Interview par Isabelle Huguet-Wachsmuth (IHW), Modératrice du forum HIFA-EVIPNet, le 12 Novembre 2014
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- Jean-Marie Mélançon
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1 Interview de Dr Pierre Claver KARIYO (PCK), Point focal Sécurité des Patients au bureau Inter-pays de l OMS pour l Afrique Centrale (IST, Inter country Support Team) de Libreville, Gabon depuis Septembre 2013 Interview par Isabelle Huguet-Wachsmuth (IHW), Modératrice du forum HIFA-EVIPNet, le 12 Novembre 2014 Messages clés pour la sécurité des patients 1 - Les pays de la région africaine de l OMS devraient actualiser leur politique et stratégie de santé pour prendre en considération la sécurité des patients. Message le plus important 2 L OMS AFRO est investie dans l approche qualité des soins et sécurité des patients et des actions sont en cours pour la mettre en place actuellement dans les pays 3- Les usagers de service ont une place importante dans l amélioration de la sécurité des patients et sont la voix des patients et cette voix permet de traiter les problèmes identifiés 4 Les partenariats intra-pays et inter-pays en matière de sécurité des patients sont très importants, pour échanger les bonnes pratiques. Cela peut être des partenariats Sud-Sud ou Nord Sud. 5- L enseignement et la formation sur la sécurité des patients doit être intégrée dans les curricula de formation de base et dans la formation continue en cours d emploi. Je suis en charge de coordonner le programme Sécurité des patients au bureau de l IST centre en charge de 10 pays (Angola, Burundi, Cameroun, Gabon, Guinée Equatoriale, Centrafrique, Sao Tomé, Tchad, République Congolaise et RDC) Question 1 par IHW Quelles sont vos priorités par rapport à la sécurité des patients et comment se déroule cette coordination avec les différents pays que vous gérez? Réponse de PCK - Notre mission est d appuyer les pays dont nous avons la charge (les 10 pays) à rendre les soins de santé plus sûrs en mettant en œuvre des politiques de santé, des stratégies et des plans d action qui mettent le patient au centre des préoccupations du système de santé. C est le chapeau de toutes les actions que nous devons mener. Le point de départ de notre action repose sur un document technique sur la sécurité des patients qui a été élaboré par le bureau régional pour l Afrique et qui a été adopté par les Etats membres et les ministres de la santé réunis en comité régional en 2008 à Yaoundé au Cameroun. Ce document s appelle Sécurité des patients dans les
2 services de santé en Afrique : enjeux et solutions. Ce document comprend 12 domaines d action qui sont les fondements des actions à mener dans les pays. Question 2 par IHW - Quelle est votre approche de coordination et le type d appui dans les pays sur la sécurité des patients Réponse de PCK - La première approche c est de sensibiliser les autorités nationales de la santé sur l importance de mettre au centre du système de santé l amélioration de la qualité des soins pour améliorer la sécurité des patients. En fait, nous sommes convaincus que sans améliorer la qualité des soins au sens global, la sécurité des patients ne peut pas s améliorer. A ce titre, pour le biennum , il est prévu des visites de terrain dans les différents pays de la sous-région pour faire cette action de sensibilisation. La deuxième approche consiste à mener une analyse situationnelle pour savoir à quel niveau chaque pays se trouve car en fait les pays sont à des niveaux différents même si ils sont tous dans la même région. Ils sont confrontés certes à des problèmes de santé similaires mais chaque pays a ses spécificités. C est pour cela qu une analyse situationnelle à l échelle du pays doit être faite afin d identifier les insuffisances, les écarts pour mettre en place les mécanismes pour combler les lacunes et les insuffisances relevées. La troisième approche consiste à fournir un appui direct au personnel concerné dans les pays en organisant des ateliers régionaux de renforcement des capacités : i) sur les thèmes majeurs de la sécurité des patients comme par exemple la sécurité au bloc opératoire qui a été faite fin 2013 pour tous les pays et la promotion des associations de défenses des droits des patients (Patient Safety Association) qui est prévu pour ii) Sur l élaboration des politiques en matière de sécurité des patients