Chapitre 1.1 : Prospections géophysiques
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- Liliane Gilbert
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1 Chapitre 1.1 : Prospections géophysiques Roger Guérin et Hocine Bendjoudi 1. Introduction Les prospections géophysiques sont employées ici pour l étude du fonctionnement hydrodynamique d une zone humide, c est-à-dire pour mieux comprendre l hétérogénéité et le fonctionnement des zones humides et des milieux riverains des cours d eau. Plusieurs techniques (thermographie infrarouge, cartographie électromagnétique slingram, suivi temporel de températures) ont été mises en oeuvre afin de décrire la géométrie du proche sous-sol (Bendjoudi et al., 2000) et de quantifier les transferts. 2. Prospection thermique La prospection thermique aéroportée, déjà largement utilisée pour des objectifs archéologiques et pédologiques (Scollar et al., 1990), a l avantage de couvrir de grandes surfaces en des temps relativement brefs comparés aux méthodes d investigation géophysique au sol. Aussi, une mission aéroportée a été déclenchée en période hivernale, en février 1997, sur sol nu (le terrain était partiellement inondé), sur les vallées de la Seine et de l Aube (Pinet, 1997). Onze axes, représentant un linéaire de 80 km (les différents axes de vol font en moyenne 7 km de long) ont été acquis couvrant quatre secteurs : - la zone de la Bassée, trois axes de direction N 69 E, autour des gravières d Egligny et de Vimpelles (cartes IGN au 1/25000, n 2516E et n 2517E) - la plaine de Romilly, à la confluence de la Seine et de l Aube, quatre axes de direction N 72 E, au nord et nord-est de Romilly-sur-Seine (cartes IGN au 1/25000, n 2716O et n 2716E) - le corridor de la Seine-Amont, deux axes de direction N 147 E, au-dessus de la Seine en amont de sa confluence avec l Aube, en amont de Méry-sur-Seine (carte IGN au 1/25000, n 2716E) - le corridor de l Aube, deux axes de direction N 98 E, au-dessus de l Aube en amont de sa confluence avec la Seine, entre Granges-sur-Aube et Plancy-l Abbaye (cartes IGN au 1/25000, n 2716E et n 2816O) Chaque ligne est balayée sur 2 km, et les axes de vol à l intérieur d une même zone sont parallèles et distants de 1.5 km ; il y a donc une zone de recouvrement de 0.5 km. Nous avons utilisé le radiomètre ARIES (Monge et Sirou, 1975), radiomètre à balayage qui permet d acquérir sur deux canaux et de stocker directement dans un ordinateur une image dans les domaines visible et thermique ( µm). La vitesse de l avion et l altitude de vol ont permis d atteindre une résolution au sol de 2 m dans les deux directions et pour les deux canaux (cette résolution au sol ne peut être atteinte avec les satellites actuels). Le positionnement des axes a été effectué grâce à un GPS embarqué. Un gyroscope couplé au système d acquisition d ARIES enregistre les mouvements de roulis et tangage, ce qui permet de corriger la géométrie de l image acquise. L étude simultanée des canaux visible et thermique a permis de séparer aisément les zones d eau libre et les eaux stagnantes grâce à un comportement thermique bien différencié (figure 1.1.1). De plus, la profondeur d investigation de la méthode thermique (0.5 m ou plus en fonction de l évolution du flux thermique dans les jours précédents le vol) permet une estimation des réserves en eau du très proche sous-sol. En particulier, certaines zones d anomalies thermiques liées visiblement à des écoulements souterrains sont visibles dans le canal thermique et invisibles dans le canal visible qui ne met en évidence que l eau en surface. Le canal visible du radiomètre ARIES permet aussi une mise à jour des données hydrologiques présentes sur les cartes IGN dans ces zones caractérisées par un fort remaniement anthropique sur des échelles de temps courtes (de l ordre de l année). De même, les anciens chenaux de la rivière apparaissent clairement sur l image thermique (figure 1.1.2). Bien que non actifs la plupart du temps, ces chenaux peuvent avoir un rôle important dans les processus Analyse du remplissage alluvionnaire 19
