DOCTRINE DOCTRINE 2007 N 11. La problématique de l interopérabilité. L interopérabilité pour l armée de terre hongroise

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1 DOCTRINE Revue d études générales Revue d études générales 2007 N 11 DOCTRINE La problématique de l interopérabilité ETRANGER L interopérabilité pour l armée de terre hongroise LIBRES REFLEXIONS Les forces terrestres françaises au rendez-vous de l interopérabilité INTEROPÉRABILITÉ LE DÉFI >> Retour d expérience Les besoins en interopérabilité de la BFA à Kaboul

2 Directeur de la publication : Général (2s) Jean-Marie Veyrat Rédactrice en chef : Lieutenant Marie-Noëlle Bayard Tél. : Capitaine Grégoire de Montmorillon (Rédacteur en chef par intérim) Tél. : ou Relecture des traductions : Colonel (ER) Philippe Jolly Maquette : Christine Villey Tél. : Schémas : PAO : Nathalie Dujardin Création : amarena Crédits photos : SIRPA Terre (1 ère de couverture) (4 e de couverture) Diffusion : bureau courrier du CDEF Impression : Point d impression de l Armée de Terre de Saint-Maixent-l Ecole Tirage : exemplaires Dépôt légal : à parution ISSN : Tous droits de reproduction réservés. Revue trimestrielle Conformément à la loi «informatique et libertés» n du 6 janvier 1978, le fichier des abonnés à DOCTRINE a fait l objet d une déclaration auprès de la CNIL, enregistrée sous le n Le droit d accès et de rectification s effectue auprès du CDEF. Centre de Doctrine d Emploi des Forces - BP ARMEES. Fax : ou Web : Mel : doctrine@cdef.terre.defense.gouv.fr sommaire n 11 Doctrine Combats de demain : le futur est-il prévisible? p. 4 La problématique de l interopérabilité p. 10 L interopérabilité dans l OTAN : une vision actuelle p. 15 L'Union européenne : l'interopérabilité en marchant p. 18 Finabel : au service de l interopérabilité des armées de terre européennes depuis 50 ans p. 20 L interopérabilité interministérielle p. 24 L interopérabilité au niveau stratégique p. 27 La vision française d une interopérabilité renforcée p. 30 Vers une ébauche de politique "interopérabilité" de l armée de terre p. 33 L interopérabilité interalliée dans le domaine de l emploi et de la préparation opérationnelle p. 37 L indispensable interopérabilité dans le soutien des forces p. 41 L interopérabilité aux plus petits échelons p. 44 L interopérabilité avec nos alliés, une exigence, une volonté, une réalité p. 46 La prise en compte du besoin d'interopérabilité des forces dans la conception des programmes d'armement p. 49 Principaux sigles et acronymes p. 53 Bibliographie p. 55 Etranger L interopérabilité opérationnelle - Un point de vue britannique p. 56 L interopérabilité dans les opérations complexes de soutien de la paix et de stabilisation p. 60 L'interopérabilité pour l armée de terre hongrois p. 67 Retour d expérience Exemples de différentes formes d'"interopérabilité" ou de coopération militaire bilatérale au XX e siècle : Intégration militaire et divergences politiques : Français et Britanniques au Moyen-Orient pendant la Première Guerre Mondiale p. 72 Peut-on parler d interopérabilité franco-américaine en ? L American Expeditionary Force sur le front du Nord-est p. 76 Le bataillon français de l O.N.U. (4 e bataillon du 23 e régiment d infanterie U.S.) en Corée p. 80 Les besoins en interopérabilité de la BFA à Kaboul p. 84 L interopérabilité opérationnelle au niveau du corps p. 88 La terminologie comme outil de l interopérabilité p. 92 Libres réflexions Des avis complémentaires sur l interopérabilité Les forces terrestres françaises au rendez-vous de l interopérabilité p. 96 L interopérabilité franco-française ou la nécessité de renforcer le concert interarmes p. 100 Les forces de l ex-pacte de Varsovie : un bon exemple d interopérabilité? p. 105 Autres contributions à la réflexion doctrinale Quelques réflexions après deux ans de 3A des exercices de niveau 3 au CEPC p. 109 La QDR 2006 et ses grandes orientations : Quelles tendances lourdes pour la doctrine américaine? p. 115

3 éditorial C D E F Le caractère multinational de toutes les opérations dans lesquelles sont engagées les forces françaises n est plus à démontrer, LICORNE, par le biais de l ONUCI, n échappant pas à la règle. Ce qui est moins clair pour beaucoup, c est que l interopérabilité est une nécessité aux dimensions beaucoup plus larges, puisqu elle concerne aussi bien le domaine de l interarmes que celui de l interarmées et désormais, par le biais de l évolution des contextes d engagement, l interministériel. Ce qui est moins évident aussi, c est que l interopérabilité est avant tout autre chose que de la technique. Disait récemment l un de nos grands chefs : Si nous avons la volonté politique de nous engager avec une autre armée, nous trouverons toujours les interfaces techniques nécessaires. L histoire le prouve d ailleurs amplement, ce qui n empêche pas, dans ce domaine, de préférer l anticipation à la précipitation. N en doutons pas, l interopérabilité, c est d abord une question de compréhension mutuelle, c est-à-dire une question de connaissance culturelle et de compatibilité des doctrines. Et c est bien là que les efforts essentiels sont à conduire. Le temps joue contre l interopérabilité : concept global aux dimensions multiples, aux variables évolutives, l interopérabilité est plus difficile aujourd hui qu hier. Les raisons techniques ne sont pas les moindres puisque, par exemple, la rapidité d évolution des systèmes d information provoque déjà de sérieux problèmes d interopérabilité entre les différentes composantes d une même armée. Quels que soient les regrets qu on en ait, l interopérabilité technique se complexifie au même rythme que les équipements euxmêmes. Mais les principales raisons de la difficulté de l interopérabilité sont d ordre politique. Rappelons-nous : c est le projet commun qui a entraîné la grande machine à créer de la norme qu est l OTAN. Telle qu elle est encore comprise aujourd hui, la notion d interopérabilité s est construite, dans les esprits tant américains qu européens, dans la similitude des projets stratégiques majeurs de la guerre froide. Reflet du besoin de coordonner les efforts en vue de l action commune, l interopérabilité se construisait par la compatibilité des équipements et l harmonisation des procédures opérationnelles dans la volonté de se comprendre tant techniquement que culturellement. Cette interopérabilité se traduisait par la standardisation otanienne des équipements et doctrines d emploi ; la similarité des niveaux technologiques la rendait possible. C est fini. Il n y a plus de projet commun aussi contraignant que le projet sociétal qui sous-tendait l interopérabilité de la guerre froide. La stabilité des conditions d engagement, la notion d alliance rendaient les efforts à la fois nécessaires et utiles ; au contraire, l instabilité des circonstances et la notion de coalition en réduisent la nécessité et tendent à rendre vains les efforts, tant il devient impossible de savoir à l avance dans quelles conditions et avec qui l on s engagera. Cela impose de repenser complètement l interopérabilité, de bien comprendre qu elle est d abord un objet politique avant d être un objet technique. Il n est pas possible de faire effort partout, il faut donc faire un effort où cela a un sens. Après avoir bien pris conscience des contraintes extrêmement fortes de la multinationalité (comme de son caractère inévitable!), il faut déterminer exactement ce que l on en attend en termes politiques : avec qui ai-je le plus de probabilités d être régulièrement engagé? Avec qui dois-je pouvoir engager tel volume de force pour réaliser tel type de mission? Quel est le volume minimal de forces qui doit rester national, tant pour des raisons d efficacité technique que pour des raisons de visibilité politique, puisque la participation ne sert à rien si les forces par trop disséminées ne sont pas lisibles? Donc, au bilan, avec quelles forces et à quels niveaux veux-je être interopérable? Notons au passage que l évolution du contexte international fait qu il y a désormais un besoin réciproque d interopérabilité : aujourd hui, en effet, une grande part de la légitimité suppose la multinationalité effective des déploiements et des engagements. Si les petits ont besoin des grands, l inverse le devient tout autant, ce qui donne au petit un poids nouveau dans la négociation sur l interopérabilité et impose au grand de tenir compte des contraintes des petits dans ses propres évolutions, technologiques en particulier. Rien ne sert de courir par principe après l interopérabilité : elle n a rien d une vertu cardinale. Ce qui compte, c est que l interopérabilité ait un sens : un sens opérationnel d abord mais, davantage encore, un sens politique. Donc, la seule interopérabilité qui ait un sens, c est l interopérabilité différenciée. Son seul moteur majeur, c est le caractère partagé du projet et l Europe, désormais, pourrait bien en être le meilleur vecteur. Général Vincent DESPORTES commandant le Centre de doctrine d emploi des forces MARS DOCTRINE N 11

4 doctrine Combats de demain : le futur est-il prévisible? 1 Vous pouvez survoler un pays éternellement; vous pouvez le bombarder, l atomiser, le pulvériser et le débarrasser de toute vie Mais si vous désirez le défendre, le protéger, et le maintenir dans la civilisation, vous devez le faire sur le terrain, comme les légions romaines l ont fait, en mettant vos jeunes soldats dans la boue. T. R. Fehrenbach, This Kind of War: A Study in Unpreparedness, New York, Mac Millan, 1963, p Concevoir et préparer les forces pour les engagements de demain n est sûrement pas chose aisée, tant les évolutions des contextes opérationnels s amplifient et s accélèrent depuis la fin de l ère stabilisée de la guerre froide. Le problème s accentue puisque ces évolutions ne sont pas linéaires mais, à l inverse, marquées par de profondes ruptures, généralement inattendues, qui modifient considérablement les conditions d engagement. Dès lors, la prévision devient plus que délicate. Elle est pourtant indispensable en raison de la durée des processus d acquisition des équipements et de la progressivité des évolutions des systèmes de forces, d une part, de l énormité des masses financières concernées d autre part et, par-dessus tout, des enjeux. Au final, il ne s agit pas moins que de la sécurité et de la défense de la nation, de sa population et de la capacité de cette dernière à exister selon les normes qu elle entend elle-même fixer. Aucune certitude pourtant ne peut tracer la voie. Seules l intelligence et la culture peuvent servir de guide, aidées par la lecture du présent et de ses tendances. Car le futur, bien sûr, prend racine dans le présent et l analyse de ce dernier doit, avec toutes les précautions nécessaires, orienter les choix par la compréhension des tendances lourdes perceptibles. PAR LE GÉNÉRAL VINCENT DESPORTES, COMMANDANT LE CENTRE DE DOCTRINE D EMPLOI DES FORCES Des certitudes déjà acquises Avant de chercher à décrypter le futur, il faut évoquer certaines évidences déjà largement partagées, qui constituent en quelque sorte le socle de la réflexion prospective. L efficacité tend à l emporter sur le statut S agissant des systèmes de forces, il convient d abord de remarquer ce que l histoire nous apprend : l armée que définissent les ambitions politiques - ou plutôt l ambition des politiques - est souvent sensiblement différente de l armée répondant aux nécessités de défense. La difficulté du discours des militaires au politique naît de cette non-correspondance, et fonde d ailleurs également une bonne partie des divergences au sein même de l institution militaire. La question n est pas simple : les deux types d armée valent, puisque l outil militaire ne vaut que par sa raison politique. Dans ce débat, la bonne nouvelle, cependant, est que progressivement, face aux réalités, cette non-correspondance s atténue, avec la perception croissante que les armées et les armes de statut le sont, en fait, de moins en moins, et que ce sont de plus en plus les armées d efficacité et les armes d emploi qui fondent le statut. Des tendances marquées Est établie ici, pour mémoire, une courte liste de tendances déjà bien ancrées pour les quinze années à venir, dans les quatre domaines du multinational, du national, du tactique et du technique. DOCTRINE N 11 4 MARS 2007

5 doctrine Au plan international Le national cède le pas devant le multinational, mettant en première ligne le problème de l interopérabilité : la multinationalité s apparente souvent plus à une gêne qu à un avantage dans la conduite des opérations ; en aval, l interopérabilité doit être abordée comme un objet plus politique que technique. Dans les opérations, la coalition se substitue à l alliance, ce qui conduit à renégocier et à construire, en chaque occasion, autonomie d action, capacité d influence et visibilité politique de l engagement national. Au plan national Dans le règlement des crises, le militaire proprement dit cède largement devant l interministériel. Le dialogue civilo-militaire fonde toute action ; le militaire n y apparaît plus que comme l une des dimensions d une manœuvre d ensemble. Plus qu auparavant, la finalité politique doit, en aval, soutenir la planification globale, la constitution des forces et l action. La dimension interagences peut atteindre les plus petites unités, parfois jusqu au niveau de la compagnie. Au-delà d une stricte nécessité imposée par la prééminence des actions de proximité, au contact, la protection de la force - à la fois condition de l audace et de la maîtrise de la violence - devient un enjeu politique parce qu elle est aussi condition de la liberté d action. Tout pari sur la protection s avère dès lors un pari politique : il est donc préférable de ne pas échanger trop vite les techniques qui ont fait leurs preuves - le blindage, par exemple - contre des promesses technologiques incertaines. Par ailleurs, l emploi de la force doit être conçu sous la contrainte de son impérative préservation, puisque ce sont les mêmes forces et les mêmes équipements, extraits d une même enveloppe non renouvelable, qui sont engagés successivement sur les différents théâtres d opération. En revanche, mais ce n est paradoxal qu en apparence, plus on sécurise les forces, moins elles sont protégées, parce qu elles perdent le contact avec l acteur essentiel des crises, la population. Dans le domaine tactique L interarmées devient la norme, avec une limite. De nombreuses opérations relèvent essentiellement d une seule composante et il n y a pas lieu, au seul nom du politiquement correct, de se plier à la tyrannie du joint, et de partager ce qui n a pas à l être. En particulier, dès qu une force terrestre est déployée, c est elle qui devient le plus souvent l élément appuyé. la capacité d influence prend le pas sur la capacité de destruction qui, d ailleurs, en demeure souvent la condition : pour reprendre les expressions de Carl von Clausewitz, la guerre est de moins en moins le jugement de la force et de plus en plus l affrontement des volontés. Dès lors, les capacités non cinétiques s affirment face aux capacités cinétiques 2 : les meilleures armes en contre-insurrection ne tirent pas des balles! L humain, le psychologique et le qualitatif tendent à prévaloir contre le matériel et le quantitatif. Sur le terrain, les opérations longues et indécises succèdent aux opérations rapides et précises, la lacunarité à la densité, et l action de détail reprend le pas sur la concentration des efforts. Les espaces ouverts font place aux espaces cloisonnés et urbains dans lesquels les apports des nouvelles technologies de l information sont réduits. Les notions de profondeur, de contact et d arrière perdent leur sens, et la notion de direction dangereuse se trouve de fait disqualifiée ; dans cette nouvelle organisation de l espace conflictuel, la mutualisation des moyens - des appuis en particulier - supplante l appartenance organique. La linéarité disparaît derrière l intrication, ce qui ne permet plus à la manœuvre, donc à la doctrine, de pallier l absence de protection physique. Dès l issue de la phase de coercition, la force se trouve beaucoup plus en réaction qu en proaction. Les espaces de manœuvre se rétrécissent et le contact devient la norme : la distance moyenne des affrontements en Irak est de 20 mètres. La force ne peut choisir ni limiter ses phases de contact. L idée théorique de la séparation des capteurs et des effecteurs y perd une grande part de sa pertinence. Du fait de la judiciarisation, de la médiatisation et de l irruption de la société de l information dans la vie quotidienne en opération, la liberté d action est de plus en plus restreinte ; en définitive, l enjeu final de toute opération s avère être l opinion publique, nationale ou extérieure. Sur ce point, le chef d étatmajor des armées françaises évoquait récemment le risque de voir proliférer sur le terrain l espèce des juristes inhibés en uniforme, une main sur le code pénal et l autre sur le parapluie. Ce Pourtant, dans les affrontements de type conventionnel, on assiste à une inversion du rapport appuyé/appuyant. Il s agit désormais essentiellement, pour les forces terrestres, d obliger par leur action les forces adverses à se rassembler, et donc à se constituer en cibles du feu aérien ou sol-sol de précision. Dans cette nouvelle manœuvre, l adversaire peut soit se regrouper pour contrer une attaque terrestre et être détruit, en masse, par le feu air-sol, soit éviter ce dernier par la dispersion et être alors détruit, en détail, par les forces au sol. Les petites opérations l emportent sur les grandes. Les cibles et les actions stratégiques disparaissent derrière les cibles et les actions tactiques, tandis que la population s impose en acteur, en enjeu majeur ; c est sa volonté qu il faut emporter par l action. A cette fin, plus on utilise la force, moins on est efficace. En aval, US ARMY MARS DOCTRINE N 11

