Nouvelles technologies et culture scientifique chez les jeunes : union réussie ou encore à conclure? Donatille Mujawamariya UNIVERSITÉ D OTTAWA
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- Edgar Lamontagne
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1 Colloque Relève et culture scientifique : un enjeu capital 19 et 20 octobre 2006 Musée de la civilisation Nouvelles technologies et culture scientifique chez les jeunes : union réussie ou encore à conclure? Donatille Mujawamariya UNIVERSITÉ D OTTAWA Introduction Depuis son introduction, la culture scientifique joue un rôle important dans les réformes des programmes d enseignement des sciences (Both et Barton, 2004). Au Canada, des études ainsi que des résultats des élèves aux tests nationaux (Programme d indicateurs de rendement scolaire-pirs, Conseil des ministres de l Éducation, 1999, 1996) et internationaux (Third international mathematics and sciences study-timss, International Association for the Evaluation of Educational Achievement- IEA, 2004), Programme international pour le suivi des acquis-pisa, Bussière et al, 2001) ont incité les gouvernements fédéral et provinciaux à repenser les objectifs de l enseignement des sciences, en vue d améliorer les performances des élèves canadiens pour se comparer aux pays dont les élèves obtiennent les meilleurs résultats. Mais au-delà de ce succès scolaire des élèves, la préoccupation principale reste d outiller chaque citoyen et citoyenne pour réussir sa vie dans une société où la science et la technologie prédominent (Wei &Thomas, 2005). Et l école, par le biais de l enseignement des sciences, reste la meilleure porte d entrée dans la culture scientifique (Aikenhead, 2002 ; Godin, 1999). Mais qu est-ce que la culture scientifique? Les pratiques auxquelles se livrent les jeunes par le biais des nouvelles technologies (utilisation de l ordinateur et d Internet) leur permettent-elles de développer une meilleure compréhension de la culture scientifique et de se l approprier? Comment des institutions traditionnelles de diffusion du savoir (en particulier les écoles) devraient-elles s adapter aux pratiques des jeunes en matière des nouvelles technologies (NT) pour leur donner le goût de sciences et des technologies? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles nous esquissons des éléments de réponses. 1
2 1. Au sujet de la culture scientifique Bien que le concept de culture scientifique soit couramment utilisé, sa définition est loin de faire l unanimité (Wei &Thomas, 2005 ; Godin, 1999 ; Bybee, 1997). Toutefois le débat controversé entourant ce concept dépasse le cadre de cette publication. Nous nous sommes limitée à la définition de Hasni (2005) qui, dans son analyse sur la culture scientifique et technologique à l école québécoise, identifie trois catégories de savoirs et de compétences prioritaires. Il s agit des compétences se référant respectivement à des savoirs disciplinaires, à des savoirs utiles dans la vie de tous le jours et au savoir sur les savoirs. Pour cet auteur (Hasni, 2005 : ), la première catégorie consiste à «développer chez l élève les attitudes et les habiletés lui permettant de faire émerger des questions pertinentes sur le monde scientifique et technique qui nous entoure et d utiliser les démarches à caractère scientifique appropriées afin d apporter des réponses valables à ces questions aussi d amener l élève à maîtriser certains concepts, notions, modèles et théories qui permettent de rendre compte de l héritage scientifique de l humanité». Bien que la deuxième catégorie consiste en l usage qu on fait des savoirs scientifiques et technologiques, l auteur la divise en deux sous-catégories : les compétences de l utilisateur privé et les compétences de l usager citoyen. Tandis que les premières «se réfèrent à la mobilisation des savoirs scientifiques et technologiques dans des situations particulières, et permettent d améliorer directement la qualité de vie de l individu», les dernières «se réfèrent à la mobilisation des savoirs pour assurer un meilleur usage des sciences et technologies dans la société». Quant à elle, la dernière catégorie fait référence à «l acquisition d un savoir sur les savoirs» et viserait à permettre à l individu de se poser des questions sur la production des savoirs, la nature des savoirs scientifiques et technologiques, leur portée et leurs limites, leurs applications et impacts dans et sur la société Si l on retient, en guise d illustration, l exemple du détergent pour rester dans un domaine qui nous est familier, cela reviendrait à ce que l élève soit en mesure de répondre aux questions suivantes : Qu estce qu un détergent? Quel usage faire de détergent et comment s en servir? De quoi est-il fait, comment est-il fabriqué, pourquoi et par qui a-t-il été fabriqué, dans quelles circonstances, quels peuvent être ses autres usages, dans quelles conditions peut-il être efficace? Quels sont les dangers associés à son utilisation? Mais est-ce que toutes ces questions peuvent trouver réponses à travers l usage que fait la majorité des jeunes des NT? C est là la question fondamentale. 