
Théorème de Lejeune-Dirichlet Théorème de Lejeune-Dirichlet : Pour les systèmes conservatifs, un minimum d énergie potentielle réalise un équilibre stable. Cette idée simple demande de longs développements mathématiques dont les grandes lignes sont dans le polycopié. L étude de la dérivée seconde F,uu permet de statuer sur la nature de l extrémum associé à l équilibre. Comme application de ce cours nous considèrerons le flambage (ou flambement) d une poutre : un état de compression annule la rigidité de flexion, ce qui rend l équilibre instable. MMS 2012, Stabilité d un équilibre Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 4/20
Analyse du flambage par le critère de seconde variation Les étapes de l analyse mécanique du flambage : Choisir une description cinématique, choisir l expression de l énergie potentielle (donc des lois de comportement et les conditions aux limites), écrire les conditions d équilibre, trouver une courbe d équilibre en cheminant à partir de l état naturel, écrire la condition de bifurcation (dérivée seconde de l énergie potentielle nulle), analyser la seconde variation de l énergie potentielle pour la position d équilibre courante : si l on a un maximum local de F alors l équilibre est instable selon Lyapunov, si l on a un minimum local de F alors l équilibre est stable selon le théorème de Lejeune-Dirichlet. MMS 2012, Equilibre d une tige articulée Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 5/20
Analyse de la stabilitée d une barre articulée par le critère de seconde variation Configuration déformée u Configuration initiale L F FIGURE: Paramétrage cinématique et géométrique. Notons u l angle de rotation pour conserver les notations introduites dans ce cours pour les paramètres cinématiques. Du fait de la rotation, le travail de la force extérieure est : L expression de l énergie potentielle est donc la suivante : W ext = L (1 cos(u)) F (4) F(u) = 1 2 k u2 L (1 cos(u)) F (5) MMS 2012, Equilibre d une tige articulée Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 6/20
Analyse de la stabilitée d une barre articulée par le critère de seconde variation La différentielle de F s obtient par un calcul différentiel classique : df := F,u(u)[du] = du (k u L sin(u) F ) du (6) Notation en accord avec celle du théorème des puissances virtuelles : F,u(u)[u ] = u (k u L sin(u) F ) u (7) La condition d équilibre est donc : k u e L sin(u e) F = 0 (8) MMS 2012, Equilibre d une tige articulée Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 7/20
Analyse de la stabilitée d une barre articulée par le critère de seconde variation La différentielle de F s obtient par un calcul différentiel classique : df := F,u(u)[du] = du (k u L sin(u) F ) du (6) Notation en accord avec celle du théorème des puissances virtuelles : La condition d équilibre est donc : F,u(u)[u ] = u (k u L sin(u) F ) u (7) k u e L sin(u e) F = 0 (8) Pour rechercher les solutions en u de la condition d équilibre, il faut étudier la fonction g(u) = k L F u sin(u). On a : g,u = k L F cos(u). Discussion : Si F < k alors g est une fonction croissante. Dans ce cas seul g(0) est nul. Il n y a L qu un état d équilibre u e = 0, qui correspond à la configuration horizontale. MMS 2012, Equilibre d une tige articulée Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 7/20
Analyse de la stabilitée d une barre articulée par le critère de seconde variation g(u; k ) L F g = 0 k L F u 3 2 1 0 F stable instable g = 0 stable u k L F c 1 2 3 stable 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 k L F c k L F k FIGURE: g(u; L F ) = k L F u sin(u) à gauche et positions d équilibre à droite. Si F k L il y a plusieurs états d équilibre admissibles (exemple de F = 2 π 4 k L ). MMS 2012, Equilibre d une tige articulée Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 8/20