6 doctrine qui est sûr, c est que les comportements individuels pèsent sur l ensemble : nous sommes bien entrés dans l ère du strategic corporal. Dans le domaine technique Le renseignement s impose comme une dimension fondamentale du succès ; en même temps, le renseignement technique perd sa prééminence sur le renseignement humain. Le brouillard de la guerre s est à nouveau épaissi sur le champ de bataille : les forces terrestres vont devoir autant se battre pour l information que grâce à l information. En raison du coût croissant des plates-formes aériennes, la capacité de projection rapide par voie aérienne s avère restreinte et le demeurera dans l avenir, ce qui dimensionne d autant le parc de véhicules pour lesquels il est utile d échanger de la mobilité stratégique contre de la protection. La mobilité stratégique rapide est d ailleurs désormais perçue comme étant beaucoup moins nécessaire en raison des incontournables délais que la lenteur des démarches politiques semble devoir toujours offrir à la projection de forces. L accroissement du coût des armements terrestres suit la courbe des coûts des équipements aériens mais la nécessité du nombre, avec l élargissement des espaces, impose de ne pas se laisser emporter par cette dérive. Plus encore, il faut l enrayer ; et devant l impasse budgétaire où tant la nation que les forces armées sont engagées, avoir le courage d inverser une tendance profondément culturelle, bien antérieure à l actuelle évolution des contextes d engagement, et mettre en œuvre de manière particulièrement volontariste l idée de juste suffisance technologique. Un futur qui se dessine Au-delà de ces constats largement acceptés, on peut dégager quelques idées-forces qui organiseront probablement les engagements de demain. La guerre symétrique est improbable La première idée structurante est que la guerre classique - au sens où on l entend aujourd hui, puissance industrielle contre puissance industrielle - est probablement morte. La guerre symétrique a disparu ou, à tout le moins, sa probabilité d occurrence est négligeable. La perfection de la guerre a tué la guerre classique, à armes égales : déjà morte en pat le 9 novembre 1989, elle est morte en mat le 9 avril 2003 à Bagdad. Deux raisons essentielles fondent cette évolution. La première, fondamentale, est que la guerre conventionnelle n est plus un outil rentable de réalisation des visées politiques ou économiques. D une part, les coûts exorbitants de la guerre moderne la rendent, sur une grande échelle, de moins en moins efficiente : selon les analystes américains, la guerre en Irak aurait coûté, en dollars constants, autant que l ensemble du deuxième conflit mondial pour un engagement et un résultat qui ne sont, d évidence, guère comparables. D autre part, dans un système mondial de plus en plus interconnecté, les destructions redoutables qu elle provoquerait tant chez le vainqueur que chez le vaincu engendreraient des désastres économiques insupportables, sans commune mesure avec les résultats attendus. La deuxième raison est que, vraisemblablement, à l échelon des grandes nations, la dissuasion nucléaire continuera à jouer à l avenir son rôle d abaissement des niveaux de conflictualité. On remarque cependant, et c est fondamental, que le maintien en sommeil de la guerre classique suppose encore pour longtemps que l on conserve les capacités de la faire. La Transformation 3 trouve ses limites dans la fin de la guerre classique Les difficultés rencontrées par les forces américaines en Irak et ailleurs ont révélé non seulement les impasses du tout-technologique et aérien mais plus profondément la prégnance des opérations terrestres de longue durée - stabilisation ou contre-insurrection -, faisant du même coup apparaître comme étrangement décalé tout le débat stratégique des années 1990, focalisé sur la victoire décisive et l accélération des tempos. L adversaire nouveau apparaît comme de moins en moins détectable, non repérable, donc non justiciable des feux de précision. La transparence du champ de bataille n est plus une idée applicable à notre adversaire de demain. La Transformation conjuguait les progrès considérables réalisés en matière de détection, de précision et de communication. Le caractère non repérable de l adversaire remet en cause un de ses piliers, la Transformation ayant été imaginée d abord contre un ennemi vu comme un ensemble de cibles. Le contexte conflictuel actuel, fait de projection de forces, d interventions soudaines mais aussi de stabilisations prolongées et de pourrissements locaux, semble emporter des implications différentes. La Transformation semble opérer essentiellement au niveau de l affrontement conventionnel à grande échelle, tandis que les conflits réels se situent en grande majorité à l autre extrémité du spectre. De l offensive-éclair dissymétrique aux difficultés asymétriques La guerre classique est probablement morte, mais les engagements dissymétriques 4 demeurent. Cependant, dans cette crise permanente qui caractérise aujourd hui la situation internationale, on constate que ces engagements dissymétriques, toujours courts, se transforment eux-mêmes en conflits asymétriques 5, longs et coûteux. Pour ne prendre que quelques exemples récents, la guerre du Kosovo s est résumée en deux mois de guerre classique et, pour l instant, en six années de crise asymétrique ; la guerre en Afghanistan, un mois de guerre classique et quatre années déjà de crise asymétrique ; la guerre d Irak, trois semaines de guerre classique et déjà plus de trois années de guerre asymétrique. Hier, les phases de coercition constituaient l essentiel des interventions : il s agissait de contraindre un Etat et de détruire, pour ce faire, ses capacités militaires ; les moyens de destruction constituaient donc l argument majeur de l efficacité militaire et politique. Aujourd hui, il faudra le plus souvent et le plus longuement agir non contre un adversaire de ce type, mais pour restaurer l Etat et au profit d une population. La première bataille DOCTRINE N 11 6 MARS 2007

7 doctrine SIRPA AIR numérisée pourrait être courte, mais la campagne qui la suivra, même numérisée, sera longue. Hier, politiquement et techniquement, les guerres se gagnaient du haut vers le bas ; aujourd hui, c est du bas vers le haut, à partir du sol et de la population, que se résolvent les crises. Sur les théâtres extérieurs, la phase décisive se déplace Cette phase décisive n est plus la phase initiale, courte, de l intervention, mais la phase de consolidation, longue, qui la suit. Les idées de rapid decisive operation ou de schock and awe, encore prônées il y a peu par les Américains, n ont plus de sens. La phase de coercition pourra être extrêmement violente, et tirer le meilleur parti des nouvelles capacités technologiques, mais c est la phase de stabilisation - de progrès vers la normalisation par une présence au sol, au contact, dans la durée - qui, par l usage approprié de la force, sera décisive. Ainsi, même si elles doivent impérativement conserver cette capacité, les armées n ont plus à être conçues seulement pour affronter leurs homologues, mais pour produire aussi de l efficacité sécuritaire et être en mesure de rétablir la paix civile : donc s intégrer autant dans une logique de reconstruction que de destruction. Dans cette phase décisive, les forces terrestres, capables des deux au même moment, jouent un rôle essentiel ; elles devront le faire sans jamais perdre de vue la finalité politique qui doit rester dominante par rapport à la capacité technique. Cet impératif oblige. Comme le soulignaient déjà le général Gallieni et le maréchal Lyautey, on ne prend pas de la même façon un village selon qu il s agit de réduire un obstacle sur une voie de pénétration stratégique dans la zone des combats ou, à l inverse, de construire les conditions de la paix sur un théâtre en crise. Dans son action, dans ses manières de guerre, le chef militaire devra constamment garder à l esprit la perspective de la phase de normalisation. Une profonde mutation dans la finalité de l action militaire La première idée de synthèse émergeant de ce qui vient d être dit, c est que nous assistons à une mutation fondamentale dans la finalité de l action militaire, d ailleurs précédemment perçue par Clausewitz. Auparavant, le succès militaire conduisait le plus souvent directement à l objectif stratégique. Ce type de développement n a plus cours. Désormais, le succès militaire conduit simplement à l établissement des conditions qui permettront le succès stratégique. La différence est fondamentale. Pour reprendre des néologismes du moment, l outil militaire n est plus un effecteur, il est devenu un médiateur entre la volonté politique et le succès politique. Il ne s agit sûrement pas pour lui de gagner la guerre ; gagner la bataille devient un objectif intermédiaire indispensable mais intermédiaire. Il ne s agit pas réellement non plus de gagner la paix : il s agit d établir les conditions qui permettront l établissement de la paix. Le spectre des missions militaires évolue Une des conséquences fortes de cette mutation de la finalité des actions militaires est l élargissement du spectre des missions. L idée de dérive de la mission - mission creep comme le disent les Anglo-Saxons - peut être définitivement remplacée par celle de tâches impératives - implied tasks encore selon les Anglo- Saxons. C est vrai en positif, et tout autant en creux. En positif, la mission militaire, on l a vu, consiste à créer les conditions de l effet stratégique. Or, ces conditions passent toujours par la mise sur pied de modalités de vie normales pour la population qui désormais est l objectif même : conditions sécuritaires, conditions humanitaires, etc. Cela est vrai en creux aussi parce que, dans les faits, la force armée n a d autre choix que celui de la protection et de l aide aux populations. D autres pourraient le faire autant et mieux que les militaires, mais ils ne seront pas là. Les militaires seront toujours utilisés pour remplir ce rôle dans le temps plus ou moins long nécessaire au rétablissement d un niveau de sécurité et de stabilité suffisant pour que les agences civiles prennent ces missions à leur compte. L expérience montre que, durant un laps de temps assez long, seule la main d œuvre militaire sera disponible pour remplir certaines tâches indispensables, en particulier dans le cas habituel d absence d autorité civile locale : c est simplement une question de capacités disponibles par rapport à une situation existante. Il n existe pas encore de structures interagences équivalentes aux états-majors militaires. La composante civile d une opération n a ni l organisation ni les personnels, ni l entraînement ni les outils de planification, ni la logistique lourde ni les moyens de commandement et de contrôle de l ensemble des ressources mises à sa disposition pour réaliser le State building et désamorcer les insurrections potentielles, tant verticales qu horizontales. Si les militaires ne sont pas la coalition - qui est d abord politique - de facto, ils le sont pourtant aux yeux de la population ; ils sont intimement liés à chaque étape du succès ou de l échec. Il ne leur est donc pas possible d ignorer ces nécessités, même si celles-ci se situent en dehors de leur expertise traditionnelle : les tâches civiles induites deviennent des responsabilités militaires par défaut, dès lors que les armes lourdes se sont tues. Si la force ne tient pas ce rôle, alors les succès militaires précédents auront été réalisés en vain, ce qui les délégitimera d autant. Il n est pas possible d ignorer cette nécessité : la force doit donc être préparée à ces missions, et s en donner les moyens. MARS DOCTRINE N 11

8 Notre processus de conception et de production des armements est souvent beaucoup trop long ; nous recherchons le parfait, le stabilisé, l universel, qui n existent pas ou ne peuvent exister que par la variété. L adversaire, pour sa part, utilise des maquettes, se saisit des dernières technologies du jour, se satisfait de la demimesure, se consolide par l incrémentation successive. On pourrait dire que, selon le concept OODA (observation, orientation, décision, action) 7 en vogue dans les milieux de la Transformation, nous sommes peut-être capables d être plus rapides que lui au niveau du cycle opérationnel, mais non au niveau du cycle tech- doctrine En revanche, la force ne doit pas - et l équilibre est difficile - se laisser engluer dans des projets qui sont nettement en dehors de ses capacités et de ses compétences. Le commandement militaire doit donc être clair sur ce qu il accepte de faire - parce que c est strictement indispensable - et ce qui ne relève pas de son domaine. L exemple du général de division américain Chiarelli, crédité d un grand succès lorsqu il était en 2004 responsable de la zone de Bagdad à la tête de la 1 re division de cavalerie, est très parlant. Avant le déploiement de son unité en Irak, il prit la peine d envoyer ses officiers d état-major en stage dans la municipalité de Houston parce qu il percevait qu il était tout aussi nécessaire pour eux de comprendre comment fonctionnait une ville que de savoir comment l on capturait des terroristes 6. On voit que l évolution de la conflictualité conduit, dans un but très simple de pure efficacité technique, à une nouvelle nécessité pour les forces : celle de la protection et de l aide aux populations. Les forces terrestres - celles qui conduisent aujourd hui la grande majorité des engagements - seront obligatoirement impliquées dans des tâches qui, dans des circonstances normales, seraient dévolues aux organisations civiles. Elles doivent s y préparer en termes de doctrine, d équipements et d entraînement, en termes de formation des cadres - cette dernière devant s ouvrir aux disciplines civiles liées à la reconstruction d un pays, au sens large. Il faut cependant rappeler ici de manière insistante que ces missions ne seront bien remplies que si la force bénéficie à tout instant d une nette supériorité militaire sur les éventuels opposants. On aurait tort de postuler la fongibilité de la puissance, de supposer que la capacité militaire est aisément convertible en capacité sociale ou politique. Cependant, on ne peut se contenter de mépriser la réalité, et d affirmer que la protection et l aide à la population ne sont pas des affaires militaires. Elles le sont : il en va de l efficacité et de la légitimité finale de la force armée. Un ennemi en évolution Dans quinze ans, il n y aura plus d ennemi asymétrique L adversaire continuera à éviter l affrontement frontal avec la force de haute technologie, à minimiser les avantages comparatifs de cette dernière, et à exploiter ses faiblesses, le plus souvent d ordre psychologique. Et pourtant, il n y aura plus demain d ennemi asymétrique, parce que nous aurons enfin compris que si nous traitons aujourd hui l adversaire d asymétrique, c est parce que nous sommes toujours intellectuellement dans un modèle de pensée ancien, que nous restons obsédés par l idée occidentale du fort au fort, que nous n avons pas encore redécouvert que toute victoire est forcément asymétrique. L utilisation du terme d asymétrie reflète en fait le refus d imaginer qu un adversaire digne de ce nom puisse vouloir se battre selon une autre logique que la nôtre. Quand nous parlons des lois de la guerre, nous pensons en fait, aujourd hui encore, aux lois de notre guerre. Dans quinze ans cependant, nous aurons compris que notre adversaire n est pas asymétrique, qu il est simplement notre adversaire, même irrégulier pour utiliser l expression américaine du moment. Auparavant, il nous faut prendre garde à ne pas penser le combat de demain avec les équipements de demain mais contre les adversaires d hier. L adversaire s adapte de plus en plus vite L adversaire s adapte désormais avant même l intervention ; et au cours de l intervention, il s adapte de plus en plus vite. Américains et Britanniques en sont conscients, malgré toute leur technologie et leur savoir-faire, ils sont toujours en retard d un stratagème ou d une ruse sur ce dernier. Celui-ci profite en fait d un accès illimité à beaucoup de technologies parmi les plus modernes et conçoit des procédures de combat toujours plus sophistiquées. Les Britanniques le disent : leur adversaire irakien s est beaucoup plus adapté en trois ans que ne l a fait leur adversaire irlandais en trente ans. Le pire peut-être est que l adversaire évolue, mais de manière non linéaire, sachant varier, sans prédictibilité facile, modulant intensités et formes de violence pour nous engluer dans des guerres hybrides dont nous ne connaissons pas encore le modèle. L armement n est pratiquement jamais utilisé pour produire l effet prévu L adversaire apprend très vite à se tenir en dessous du niveau d utilité de nos armes, dont l efficacité se trouve pervertie. L expérience et l histoire nous apprennent que, en général, nous aurons soit à adapter l utilisation de l équipement aux nouveaux besoins, soit à adapter l équipement lui-même. Parallèlement, nous devrons adapter nos techniques et nos procédures, nos doctrines et la formation des hommes. La technologie n est plus un gage de supériorité Au contraire, la technologie a désormais un pouvoir égalisateur. C est par l utilisation des technologies les plus fines que l ennemi irakien tient les armées américaine et britannique en échec. Cela nous renvoie à nos systèmes de conception et de spécification, dont le rythme a du mal à se séparer d un mode de pensée devenu obsolète voici 17 ans. L expérience montre qu il est probablement nécessaire d inverser des logiques inflationnistes et, pour une partie au moins de nos équipements, d adopter résolument ce que l on pourrait appeler l esprit Logan qui vise à fournir l essentiel, juste l essentiel, pour un coût maîtrisé et contenu. DOCTRINE N 11 8 MARS 2007

9 Aujourd hui, encore plus qu avant, ce n est pas la capacité de planification et de conception qui importe, mais la capacité d adaptation, parce qu il n est strictement pas possible d estimer de manière rigoureuse l occurrence des types d engagement futurs, parce que nous aurons surtout à conduire des guerres de réaction, et parce que dans ce cas nous devrons en permanence évoluer dans des boucles de réaction très courtes. Il faudra de plus en plus, désormais, pouvoir adapter très rapidement nos équipements, nos méthodes et nos doctrines. C est une affaire de culture, de structures, de procédures financières. C est aussi une affaire de réserves, intellectuelles, structurelles et finan- doctrine cières. C est enfin une affaire de flexibilité dans les organisations et les hiérarchies opérationnelles ; dans ce domaine, la numérisation sera d un grand secours. SIRPA TERRE nologique. La technologie représente désormais autant notre faiblesse que notre force. L adversaire saura en contourner le meilleur lorsque nous devrons intervenir et exploiter nos faiblesses avant même de nous avoir affrontés. Il faut donc probablement retrouver aussi l esprit garage, celui qui permet de satisfaire très rapidement 80 % des besoins, et abandonner l esprit perfectionniste qui satisfait 120 % des besoins, mais en quinze ans. Ce qui compte : la capacité de réaction et d adaptation Le succès, demain, ne sera pas tant une affaire d équipements - ceux-ci seront pervertis, quoi qu il advienne. Il dépendra de cette capacité d adaptation permanente qui concerne tout autant la formation des hommes et le style de commandement opérationnel. Bref, en termes de centre de gravité structurel et intellectuel, l expérience nous apprend que l un des grands défis que nos systèmes de défense et de sécurité devront relever demain est celui du passage du statut d organismes qui planifient à celui d organismes qui réagissent au moins autant qu ils planifient. 1 Cet article, déjà paru dans la revue Politique étrangère, (automne, p ), est publié avec l aimable autorisation de l IFRI. 2 Pour reprendre la distinction faite aujourd hui par les armées américaines qui opposent ainsi les armes dont l effet majeur est fondé sur la capacité de destruction et de dommages physiques (armes cinétiques) aux autres. 3 Réforme du département de la Défense américain, ainsi que des doctrines et des forces armées américaines, entamée au milieu des années 1990 et reposant sur le présupposé selon lequel les progrès en matière d information et de communication ont radicalement transformé la nature de la guerre. 4 Conflits opposant des armées régulières disposant de forces de même nature mais de capacités fortement inégales. 5 Conflits opposant des adversaires dont les finalités, les moyens et/ou les méthodes sont de natures fondamentalement différentes. 6 Brigadier N. Aylwin-Foster (British Army), Changing the Army for Conterinsurgency Operations, Military Review, novembre-décembre Conçu par le colonel (USAF) John Boyd, le concept OODA est désormais utilisé communément pour décrire le cycle décisionnel ; dans le combat conventionnel, l emporterait celui qui aurait une boucle OODA plus rapide que son adversaire, en utilisant au mieux la révolution opérée dans les techniques de l information. Trois idées méritent de conclure cette analyse. La première concerne le territoire national. L histoire nous dit qu une armée qui serait parfaitement performante à l extérieur mais non à l intérieur perdrait vite la première capacité, par des bascules budgétaires vers d autres ministères. Il faut donc concevoir des systèmes de forces capables d intervenir sur le territoire au profit des populations, pour leur secours, pour leur sécurité en général et dans la lutte contre le terrorisme en particulier. La deuxième idée est celle de l élargissement du métier militaire : il concerne les hommes mais aussi les équipements. Les opérations nouvelles sont indubitablement caractérisées par l importance des actions autres que le combat. On assiste à un élargissement considérable des savoir-faire et savoir être, avec des basculements rapides entre différents types d actions et de comportements. Le chef militaire demeure un meneur d hommes, mais il devient un administrateur, un négociateur et un médiateur. Il doit disposer des moyens - intellectuels et matériels - de ces nouveaux métiers. La troisième idée, celle que tant l histoire que l expérience font apparaître comme véritablement fondamentale, c est que les armées qui gagnent sont les armées qui apprennent, celles qui tirent du réel leur efficacité pour l avenir. Si les Américains ont finalement gagné à Falloujah en 2004, c est parce qu ils avaient enfin assimilé l expérience de Grozny. La pratique nous enseigne donc que le véritable défi pour les armées françaises, bien qu elles ne soient engagées aujourd hui dans aucun conflit dimensionnant ou suffisamment traumatisant, c est de devenir toujours davantage des institutions apprenantes. MARS DOCTRINE N 11