2. Des pratiques des jeunes en NT et la culture scientifique De nombreux auteurs se sont penchés sur la problématique de l accès et de l utilisation des NT par les jeunes. Dans leur étude sur la fracture numérique dans les écoles canadiennes, Looker et Thiessen (2003) révèlent que 1) il y a des différences entre garçons et filles liées à l attitude, les garçons étant plus à l aise avec les ordinateurs et semblent les utiliser par intérêt et plaisir; 2) Seulement 29 % et 19 % respectivement en milieu rural et urbain utilisent l ordinateur tous les jours à l école; 3) le niveau de scolarité des parents est proportionnel à l utilisation des élèves de l ordinateur à la maison. Ces auteurs concluent, avec raison dirons-nous, que la meilleure façon de s attaquer aux différences d attitudes semble être l augmentation des occasions d utilisation et de la pertinence de l informatique 2
3 dans le cadre des tâches scolaires. En effet, dans une autre étude consacrée exclusivement à la mise en œuvre des ressources informatiques par les enseignantes et enseignants du Québec, Larose et collaborateurs (2004) identifient plusieurs lacunes dont, entre autres : la formation des enseignants en matière d utilisation pédagogique de l ordinateur et d intégration pédagogique des TIC, les compétences informatiques maîtrisées par les élèves, les compétences que les enseignants demandent à leurs élèves de mettre en œuvre en classe selon les matières enseignées. Et en ce qui a trait aux applications des TIC par matières, le traitement de texte est l application essentiellement intégrée dans le contexte de l enseignement des sciences et technologies à raison d une fréquence de l6 % comparativement à 8 % pour les logiciels de présentation, 5 % pour les encyclopédies sur Internet, 3 % pour les logiciels de simulation et 1 % pour les forums de discussion etc. À la lumière de ces constats, il serait illusoire de prétendre que les pratiques que font les jeunes des NT à l intérieur comme à l extérieur de la classe leur permettent de s approprier la culture scientifique. Et relativement à la question posée ci-dessus, certes, les NT vont leur fournir l information sur ce qu est un détergent, où l utiliser ainsi que le mode d emploi. Par contre, les NT resteront presque muettes sur le pourquoi et le comment il a été fabriqué. En peu de mots, les NT permettent, pour la plupart du temps, de mettre la main sur le savoir déjà produit, le patrimoine scientifique de l humanité, mais ne permettent pas de développer le raisonnement sous-jacent à la production de ce savoir et encore moins de le replacer dans le contexte socio-politique qui lui a donné naissance. Or, c est justement là le but ultime de l enseignement des sciences : se questionner, révéler la nature des sciences comme une activité humaine évolutive et provisoire dans le temps, une entreprise en perpétuelles transformations et à laquelle la jeunesse d aujourd hui doit apporter sa contribution. N est-ce pas justement parce que les NT ne présentent ou presque qu une seule face de la science, le quoi (les résultats) et très rarement le pourquoi et le comment que celle-ci est vue, tout au moins aux yeux de ces jeunes, comme une œuvre déjà achevée? Cet état de fait contribuerait-il d une façon ou d une autre à inhiber ou tuer l intérêt des jeunes face aux sciences? Ce sont des interrogations qui méritent qu on s y penche. Malgré ces inquiétudes, nous reconnaissons que ce sont leurs défauts qui font les qualités des NT et dont les écoles devraient se servir à bon escient. 3. L école et les NT en enseignement des sciences et technologie : voies d avenir Nos propos sur les NT ne nous empêchent donc pas d être de celles et ceux qui croient que les NT ont leur place à l intérieur de la salle de science pour soutenir l apprentissage des élèves. Elles sont des outils par excellence, par exemple, pour faire des illustrations (en 3D) ou des simulations, compiler des données (au labo), faire la recherche documentaire (sur l histoire des sciences, les scientifiques, informations factuelles) et dans une certaine mesure confronter leurs opinions à celles des autres, pairs et experts. Toutefois, pour réaliser cet arrimage entre les NT et une certaine dimension de la culture scientifique, quelques mesures s imposent : 3
