Arcanes dévoilés. Saint-Sulpice maîtrise MUSÉE D ÉTHNOGRAPHIE, GENÈVE. LUC FERRY Croissance et mondialisation DENSIFICATION
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- Marie-Claire Suzanne Gascon
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1 JOURNAL DE LA CONSTRUCTION DE LA SUISSE ROMANDE LUC FERRY Croissance et mondialisation DENSIFICATION Saint-Sulpice maîtrise 88 e ANNÉE NOVEMBRE 2014 FR MUSÉE D ÉTHNOGRAPHIE, GENÈVE Arcanes dévoilés 11
2 L indésirable locataire L amiante était la «fibre miraculeuse», l allié de toutes les constructions en Suisse dès 1900 et jusqu à son interdiction en Désormais reconnu produit toxique en cas d inhalation, il doit être éliminé. a tutoyé les sommets en 1975, année record où près de 5 millions de L amiante tonnes ont été extraites dans le monde. Au siècle dernier, on en aurait importé jusqu à t en Suisse. Il avait tout pour lui: résistant à la chaleur, isolant, absorbant. Présent dans 3000 applications et produits, il répondait parfaitement aux besoins de la construction, à des prix défiants toute concurrence. Alors, pourquoi s en priver? Parce qu il tue Au moins une personne meurt toutes les cinq minutes sur la planète en raison d une maladie liée à l amiante. «En Suisse, l amiante est clairement la première cause de maladie professionnelle mortelle. L exposition à de l amiante quinze à quarante-cinq ans plus tôt provoque aujourd hui plus de décès que les accidents du travail», précise Marc Truffer, chef de la division suisse romande de la sécurité au travail à la Suva. «1703 cas mortels ont été enregistrés en Suisse depuis la reconnaissance de sa toxicité et jusqu en 2012, sur 2600 cas de maladies professionnelles.» Si outre-sarine le sujet de l amiante semble moins occuper les esprits, la majorité des cantons romands a pris des dispositions. C est le cas notamment des communes vaudoises, qui ont l obligation depuis 2011 de vérifier qu un diagnostic amiante est effectué à chaque demande d autorisation de travaux pour les immeubles construits bâtir novembre
3 Le désamiantage des bâtiments avant travaux est obligatoire depuis avant Et, pour Marc Truffer, «on peut considérer que la quasi-totalité des bâtiments antérieurs à cette date en contiennent encore». Mauvaise nouvelle pour les propriétaires, qui assumeront les frais de remise en état, mais une aubaine pour les entreprises comme D3 SA, à Bottens, spécialisée dans le désamiantage. Désamianter: la règle des trois chez D3 Agréée par la Suva après trois chantiers tests, l entreprise D3 SA est l une des 20 sociétés spécialisées dans le désamiantage dans le canton de Vaud. Elle compte six employés et collabore depuis trois ans avec l entreprise Pittet Construction, «pour que nos mandataires n aient qu une seule personne de contact pendant toute la durée des travaux, de la démolition à la reconstruction», précise Andrea Da Campo, administrateur de D3 et membre du comité de l ASSED (Association suisse des entrepreneurs du désamiantage et de la dépollution). Trois jours d installation, trois spécialistes et trois semaines pour désamianter les trois niveaux de cette ancienne prison dans la vieille-ville de Lausanne. Vidée de ses occupants, elle regorge aujourd hui de sacs estampillés du logo «danger amiante». «Pour ce chantier devisé à francs, on sortira environ 400 sacs d amiante», indique Andrea Da Campo. A l étage inférieur, on délogera l amiante sous les dalles au sol. Au 1 er étage, on s attaquera aux faux plafonds et au crépi. Zone interdite C est au 2 e étage que se trouve la zone confinée, isolée et mise en dépression. Des bâches étanches en plastique délimitent le périmètre. On y enlève l amiante à coups de marteaux-piqueurs, puis par ponçage. Les fibres d amiante libérées sont aspirées et passent par trois filtres qui supprimeront progressivement toutes les poussières, jusqu à atteindre la concentration maximale autorisée dans la zone, soit 1000 fibres d amiante par mètre cube d air. Pour entrer dans la zone contaminée, les spécialistes portent un équipement à usage unique et un masque intégral de protection avec adduction d air. Et, pour en sortir, «ils traversent trois sas de décontamination», explique Andrea Da Campo. «L ouvrier qui quitte la zone confinée enlève sa combinaison, la met dans un sac pour élimination, mais se douche encore équipé de son masque. C est seulement ensuite qu il l enlève, avant de quitter la zone. Le masque étant propre, il est réutilisable.» Il ajoute que «la Suva peut effectuer des contrôles inopinés tout au long du chantier». C est en effet elle qui s assure que les entreprises respectent les règles de sécurité, selon la directive CFST n o 6503, véritable bible du désamiantage. C est également la Suva qui référence les experts chargés de réaliser un contrôle libératoire qui garantira que plus aucun résidu d amiante ne subsiste. La zone sera alors reconnue comme «propre» et la levée des mesures de protection autorisée. Restent les sacs de déchets amiantés à éliminer. 68 bâtir novembre 2014