10 La problématique de l interopérabilité doctrine interopérabilité est un de ces sujets d actualité dont on comprend l enjeu majeur, qu on invoque souvent mais L dont on peine encore à définir les attendus. Si la politique d interopérabilité de l OTAN a été précisée en 2005, si une stratégie française de l interopérabilité en coalition est globalement définie depuis 2004, il n existe pas encore de concept de l interopérabilité français au niveau de l EMA comme à celui de l armée de terre 1. Cependant dans la quasi-totalité des engagements d aujourd hui 2, les forces armées vivent sur le terrain les réalités de l interopérabilité. Il s agit bien pour elles d opérer en synergie dans l exécution des missions fixées 3. Ainsi, dans ce contexte de transformation des forces avec les besoins en interconnectivité qu il génère et de coopérations multiples, l interopérabilité semble s imposer plus que jamais comme condition de l efficacité opérationnelle. Cependant les modalités de mise en œuvre de l interopérabilité demeurent difficiles à préciser tant elles répondent d abord à une logique de choix politiques et stratégiques, adaptés aux situations et aux partenaires. Pour éclairer ce dossier, il semble utile de fournir, en ouverture, des éléments clés qui pourront servir de guide au lecteur. Un état des lieux de l interopérabilité est présenté. Il est précédé d un essai de définition de l interopérabilité et de son contour tant elle embrasse un domaine toujours plus large, qui mêle la norme technique au culturel, et va des petits échelons jusqu aux niveaux stratégiques et politiques. Il est aussi indispensable de mettre en lumière la complexité du sujet, notamment son caractère paradoxal qui juxtapose un besoin croissant de normalisation à une notion de choix politique et d adaptation des exigences d interopérabilité à chaque situation opérationnelle. Les différents aspects de l interopérabilité et sa complexité mis en évidence, une ébauche de l approche doctrinale française de l interopérabilité pourra être abordée. PAR LE COLONEL PHILIPPE BERNE DE LA DEO DU CDEF Essai de définition et état des lieux Définition de l interopérabilité Souligné en préambule, notre monde vit toujours davantage dans une logique d interactions et d interdépendances. Cette réalité se ressent plus fortement encore pour le militaire en opération. Il s agit donc de donner au chef militaire les moyens d agir en synergie avec ses différents partenaires en permettant une perception commune de la situation, une compréhension mutuelle et ainsi une complémentarité des actions. L interopérabilité répond à cette exigence puisqu elle est selon la définition de l EMA, la capacité de plusieurs systèmes, unités ou organismes à opérer ensemble grâce à la compatibilité de leurs organisations, doctrines, procédures, équipements et relations respectives 4. Les interopérabilités Touchant à l ensemble du champ des activités et des acteurs d une opération, l interopérabilité s exerce à tous les niveaux, des plus bas jusqu aux plus hauts (stratégiques et politiques). Elle est qualifiée d interarmes, quand elle permet à des moyens terrestres d être engagées avec d autres moyens terrestres de la même nationalité, d interarmées lorsqu elle permet d opérer avec des moyens d autres armées, d interadministrations avec les services d autres ministères et enfin d interopérabilité multinationale ou interalliée avec ceux des forces d autres nations. Cette première approche de l interopérabilité est donc celle des 4 IA. L interopérabilité interarmes Problématique spécifique à l armée de terre, l interopérabilité interarmes est rendue nécessaire par l existence de fonctions opérationnelles agissant de façon complémentaire. Elle est donc une priorité qui touche à la fois aux domaines de la technique, des méthodes, de l organisation et de l entraînement. La recherche d une interopérabilité interne guide notamment une grande partie de la formation et de l entraînement tactique des unités depuis le niveau du sous-grou- DOCTRINE N MARS 2007

11 OTAN pement interarmes jusqu à celui de la brigade principalement. Cette capacité à l engagement interarmes est un axe d effort principal dont les exigences sont notamment mises en lumière lors des opérations, à travers les passages au CEN- TAC (demain au CENZUB), et lors de tous les exercices tactiques. L interopérabilité interarmées Indispensable, du fait notamment d opérations de plus en plus intégrées, cette interopérabilité interarmées progresse et se trouve mieux prise en compte dans le cadre des nouvelles responsabilités du CEMA. Elle exige le développement d un socle technique commun à tous les SIC, utilisant aujourd hui, par exemple, la modélisation des données retenue par les nations participant au MIP (Multinational interopability program) et autorisant ainsi des échanges tant au niveau interarmées, qu avec les alliés. L interopérabilité interadministrations ou interministérielle 5 Préoccupation ancienne sur le territoire national, la capacité à coopérer efficacement avec les services de l Etat appartenant à d autres ministères prend une dimension nouvelle dans le cadre actuel des opérations. Les opérations de stabilisation, au cours desquelles les différents acteurs agissent parfois simultanément, appellent une amélioration rapide de cette interopérabilité au même titre que l implication croissante des forces armées dans la sécurité des populations sur le territoire national. L interopérabilité interalliée ou multinationale Le besoin de mener les engagements avec des forces de plusieurs nations, aujourd hui parfois motivé plus par le besoin de légitimité de l action que par celui de trouver des moyens faisant défaut, est le principal champ d action dans lequel le besoin d interopérabilité sera plus particulièrement mis en évidence. Une deuxième approche de l interopérabilité, plus horizontale, consiste à rechercher les conditions de l interopérabilité dans les 4 grands domaines indissociables et mis en cohérence, de la culture, de la doctrine, de la technique et de l entraînement. Le niveau d interopérabilité dépend avant tout de la capacité des hommes à se comprendre (connaissance mutuelle des langues et des cultures). Il résulte ensuite de la compatibilité des doctrines et des procédures. Il s appuie aussi sur la compatibilité des équipements. Enfin l interopérabilité se concrétise par des pratiques communes, fruit d un entraînement en commun. Chacun de ces facteurs participe ainsi à l interopérabilité globale entre les acteurs. L interopérabilité technique s intéresse à tout le domaine des équipements notamment les systèmes de commandement. Sauf à s équiper totalement sur étagère, à l image des Américains s équipant français en 1917 ou des Français s équipant américain en 1944, l interopérabilité technique doctrine demeure partielle. Mais le référentiel normatif de l OTAN permet de disposer de normes communes en particulier par le biais des STANAG (Standardization Agreement) qui définissent les capacités et caractéristiques des différents types d équipement. L interopérabilité doctrinale Elle recouvre le domaine des méthodes, des organisations et des procédures. L interopérabilité procédurale vise à définir des référentiels de procédures agréées permettant l action commune 6. L interopérabilité des organisations est facilitée par la définition de références communes (Les AJP, les critères HRF, MC 477 pour la NRF...) reprises par les nations dans leurs documents de doctrine d emploi des forces et de procédures 7. L interopérabilité culturelle correspond à l aptitude des personnes, non seulement à travailler, mais surtout à se comprendre 8, dans un cadre interarmées et interallié. Elle dépend donc directement de la formation du personnel, à tous les niveaux, notamment dans le domaine des langues. Fondamentale, elle est complémentaire des deux autres dimensions. Dans le prolongement de la formation du personnel, l entraînement en commun renforce l interopérabilité doctrinale et culturelle. Il permet également de valider l interopérabilité technique. Une dernière approche consiste à aborder l interopérabilité selon son niveau d atteinte. L OTAN a ainsi défini 3 niveaux d interopérabilité. La compatibilité est définie comme l aptitude de produits, processus ou services à être utilisés conjointement dans des conditions spécifiées, pour satisfaire aux exigences en cause, sans interaction inacceptable. L interchangeabilité est définie comme la capacité, pour un matériel, procédé ou service, d être employé à la place d un autre pour remplir la même mission. La communité 9 est définie comme l utilisation des mêmes doctrines, procédures ou équipements. MARS DOCTRINE N 11

12 Dans ces différentes dimensions (les 4 IA), l armée de terre française œuvre pour acquérir et conserver un niveau d interopérabilité suffisant avec ses partenaires éventuels. Les ressources comptées, comme notre volonté de conserver une totale capacité à agir indépendamment, conduisent à développer une approche originale d une interopérabilité qui est voulue utile et maîtrisée. Seul le volet multinational sera développé ci-dessous. L acquis : le référentiel de l OTAN L armée de terre est d abord un acteur de poids au sein de l OTAN. En effet, quoique non intégrées, ses forces ont participé, sans interruption depuis 1949, aux efforts de standardisation de l organisation. Elle retient la plupart des STANAG comme base de sa doctrine et de ses procédures, continue à développer une connaissance mutuelle avec les armées alliées et s engage régulièrement à leurs côtés dans les Balkans ou en Afghanistan. Cette histoire se traduit par un socle d interopérabilité avec les alliés de l OTAN comme avec les pays de culture anglo-saxonne tels que l Australie, la Nouvelle-Zélande ou Singapour. Concrètement, les normes d interopérabilité de l OTAN sont la seule référence existante, mondialement reconnues comme telles. La stratégie d interopérabilité française est donc en cohérence avec la politique pour l interopérabilité approuvée par le Conseil de l Atlantique Nord (NAC) le 7 mars 2005, qui décrit formellement le but final de l interopérabilité comme l aptitude à opérer en synergie dans l exécution des missions fixées. De même, comme l indique le concept d emploi des forces, pour garantir l aptitude des moyens nationaux à opérer au sein de dispositifs alliés, les doctrines françaises doivent être compatibles avec celles de l OTAN. A partir de ce premier socle commun d interopérabilité, la France a choisi de bâtir une démarche complémentaire dans le cadre de l Union européenne. Cette nouvelle dimension ouvre un deuxième cadre d interopérabilité qui s appuie toutefois essentiellement sur les bases élaborées grâce à l OTAN. Ainsi le forum de réflexion doctrinale que constitue le comité FINABEL 10 contribue à développer une culture européenne de la défense (cf. article sur FINABEL). Assez simple dans l expression de son objet, l interopérabilité se révèle difficile à mettre en œuvre car elle répond à une problématique complexe où dominent recherche de légitimité internationale, intérêts particuliers des nations et diversité des types d engagement. Problématique et complexité de l interopérabilité Quand recherche de légitimité de l action et efficacité de l action s opposent... En effet pourtant gage d efficacité opérationnelle, la multinationalité génère ou peut générer paradoxalement de l inefficacité et des sureffectifs redondants. Frein à l efficience opérationnelle d abord ; selon les termes du CEMA à l école navale en janvier 2006, d un niveau trop modeste, elle ne conduit souvent qu à la juxtaposition d entités et non pas à leur intégration : il n y a pas d économie d échelle. Ainsi, l exemple d implantation de systèmes d information et de communications en Afghanistan a mis en évidence une juxtaposition de circonstance des réseaux conduisant à des dépenses supplémentaires. De fait coûteuse en termes d équipements, exigeante en termes de procédures, elle reste cependant d une efficacité relative. Sur le plan strictement militaire, la multinationalité est souvent plus un handicap qu un avantage et une unité nationale sera toujours plus efficace qu une unité multinationale à la cohésion et la cohérence opérationnelle inévitablement moindre. Par ailleurs, la logique nationale demeure présente au sein des coalitions et limite singulièrement l interopérabilité. Ainsi les règles d engagement sont liées au droit national. De même, l unité alliée peut invoquer son mandat pour ne pas effectuer une mission. Deux domaines, le renseignement et la logistique, échappent assez largement aux règles communes de l interopérabilité et restent très dépendants de la chaîne de commandement nationale. Pourtant, la multinationalisation d une force est désormais la norme car elle conditionne largement la légitimité de l intervention et de sa reconnaissance internationale. Ainsi, le niveau d interopérabilité devient une condition majeure de l efficacité opérationnelle et une force disposant d équipements, de procédures et de doctrines au minimum compatibles bénéficie d un atout majeur face à une force composite. Paramètre quasi incontournable des opérations, l interopérabilité voit son champ s élargir et se complexifier au gré des évolutions technologiques, de l accroissement des acteurs sur les théâtres d opération et du niveau requis jusqu aux petits échelons. Les évolutions technologiques accroissent le fossé entre armées. Pour l armée de terre française, le challenge reste de se maintenir dans le peloton de tête des armées en cours de numérisation tout en maintenant une interopérabilité avec les armées non numérisées. Ce grand écart devra conduire à faire des choix. De même au niveau national, l interopérabilité entre brigades numérisées et non numérisées, entre combattants équipés du système FELIN et ceux qui ne le sont pas, impose de trouver des solutions palliatives. C est aussi l objectif que se fixe l opération d ensemble SIC terre que de parvenir progressivement à une interopérabilité optimale des SIOC à partir d un socle technique commun, tout en garantissant pendant les phases intermédiaires une interopérabilité satisfaisante. Alors qu en phase d intervention, l urgence des situations et des décisions à prendre pourrait militer pour une interopérabilité accrue des systèmes et des procédures militaires mais limitée autant que possible aux niveaux élevés (corps, division, voire brigade), la stabilisation, phase longue et décisive des opérations, suivie de la phase de sortie de crise ou normalisation, autorise une multinationalisation élargie aux niveaux subordonnés. Elle reste cependant, aujourd hui, davantage de l ordre de la juxtaposition que de la réelle interopérabilité, un découpage zonal des responsabilités prévalant, l appui mutuel restant délicat à gérer. Cette phase de gestion et de sortie de crise requière aussi un véritable changement de nature de l interopérabilité. Elle s exerce avec des partenaires plus nombreux (organisations politiques, ONG, entreprises,...), davantage DOCTRINE N MARS 2007