qui sont intégrées dans leur politique nationale de santé et le plan de développement sanitaire (atelier prévu en 2015) iii) Et enfin ponctuellement, nous répondons aux demandes d appui par les pays dans les divers domaines de la sécurité des patients. Question 3 de IHW - Quels sont les grands défis et les approches d intervention qui doivent avoir lieu pour assurer la sécurité des patients? Quels sont les défis par apport aux écarts observés au niveau des compétences du personnel de santé et de l infrastructure et les solutions qui peuvent être envisagées? Réponse de PCK Je vais présenter quelques résultats issus de l analyse situationnelle de la sécurité des patients (Cameroun, République congolaise, Guinée équatoriale et le Tchad) faite dans 4 pays. Le principal défi dans les pays visités est que leur politique de santé et plan de développement sanitaire n ont pas suffisamment intégré la question de la qualité des soins et de la sécurité des patients. La sécurité des patients a une place très limitée dans leur système de santé et je pense que
3 cela est vrai pour beaucoup d autres pays africains de par mon expérience en Afrique de l Est et Australe. L enjeu ici c est de tout faire pour que les politiques sanitaires donnent plus de place à l approche qualité des soins et la sécurité des patients. Le deuxième défi a trait aux infrastructures, ici les résultats sont divers et variés. Il y a des pays qui ont des hôpitaux ultra-modernes comme des hôpitaux de niveau tertiaire ou universitaires en très bon état avec des équipements sophistiqués comme des scanners de dernière génération, imagerie par résonnance magnétique, etc. Mais ceci peut coexister avec des centres de santé démunis où des choses de base par exemple l hygiène des mains de base ne peut pas être pratiquée parce que il n y a pas d eau courante en raison de panne fréquente sur le réseau ou parce que l équipement de protection individuelle des soignants (Gants, blouses stériles etc.) n est pas disponible. C est vraiment le contraste de l Afrique. La troisième chose à dire est que dans les pays que j ai visités en Afrique Centrale, la notion de charte des droits des patients n est pas connue ou quand elle est connue, c est quelque chose à laquelle on ne donne pas assez d importance. C est comme si les usagers des services de soins n ont pas la voix au chapitre. C est extrêmement frappant et ceci doit être relevé. L importance de l éducation mérite d être soulignée aussi. Il faut que dès le plus jeune âge les agents de soins soient formés pour pouvoir être capables d acquérir de bonnes pratiques appropriées dans les soins qu ils auront à dispenser. L enseignement de la qualité de soins dans les écoles n a pas la place qu il faut et nous sommes convaincus que si les gens ne sont pas formés dès les bancs de l école et s il n y a pas suffisamment de sensibilisation, la qualité des soins ne peut alors pas s améliorer. Le rôle de l éducation au plus jeune âge aux notions d hygiène et aux déterminants sociaux de la santé. L éthique et les droits humains par rapport aux droits humains pour une meilleure gouvernance des soins de santé par les professionnels et l impact sur les patients Question d IHW - Pourquoi les financements ne sont pas significatifs dans cette approche éducative? Réponse de PCK Je n ai pas de données sur les financements par pays. On peut cependant dire que certains pays ont relativement des ressources suffisantes pour le secteur de la santé. Certains de ces pays sont des pays à revenus intermédiaires. Néanmoins, les services de santé ou les soignants n ont pas toujours ce qui leur faut pour prodiguer des soins de qualité. Le problème n est pas à mon avis le volume de financement pour la santé mais comment sont alloués les financements. Si tout l argent part dans la construction de nouvelles infrastructures, et qu il n y a pas assez d argent pour que les infrastructures existantes soient fonctionnelles à 100% alors le système ne fonctionne pas comme il faut. Il y a une balance à trouver entre les nouveaux investissements et la maintenance des infrastructures existantes. Dans un hôpital visité le personnel me disait par exemple que 10 jours par mois ils n ont pas de solutions hydro alcooliques pour les soins de base ; que 5 jours par mois ils ont des ruptures en gants, en masque ou d autres choses dont ils ont besoin pour le travail quotidien.