4 bâtir pratique Conduit d air de zone confinée (à gauche) et des sacs d amiante. «Bon» débarras Depuis 1990, les déchets d amiante ne sont plus jetés en vrac, mais sont entreposés selon leur degré de potentiel de libération de fibres (soit leur dangerosité). L amiante fortement aggloméré et en bon état (peu dangereux) est dirigé vers les décharges contrôlées pour matériaux inertes (DCMI). La directive cantonale sur les matériaux minéraux de chantier demande l emballage et l étiquetage de tous les déchets amiantés. Depuis le 1 er novembre, elle donne également une liste plus précise des types de déchets selon leur nature, ainsi que la filière d élimination correspondante. L amiante faiblement aggloméré (très nocif) est quant à lui envoyé dans une décharge contrôlée bioactive (DCB); le territoire romand ne dispose que d un site de ce type (à Posieux, dans le canton de Fribourg). Les doubles sacs contenant l amiante sont enfouis dans des casiers étanches, puis recouverts de terre et, à terme, d une membrane imperméable et d une couche d argile. Le choix du site et les contrôles effectués par les services cantonaux de protection de l environnement y sont aussi stricts que possible, dans la mesure où ces décharges sont exploitées par des entreprises privées. Une fois les DCB pleines, le terrain est remis en état et retourne en général à l agriculture. Pour Frédéric Pittet, administrateur de D3 et patron de Pittet Construction, «on est en droit de se demander ce que les déchets deviendront. On ne fait que déplacer le problème en enlevant l amiante des constructions pour l enfouir sous terre.» Pour le canton de Vaud, ce sont 825 t de déchets amiantés qui ont été envoyées en DCB pour la seule année Si Florian Zellweger, de la Direction générale de l environnement (DGE) du canton de Vaud, admet que la Unité de contrôle des zones confinées servant à relever le degré de dépression. solution actuelle «n est peut-être pas idéale, mais sans aucun doute la moins insatisfaisante», il met l accent sur le fait que «les volumes sont tellement confinés que le risque de contamination des sols est extrêmement faible». Il ajoute que la seule solution pour détruire définitivement toutes les fibres d amiante est la vitrification. bâtir novembre
5 Inertam Inertam L usine Inertam en France est la seule au monde à éliminer les déchets amiantés par le procédé de vitrification. Ci-dessus, une coulée de vitrification. Risque zéro, la vitrification? Mélangé avec des matériaux inertes et du ciment puis chauffé par torches à plasma jusqu à une température de 1600 C, l amiante est réduit en une roche non toxique: le cofalit. Inertam (du groupe Europlasma) est la seule usine en France (et vraisemblablement la seule au monde) à utiliser ce procédé. Si elle récupère 3% de l amiante extrait en France, qu en est-il de nos déchets? «Actuellement, nous ne recevons rien en provenance de la Suisse, mais nous avons eu quelques réceptions en , dont notamment les déchets provenant du désamiantage de la tour de la Télévision suisse romande», précise Anne Borderes, du groupe Europlasma. Le canton de Vaud avait également envoyé chez Inertam l amiante retiré du Centre professionnel du Nord vaudois d Yverdon-les-Bains en Mais la démarche reste extrêmement rare. Si la vitrification semble proposer une alternative intéressante au problème des déchets d amiante, elle est terriblement gourmande en énergie. La question de l impact écologique du procédé peut donc se poser. Quant au coût, il reste dissuasif: 2000 framcs la tonne pour l acheminement et la vitrification, contre 650 francs pour l enfouissement en DCB, soit plus de trois fois moins. L amiante fait parler de lui Sur Vaud, une cellule amiante cantonale, présidée par le chef du Département de la santé et de l action sociale Pierre-Yves Maillard, a été réactivée. Elle réunit deux fois par an des membres permanents de la Suva et de l Etat de Vaud (Service immeubles, patrimoine et logistique, Service de la santé publique et Direction générale de l environnement). Le sujet de l amiante est un vrai casse-tête et, si les solutions d élimination idéales n existent pas, les volontés sont en marche. TEXTE: JOËLLE LORÉTAN PHOTOGRAPHIES: VANINA MOREILLON Résidu de la vitrification: le cofalit est absolument inoffensif. L amiante en Suisse 1900 environ: début de l utilisation de l amiante 1939: L asbestose (maladie pulmonaire progressive) est reconnue comme maladie professionnelle par la Suva 1950: Premier soupçon d un lien entre l amiante et l apparition d un mésothéliome (tumeur maligne de la plèvre) 1970: Suspension des travaux d isolation comprenant de l amiante floqué 1984: Toutes les maladies reconnues liées à l amiante sont indemnisées par la Suva 1990: Le Conseil fédéral interdit l utilisation de toute forme d amiante dans la construction 2011: Le canton de Vaud rend obligatoire le désamiantage des immeubles lors de travaux nécessitant un permis de construire. Adresses utiles Canton de Vaud: Suva: OFSP (Office fédéral de la santé publique) FACH (Forum Amiante Suisse) 70 bâtir novembre 2014
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