2 d inondation or ils n apparaissent ni dans l image visible, ni sur les cartes topographiques (Guérin et al., 1997). Le corridor de l'aube /SEINE Réservoirs Seine et Aube La plaine de Romilly MONTEREAUYONNE La Bassée 0 m Le corridor de la Seine amont vert : couvert végétale gris : zones de culture bleu : cours d'eau blanc : eau stagnante image infrarouge thermique 400 m 800 m 1200 m 1600 m 2000 m carte IGN Figure Localisation et interprétation d une image thermique Cette première approche thermique permet, pour un coût et un temps d opération limités, d avoir une vision globale et précise du fonctionnement de l ensemble de la zone permettant d orienter les investigations plus approfondies au sol. Une approche géostatistique (Garrigue, 1999 ; Guérin et al., 1999) a permis d indiquer que les variations de température à l intérieur des parcelles agricoles (variogramme avec effet de pépite) sont d une échelle plus grande que l échelle de travail ou à la limite de sensibilité du capteur (bruit de mesure supérieur au signal). 3. Prospection électromagnétique slingram En 1998 et en 1999, plusieurs campagnes de géophysique au sol ont été réalisées avec pour premier objectif la cartographie à grande échelle des variations latérales des propriétés du terrain. Les mesures ont porté sur la conductivité apparente avec un appareil électromagnétique slingram. L appareil utilisé, l EM31 (Geonics, Toronto), permet d obtenir, dans la configuration où le plan des bobines est horizontal (mode HCP, correspondant aux axes des dipôles verticaux), une information intégrant les valeurs de conductivité du sol sur les six premiers mètres de profondeur. Le maillage de mesures a été de 5 par 5 m afin de respecter un échantillonnage correct. 20 PNRZH, projet 07, rapport final, novembre 2000
3 Boulages Aube Boulages Aube EM slingram ancien méandre image visible m Accrues image infrarouge thermique (blanc=chaud ; noir=froid) Tracé actuel Tracé de 1840 Figure Comparaison image visible image thermique et Historique des méandres Une zone sur l Aube, près de Boulages (localisée sur la figure 1), a été choisie pour analyser la corrélation entre la résistivité électrique des premiers mètres et la température de surface obtenue avec la thermographie infrarouge, et effectuer de premières estimations des caractéristiques hydrogéologiques du sol. Cette zone étudiée initialement (en 1998) sur une superficie de 100 par 100 m (figure 1.1.3), a été prospectée à deux époques différentes (période de crue et période de sécheresse) afin d évaluer également l effet des variations temporelles et de reconnaître les bornes de variation du suivi temporel (Pinet, 1998 ; Pinet et al., 1999). En 1999, la zone d étude a été étendue à 300 par 200 m (figure 3) afin d étudier les corrélations avec les données de thermographie et la validité géostatistique de ces données (Garrigue, 1999 ; Guérin et al., 1999). Des mesures de sondages électriques ont permis sur la même zone, d acquérir une information quantitative sur les variations verticales de résistivité apparente. A partir des deux types de données, une inversion 1D approchée (Guérin et al., 1996) montre les variations d épaisseur de la couche argileuse sur la zone. Ces mesures ont été vérifiées par deux forages pédologiques effectués sur les extrema de la carte de conductivité apparente (figure 1.1.4). Sur une zone plus étendue de l Aube (2.5 sur 3 km), une prospection extensive a été réalisée pour débuter une étude géostatistique de la répartition de la conductivité apparente sur la zone (Lorenzati, 1998). Les mesures ont été prises le long de chemins d exploitation : l échantillonnage spatial peu satisfaisant, n empêche pas néanmoins de bien caractériser la plage de variation de la conductivité. Des mesures complémentaires ont été effectuées sur une zone de 50 x 100 m, près du site de Voyons (thèse de Philippe Weng), après la confluence de l Aube avec la Seine, près de Marcilly-sur- Seine, afin de reconnaître son environnement proche. La conductivité électrique déterminée par cette méthode caractérise la capacité des sols à conduire le courant électrique, par la présence d ions en solution et absorbés à la surface des particules d argile. Une bobine émettrice parcourue par un courant alternatif est à l origine de l émission d un champ magnétique primaire. Dans le sol, ce champ induit un courant lui-même à l origine d un champ Analyse du remplissage alluvionnaire 21
4 magnétique secondaire, d autant plus intense que le sol est conducteur. Une bobine réceptrice dont la distance à l émettrice correspond à un faible nombre d induction capte le champ magnétique total (primaire + secondaire). Dans le cas d opération à faible nombre d induction, le rapport du champ magnétique secondaire Hs au champ magnétique primaire Hp est proportionnel à la conductivité apparente σa du terrain (Mc Neill, 1980) : σ a = 4 ωµ s 2 H H s p Il y a deux modes opératoires (bobines horizontales ou dipôle vertical, mode HCP ou VD ; et bobines verticales ou dipôle horizontal, mode VCP ou HD), qui présentent des profondeurs d investigation légèrement différentes en terrain tabulaire. Pour la plupart des prospections, seul le mode HCP est utilisé. ms/m Mars 98 période humide Juin m 50 m 100 