13 dans le domaine de l interadministrations et de l interministériel. Sa dimension culturelle est mise en exergue avec la nécessaire compréhension des objectifs propres, des modes d action et de fonctionnement, des partenaires civils. Elle s exerce aussi à des niveaux de plus en plus bas. Au Kosovo le commandant de la brigade multinationale nord exerce son autorité sur des groupements tactiques de nations différentes. La prise d alerte au sein de l Union européenne se fait à partir de BG (Battlegroup 1 500) multinationaux, système qui amène les premières réflexions sur les limites à repousser (ou non) de la capacité d interopérer. De même le commandant d unité en opération intervient avec ou aux côtés d un gendarme ou d un MP, d une ONG et sous TACON d une unité alliée. Cette interopérabilité rendue nécessaire à des niveaux plus bas engendre à son tour un élargissement du spectre des équipements et des procédures à rendre interopérables, comme le souligne l article du colonel Brossard de la DGA sur la prise en compte du besoin d interopérabilité des forces dans la conception des programmes d armement. Cependant, si le besoin de normalisation des équipements, des procédures et des doctrines ne cesse de croître, si le critère de l efficacité opérationnelle justifie de définir des niveaux seuils, des limites, des axes d effort, l interopérabilité relève d abord de choix politiques. Le niveau d interopérabilité est avant tout lié à une volonté politique, à des choix stratégiques voire économiques. S affirmer comme une nation cadre en opération capable d assurer le commandement d une force multinationale et préservant son autonomie de décision, rester interopérables avec l armée américaine ou accepter un niveau de dépendance en renonçant aux contraintes de l interopérabilité en combat de haute intensité (le plus dimensionnant) ou encore définir des seuils d interopérabilité selon les partenaires : ces choix, aux contraintes financières lourdes, sont d abord politiques. Ainsi le choix politique de création de la BFA (brigade franco-allemande), sa subordination au corps européen puis son engagement dans le cadre de la NRF (NATO Response Force) ont imposé des contraintes d interopérabilité tactique particulièrement CCH CHATARD/SIRPA TERRE élevées tant à l entraînement qu en opération, comme en témoigne l article sur la BFA à Kaboul sous la rubrique RETEX. Le choix du niveau d interopérabilité apparaît donc différencié selon la visibilité multinationale à apporter à l opération, selon la phase de l opération mais aussi selon le partenaire, avec, pour la France, la primauté donnée au choix européen. La politique d interopérabilité, selon les termes du général Veyrat dans son article Les forces de l ex-pacte de Varsovie: un bon exemple d interopérabilité? devient ainsi une suite de choix raisonnés permettant d atteindre un juste équilibre, toujours provisoire, entre efficacité militaire et intérêts nationaux. Les orientations Dans la perspective des engagements possibles de la France (coalition avec les Etats- Unis, coalition dans le cadre de l UE avec ou sans recours aux moyens de l OTAN, opération en national), il s agit donc de définir des priorités et des niveaux d interopérabilité. C est l objet de la note rédigée conjointement par la direction des affaires stratégiques et l état-major des armées en juin 2004 et que commente l article l interopérabilité au niveau stratégique de l EMA. L ambition française d exercer des responsabilités de nation cadre détermine un premier axe d effort, le C4ISR 11 (SIC, opérations en réseaux) aux niveaux stratégique, opératif et tactique. Le deuxième axe d effort est l interopérabilité tactique en recherchant la standardisation au niveau HRF (le corps de réaction rapide France) ou aux niveaux subordonnés selon les types d engagement et d alliés en coalition. Pour l armée de terre, comme le montre le colonel BERAUD dans son article Vers une ébauche de politique interopérabilité de l armée de terre l effort porte sur l interopérabilité utile avec les alliés et partenaires majeurs. Elle est développée en accord avec les choix politiques (connus...) et en cohérence avec les moyens disponibles. Elle se situe pour reprendre les niveaux définis par l OTAN dans une recherche de l interchangeabilité, la communalité demeurant utopique pour des raisons financières et de choix politiques. Au plan technique, l effort porte donc sur les SIOC, avec notamment le programme MIP. Le programme Friendly Force Tracking (FFT) de localisation automatisée des amis s inscrit dans le processus plus global de la numérisation. Un projet de réalisation avec les Allemands d un socle technique commun interarmées a été lancé. L interopérabilité des équipements doit aussi satisfaire au critère déterminant du coût financier et répondre à une logique de juste suffisance et donc à des choix restrictifs. A cet égard les STANAG demeurent insuffisants pour définir le besoin puisqu ils sont le fruit d un compromis a minima (cf. article de la DGA). MARS DOCTRINE N 11

14 Un effort de formation et d entraînement en commun est mené (cf. l article du CFAT). Ainsi l EFAT (Ecole franco-allemande du Tigre) forme les pilotes d hélicoptères des deux armées. Dans le cadre des Staff Talks franco-britanniques, un projet étudie l entraînement en commun des PC sur le mode de la simulation distribuée (exercice à distance, en restant dans les garnisons). Le niveau d application de la multinationalité retenu dépend du type d engagement et de partenaires. Il se situe néanmoins plutôt à partir du niveau de la division (les brigades étant fortement nationales ), voire de la brigade en stabilisation, ce qui permet de mieux circonscrire les implications, même si certains contextes d engagement permettent d obtenir une réelle interopérabilité à des niveaux inférieurs, éventuellement celui des unités d un même bataillon. Dans ce cadre, toutefois, il convient d être particulièrement prudent et d ajuster au contexte, à la menace et à la nature des partenaires, le degré d application de la multinationalité afin de garantir une suffisante interopérabilité. Pour les unités de mêlée, il semble peu prudent de descendre en dessous du niveau bataillon de façon permanente (enseignements BFA à Kaboul, cf. article). En effet un contexte de stabilisation n exclut pas des actions ponctuelles de coercition (Three block war) 12 pour lesquelles les règles d engagement des différentes nations diffèrent et où la cohésion nationale de l unité est un gage majeur d efficacité opérationnelle. Comme le montre d ailleurs le général Ruppert Smith dans son livre The Utility of Force, la multinationalité d une brigade lui interdit de prendre en compte un objectif supérieur à celui d un bataillon, correspondant au niveau de mono-nationalité. 1 Un document à l étude, à sortir au 1 er trimestre En Afghanistan au sein de l OTAN, dans le cadre de l opération Benga de l Union européenne en République démocratique du Congo, au côté de l ONUCI en République de Côte d Ivoire,... 3 Définition extraite de la politique pour l interopérabilité de l OTAN du 7 mars Glossaire interarmées de terminologie opérationnelle - Ministère de la défense - France - Edition 3 augmentée - Février Selon le glossaire des termes et définitions de l OTAN (AAP6) L interopérabilité c est la capacité de systèmes, de forces ou d unités à fournir ou accepter des services d autres systèmes ou unités ou forces et d utiliser ces services pour opérer ensemble. 5 L interopérabilité ne se limite pas au seul cadre militaire. Le caractère global de la défense implique que les armées soient également capables d agir dans un cadre interministériel, notamment dans le domaine de la défense civile où il ne doit pas y avoir de solution de continuité entre la situation normale et la situation de crise. Il en résulte un besoin de coordination satisfait, d une part, grâce à l application de procédures particulières, d autre part et surtout, à travers un dialogue permanent entre civils et militaires. (Concept d emploi des forces de aptitude majeure à détenir). 6 Les procédures ont pour objet de normaliser le travail des états-majors afin de permettre la coordination interne des états-majors et externe entre états-majors, d intégrer rapidement les personnels et de faciliter leurs tâches, d exploiter rapidement et fidèlement des productions. TTA STANAG 2014 par exemple relatif à la présen tation des ordres et désignation des jours, des heures, des lieux et des limites, STANAG 2454 qui définit les règles et procédures applicables aux mouvements par voie routière,... 8 Cette interopérabilité, d ailleurs, pourrait presque s appeler cognitive. 9 Communité (Communality en anglais) Mot peu courant. Terme ancien proposé par le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales et approuvé par l Académie française, pour remplacer l anglicisme communalité. S applique aussi aux doctrines, procédures, organisations et équipements divers. Figure dans l AAP FINABEL : au départ, France, Italie, Pays-Bas, Allemagne, Belgique et Luxembourg. 11 Command, Control, Communication, Computers and Intelligence; Surveillance and Reconnaissance block war: simultanéité d actions de coercition, de sécurisation et d aide humanitaire sur un même théâtre. L interopérabilité ne peut être appréhendée que de manière globale. Elle répond en effet à des choix qui sont avant tout politiques, mais aussi capacitaires et financiers et qui interagissent les uns sur les autres. L objectif pour l armée de terre consiste bien à répondre au double impératif d améliorer l interopérabilité avec nos partenaires à la mesure des moyens que nous acceptons d investir, tout en veillant à rester compatibles, aussi bien avec nos alliés les plus avancés (Etats-Unis) qu avec nos partenaires habituels. La recherche de la satisfaction du strict besoin opérationnel et de la juste suffisance doit donc être privilégiée. Elle doit s appuyer sur la pratique, qui seule garantit l obtention d un bon niveau d interopérabilité. Alors que les ressources sont comptées, il faut aussi être prêt à limiter le nombre d actions entreprises au bénéfice de la qualité, notamment par le choix de priorités claires telles que l effort sur les états-majors et sur le raccordement des unités avec MIP. DOCTRINE N MARS 2007

15 doctrine L interopérabilité dans l OTAN : une vision actuelle L OTAN poursuit sa transformation, au sein de sa structure de commandement, dans celle des forces, et dans les opérations qu elle conduit actuellement. Ces dernières sont actuellement, avec la NATO Response Force (NRF), force de réaction rapide, les puissants vecteurs de cette évolution de l Alliance car ils suscitent en permanence des ouvertures et des initiatives en matière de doctrine d emploi, de planification, de génération de forces, de déploiement de matériels et de système, et de multinationalisation. Par ailleurs, l interopérabilité continue d être un des piliers majeurs de la modernisation des armées occidentales qui se caractérise par une interarmisation accrue et un volet international élargi permettant en grande partie la réalisation du niveau d ambition de l Alliance. En bémol à ces deux faits, la pratique incite à prendre conscience que l OTAN dépend, malgré la participation aux coalitions (de circonstance) et à ses formes structurelles (la NRF) de nombre de pays de l Alliance (les petits et les moyens ), d un nombre restreint de pays détenant le spectre complet des outils militaires et ceux-ci sont toujours liés à leurs propres enjeux nationaux. Au sein de l OTAN, la problématique de l interopérabilité réside encore, pour les nations, dans la recherche d une plus grande souplesse d intégration des moyens nationaux alors que, parallèlement à cet état de fait traditionnel, la structure de commandement de l Alliance cherche, en particulier par l activité du commandement pour la transformation (ACT), à disposer d états-majors et de forces, communicants et intégrés, pouvant être engagés très rapidement dans le bain révélateur des opérations. A ce jour, la standardisation OTAN est plus que jamais en marche pour définir une forme réalisable d interopérabilité mais les résultats se révèlent encore peu tangibles. C est le constat d une logique et récurrente faiblesse d interopérabilité des forces qui prédomine dans les conférences tenues par l Alliance sur ce sujet. PAR LE COLONEL MICHEL BONAVITA, CHEF D ÉTAT-MAJOR DE LA MMF SACEUR 1 CCH CHATARD/SIRPA TERRE Les principes d interopérabilité D après le glossaire des termes et définitions de l OTAN (AAP-6), l interopérabilité est la faculté d agir en synergie dans l exécution de tâches prescrites. La mise en pratique de cette définition a conduit à l adoption d un certain nombre de normes techniques ou de procédures qui font que les forces de pays de l Alliance sont (ou devraient être) capables de participer ensemble à des opérations au sein d une force multinationale. Les forces participant à des opérations sous l égide de l OTAN sont générées au cas par cas, avec des unités fournies par les Alliés, les Partenaires, voire même des pays tiers. Les besoins en interopérabilité des capacités mises à disposition de l Alliance doivent donc être identifiés et pris en compte. C est pourquoi le Conseil, en 2005, a décidé de développer une politique OTAN d interopérabilité qui donne des directives permettant d harmoniser les différentes politiques spécifiques d interopérabilité et qui devrait rendre la planification de défense ou opérationnelle plus réactive au caractère multinational et interarmées des opérations de l Alliance. Toutefois, un certain pragmatisme demeure pour des cas particuliers. Ainsi, dans le cadre du Conseil OTAN - Russie, une directive politico-militaire visant à améliorer l interopérabilité a également été rédigée. Elles ne visent pas, bien sûr, à un système commun, ni même à une interchangeabilité des procédures ou des matériels, mais au moins à une compatibilité qui permettrait des actions communes. Le principal forum pour l élaboration de la politique d interopérabilité est la NATO MARS DOCTRINE N 11

16 Standardization Organisation (NSO) dont l objectif est de faire prendre en compte l interopérabilité par le volet planification de l Alliance et de coordonner les activités des différentes entités en charge du domaine. Ces entités sont : le NATO Committee for Standardization (NCS), du NATO Standardization Staff Group (NSSG) et de la NATO Standardization Agency (NSA). Le NCS est l autorité supérieure en matière d interopérabilité qui, comprenant des représentants des nations, recherche l harmonisation entre l Alliance et les nations. Le NSSG, subordonné au NCS, a le rôle majeur de prise en compte des politiques et des procédures d interopérabilité avec les différents pays constituant l Alliance. Il intervient donc sur l ensemble des organismes en charge, directement ou indirectement, du domaine comme les agences de l OTAN, les conférences et les étatsmajors, notamment pour la production des STANAGs. La NSA est une entité plus simple d accompagnement des travaux du NCS et du NSSG. Le processus de l interopérabilité débute avec la prise en compte de la structure des forces à partir desquelles sont définies les besoins militaires minimums et l architecture technique du système. Schématiquement, la définition de cette architecture technique doit prendre en compte un impératif de partage des informations et la structure de commandement doit définir les modalités de financement. Après réalisation du système, la validation technicoopérationnelle est effectuée par une entité de certification (agences de l OTAN comme la NC3A, équipe de certification,...), puis un test final est réalisé à l occasion d exercices de certification. A titre d exemple, la certification d un étatmajor de la structure permanente de commandement de l Alliance, devant assurer le commandement d une rotation NRF durant 6 mois, impose la validation de près de 80 critères tous liés à l interopérabilité. Un état-major de corps d armée Terre (structure de forces de l OTAN - NFS) doit satisfaire à 50 critères et à plus de 300 souscritères pour être certifié quartier général de corps de réaction rapide de l OTAN. Il apparaît utile, à ce stade, de montrer le bilan mitigé pour la NRF en matière d interopérabilité de la NRF. Un bilan mitigé pour la NRF Au regard des comptes rendus de conférences tenues au sein de l Alliance, l interopérabilité de la NRF fait défaut actuellement, en particulier pour les conditions de mise en service des SIC. Un programme d évaluation, déroulé en 2006, s est concentré principalement sur l examen et l amélioration de l interopérabilité du niveau national et des systèmes de l OTAN qui seraient déployés dans un état-major en charge du commandement de la NRF. Les capacités de commandement, des transmissions, du renseignement, de surveillance et des systèmes de la reconnaissance ont été examinées dans un scénario opérationnel simulé. Il en ressort que les systèmes des composantes terrestres, maritimes et aériennes ne sont pas complètement interopérables, tout au moins pour le partage horizontal des données. L OTAN donne toute facilité pour la mise en œuvre de l interopérabilité (STANAG), avec la possibilité offerte à un système national de se brancher sur le système OTAN mais les nations peinent à respecter ces directives (principalement pour les SIC) dont le rôle reste structurant pour la préparation et l engagement des forces. L autre lacune majeure constatée est le manque d information des quartiers généraux de réaction rapide (HRF HQ) en matière de réglementation et de doctrine de l interopérabilité, notamment ceux qui ne sont pas directement engagés dans une rotation d alerte NRF. Il est même évoqué un faible niveau de connaissance de la doctrine par ces états-majors, qui, certes, sont employés par la structure après leur certification réussie, mais qui restent tout de même éloignés des préoccupations doctrinales de l OTAN. Une incitation à la prise en compte de la doctrine, des concepts et de conseils est formulée à leur égard. Par ailleurs, dans cette évaluation, le soutien logistique est apparu comme l un des plus grands défis à surmonter par l OTAN, davantage que le déploiement initial de forces. Malgré la recherche de solutions actuellement menée par le SHAPE, bien peu de faits incitent actuellement à voir la matérialisation d une interopérabilité de la logistique. L aspect positif de cette appréciation est que l évaluation d interopérabilité de la NRF a pu être réalisée grâce à une égale participation partagée des structures de l OTAN et de celle des systèmes nationaux. Ce constat procède de la complexité et de la lourdeur des principes d interopérabilité et de leur obligation universelle forcée. Il est également lié aux difficultés des nations à juxtaposer les requêtes de l OTAN et leurs propres capacités d évolution et de modernisation : les enjeux économiques des nations conservent une prééminence sur le besoin opérationnel de l OTAN, notamment pour celles qui alimentent les capacités majeures d une opération. Difficultés des nations à satisfaire les requêtes de l OTAN En matière d interopérabilité, une majorité des nations attend beaucoup de l Alliance mais celles-ci ne peuvent fournir d efforts supplémentaires qu en rapport avec leur vision et leurs capacités économiques. Il est notable que les choix d équipement et de participation de chaque nation sont faits encore aujourd hui selon des critères nationaux, sans harmonisation (politique des niches, systèmes logistiques héritées du passé,...) et sous contraintes économiques fortes (peu de nations consacrent 2 % de leur PIB à l effort de défense). Face à cette situation, la standardisation OTAN et certaines démarches multinationales procurent une forme d interopérabilité. Mais elle est d un niveau trop modeste car cela ne conduit souvent qu à la juxtaposition d entités et non pas leur intégration : il n y a pas d économie d échelle. Ainsi, l exemple d implantation de systèmes d information et de communications en Afghanistan a mis en évidence une juxtaposition de circonstance des réseaux conduisant à des dépenses supplémentaires. On pourrait penser que l acquisition de moyens identiques serait idéale mais cette option se heurte aux contraintes des financements communs de l Alliance qui viennent dégarnir les budgets défense des nations. Les solutions de type mise en commun permanente telles que pratiquées pour la flotte AWACS de l OTAN ou encore les SIC de la NCS (NCSA) se heurtent à deux obstacles limitants : elles ne peuvent être utilisées directement par les nations membres, donc leur emploi est mal rentabilisé ; DOCTRINE N MARS 2007

17 doctrine CCH CHATARD/SIRPA TERRE l appropriation est diffuse et le sens de la responsabilité est dilué, de sorte que l entretien et la maintenance sont difficiles à diriger (échec relatif de la première phase de modernisation des AWACS). Au bilan, les solutions d interopérabilité absolue sont coûteuses pour l OTAN car elles immobilisent beaucoup de capital (argent, hommes, matériels majeurs et infrastructures) et sont peu convaincantes pour les économies des nations. Perspectives On peut se demander si depuis le lancement du concept américain de network centric warfare, la notion même d interopérabilité n a pas changé de sens. L interconnectivité, avec les armées américaines, va devenir le facteur discriminant pour la conduite d opérations en coalition. Les Américains, et SACT en particulier, l ont bien compris, eux qui ont lancé la NNEC (NATO network enabled capability) en charge de l étude et du développement des systèmes de communications. Seuls quelques-uns des Alliés semblent avoir pris conscience de cette évolution et des moyens qu elle va nécessiter : ce sont ceux qui veulent compter et disposer d une autonomie stratégique (libre choix de participation, influence sur les décisions,...). Les autres pays ayant fait de l OTAN leur propre défense nationale. La conséquence de cette évolution est que la recherche et développement va prendre de plus en plus de place au sein de l Alliance. Le rôle grandissant de la division investissements de défense de l OTAN en est la preuve. 1 Mission militaire française auprès du commandant suprême des forces alliées en Europe. Tout va dépendre du niveau d ambition des nations : voudront-elles être aptes à participer à des opérations OTAN et aptes à des coalitions ad hoc (Desert Storm par exemple), c est-à-dire aux côtés des Américains ou seulement aptes à des opérations non-article 5 de moindre envergure, mais qui ne nécessitent qu une interopérabilité technique ou de procédures qui existent déjà? Le risque étant que les nations qui choisiront la deuxième option, par obligation ou volontairement, soient marginalisées dans l Alliance et cantonnées à des tâches subalternes. MARS DOCTRINE N 11