4 En même temps dans le même pays, ils vont construire 3 ou 4 hôpitaux qui vont remplacer d anciens hôpitaux qui existaient déjà. Il ne faut pas oublier le renforcement des soins de santé primaires de bases qui permettent d améliorer l offre de soins dont les populations ont besoin. Je ne pense pas que le problème en Afrique Centrale soit un problème de moyens mais plutôt une question de sensibilisation pour établir les priorités par rapport aux besoins sanitaires de la population. Evidemment il y a des pays qui ont plus de moyens que d autres mais une meilleure affectation des ressources résoudrait pas mal de problèmes. Question d IHW - Comment voyez-vous les inégalités sociales dans cette région? Comment faire face à un système de soins à deux vitesse (performant et un autre non aux normes) et adresser une redistribution éthique par rapport aux populations concernées? Réponse de PCK il y a une prise de conscience élevée pour améliorer le fonctionnement des services de santé, la volonté politique est manifeste. La Coexistence entre structures publiques et privées ne devrait pas être un frein à l amélioration de la santé des populations au contraire c est une bonne chose. L offre de service du privé vient en complément à celle du service public, qui reste la plus importante mais il ne faut pas oublier des pays où l offre de soins privés est assez importante notamment en Afrique australe. Le service de santé privé, les hôpitaux des missionnaires et autres peut offrir des soins de qualité, le pays doit en tenir compte dans le système de planification et d évaluation. Il y a une prise de conscience que le financement de la santé doit être orienté de manière à renforcer tout le système de santé publique pour éviter la fragmentation des appuis aux services et pour éviter une trop forte verticalisation, c est-à-dire s occuper d une maladie et pas de l ensemble. Il est prouvé que quand on s occupe de tout le système de santé les choses se passent mieux que quand on s occupe de manière spécifique de chaque aspect de façon séparée. Ceci renforce le fait qu il faut intégrer les différentes dimensions de la santé. Question d IHW - Beaucoup de parties prenantes dans la santé dont l agenda n est pas forcement pas compatible avec les priorités nationales. Qu est-ce qui est prévue de la part du pays pour harmoniser et gérer ces différentes parties prenantes et leur domaine d intervention? Réponse de PCK - Il y a beaucoup de parties prenantes dans la santé et il n est pas rare de voir beaucoup de parties prenantes arriver avec des agendas différents. Le rôle des bureaux de l OMS dans les pays est entre autres d aider à canaliser toutes les interventions en matière de santé en un tout cohérent. Un tout cohérent cela veut dire que le pays a une seule politique de santé, un seul plan de développement sanitaire et toutes les parties prenantes doivent s intégrer sous ces deux documents de base. Chaque intervention ne peut se faire qu en alignement avec ces deux documents pour la planification. Plusieurs intervenants peuvent vouloir se faire concurrence mais le rôle de coordination est d assurer un tout cohérent mais c est pas facile notamment il est nécessaire d avoir une certaine stabilité politique. Tout le monde doit œuvrer ensemble dans le même but sinon cela devient une fragmentation qui ne résout rien.
5 Question d IHW Quelles sont les difficultés et quels types de stratégies avez-vous pour prévenir les partenaires qui ne veulent pas agir dans un sens commun? Réponse de PCK - Le rôle de l OMS est très important. En effet l OMS se positionne comme le leader dans la santé au niveau des pays. Le leadership de l OMS dans les pays n est donc pas contestable en ce qui concerne la santé et son rôle est de coordonner les partenaires de la santé en collaboration avec le Ministère de la Santé. Par exemple l initiative «One health» permet à tous les partenaires de contribuer aux mêmes buts. Question d IHW Comment l OMS peut intervenir pour rectifier ce problème éthique et comment sont reportés les dérives et comment les prévenir? Réponse de PCK Je vais vous donner un exemple. La question était de savoir pour un pays, comment résoudre le conflit entre autorités du ministère de la santé et un fournisseur d oxygène médical en ce qui concerne la qualité de l oxygène fourni. La question était à la fois éthique et politique. Le pays a fait appel à l OMS pour voir quels étaient les problèmes avec le fournisseur et appuyer les autorités pour régler le problème car les populations se plaignaient d être mal soignées. L OMS a alors nommé des experts qui ont permis de résoudre le différend à la satisfaction de tous. De façon plus spécifique, Il existe des comités d éthique en matière de recherche dans beaucoup de pays d Afrique. Un comité national d éthique existe en général mais quand ce n est pas le cas il peut y avoir des comités locaux au sein des structures hospitalières par exemple. Dans tous les cas les questions d éthique sont toujours très sensibles. Question d IHW - Est-ce que le point focal de la sécurité des patients travaille avec les autres départements, notamment les déterminants sociaux de la santé pour améliorer l information et la prévention de la population? Est-ce que il y a des rapprochements avec d autres points focaux de l OMS? Réponse de PCK Oui il y a des rapprochements avec d autres points focaux de l OMS. Un travail sur les déterminants sociaux de la santé se fait avec des collègues chargés de l information et l éducation pour la santé. Toutes les questions liées au changement de comportements, sensibilisation des personnels de santé et managers des hôpitaux et des autorités du ministère se fait en collaboration. Par exemple en ce qui concerne la résistance des parents à faire vacciner les enfants notamment par rapport aux effets indésirables de la vaccination, un travail collaboratif peut alors permettre de donner la bonne information pour expliquer que les bénéfices de la vaccination sont de loin supérieurs aux effets indésirables.
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