m 150 m 200 m Juin 98 période sèche Figure Carte de conductivité électrique apparente obtenue par prospection électromagnétique 4. Suivi de l infiltration et de l exfiltration dans le sol par des méthodes thermiques L évolution temporelle de la distribution verticale des températures peut au même titre que celle de la charge hydraulique conduire par résolution du problème inverse à la vitesse d écoulement de l eau, selon la verticale. Les déplacements de l eau correspondent en effet à un transfert par convection qui vient s ajouter au transfert par conduction, et modifier en intensité et en phase la diffusion de la chaleur. Le calcul de vitesse entre deux profondeurs se fonde sur le rapport d amplitude et la différence de phase des variations thermiques associées à chaque profondeur. Les données thermiques permettent de traiter aussi des événements transitoires très courts, en complément de la tensiométrie, mais en utilisant des méthodes de calcul plus complexes (Tabbagh et al., 1999). 22 PNRZH, projet 07, rapport final, novembre 2000
5 S1 S m par inversion (1.2 m réellement) S m par inversion (0 m réellement) S m 1.16 m 1.07 m 0.99 m 0.91 m 0.83 m 0.74 m 0.66 m 0.58 m 0.50 m 0.41 m 0.33 m 0.25 m 0.17 m 0.08 m 0.00 m 0 m 50 m 100 m 150 m 200 m (a) (b) Figure Carte de l épaisseur d une couche d argile (a) et Sondages pédologiques (b). Les trois sondes thermiques utilisées ont été disposées dans une fosse creusée en avril 1998, sur le site de Voyons, dans la zone alternativement saturée et non-saturée du sol, aux profondeurs de 20, 40 et 75 cm (Laurent, 1999). Sur ce terrain, le toit de la nappe phréatique se trouve à 1.20 m à l étiage, tandis que l eau affleure en période de crue. Les mesures, poursuivies jusqu à mi-1999 (figure 1.1.5), ont été faites au pas de temps horaires pendant plus d une année Températures ( C) Profondeur des sondes 20 cm 40 cm 75 cm 2 23-avr mai-98 4-juin juin juil août août sept oct oct nov déc déc janv févr mars mars avr mai mai juin-99 5-juil.-99 Figure Suivi de température Analyse du remplissage alluvionnaire 23
6 A ces faibles profondeurs, les ondes thermiques résultent des variations atmosphériques, dont elles reproduisent les oscillations saisonnières et journalières, modulées par l influence de facteurs météorologiques non périodiques. Par exemple, les vagues de froid ou de chaleur particulières translatent l ensemble des valeurs suivant l axe des températures et les périodes de ciel dégagé augmentent l amplitude des variations diurnes. Mais, le signal comporte toujours des termes sinusoïdaux aux trois profondeurs, quelle que soit la période d étude retenue, dont l atténuation et le déphasage par rapport aux conditions de surface augmentent avec la profondeur. L une des méthodes d analyse thermique suppose justement le calage d un modèle sinusoïdal sur les données de la période examinée. Elle donne une valeur de la composante vertical de la vitesse de l eau, par inversion, à partir des caractéristiques des oscillations à deux profondeurs, elles-mêmes fonctions du transfert convectif. L infiltration (v > 0) favorise la propagation de la chaleur ou du froid dans le sol, au contraire de l exfiltration (v < 0) qui l atténue et la retarde. Le tracé des températures pour l épisode de crue survenu en mai 1998 illustre ce phénomène de manière assez spectaculaire, puisque sous l effet d une très forte ré-infiltration, l amplitude des variations de température est plus importante à 40 cm de profondeur qu à 20 cm (figure 1.1.6) avr. 29-avr. 30-avr. 1-mai 2-mai 3-mai 4-mai 5-mai 6-mai 7-mai 8-mai 9-mai 10-mai 11-mai 12-mai 13-mai 14-mai 15-mai Températures ( C) Température à 20 cm Température à 40 cm Température à 75 cm Température de l'air à midi Figure Crue de mai 1998 A partir des relevés météorologiques donnant le taux journalier des précipitations, des périodes de quelques jours d infiltration de l eau dans le sol (recharge de la nappe) ou au contraire de décharge de la nappe phréatique ont été mises en évidence. La vitesse d infiltration (vitesse de Darcy) a été calculée par un programme d inversion des données de température correspondant à ces périodes (Cheviron, 1999 ; Cheviron et al., 2000). Trois méthodes de calcul ont été utilisées : par abaque diffusivité-vitesse, par inversion avec les moindres carrés, et par la méthode de Taniguchi (1993). En période de décharge on obtient par exemple : Vitesse calculée 19/06/ /06/ /07/ /08/ /09/1998 entre 20 et 40 cm m/s m/s m/s m/s m/s entre 20 et 75 cm m/s m/s m/s m/s m/s entre 40 et 75 cm m/s m/s m/s m/s m/s 24 PNRZH, projet 07, rapport final, novembre 2000
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