18 L Union européenne : l interopérabilité en marchant Parler d interopérabilité dans le cadre de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) peut sembler aussi périlleux que de discourir gravement sur les besoins de la coordination et de la synergie. Il s agit là de réflexes éminemment souhaitables dans une structure intergouvernementale telle que la composante sécurité et défense de la Politique étrangère et de sécurité ommune (PESC). Pourtant, peu d Etats-membres s y plient de bonne grâce, préférant sagement recommander ces disciplines à leurs partenaires dans l Union. La réponse à la question de l interopérabilité dans l UE pourrait donc se résumer au simple constat de l absence de doctrine en la matière et cet article pourrait tenir en une réponse lapidaire : L UE n a pas de doctrine de l interopérabilité. La réalité est heureusement plus contrastée et conduit à dresser un inventaire des apports bien réels de l UE dans ce domaine, même s il n existe pas de corpus doctrinal établi. PAR LE COLONEL PHILIPPE ROMAN-AMAT, ETAT-MAJOR DE L UNION EUROPÉENNE DIVISION STRATÉGIE ET PLANS Une politique mise en œuvre par les Etats Il convient donc de planter le décor d emblée et de rappeler que la marque de la PESD s applique au niveau stratégique de la préparation d une action militaire de gestion de crise. Toute la mise en œuvre ultérieure repose sur des contributions volontaires des Etats-membres, l Union se réservant le contrôle politique et la direction stratégique des opérations. Or, une large majorité des Etats-membres s aligne sur les standards édictés par l OTAN, qui constituent la référence majeure en termes d interopérabilité pour la préparation des capacités militaires nationales. Ce souci de simplicité est d ailleurs d autant plus pertinent qu une des options stratégiques consiste précisément pour l Union à recourir aux moyens et capacités de l Alliance, lorsqu elle envisage de passer à l action militaire. En bref, l UE s interdit donc de fixer des normes et des standards, qui viendraient se surimposer à ceux que l Alliance propose à ses membres aux niveaux opératif et tactique. En conformité avec le principe de subsidiarité, elle s en remet aux Etatsmembres pour le rapprochement des doctrines, des procédures et des équipements. Au terme de huit ans d existence, la PESD dispose néanmoins d un corpus de concepts du niveau stratégique, bien adapté à ses particularités. Un critère qualitatif majeur Il ne faut pas en conclure que le caractère essentiel de l interopérabilité est étranger aux préoccupations de l Union. Au contraire, l interopérabilité y est définie en termes généraux par l Objectif global comme l aptitude des forces armées à opérer ensemble et à agir de concert avec d autres instruments civils. Instrument d une efficacité accrue dans l emploi des capacités militaires, elle contribue de manière déterminante à la réalisation des objectifs de l UE dans les opérations de gestion de crise. La recherche d une interopérabilité accrue figure ainsi en bonne place parmi les axes d effort qualitatifs retenus au titre de l Objectif global Simplement, la PESD laisse aux Etats-membres le choix des moyens appropriés. Il n en demeure pas moins que l approche de l UE, incitative et non prescriptive, conduit dans les faits à un fort degré d interopérabilité jusqu aux échelons élémentaires, comme on peut le constater avec les quelque 15 groupements tactiques (GT 1 500) déjà mis sur pied au titre de la Réaction rapide de l UE. En effet, avec les groupements tactiques, les Etats contributeurs garantissent à l Union la disponibilité de formations militaires terrestres aptes à la réaction immédiate, où de ce fait l interopérabilité a été poussée très loin, dès la phase de mise en condition opérationnelle. La composition multinationale de la plupart des groupements tactiques (jusqu à cinq contributeurs) souligne encore cette exigence. La poursuite de l interopérabilité incombe alors à une nation-cadre, elle-même tenue de se conformer aux critères et standards définis en termes généraux par l Union pour les groupements tactiques. Ainsi, en l espace de trois ans, le projet des GT est devenu le catalyseur de la transformation de la plupart des armées nationales et le vecteur d une interopérabilité accrue entre Européens, dans la perspective d un nombre croissant de missions à caractère expéditionnaire. DOCTRINE N MARS 2007

19 L interaction civilo-militaire dans la résolution des crises Mais le volet le plus original de la conception européenne de l interopérabilité réside sans conteste dans l emploi coordonné des capacités civiles et militaires de résolution des crises, hypothèse désormais familière dans les concepts et la pratique d une organisation multidisciplinaire telle que l UE. Pour s en convaincre, il suffit de considérer par exemple la volonté affichée de mener des actions conjointes dans le domaine de la protection civile, que ce soit après des catastrophes naturelles, des accidents technologiques ou des attaques terroristes de grande ampleur, dont les conséquences seraient vraisemblablement assez similaires en ce qui concerne les effets à traiter. Dans un tel contexte, l amélioration de l interopérabilité civilo-militaire repose sur des exercices communs, mettant en œuvre notamment les moyens de défense NRBC, les moyens de transport et ceux des services de santé, présents dans les armées et offerts ponctuellement par les Etatsmembres volontaires. D ores et déjà, le programme pluriannuel des exercices de l UE recense ce type d activités, y compris celles menées sous la houlette de la Commission européenne, une structure purement civile. De même que pour les exercices militaires, le retour d expérience en est soigneusement consigné. En outre, une meilleure interopérabilité passe par le recueil et la diffusion consécutive des formules d excellence (best practice) des Etatsmembres, sans qu il soit nécessaire de s accorder au préalable sur des concepts laborieusement négociés. En définitive, là aussi le choix d une approche pragmatique s est imposé, dans un domaine prometteur, où les marges de progrès sont aussi fortes que les attentes de l opinion publique sont élevées. Rapprocher les hommes et les équipements Enfin, dans l Union européenne comme ailleurs, l interopérabilité repose sur une culture de la sécurité partagée, sur des doctrines d emploi et des équipements militaires aussi communs que possible. A cet égard, les moyens de commandement mis à disposition par les Etats-membres et SHAPE sont assez largement standardisés. Sur décision du Conseil, la PESD pourra même d ici peu activer un centre d opérations à Bruxelles, en particulier pour la conduite des actions mixtes, civiles et militaires. Deux acteurs majeurs, le Collège européen de sécurité et de défense (CESD) et l Agence européenne de défense (AED), contribuent, pour leur part, au rapprochement des hommes et des moyens qui sont doctrine mis à la disposition de la PESD. Conjointement aux instituts nationaux européens du type IHEDN / CHEM, le CESD est l outil de la diffusion d une vision stratégique harmonisée à de hauts responsables civils et militaires européens, appelés pour la plupart à propager ensuite les objectifs de la PESD et ses modes d action au sein de leurs structures nationales. L Agence, quant à elle, joue naturellement un rôle moteur, lorsqu elle veille à l harmonisation des besoins militaires, ainsi qu à la compatibilité des équipements militaires, y compris s ils n ont pas été d emblée conçus et produits en commun. 1 Headline Goal 2010, le cadre de référence pour la démarche capacitaire des Etats-membres de l UE. 2 Molière - Le Bourgeois gentilhomme - Acte I, scène 5 : Par ma foi! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m avoir appris cela. AMAT Picture 099 Il ressort donc de cette brève analyse que, à l instar de Monsieur Jourdain 2 avec la prose, l UE pratique une forme d interopérabilité avancée, bien que celle-ci n ait pas été préalablement conceptualisée. Dans un louable souci d économie des efforts, il lui importe donc de tirer parti du précieux capital entreposé et entretenu dans l Alliance, pour se concentrer sur les aspects civilo-militaires propres à une Union sans équivalent, apte par construction à intervenir dans les crises avec toute la gamme des instruments politiques, financiers, civils et militaires. MARS DOCTRINE N 11

20 Finabel : au service de l interopérabilité des armées de terre européennes depuis 50 ans Instrument technico-opérationnel entièrement dans la main des chefs d état-major des armées de terre, le comité Finabel * a pour but de promouvoir l interopérabilité et la coopération des composantes terrestres de ses membres en recherchant l harmonisation des concepts, des doctrines et des procédures. Unique en son genre, le comité Finabel, contrairement à la plupart des organismes internationaux, a fait le choix dès l origine d un mode de fonctionnement simple et facilement adaptable : fondé non sur un traité mais sur une charte qui définit les grands principes, ce forum de réflexion fonctionne depuis plus de 50 ans dans un esprit d équité, de consensus et d ouverture. La méthode Finabel favorise l établissement d échanges et de contacts fructueux de même que le bon déroulement d études menées sur des sujets d intérêt commun. De par son statut spécifique, Finabel jouit d une indépendance, d une autonomie de travail et d une liberté d expression qui n existent dans aucun autre organisme militaire multinational. Finabel se veut ainsi un forum multinational indépendant, au niveau des armées de terre (ou composantes terrestres) européennes, fondé sur le consensus et l égalité des pays membres. Il concourt au renforcement de l interopérabilité des forces terrestres des pays Finabel dans le cadre de l Organisation du Traité de l Atlantique Nord (OTAN), de l Union européenne (UE) et de coalitions de circonstance ; Finabel n est pas en concurrence ou en doublon avec l OTAN ou les structures militaires de l UE, mais contribue à ces organisations en apportant sa touche propre. Finabel vise donc in fine à concourir au développement d une compréhension européenne commune des problèmes de défense en mettant l accent sur la doctrine, la formation et l environnement interarmées tout en conservant sa spécificité terrestre. PAR LE COLONEL JACK NOEL, SECRÉTAIRE PERMANENT DE FINABEL Le plus ancien organisme de coopération entre les armées de terre européennes Créé en octobre 1953, avec l autorisation des ministres de la Défense de la France, de l Italie, des Pays-Bas, de la Belgique et du Luxembourg, par les chefs d état-major des armées de terre de ces cinq pays, le comité appelé à l origine FINBEL avait pour objectif de réfléchir en commun sur les moyens de réaliser une coordination dans le domaine des armements. L existence de FINBEL a été officiellement déclarée à l OTAN (Groupe permanent et Bureau militaire de standardisation) en Au moment où la Communauté européenne de Défense a été abandonnée, FINBEL a permis de maintenir, à l échelon des chefs d Etat-major des armées de terre, des contacts militaires qui restaient nécessaires entre les membres européens de l OTAN. Progressivement, les domaines d analyse se sont élargis pour aborder plus précisément des études à caractère conceptuel, notamment l interopérabilité et la coopération des composantes terre de ses membres. Simultanément, d autres pays appartenant à l OTAN ou à l Union de l Europe occidentale (UEO) - les seules organisations à traiter alors des problèmes de défense en Europe - ont rejoint le comité Finbel : l Allemagne (FINBEL devint alors FINABEL), la Grande-Bretagne, l Espagne, la Grèce et le Portugal. Avec la mise en place par L UE de structures militaires, l élargissement à 27 (avec la Roumanie et la Bulgarie) est le prochain horizon de Finabel (la Pologne et la Slovaquie ont déjà rejoint en 2006). DOCTRINE N MARS 2007

21 Les travaux entrepris à Finabel se concrétisent depuis sa création par : des rapports qui constituent la base des travaux des groupes de travail (cf. infra). Ils représentent les résultats des études conceptuelles confiées à ces groupes ; des accords sur les caractéristiques militaires des matériels ; des conventions qui normalisent certaines procédures, méthodes d essais, glossaires, afin de faciliter les échanges entre les pays. Au 1 er janvier 2006, près de 425 documents Finabel (rapports, accords et conventions) ont ainsi pu être promulgués. Une structure légère et un fonctionnement souple et efficace La mission de Finabel est de développer l interopérabilité des forces terrestres dans un environnement interarmées, grâce à l harmonisation des concepts, des doctrines et des procédures des pays membres, afin de favoriser la réussite des opérations et de promouvoir la coopération. Le comité des chefs d état-major, dont la présidence est tournante annuellement, est le niveau le plus élevé. Le comité des experts militaires principaux (EMP), avec leurs adjoints, agit comme comité directeur au profit des chefs d état-major. Ce comité directeur est composé principalement des responsables de la doctrine, de la planification et des études au sein des états-majors des composantes terrestres des différents pays participants, la Belgique assurant depuis l origine la présidence de ce comité. A la base, sept groupes de travail réalisent des études portant sur différents pôles d intérêt des armées de terre. Le secrétariat permanent, installé au sein de l état-major belge à Bruxelles, est la seule structure permanente du comité Finabel et prend à son compte tous les problèmes administratifs et organisationnels. Un colonel français en assure la charge. Le comité des chefs d état-major se réunit une fois par an afin de synthétiser le travail de l année écoulée et de fixer les objectifs pour l année à venir. Le comité des EMP se retrouve quant à lui deux fois par an pour analyser les directives des chefs d état-major et les reformuler sous forme de missions à répartir entre les groupes de travail. Aucun organisme à caractère supranational ou international ne dirige ni oriente les travaux de Finabel, qui relèvent de la seule responsabilité des chefs d état-major des forces terrestres ; les accords obtenus au sein de Finabel demeurent des objectifs à la réalisation desquels les pays s efforcent d aboutir dans la limite de leurs doctrines propres et de leurs possibilités matérielles. Pour éviter tout double emploi dans les travaux et pour permettre une meilleure diffusion de l information, une procédure officielle de liaison a été établie depuis longtemps avec l OTAN, l Union de l Europe occidentale (UEO) et est en voie de l être avec l état-major de l Union européenne ; le fait que les délégués des groupes de travail Finabel participent aux réunions d autres groupes internationaux facilite la communication entre organismes. Le cœur de Finabel : les études et les groupes de travail Les groupes de travail de Finabel rassemblent des officiers d état-major de qualité qui, au fil des années, ont élaboré un corpus doctrinal européen important dans les domaines jugés prioritaires par les chefs d états-majors dans le spectre entier des opérations militaires. La souplesse de fonctionnement de l institution et la rapide finalisation de ses études (cycle accéléré de un an, ou cycle normal de deux ans maximum) permettent la prise en compte d études urgentes ordonnées par les chefs d étatmajor. Les réunions de Finabel se déroulant à tour de rôle dans chacun des pays membres, les experts de Finabel ont créé une communauté informelle, amicale et active de militaires et de civils. Ce système des réunions tournantes permet, à l occasion de visites, démonstrations ou présentations, la communication d informations qui se révèle particulièrement enrichissante. Ceci concourt à l établissement d un climat de compréhension réciproque et favorise une meilleure prise de conscience des intérêts communs. CDEF/CELLULE MULTIMÉDIAS doctrine Finabel favorise la multinationalité dans la conception de la manœuvre en recherchant notamment tout ce qui peut contribuer à l interopérabilité et en tenant compte de l environnement interarmées des opérations. Dans les domaines de l emploi des forces, de la doctrine, de la tactique, de la logistique et de l instruction, Finabel est ainsi amenée à conduire des études concernant : la constitution des forces, les structures et l emploi des unités ; l engagement des forces à travers tout le spectre des conflits, du combat de haute intensité aux opérations de réponse aux crises, de reconstruction et d action humanitaire ; les activités entourant la mise en œuvre d une force, telles que la coopération civilo-militaire, la gestion médiatique des crises, l action psychologique, le contrôle des foules... ; la coordination des programmes (le cas échéant, Finabel peut apporter sa contribution aux définitions des caractéristiques techniques des matériels), des méthodes, des procédés et des moyens d instruction. Forte de sa riche expérience et d une évolution maîtrisée, Finabel s est fondée sur l approche capacitaire pour redéfinir ses groupes de travail. Six groupes sont organisés selon les capacités opérationnelles essentielles, un septième étant chargé de faire de la prospective. Les EMP ont décidé de donner aux groupes une orientation générale à leurs études, sous la forme d un cadre général appelé aussi thème fédérateur Finabel. Les groupes doivent s efforcer de proposer les sujets de leurs études dans le cadre de ce thème fédérateur (cf. encadré). MARS DOCTRINE N 11