Analyse de la stabilitée d une barre articulée par le critère de seconde variation Soit F c = k la charge au-delà de laquelle plusieurs positions d équilibre sont possibles. L Seconde variation de l énergie potentielle : Donc : F,uu(u) = k L cos(u) F (9) F,uu(u e = 0) = k L F (10) Discussion : Si F < F c alors la configuration horizontale est stable, elle l est notamment en traction quel que soit l intensité du chargement (car F < 0 dans ce cas). Si F = F c il y a bifurcation de la courbe d équilibre. Plusieurs positions d équilibre apparaissent. Si F > F c l équilibre horizontal est instable. F c est la charge critique de flambage en compression de la barre. MMS 2012, Equilibre d une tige articulée Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 9/20
Analyse du flambage d une poutre mince (sans cisaillement) * * * FIGURE: Description du champ de déplacement. u = u 1 (x 1, x 3 ) x 1 + u 3 (x 1, x 3 ) x 3 (x 1, x 2, x 3 ) Ω (11) u 1 = U(x 1 ) + θ(x 1 )x 3 u 3 = V (x 1 ) V,1 + θ = 0 (12) Le cas linéaire étant stable (cas à énergie potentielle convexe), nous devons considérer des transformations finies pour étudier le flambement. MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 10/20
Analyse du flambage d une poutre mince (sans cisaillement) En transformation finie (faibles) on obtient selon le cours de MMC : E = 1 2 (F T F I ) (13) E ij (u) = ε ij (u) + 1 2 q ij (u, u) (14) ε ij (u) = 1 2 (u i,j + u j,i ) (15) q ij (u, u) = u k,i u k,j (16) F(u, λ) = 1 E 2 : C : E dω W ext (u, λ) (17) Ω 0 où Ω 0 est la configuration initiale, λ la charge appliquée. Le calcul donne : U ( ),1 V,11 x 3 0 0 ε.. = 0 0 0 (18) 0 0 0 (U ( ),1 V,11 x 3 ) 2 + V 2,1 0 U,1 V,1 q.. = 0 0 0 U,1 V,1 0 V,1 2 (19) MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 11/20
Analyse du flambage d une poutre mince (sans cisaillement) On suppose que les déformations longitudinales sont faibles (U,1 ) et que l effet du pincement de la poutre (q 33 ) est négligeable. Le terme en x3 2 de q est supposé négligeable (poutre mince). On obtient la forme classique suivante pour les termes non linéaires de E : ( ) V 2,1 0 0 q.. = 0 0 0 (20) 0 0 0 Après intégration dans les sections droites S on obtient : F(u) = ( 1 C 0 2 E S (U,1 + 1 2 V,1 2 )2 + 1 2 E I V,11 2 ) dx 1 W ext (u, λ) (21) Il apparaît un couplage entre déformation longitudinal U,1 et rotation V,1. MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 12/20
Analyse du flambage d une poutre mince (sans cisaillement) L état de déformation horizontal est-il stable en compression? x 3 x 1 λ x 1 L Soit une poutre droite de section S et de longueur L, soumise à une force de compression λ > 0 en x 1 = L, en appui simple en x 1 = 0 et x 1 = L. La section est constante et le matériau homogène hyperélastique. On a : W ext = λ U(L), U(0) = 0, V (0) = 0, V (L) = 0. Et : U (0) = 0, V (0) = 0, V (L) = 0 On obtient donc : L F(u) = ( 1 0 2 E S (U,1 + 1 2 V,1 2 )2 + 1 2 E I V,11 2 ) dx 1 + λ U(L) (22) MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 13/20
Condition d équilibre F,u (u)[u ] = 0 L F(u) = ( 1 0 2 E S (U,1 + 1 2 V,1 2 )2 + 1 2 E I V,11 2 ) dx 1 + λ U(L) Calcul différentiel d une fonctionnelle avec une dérivée directionnelle : ( F(u + β u F,u(u)[u ) ) F(u) ] = lim β 0 β u (23) L équation d équilibre est donnée par : F,u(u)[u ] = 0 U V, L (E S (U,1 + 1 0 2 V,1 2 ) (U,1 + V,1 V,1) + E I V,11 V,11) dx 1 + λ U (L) = 0 U V (24)... On obtient deux EDP en U et V. MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 14/20