4 1) Repenser la formation initiale des enseignants en tenant compte des réalités de leur pratique. Autrement dit les initier à bâtir déjà des objets de construction de connaissances, leur faire vivre les NT en enseignement des sciences; 2) Offrir des opportunités de développement professionnel aux enseignants en service adaptées aux réalités de leur pratique et leur donner accès à du matériel concret ; 3) Adopter des directives bien tranchées, dans l utilisation des NT à l intérieur même du curriculum de sciences et technologie, afin de s attaquer aux différences d attitudes chez les filles et les garçons et les jeunes de familles faiblement scolarisées et de soutenir véritablement l apprentissage des sciences par les NT. Ces propos sont soutenus par l assertion de Attewell (2001 :225) qui stipule que : «les ordinateurs peuvent facilement fournir des loisirs non supervisés, mais que pour être éducatifs, il faut au moins autant de soutien et d efforts de la part des adultes que pour les méthodes d enseignement traditionnelles». Tout compte fait, c est l enseignant ou l enseignante qui détient la clé du succès des NT dans l appropriation de la culture scientifique chez les jeunes. Son utilisation des NT en sciences va largement influencer celle qu en feront ses élèves à l école. Références Aikenhead, S.G. (May 17, 2002), Renegotiating the culture of school science: scientific literacy for an informed public, A paper presented to Lisbon s School of Science conference commemorating its 30 years of teacher training. Lisboa, Portugal: Centre for Educational Research, Universidade de Lisboa. Attewell, P. (2001). The first and second digital divides. Sociology of Education, 74, Bussière, P. et al. (2001). À la hauteur : la performance des jeunes du Canada en lecture, en mathématiques et en sciences : étude PISA de l'ocde: premiers résultats pou les Canadiens de 15 ans. Ottawa : Développement des ressources humaines Canada, Conseil des ministres de l'éducation (Canada) et Statistique Canada. Bybee, W. R. (1997), Achieving scientific literacy: From purposes to practices, Portsmouth, NH, Heinemann. Conseil des ministres de l Éducation du Canada. (1999). Évaluation en sciences : Programme d indicateurs du rendement scolaire, Toronto : CMEC. Conseil des ministres de l Éducation du Canada. (1996), Évaluation en sciences : Programme d indicateurs du rendement scolaire, Toronto: CMEC. Godin, B. (1999). Les usages sociaux de la culture scientifique. Québec : Les Presses de l Université Laval. 4
5 Hasni, A. (2005). «La culture scientifique et technologique à l école : de quelle culture s agit-il et quelles conditions mettre en place pour la développer?» Dans L enseignement, profession intellectuelle, sous la direction de Simard, D. et Mellouki, M., p Québec: Les Presses de l Université Laval. International Association for the Evaluation of Educational Achievement IEA. (2004). International Science Report / by Michael O. Martin, Ina V.S. Mullis, Eugenio J. Gonzalez, Steven J. Chrostowski, Chestnut Hill, MA: TIMSS & PIRIS International Study Center: Boston College. Larose, F. et al. (2004). Enquête sur l état des pratiques d appropriation et de mise en œuvre des ressources informatiques par les enseignantes et les enseignants du Québec. Rapport de recherche. Université de Sherbrooke, Faculté d éducation : Centre de recherche sur l intervention éducative. Looker, E.D. et Thiessen, V. (2003). La fracture numérique dans les écoles canadiennes: facteurs qui ont des répercussions sur l accès aux technologies de l information et leur utilisation par les élèves. Ottawa : Centre de données de recherche, Statistiques Canada. Roth, W.-M. et Barton, C. A. (2004). Rethinking Scientific Literacy. New York: Routledge Falmer. Wei, B. et Thomas, P. G. (2005). Rationale and approaches for embedding scientific literacy into the new junior secondary school chemistry curriculum in the People s Republic of China. International Journal of science education, 27 (12),
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