22 Sont mentionnées ci-après quelques études réalisées par Finabel : définition et analyse des principes de base de la coopération civilo-militaire dans une opération multinationale de soutien de la paix ; coopération des pays Finabel dans le cadre des opérations des Nations unies ; harmonisation des programmes dans les domaines de l instruction et de l entraînement en vue d atteindre un niveau de coopération efficace au sein de futures opérations interalliées et multinationales ; possibilités et limites de la coopération opérationnelle avec les sociétés militaires privées ; l approvisionnement en eau lors des opérations ; une force d opposition générique à des fins de formation et d entraînement militaires (les résultats de cette étude seront présentés lors de la réunion des chefs d état-major des armées de terre les 14 et 15 mars 2007) ; l entraînement pour les opérations militaires en zone urbaine ; concept d emploi et capacités spécifiques des GTIA de l UE agissant en force d entrée en premier. Le corpus constitué par Finabel (riche de plus de 400 rapports, études et conventions, diffusés en deux langues au minimum et réactualisés deux fois par an) est mis par chaque nation à la disposition des états-majors, grands commandements et écoles, organismes de réflexion et de doctrine. doctrine Ceci contribue à la promotion d idées nouvelles, à des points de situation nationaux sur les thèmes étudiés, à la recherche de procédures et de développement communs ainsi qu au partage des enseignements tirés et des retours d expérience. * Lors de la création du comité, le sigle FINABEL était composé de la première lettre du nom de chaque pays fondateur et s écrivait en majuscules. Avec l élargissement du comité, il a été décidé que le terme Finabel deviendrait un nom à part entière et ne ferait plus référence aux premières lettres des pays, il s écrit donc maintenant en minuscules. CDEF/CELLULE MULTIMÉDIAS En conclusion, Finabel, c est : une méthode de travail qui a fait ses preuves : les études Finabel doivent être réalisées sur deux ou même une seule année lorsque les chefs d état-major des armées de terre l estiment nécessaire. Pour arriver à ce résultat, Finabel a mis en place au fil des ans une organisation précise des actions à mener et une procédure rigoureuse de suivi du déroulement des études. Une année (a forciori 2), cela peut apparaître long, mais, à titre de comparaison, il faut généralement 6 ou 7 ans à une étude de l OTAN pour être promulguée, si l étude aboutit. Un réseau actif et efficace : Finabel permet aux officiers d état-major des pays membres de parler librement, dans un cadre propice aux échanges, des problèmes et des défis opérationnels qu ils rencontrent. Les réunions régulières de Finabel offrent des occasions uniques de rencontres personnelles pour des officiers de mêmes grades et fonctions et ayant les mêmes préoccupations ; entre les réunions ces contacts se poursuivent et se densifient grâce aux moyens modernes de communication (notamment Internet) pour faire avancer les études et partager les points de vue. Chaque officier Finabel se constitue donc dans tous les pays Finabel un réseau d interlocuteurs privilégiés avec lesquels il peut facilement dialoguer. De plus, il n est pas rare que des officiers qui se sont connus grâce à Finabel se retrouvent ensuite sur un théâtre d opération. Un esprit communautaire vivace : l atmosphère propre à Finabel crée un lien affectif fort avec l institution ainsi que des relations de solidarité et d amitié entre ses membres. Les anciens de Finabel parlent toujours avec émotion du groupe auquel ils ont appartenu et des officiers qu ils y ont rencontrés ; l on peut donc parler d un véritable esprit Finabel, qui unit l ensemble de ses membres. Ainsi, depuis plus de 50 ans, le comité Finabel en suscitant et en encourageant l harmonisation des concepts nationaux, contribue à la création d un ensemble doctrinal complet et cohérent au niveau des armées de terre européennes et demeure un outil privilégié, unique et original aux mains de leurs chefs d état-major. DOCTRINE N MARS 2007

23 doctrine Thème fédérateur et mandats des groupes de travail En vue d étudier les opérations terrestres à moyen et long terme (10 à 20 ans) aux niveaux stratégique, opératif et tactique, dans un environnement interarmées et multinational, et en faisant l effort sur l interopérabilité, le thème fédérateur suivant a été retenu par les EMP : Développer l interopérabilité des forces terrestres, en particulier au niveau du bataillon renforcé de l UE, lors d opérations extérieures actuelles et futures dans un contexte interarmées, interallié, et en tenant compte aussi bien des menaces asymétriques que symétriques, de manière à renforcer la capacité à conduire des opérations militaires européennes. Il faut considérer également la conduite simultanée d opérations de niveaux d intensité différents, la sécurité et la protection des forces, en tenant compte de l équilibre à réaliser entre forces légères, moyennes et lourdes, de l importance de l environnement urbain et du potentiel offert par les capacités à travailler en réseau (Network-Enabled Capability [NEC]). MANDATS DES GROUPES DE TRAVAIL Groupes de Travail ALPHA Titre Efficacité de l engagement Mandat Etudier et harmoniser la doctrine, les modes d action et les procédures ayant trait à l emploi des forces terrestres. CHARLIE Performance logistique Procéder à des études et des échanges de vues dans le but de garantir le succès des opérations menées par les pays Finabel grâce à la performance logistique, dans un environnement de plus en plus complexe. GOLF Capacité de protection des forces et survivabilité Harmoniser tout ce qui a trait à la capacité de protection des forces et à la survivabilité des troupes en opération face à toutes les menaces possibles (classiques et de destruction massive). LIMA Efficacité du renseignement Etudier tous les aspects contribuant à l efficacité de la fonction du renseignement des forces terrestres, celle-ci étant entendue au sens large. MIKE ROMEO Préparation opérationnelle et formation Efficacité du C4 Etudier la préparation opérationnelle et l entraînement des Forces terrestres des pays Finabel, susceptibles de se déployer ensemble dans le cadre d opérations interarmées. Etudier l harmonisation et le développement de concepts nouveaux relatifs au commandement, au contrôle, aux communications et à la technologie de l information-numérisation-informatique (C4) dans un environnement interarmées, interagences et multinational. TANGO Etudes conceptuelles et prospectives Rédiger les concepts généraux de Finabel; par la suite, entreprendre des études conceptuelles et prospectives afin de créer un cadre aux études à venir par les groupes de travail Finabel. MARS DOCTRINE N 11

24 L interopérabilité interministérielle L action de l État a naturellement vocation interministérielle ; dans le domaine de la défense 1, auquel se limitera ce propos, la cohérence et l efficacité de cette action interministérielle exigent, en particulier en situation de crise (préparation ou gestion), une organisation et un fonctionnement coordonnés : l interopérabilité en tant que capacité de plusieurs systèmes, unités ou organismes à opérer ensemble grâce à la compatibilité de leurs organisations, doctrines, procédures, équipements et relations respectives 2 constitue un objectif légitime. Reposant sur une organisation éprouvée et relativement lisible tant au niveau central que local, la conduite de l action interministérielle par l État relève aujourd hui davantage de la coordination que de la stricte interopérabilité, notamment dans son volet sensible que constitue la coopération civilo-militaire. Cependant la fréquence des crises de toute nature, y compris d origine terroriste, auxquelles l Etat doit faire face sur le territoire national, l internationalisation des organisations et procédures ou l évolution des techniques d information et de communication imposent de fait le rehaussement du niveau de coordination de la réponse à apporter : au-delà des seuls acteurs étatiques, cette réponse aura à intégrer les principaux opérateurs, voire le public. C est au travers de ces axes d évolution que seront examinées les principales démarches entreprises actuellement pour renforcer et formaliser la coordination interministérielle vers la coopération et l interopérabilité. Auparavant, un rapide rappel du fonctionnement actuel permettra d apprécier le sens de la démarche en cours. PAR LE GÉNÉRAL JACQUES CAQUELARD DU SGDN Une organisation étatique éprouvée et lisible Pour assurer sa défense et sa sécurité, la France a fait le choix d une organisation étatique forte avec, dans des rôles complémentaires, le ministère de l intérieur pour la couverture du territoire national et les ministères de la défense et des affaires étrangères pour l extérieur. Si l on se concentre sur la gestion de crise sur le territoire national et selon l analyse qu en faisait le préfet Dussourd dans son rapport 3, La France a la chance de disposer d un réseau de terrain (les préfets) qui maille tout le territoire national et d une bonne maîtrise des grands services d intervention... Par rapport à nos grands voisins, où une décentralisation très poussée ou l autonomie des autorités locales compliquent la coordination, la France garde ainsi une capacité de remontée d information et de mobilisation des principaux acteurs qu il est essentiel de préserver. Le ministre de l intérieur maîtrise l ensemble de ces réseaux et services. Il est le chef de file naturel de la gestion des crises intérieures qu il est, la plupart du temps, chargé de conduire par le Premier ministre. Pour autant, l existence de ce chef de file, sorte de noyau précurseur de gestion de crise, ne doit pas occulter la nature interministérielle de l action de l État. Dans des situations de crise de plus en plus complexes et fréquentes, chaque ministère dispose d une forte culture interne, de compétences et de réseaux propres qu il convient de prendre en compte et de coordonner. A défaut de structures interministérielles permanentes de gestion de crise, la coordination s effectue, sous l égide du Premier ministre et de son cabinet, par le biais de solutions de continuité, en général articulées autour de cellules interministérielles de crise (CIC) armées auprès du ministre désigné chef de file par le Premier ministre, des réunions interministérielles venant, selon l urgence, caler l action gouvernementale au niveau des ministres. L aspect circonstanciel de ce dispositif est en fait atténué en amont par un volet préparatoire en chantier permanent, visant à installer et améliorer une interopérabilité optimale. La coopération civilo-militaire en constitue la forme la plus achevée, l organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD) mise en place par les armées venant exactement se calquer sur la chaîne préfectorale : le dialogue inter-chaînes est organisé et convenu, la visibilité du dispositif parfaitement identifiée. Plus globalement, ce dispositif préparatoire amont est animé par le secrétariat général de la défense nationale (SGDN), régu- DOCTRINE N MARS 2007

25 doctrine lateur interministériel agissant au nom du Premier ministre, en liaison avec le réseau des hauts fonctionnaires de défense. La planification de crise constitue ainsi un excellent socle d interopérabilité : aux côtés des fameux plans ORSEC locaux existent de nombreux plans visant à faire face de manière coordonnée aux différents risques ou menaces, de la pandémie à VIGIPIRATE, en passant par la famille des plans PIRATE, dans le cadre toujours plus prégnant de la lutte antiterroriste. Une coordination à affermir SIRPA TERRE La montée de la menace terroriste et la fréquence accrue de survenance des crises en tout genre et en tous lieux ont rehaussé le niveau de la réponse attendue et de la coopération souhaitable de la part des pouvoirs publics. La dimension internationale en ce domaine a actuellement pour effet d intensifier, voire d accélérer les démarches allant dans le sens d un engagement davantage coordonné de l Etat. Elle joue de fait un rôle de catalyseur, incitant en quelque sorte les Etats à dépasser leur coordination interministérielle nationale. Tout d abord, l ambition et, partant, la réglementation européenne, dans toutes ses dimensions, en particulier sécuritaire, nécessitent un suivi actif assuré par le secrétariat général des affaires européennes à l aide d un maillage interministériel central et d une représentation permanente locale. Un bon niveau de coordination nationale préalable s avère particulièrement nécessaire dans un domaine à forte prégnance régalienne, notamment au regard des transpositions à réaliser par la suite. La sûreté aérienne et aéroportuaire qui a pu faire l actualité aujourd hui et, plus globalement, la protection des infrastructures vitales, cadencent ces avancées européennes fédératrices. Le domaine de l action civilo-militaire multinationale offre un vaste espace à la nécessité et à la recherche d interopérabilité, à tout le moins de coordination entre États. Les lignes de partage classiques militaire/civil, territoire national/extérieur, gouvernemental/non gouvernemental... tendent à s estomper au profit d une prise en compte de l action de plus en plus mixte, faisant appel à l ensemble des acteurs potentiels (agences, opérateurs, structures locales... jusqu à l individu en tant que public ou foule). Les nombreuses démarches et initiatives visent à se doter d une capacité internationale à conduire des opérations de gestion de crises, de la prévention à la reconstruction. Pour cela, des dispositifs formalisés ont été mis en place ou sont à l étude, principalement sous l égide de l OTAN d une part et de l Union européenne (UE) d autre part. C est ainsi que l Union européenne arme une cellule civilo-militaire 4 au sein de l étatmajor de l UE ou que le rapport Barnier 5 Pour une force européenne de protection civile : Europe Aid formule depuis l été 2006, 12 propositions constitutives d un dispositif visant à améliorer la réponse de l Union européenne aux crises majeures, tant internes qu externes. Pour sa part, l OTAN a également introduit une dimension civile dans le cadre de son NATO Crisis Response System (NCRS) : concurrent ou complémentaire de celui de l UE, ce dispositif qui se traduit en particulier par des plans civils d urgence a dû être en quelque sorte transposé au regard de la planification et des procédures françaises existantes. La France participe enfin au cycle d expérimentation MNE 6, qui vise à améliorer la réponse aux crises complexes par une coordination, et de fait un travail intégré, civilomilitaire et interministériel. Au plan national toutefois, malgré des propositions tirant les enseignements du tsunami de , la France reste sur ses positions et n a pas envisagé la création d une structure permanente de coordination interministérielle (comme le PCRU, unité de reconstruction post -conflit britannique ou le S/CRS américain, bureau du coordinateur pour la reconstruction et la stabilisation), ni d une agence de coopération et de développement comparable à l USAID américain ou au DFID britannique. Les démarches en cours pour une coordination et une coopération plus interopérables Le chantier de l amélioration du fonctionnement de l État dans le cadre de l interopérabilité interministérielle utilise, de manière classique, les leviers de progrès des procédures, des exercices, des organisations et des équipements. Pour ce qui concerne les procédures, un vaste chantier est en cours et vise à actualiser la posture étatique au regard des deux dispositifs traitant l un de la sécurité générale des biens et des personnes et l autre de la protection des activités d importance vitale. A cet effet, le cadre de l action a d abord été redéfini. Un nouveau décret relatif aux attributions des hauts fonctionnaires de défense et de sécurité (HFDS) vient d être adopté en Conseil d Etat et vise à donner une assise et des moyens similaires au sein de chaque ministère, à un haut fonctionnaire agissant désormais dans un périmètre élargi et unifié défense et sécurité. Mieux armé et peut-être mieux identifié, le réseau des HFDS, animé par le SGDN, est l artisan essentiel et cohérent de la démarche de rénovation du dispositif sécuritaire national proposé in fine aux autorités gouvernementales. Le plan VIGIPIRATE vient ainsi d être actualisé après trois ans de mise en œuvre opérationnelle dans le cadre de la lutte permanente contre la menace terroriste ; dispositif emblématique et unanimement reconnu, il permet un partage de l analyse de la menace, une répartition des rôles au sein de l État, aux niveaux gouvernemental et déconcentré (où il fait l objet d une décli- MARS DOCTRINE N 11

26 naison locale), un référentiel commun de mesures planifiées et graduées et de procédures de mise en œuvre. La protection des secteurs d activités d importance vitale (SAIV) a fait l objet d un nouveau décret 8 qui vise à faire évoluer la réglementation relative aux points et réseaux sensibles, en harmonisant l approche étatique interministérielle de l analyse de risque au regard de la caractérisation de la menace, tout en élargissant aux opérateurs la prise en compte de la problématique sécuritaire et en intégrant les mesures graduées prévues dans le cadre du plan VIGIPIRATE. Chacun des douze secteurs d activités d importance vitale disposera ainsi d une directive nationale de sécurité destinée aux opérateurs vitaux chargés, sous la tutelle de leur ministère de rattachement, d établir leur plan de sécurité d opérateur, lui-même destiné aux différents organismes importants pour l établissement de leur propre plan de protection. Localement, le préfet coordonne la planification de l ensemble des plans de protection externes de chacun de ces organismes, dans le cadre d une organisation globale intégrant à tous les stades la mécanique VIGIPIRATE. Le deuxième levier d action de l interopérabilité consiste à s entraîner à la mise en œuvre de l ensemble de cette planification. Chaque année, le SGDN organise et anime quatre exercices majeurs impliquant les différents cabinets ministériels sur des thèmes liés aux différents plans de la gamme antiterroriste pirate ou à l ensemble du panel des plans relatifs aux risques naturels. L accoutumance au travail coordonné en commun, l amélioration des procédures interministérielles de gestion de crise et l acquisition de la culture et de l habitude du partage de l information constituent les véritables objectifs de progrès, dont l exploitation est déjà préconisée dans les différents RETEX. Un certain nombre de structures permettent ponctuellement de faciliter cette interopérabilité interministérielle, comme par exemple, à partir du ministère de l intérieur, l UCLAT, unité de coordination de la lutte antiterroriste ou plus récemment, le DCI, détachement central interministériel d intervention technique en cas de menace NRBC. Le CIPE, comité interministériel de programme et d engagement dont le secrétariat est assuré par le SGDN, permet lui aussi ponctuellement de coordonner l effort de recherche, de développement et d équipement de l État dans le domaine de la protection NRBC. Enfin, l interopérabilité des équipements constitue certainement le volet le plus concret pour une action interministérielle efficace. De fait, l évolution accélérée des technologies et de leurs coûts incite à une mutualisation des techniques de protection et des équipements. Dans ce domaine, les transmissions et réseaux sécurisés constituent un enjeu essentiel, celui d assurer la cohérence des moyens de communication de souveraineté. Les démarches utilisées sont nombreuses et variées ; elles exigent toutes énergie et persévérance : - la dotation commune des acteurs interministériels qui concerne aujourd hui les réseaux Rimbaud et Ritmos pour la téléphonie, Magda pour la messagerie et, demain ISIS, l intranet sécurisé interministériel pour la synergie gouvernementale, qui permettra le partage de l information sécurisée, - l interfaçage entre les différents réseaux ministériels, réalisé par le centre de transmissions gouvernemental (CTG), via le système d interconnexion de messageries (SIMS), - la conception commune, avec le projet OCTOPUS 9, réalisé par le ministère de la défense (délégation générale pour l armement) et destiné à la cryptophonie de nouvelle génération, - la mutualisation des réseaux de transport de l information qui n en est qu à ses débuts avec la démarche commune ministère de la défense - SGDN du comité de réflexion stratégique sur l approche interministérielle des réseaux de l Etat (CORSAIRE). 1 Selon le périmètre de l ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, repris à l article L du code de la défense, la défense a pour but d assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d agression la sécurité et l intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population. 2 Selon une définition proposée par l état-major des armées (EMA). 3 Gestion de crise et centres opérationnels - Rapport du 8 février Au-delà du monitoring information center (MIC), structure dédiée à la protection et à la sécurité civile de l UE. 5 L ancien ministre et commissaire européen a été mandaté par les présidents du Conseil et de la Commission européenne à la suite des catastrophes ayant affecté l Asie (tsunami) et le Pakistan (tremblement de terre). 6 MultiNational Experiment (MNE) regroupe depuis 2002, à l initiative et sous pilotage américain (commandement interarmées USJFCOM), les nations du Multinational Interoperability Council pour éprouver un concept d opérations basées sur les effets, EBO (Effect Based Operations), comparable au concept de l UE Comprehensive Planning. En liaison avec l EMA et le ministère des affaires étrangères, le SGDN participe à la contribution française. 7 Rapport de JC Mallet, délégué interministériel à l aide de la France aux Etats affectés par la catastrophe du 26 décembre Décret n du 23 février 2006 relatif à la sécurité des activités d importance vitale. 9 poste de CrypTophOnie Pour communications Sécurisées. Nécessaire, l interopérabilité interministérielle l est sans conteste pour tout Etat visant une action cohérente. Dotée d une organisation étatique robuste, la France peut et doit encore progresser, en particulier sur le créneau sensible de la gestion de crise. L attente publique est forte, l impulsion internationale déterminante, là où défense extérieure et sécurité intérieure forment un continuum englobant, avec intégration de l action civilo-militaire à tous les stades. L interopérabilité interministérielle a aussi cet enjeu de disposer d un niveau de cohérence interne suffisamment élevé pour faire face efficacement au seuil supérieur, celui de l inter-étatique, en particulier communautaire. DOCTRINE N MARS 2007