Condition d équilibre F,u (u)[u ] = 0 L F(u) = ( 1 0 2 E S (U,1 + 1 2 V,1 2 )2 + 1 2 E I V,11 2 ) dx 1 + λ U(L) Calcul différentiel d une fonctionnelle avec une dérivée directionnelle : ( F(u + β u F,u(u)[u ) ) F(u) ] = lim β 0 β u (23) L équation d équilibre est donnée par : F,u(u)[u ] = 0 U V, L (E S (U,1 + 1 0 2 V,1 2 ) (U,1 + V,1 V,1) + E I V,11 V,11) dx 1 + λ U (L) = 0 U V (24)... On obtient deux EDP en U et V. Le reste est très calculatoire (voir polycopié). La notion de minimum local fait appel à celle de mode de flambement ψ défini par : F,u(u e )[u ] = 0 u λ, F,uu(u e )[u, ψ] = 0 pour λ = λ c u MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 14/20
Autre approche, étude d une configuration perturbée en équilibre Le critère de seconde variation est associé au développement limité à l ordre 2 de l énergie potentielle u = u e + φ F,u(u)[u ] F,u(u e )[u ] + F,uu(u e )[u, φ] (25) Dans l approche par perturbation, on choisi d étudier l équilibre dans un voisinage de u e, pour u u e. On introduit une perturbation φ dans la description géométrique du problème mécanique en u, en supposant qu elle a une projection non nulle sur le mode de flambement recherché. Pour les poutres en compression, il s agit d introduire de la flexion pour étudier l équilibre suivant : F,u(u) = 0 u (26) avec géométrie perturbée en flexion et comportement élastique linéaire MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 15/20
Problème d Euler, recherche de la charge critique de flambage par perturbation Les étapes de l analyse mécanique du flambage : Choisir une description cinématique en introduisant une perturbation de type flexion et des grands déplacements transverses, choisir une loi de comportement et les conditions aux limites, écrire les conditions d équilibre, déterminer les cas où l amplitude de la perturbation n est pas maîtrisée par les conditions de chargement, ou non infinitésimale. MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 16/20
Problème d Euler, description cinématique Equilibre de la configuration déformée. x 3 x 1 (U,V,θ) λ x 1 L Comportement élastique, pour poutre mince (pas de cisaillement) : M = E I V,11, N = E S U,1 (27) En isolant le tronçon [x 1, L], en ne conservant que l ordre 1 des rotations : Μ x 3 Ν x 1 (U,V,θ) Τ λ x 1 x 1 L M = V λ, T = 0, N = λ (28) On obtient : U = λ E S x 1 (29) E I V,11 + λ V = 0, V (0) = 0, V (L) = 0 (30) MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 17/20
Suite de l analyse du problème d Euler Déplacement transverse : E I V,11 + λ V = E I V,11 (L) = 0 donc, pour λ > 0 : λ λ V = A cos( EI x 1) + B sin( EI x 1) avec V (0) = 0, V (L) = 0 On trouve V non nul pour : λ c = π2 L 2 E I, V = B sin(π x 1 L ), B R Si λ < λ c, V = 0. Etude de la configuration d équilibre U e = λ E S x 1, V e = 0. Pour λ = λ c, il peut y avoir une perturbation V 0 qui ne soit pas infinitesimale. L équilibre est donc instable au sens du critère de Lyapunov. λ c est la charge critique de flambage de la poutre. MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 18/20
Analyse dimensionnelle λ c = π2 L 2 E I, I = b h3 λc, h << L, U(λc) = 12 E S L U(λ c) = π2 L h 2 12 MMS 2012, Equilibre d une tige flexible Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 19/20
Observations et modélisation Des mini-projets expérimentaux vous seront proposés le 7 Avril pour vous apprendre à mettre en œuvre des étapes d observation, de formulation d hypothèses, de modélisation, de résolution d équations et de comparaison des prévisions aux observations. Mini-projets en lien direct Un mécano pour jouer avec les poutres Comportement d une balle de ping-pong Compression de canettes métalliques Résistance au flambement de pots de yaourt Page web du cours : http://mms2.ensmp.fr/mms_paris/mms_paris.php MMS 2012, Observations et modélisation, mini-projets Théorie de stabilité des systèmes conservatifs 20/20