27 doctrine L interopérabilité au niveau stratégique La capacité d échanger à temps des informations et éventuellement de partager des systèmes d armes, de toute nature, entre des acteurs éloignés et d origines diverses, est primordiale. Le concept d interopérabilité, qu il est de plus en plus souvent nécessaire d étendre au-delà de la sphère militaire afin de prendre en compte des organisations civiles, gouvernementales, ou non, doit se décliner à plusieurs niveaux : - doctrinal (harmonisation des concepts d emploi) ; - procédural (procédures communes) ; - organisationnel (structures de commandement) ; - technique (standardisation des équipements, normes, formats). Au niveau stratégique, l interopérabilité est primordiale pour permettre, à un nombre toujours plus grand d acteurs, le partage des connaissances nécessaires au cycle décisionnel : connaissance de la situation, conception, décision, planification, élaboration et exploitation des ordres. Tous les acteurs doivent conjuguer en direct et sous la pression du temps leurs compréhensions et leurs décisions, pour définir et appliquer, ensemble et en toute subsidiarité, la meilleure stratégie opérationnelle possible. Aujourd hui, nos forces opèrent systématiquement sous une structure de commandement interarmées, dans un cadre le plus souvent multinational. Les difficultés à atteindre une interopérabilité stratégique maximale peuvent résulter de l existence de systèmes hétérogènes, mais essentiellement de conflits plus ou moins explicites entre des prérogatives dont l abandon représenterait une perte de souveraineté pour des nations, des entités militaires ou des entreprises civiles constituées, et de pouvoir pour les responsables des organismes et entités. Ce sont ces aspects complexes et dimensionnants de l interopérabilité stratégique qui alimentent cette réflexion. PAR LE COLONEL CHRISTIAN COSQUER EMA/EMPLOI ADJ DRAHI/SIRPA TERRE MARS DOCTRINE N 11

28 Une véritable stratégie française de l interopérabilité 1... Dans une note signée conjointement avec la direction des affaires stratégiques (DAS), l état-major des armées (EMA) a défini, dès juin 2004, une véritable stratégie française de l interopérabilité en coalitions. Prenant en compte les réalités budgétaires et les choix déjà opérés, elle décline les buts à atteindre, les fonctions opérationnelles à détenir, les travaux conceptuels et doctrinaux à réaliser ainsi que les équipements à produire. Pour élaborer les stratégies possibles, différents scénarios d engagements y sont décrits en dégageant les efforts à réaliser en termes d interopérabilité. Lors de coalitions avec les Etats-Unis, sans recours à l OTAN, l effort doit porter sur le C4ISR (opérations en réseaux), et sur des capacités tactiques cohérentes pour permettre l intégration sous contrôle opérationnel américain de modules tactiques complets. En cas de coalitions avec les Etats-Unis, avec recours aux structures de l OTAN, l effort doit viser la standardisation du niveau HRF. Il en découle une participation active à la définition d un NATO Network Enabled Capability permettant de disposer, en particulier, d une tenue de situation opérationnelle partagée (COP : Common Operational Picture). Lors de coalitions de l Union européenne avec recours aux moyens de l OTAN, l effort d interopérabilité est mis sur les capacités tactiques contribuant à la NRF et aux HRF dans une perspective d entrée en premier sur un théâtre. S agissant des coalitions de l Union européenne sans recours aux moyens de l OTAN, ou de coalitions ad hoc, la priorité doit porter sur l exercice du rôle de nation-cadre et l entrée en premier dans une logique de partenariat resserré avec le Royaume-Uni et l Allemagne. Il apparaît donc primordial de développer une solidarité forte entre les trois acteurs majeurs européens (Royaume- Uni, Allemagne et France) que cela soit au sein de l Alliance 2 ou d une coalition ad hoc européenne. Privilégiant celle avec l OTAN... Compte tenu de cette stratégie affichée, nos axes d efforts actuels en terme d interopérabilité privilégient l OTAN et l Union européenne sans exclusivité. L Europe partage avec l Amérique du nord, avec laquelle elle a affronté les défis de la sécurité et de la paix depuis plus d un demisiècle, des valeurs et des idéaux qui sont le fruit de notre histoire partagée. L interopérabilité avec l Alliance est une priorité stratégique fondamentale pour tous les Européens. Au plan de la structure militaire, la France a décidé de traduire son soutien au processus de transformation et à sa mise en œuvre opérationnelle par une contribution renforcée et ciblée à la chaîne de commandement. Celle-ci se traduit par la présence d officiers et de sous-officiers, d une part dans les états-majors opérationnels (NRF), d autre part au sein du commandement de la transformation à Norfolk (ACT). Dans le domaine des forces, la France, qui contribue à la majorité des opérations de l OTAN, soutient activement la NRF (NATO Response Force). Elle y contribue de manière significative par la mise à disposition d unités et de capacités à haute valeur opérationnelle. Dans le domaine de la préparation de l avenir, nous participons activement aux exercices (CMX) et aux réflexions qui permettent de préparer les futurs cadres d emploi des forces, leur organisation et leurs moyens. Les opérations Concordia en Macédoine, et Althéa en Bosnie, illustrent la complémentarité fondamentale entre l Alliance atlantique et l Europe de la défense ; les opérations Artémis et aujourd hui Benga en RDC démontrent la capacité d action autonome dont l Union est également capable. Et l Union européenne Mais l Union européenne, à la différence de l OTAN, ne possède pas de chaîne de commandement et de contrôle permanente pour planifier et conduire ses opérations. Pour synchroniser les doctrines et les procédures de fonctionnement des états-majors stratégique et opératif (OHQ et FHQ) mis sur pied par les Etats-membres, et garantir leur interopérabilité, un groupe de travail européen préconisa, en 2004, cinq recommandations majeures : - une organisation d un PC de niveau stratégique commune, car c est ce niveau qui traduit les décisions politiques en modes d action, en moyens humains et techniques, et en ordres ; - une procédure de montée en puissance commune, avec la notion de noyau clé où chaque nation volontaire entretient en permanence un noyau clé de cadres en double affectation ; - des procédures communes en matière de renseignement, - un réseau de communications sécurisé afin d échanger des informations classifiées entre Etats-membres, - un plan d entraînement commun permettant la mise en action de la chaîne de commandement (exercices CME et MILEX). De même au niveau tactique, le concept de BG 1 500, première entreprise concrète de la PESD, a été développé par l Etatmajor de l Union européenne (EMUE) à la requête du Comité militaire de l Union européenne (CMUE). La participation française est impérative. Elle prend bien en compte le niveau seuil de modularité multinationale compatible avec l efficience opérationnelle. La crise des Balkans a montré la capacité des deux organisations à se succéder et à coexister sur un même théâtre. En Macédoine hier, en Bosnie aujourd hui, c est le résultat d une solide coopération entre l OTAN et l UE permis par l accord dit de Berlin Plus, qui prévoit la mise à disposition des PC permanents de la chaîne de commandement otanienne au profit de l UE. De même, en Afghanistan, la coalition menée par nos Alliés américains dans le cadre de l opération Enduring Freedom et celle conduite par l OTAN dans le cadre de l ISAF, agissent de concert. L objectif stratégique est le même, puisqu il s agit de stabiliser le pays. Les moyens engagés diffèrent, mais le besoin d interopérabilité au quotidien est primordial. DOCTRINE N MARS 2007

29 doctrine ADC CHESNEAU/SIRPA TERRE Mais, l interopérabilité ne peut être exclusive. D autres nations veulent pouvoir rejoindre des coalitions existantes. Il faut leur réserver une place et la possibilité de s intégrer sans difficultés, les gains politiques étant sans commune mesure avec les efforts consentis au plan technico-opérationnel. C est notamment le cas pour les opérations de maintien de la paix conduites sous l égide de l ONU. 1 Les titres intermédiaires ont été rajoutés par la rédaction. 2 La réelle valeur ajoutée opérationnelle de l OTAN réside dans sa capacité à garantir une interopérabilité entre les forces européennes, mais également, entre forces européennes et américaines. 3 Réunissant des États européens (Allemagne, France, Royaume-Uni et l Italie), le Canada, les États-Unis et l Australie, le Multinational Interoperability Council (MIC) a pour vocation d être un forum d échanges informels d informations et d expériences entre opérationnels de nations ayant l ambition d assumer des responsabilités de nation cadre en coalition. L amélioration de la préparation, de la planification et de la conduite des opérations en coalition en constitue l objectif central. 4 Effect Based Operations. Face aux enjeux actuels, à la globalisation et à la complexité de la gestion des crises, maîtrise des technologies de l information, nous progressons avec prudence mais détermination. Une approche exclusivement nationale serait un non-sens. Nous expérimentons nos idées, nos intuitions notamment au sein du Multinational Interoperability Council (MIC) 3, les confrontons à des avis extérieurs avant de les valider. Les EBO 4, l interagency, les opérations de l information, les opérations en réseau sont autant de sujets d actualité qui sont examinés entre officiers de nations amenées à combattre ensemble. L amélioration de la préparation, de la planification et de la conduite des opérations en coalition en constitue l objectif final. MARS DOCTRINE N 11

30 La vision française d une interopérabilité renforcée 1 Si nous n agissons pas ensemble nous serons isolés pour toujours Benjamin Franklin La question de l interopérabilité a été longtemps un sujet typique de divergence entre des objectifs ambitieux, s apparentant à ces vœux pieux exprimés dans les écrits relatifs à la sécurité et à la défense, et la réalité de ce qui constitue les défis sérieux que rencontrent les commandants de coalition sur le terrain. Alors que la coalition, au sein ou non d une alliance pré-existante, est devenue la norme et non l exception, la question de l interopérabilité des forces armées de ces quelques pays capables de mener tous les types des opérations couvertes par l expression four block war 2 est devenue encore plus essentielle. Cependant, la position française est que, la dimension humaine étant devenue primordiale dans les opérations en cours, l interopérabilité, qui est essentielle aux coalitions pour qu elles fassent face avec succès aux défis sécuritaires actuels et futurs ne devrait pas se limiter aux domaines de la technique et des procédures, mais devrait plutôt dépendre toujours plus de la capacité à partager les développements doctrinaux, les enseignements tirés des opérations et l entraînement en commun, très tôt dans leur élaboration et tout au long de leur développement afin de pouvoir réaliser l indispensable unité d objectif. PAR LE GÉNÉRAL D ARMÉE (2S) BERNARD THORETTE ANCIEN CHEF D ÉTAT-MAJOR DE L ARMÉE DE TERRE FRANÇAISE Les solutions techniques seules ne permettront pas de relever les défis de l interopérabilité multinationale J ai moins d admiration pour le génie militaire de Napoléon depuis que j ai commandé une coalition. Maréchal Ferdinand Foch Comme l illustre l aphorisme semi-humoristique du Maréchal Foch alors qu il était le commandant suprême allié sur le front occidental au cours de la première guerre mondiale, les défis liés aux guerres en coalition ne sont en aucun cas récents, mais l environnement opérationnel actuel impose d étudier de nouveaux domaines d interopérabilité. Les défis liés aux opérations multinationales, sont, pour la plupart, anciens et bien connus. Les opérations multinationales, qui sont très souhaitées par les politiques en raison de leur aptitude à renforcer la légitimité de l utilisation de la force militaire, ont toujours été plus difficiles à planifier et à exécuter en raison d intérêts et de perspectives nationales différentes et concurrentes, de différences en matière de capacités nationales et de cultures militaires ainsi que des limites imposées au partage du renseignement. En un mot, une guerre menée par une coalition n a jamais été un moyen facile d atteindre la victoire mais c est de plus en plus souvent le meilleur moyen de gagner la paix. En outre, l histoire nous rappelle que seules des menaces réelles et sérieuses DOCTRINE N MARS 2007

31 contre des intérêts nationaux vitaux ont permis d accélérer la marche vers l interopérabilité. L OTAN représente la meilleure illustration de cette incitation à dépasser les préférences nationales afin de répondre à des menaces qui ne pouvaient être surmontées que collectivement. A cet égard, le siècle qui commence est certainement différent. Les opérations tendent à impliquer un nombre toujours plus grand de pays, chacun pour ses propres raisons politiques. Un compromis évident doit se faire entre l expression d une volonté politique, qui réclame que la multinationalité descende jusqu au niveau des petites unités, et l efficacité militaire, qui impose des forces homogènes. En ce qui concerne les opérations de haute intensité, le seul moyen réaliste de garantir l efficacité militaire consiste à engager des unités homogènes jusqu au niveau brigade. Au niveau tactique, les cycles décisionnels raccourcis liés à une précision accrue de la manœuvre, des feux et des effets rendent extrêmement dangereux la multiplication des réseaux de renseignement ou une trop grande limitation qui serait apportée à l accès à des informations à durée de vie limitée. Les enseignements tirés de l Opération Enduring Freedom en Afghanistan montrent que des efforts considérables ont été nécessaires pour surmonter les problèmes liés à la connectivité très limitée qui existait initialement d une part entre les forces spéciales US et les appuis aériens français et d autre part entre les forces spéciales françaises et les appuis aériens américains. Une compatibilité de niveau technique peut aider à résoudre les nouveaux problèmes liés à l idée d interopérabilité renforcée, mais elle ne devrait pas être considérée comme la panacée face aux nouveaux défis. L interopérabilité des forces, au sens d une compatibilité purement technique, constitue une condition nécessaire mais pas suffisante pour atteindre l interopérabilité opérationnelle dans les opérations actuelles et futures. Du fait des changements de dispositifs des forces sur le terrain, qui sont maintenant de plus en plus dispersées mais dont les effets sont renforcés au sein d un champ de bataille lacunaire, ces forces devront s appuyer dans une large mesure sur des systèmes C4ISR 3 interopérables afin de pouvoir accomplir leur mission. Mais l interopérabilité technique quelle qu en puisse être l utilité, tend à faire croître le coût des systèmes, en particulier au niveau tactique. Dans une certaine mesure, un compromis doit être trouvé entre le niveau d interopérabilité souhaité et le volume des forces à déployer. De plus, les défis que pose le nouvel environnement sont vraiment d une autre envergure. Au-delà doctrine des défis liés spécifiquement à l interopérabilité à l instant de la phase dynamique des opérations d entrée de vive force, il n en demeure pas moins plusieurs questions essentielles telles que la capacité à se comprendre les uns les autres (ce qui paraît-il reste un point sensible, même pour des nations séparées par un langage commun ), l aptitude à tomber d accord sur des règles d engagement et de comportement compatibles. En un mot, l aptitude à définir une approche basée sur les effets ( effect-based ) des multiples challenges posés par un environnement complexe ne peut pas être résolue par la seule interopérabilité technique. Au cours des opérations actuelles, la phase décisive tend de plus en plus à être celle de la stabilisation, au cours de laquelle on atteint effectivement l objectif stratégique, et non plus la phase d entrée initiale. Les domaines d interopérabilité nécessaires pour faire face à ces défis englobent des sujets tels que l interopérabilité doctrinale au niveau de l entraînement et de la planification des opérations, une souplesse dans l organisation des forces et des PC qui permette de s adapter à des chaînes de commandement complexes. Cela impose donc l échange d équipes de liaison efficaces, nombreuses et bien entraînées, capables d interagir non seulement CCH CHATARD/SIRPA TERRE MARS DOCTRINE N 11

32 avec leurs équivalents militaires, mais aussi avec ceux des agences nationales et multinationales, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales ainsi qu avec les autorités nationales locales. Ces domaines d interopérabilité sont particulièrement critiques dans l environnement asymétrique actuel, puisque toute faiblesse dans l un ou l autre d entre eux pourrait mettre en péril l essence même de la coalition. L interopérabilité requise pour des opérations multinationales actuelles et futures repose sur des cycles d échanges continus et intenses au niveau de la doctrine et de l entraînement Si une interopérabilité en profondeur, telle qu elle a été définie plus haut, demeure l objectif à atteindre, elle ne peut être atteinte que si trois conditions sont remplies : la volonté d établir une proximité durable afin de promouvoir une meilleure connaissance mutuelle et des échanges ; un programme délibéré destiné à établir une confiance mutuelle ce qui est encore plus essentiel au cours d opérations complexes ; et finalement un échange dans le domaine des réflexions doctrinales, échange permanent et efficace entre les principaux partenaires. Les occasions d établir et de développer cette proximité durable sont diverses, que ce soit bilatéralement ou dans le cadre d organisations multinationales. A l évidence, il est essentiel d améliorer les capacités linguistiques. Mais au-delà du domaine linguistique, il convient de renforcer une meilleure compréhension mutuelle des capacités et de la culture des forces de l autre. Ces dernières années pourraient être considérées par certains comme n ayant pas été très favorables dans ce domaine : les occasions pour que nos forces s exercent et interagissent ont été singulièrement réduites en raison de leurs engagements opérationnels ainsi que du redéploiement des forces américaines d Europe vers les Etats-Unis. Cependant le fait que les forces américaines et françaises ont opéré et continuent d opérer côte à côte quotidiennement en Afghanistan, dans les Balkans ou sur le continent africain offre d excellentes occasions de développer une compréhension mutuelle et l aptitude à l interopérabilité. D autre part, l amélioration de la qualité des contacts qui résultent du fait de travailler côte à côte constitue un élément essentiel pour établir un sentiment de confiance mutuelle entre les forces de différentes nations et d établir les préconditions nécessaires pour atteindre le niveau requis d interopérabilité. Au cours de futures opérations, l incertitude et l ambiguïté seront la norme et non l exception. Les forces des principaux pays alliés doivent apprendre à établir cette confiance mutuelle à tous les niveaux, interarmées, interministériels, et multinationaux, tout en sachant garder le sens de leur propre identité. La confiance ne peut être établie que grâce à la possibilité pour chacun d accéder plus aisément et sur la base de la réciprocité, aux enseignements tirés par les autres ainsi qu à leurs développements doctrinaux. Plus généralement, elle exige que chacun des partenaires fasse preuve de bonne volonté pour rétablir le lien avec l autre. Cet esprit de confiance mutuelle devrait conduire à développer un programme intense d échange d idées et de discussions doctrinales, afin, tout d abord et en priorité, de saisir les spécificités opérationnelles nationales qui devraient être considérées comme des moyens de combiner les points forts de chacune des nations et d en réduire les faiblesses. La prise en compte des différences majeures dans le domaine de la doctrine devrait être un objectif essentiel. A cet égard, la brigade franco-allemande, le GTIA créé dans le cadre de l Union européenne et le conseil multinational de l interopérabilité du groupe de travail interopérabilité des hauts représentants nationaux (armées de terre) constituent de vrais laboratoires permettant d améliorer notre connaissance des défis liés à l interopérabilité et de développer des solution pragmatiques. 1 Article déjà paru en juin 2006 dans la revue Army de l'armée de terre américaine et reproduit avec son aimable autorisation. 2 Aux trois blocs traditionnels (humanitaire, stabilisation et haute intensité), on ajoute la dimension INFO-OPS (Opération d'influence). 3 Command, control, communication, computers, Intelligence, Surveillance, Reconnaissance = Commandement et contrôle; communication et informatique; renseignement, surveillance et reconnaissance. 4 Battle Group L interopérabilité c est beaucoup plus qu une simple compatibilité technique des équipements et de la logistique. Cela nous rappelle que maintenant que les opérations devront être centrées sur l humain, l interopérabilité vraie reposera sur la façon dont les soldats membres d une coalition auront pu acquérir une communauté de pensée et de perception, ce qui ne peut être obtenu et entretenu que grâce à des efforts volontaires et permanents. Dans cet ordre d idée, on peut dire que l armée de terre française travaille tout à fait dans l esprit du Général Eisenhower qui écrivait que le véritable fondement [de l unité du commandement allié] repose sur une coopération profonde entre les officiers supérieurs affectés à un théâtre allié. Puisque la coopération implique des facteurs tels que désintéressement, dévotion à une cause commune, une attitude généreuse, et la confiance mutuelle, il est aisé de comprendre que l unité réelle d un commandement interallié dépend directement de chaque soldat sur le terrain. DOCTRINE N MARS 2007

33 doctrine Vers une ébauche de politique interopérabilité de l armée de terre appuyant sur les directives de l EMA, l état-major de l armée de Terre a relancé en 2004 une réflexion sur S l interopérabilité, dont la définition et le but, aptitude à opérer en synergie dans l exécution des missions fixées a été rappelé dans l article paru dans Doctrine n 8 sur l interopérabilité logistique au sein de l OTAN. L ébauche de politique que constitue le présent article 1 s inscrit dans une vision globale, qui ne sera plus seulement de relations internationales mais d emploi en multinational. Elle se veut simplement pragmatique, état de l art et esquisse de possibles perspectives à court et moyen termes, avec un effort sur l interopérabilité utile avec les alliés et partenaires majeurs. Elle s efforcera de prouver que des mesures concrètes permettent de déborder l obstacle majeur, d ordre culturel, qui empêche de considérer qu une opération multinationale se prépare très en amont à plusieurs, quel que soit le contexte politique constituant l environnement des réflexions. La projection de puissance européenne et de l OTAN s appuiera en effet, respectivement et de plus en plus, sur les battlegroups de l UE et la NATO Response Force (NRF). La volonté de réduire les forces au strict nécessaire, tout en leur garantissant simultanément d obtenir la supériorité opérationnelle d emblée puis de la conserver, conduit à affronter une difficulté repoussée jusque-là, descendre la capacité d interopérer à des échelons de commandement assez bas. PAR LE COLONEL YVES BERAUD CHARGÉ DE MISSION MN À L EMAT ADJ DRAHI/SIRPA TERRE Un environnement plus complexe mais cohérent, une implication ancienne et motivée La défense d intérêts vitaux constitua le ciment de la cohésion de l OTAN lors de la guerre froide. Subordonner la préférence nationale à un intérêt supérieur répondait à l instinct de survie, face à une menace à laquelle seule une Alliance forte pouvait répondre. Face aux nouvelles menaces - plus lointaines et plus diffuses-, nécessitant souvent des réactions plus rapides, les nations, ayant retrouvé leurs intérêts particuliers, s associent alors pour des raisons très diverses à des coalition de circonstance. La multinationalisation d une force est incontournable car elle lui confère une légitimité politique, éthique et morale. La participation aux opérations offre une visibilité politique souvent proportionnellement supérieure au volume de forces engagé. Mais il est parfois difficile de la concilier à l impératif d efficacité militaire, considérée traditionnellement comme découlant de l homogénéité de la force. Régler les problèmes d interopérabilité avant les opérations reste donc un impératif, en multinational, en interarmées et interministériel 2, avec un environnement plus complexe, interdisant le repli sur soi, mais autorisant la prise en compte d intérêts pragmatiques (non-duplication d efforts, budgétaires notamment). Les partenaires majeurs désignés, au côté des Etats-Unis sont la Grande-Bretagne et l Allemagne, nos trois nations européennes ayant fondé leur crédibilité et leur cohérence sur leur aptitude à assumer le rôle de nation-cadre. L implication de l armée de terre se matérialise, tout d abord, au sein de l OTAN et de l UE, mais également dans des coalitions de circonstance - participation active aux opérations multinationales, principalement dans les Balkans, en Afrique et en Asie centrale, ou encore dans le cadre plus large de la lutte contre le terrorisme. La contribution aux EM majeurs, grandes unités ou organismes divers tels que EMUE, AED, Eurofor, Eurocorps et BFA 3, ainsi que l accueil d étrangers (CRR-FR, OE/OL), les formations initiales communes ou ultérieures croisées de personnel (écoles binationales, etc.), lui permettent également d affirmer ses responsabilités dans le rapprochement entre les peuples militaires. Elle s intègre et s investit, enfin, dans les structures et réflexions existantes, nationales (EMA/DAS/DGA, CICDE) et multina- MARS DOCTRINE N 11

34 tionales (travaux menés dans le cadre du processus de transformation de l Alliance, normalisation avec effort sur la logistique, MIP, SNR [A], COMELEC, FINABEL, etc.), ainsi que dans les activités qui permettent de valider les idées développées. L élargissement de l OTAN et de l UE pose une série de nouveaux défis pour l interopérabilité. Une politique traditionnelle d influence nationale trouve ses limites rapidement et amène à chercher à l exercer à plusieurs, organisés en noyaux durs. La vocation première de l armée de terre, l engagement opérationnel et sa préparation, trouve donc aussi sa concrétisation dans les actions de coopération multinationale. Principes et perspectives générales : la cohérence opérationnelle en coalition La transformation de l Alliance et la construction de la PESD 4 offrent certainement la perspective générale majeure dans laquelle inscrire une politique d interopérabilité. Car les orientations politiques s affichent progressivement et indiquent le nouveau cadre des réflexions, en terme de capacités des forces projetables, la NATO Response Force d une part, les hommes décidés à Helsinki fin 1999, les headline goals 2010 (interopérabilité d ensemble des forces européennes en coalition) et les BG annoncés en mars 2004, de l autre. Si, à terme, tous les types d opérations doivent être considérés, l effort initial en terme d interopérabilité semble devoir porter sur l entrée en premier et la haute intensité avec less partenaires majeurs (tout ou partie des 5P 5 ). Ces phases sont les plus contraignantes, elles nécessitent une réactivité permanente et induisent un partage de l information et des situations de référence au sein de la coalition, dont la qualité sera liée à la crédibilité des coalisés. Les opérations de stabilisation ou de lutte contre le terrorisme ( long war ), au sein d une coalition ad hoc, pourraient constituer la priorité 2. Le contexte Four Block War (4BW), extension de la 3BW définie par le général (US) Krulak, constitue de facto le quotidien d une force déployée, qui a à préparer, planifier et conduire simultanément ou successivement le combat classique, l aide humanitaire et l interposition, rejoints par les actions dans les champs psychologiques. Et les membres d une coalition doivent s efforcer d avoir la même perception des situations. Mais la limite de l interopérabilité reste celle de l efficacité militaire, qui vise à obtenir et conserver la supériorité opérationnelle. Fonctions opérationnelles OTAN 1 - Commandement 2 - Reconnaissance, surveillance et acquisition d objectifs 3 - Appui renseignement 4 - Formation, entraînement et évaluation 5 - Défense NBC 6 - Opérations spéciales 7 - Guerre électronique 8 - Compréhension mutuelle et culturelle 9 - Logistique 10 - Planification et directives politiques 11 - Opérations interarmées interalliées 12 - Opérations terrestres 13 - Opérations aériennes 14 - Opérations maritimes La démarche intégrée de numérisation, ou approche commune de l infovalorisation, base de la coopération à tous les niveaux de commandement et sur la logistique 6, fournit une approche capacitaire globale. Elle semble actuellement, et dans le futur proche, être la meilleure réponse à cette autre définition que donne l EMA de l interopérabilité, capacité de plusieurs systèmes, unités ou organismes à opérer ensemble grâce à la compatibilité de leurs organisations, doctrines, procédures, équipements et relations respectives. Afin d obtenir des résultats concrets dans ses différentes composantes et sur des bases de confiance réciproque, en bi- ou multilatéral, celle-ci visera à définir un ensemble d actions cohérentes. Tout en maintenant le sens de l identité nationale. En amont de cette architecture de développement visant la cohérence opérationnelle, viennent d abord les évolutions de la doctrine d emploi des forces, validées au cours d expérimentations ou évaluations tactiques et technico-opérationnelles, selon le cycle CD&E 7 préconisé par l OTAN. L application stricte de procédures communes, ensuite, s impose. Celles de l OTAN, langage commun 8, permettent de surmonter d éventuels blocages et elles sont prioritaires. Les travaux conduits au sein des instances qui les élaborent sont dès lors la référence incontournable. Brique indispensable de l édifice, et qui inscrit la démarche dans la durée, des projets de formations communes doivent être développés. L effort est à marquer sur les chefs 9. Il se dessine dès lors progressivement la nécessité d une double culture opérationnelle pour des cadres identifiés, fruit de la double loyauté temporaire liée à une affectation en EM ou unité multinationale. Une politique d interfaces humaines complètera ce dispositif. Le développement d équipements communs ou totalement interopérables doit être considéré comme une application des doctrines. Le sigle fédérateur C4ISR regroupe les composants commandement/ appui au commandement/renseignement dont la mise en cohérence technique est indispensable à la prise de décision et à la manœuvre. Grâce à la réalisation en étroite coopération (partage de la connaissance!) des briques technologiques centrales des SIC ou des systèmes d armes, des solutions ambitieuses se dessinent. Partager la réalisation des équipements de manière équitable avec un retour sur investissement proportionnel, complète DOCTRINE N MARS 2007

35 cette approche. Plusieurs niveaux sont ainsi possibles, selon que l on accepte une nouvelle philosophie de l action qui se dessine avec certains partenaires, aller au cœur des systèmes et ne plus rester à leur périphérie, tout en considérant les incontournables mesures de sécurité des informations. Le partage de l information en coalition amènera de facto à des aménagements des règles nationales. Les solutions techniques d interopérabilité concilieront dans leur définition quelques principes majeurs parfois contradictoires, liés à la souveraineté et à la confidentialité mais également à l existence d équipements nationaux, à la nécessité d accéder à des situations de référence et à des bases de données partagées. Mettre à disposition de la coalition un système unique, US ou OTAN, résout à court terme le problème techniquement, il n est qu un pis-aller, souvent coûteux. Enfin, la mise en œuvre des grandes actions définies sommairement ci-dessus doit être complétée par les activités de préparation à l engagement opérationnel. Celles-ci permettent de développer la connaissance réciproque (participation croisée aux activités, entraînement en réseau), de mettre en œuvre des doctrines élaborées en commun, ainsi que l entretien des savoirfaire, et enfin de vérifier le niveau atteint. Le volet planification des opérations, en national et en coalition, est pris en compte aux niveaux interarmées et interministériel. Pour l armée de terre, il se traduit par l adaptabilité de ses EM opérationnels -au sein de chaînes de commandement complexes-, par la mise en place de détachements de liaison -qui doivent être eux aussi de plus en plus numérisés -, par le contact de tout soldat avec des acteurs non étatiques appliquant des logiques non militaires. Mais ces perspectives devront toutes passer au crible de l expression de besoin commune. L OTAN propose une politique d interopérabilité appliquée à quatorze fonctions opérationnelles. Les matrices préconisées aideront à la définition d objectifs plus précis, adaptés au domaine considéré, aux structures de forces (en particulier unités communes), aux différents partenaires et aux types d opérations. Il devrait en résulter la définition d objectifs d interopérabilité différenciée. Répondre aux enjeux des opérations en coalition européenne, OTAN ou ad hoc et de la place qu elle tient à occuper, dans la durée, constitue bien un test de crédibilité pour la France. Une ébauche de politique, des actions concrètes fédérées Des actions de coopération volontaristes, pour certaines déjà en cours, doivent traduire la volonté d interopérer et donc de combler les fossés identifiés. Interopérabilité culturelle En opposition au network centric warfare, les human centric operations, basent l interopérabilité des hommes sur la compréhension commune de la situation et de l action par les coalisés. S appuyant sur un environnement de connaissance et de confiance réciproques, pourront être élaborées des mesures concrètes visant à l interopérabilité culturelle. La langue n est pas le seul véhicule, comme on peut le voir au sein de nations divisées par une langue commune. Et si l effort, là-aussi, est à porter sur les chefs, les échanges de réflexions doctrinales, l élaboration de documents agréés par les partenaires, constituent des liens forts. Leur mise en œuvre au sein de l ensemble des forces nationales, ainsi que les échanges de vues sur la cultural awareness, contribuent à la préparation de règles de comportement et d engagement compatibles. Evolutions doctrinales et procédurales Plusieurs approches sont pratiquées aujourd hui, bilatérales ou multilatérales. Avec les Britanniques a débuté un état des lieux pratique, destiné à vérifier la parfaite compatibilité des documents procéduraux (STANAG 10 en particulier) détenues dans les forces. La mise à plat des documents de doctrine d emploi suivra, avec un effort sur le niveau brigade. Avec les Allemands, l utilisation de la BFA comme outil de validation de documents doctrinaux et procéduraux a été privilégiée. Ces produits communs devraient in fine constituer le cœur des bibliothèques opérationnelles des deux armées de terre et donc contribuer à leur interopérabilité d ensemble. doctrine Au sein des DEP, les études seront progressivement conduites en trilatéral avec ces deux partenaires majeurs. La rédaction de documents communs s imposera. Un meilleur partage du RETEX devrait renforcer cette politique. La simple évocation du déploiement de BG 1500 a montré, par exemple lors du séminaire Convergent Effort qui réunit en janvier 2006 soixante-dix officiers supérieurs français et britanniques, qu il fallait sans doute reconsidérer quelques tabous en matière de niveau de commandement auquel limiter l interopérabilité - niveaux 4 et 5, voire plus bas! Cette activité a montré aussi que pour conduire des réflexions à plusieurs, il ne fallait pas commencer par s arc-bouter sur les seules doctrines élaborées en national, mais chercher des communautés de points de vue et les approfondir pour en faire des pistes de coopération. Partant de ces travaux bi- ou multilatéraux, une implication commune dans les instances de normalisation otaniennes, sera indispensable. La préparation opérationnelle permettra de valider les aspects ci-dessus. Si la BFA fournit là-aussi un cadre optimal (multinationalité intrinsèque), les réflexions sur l entraînement en réseau ont débuté. L absence d unités communes est le cas le plus général. La simulation distribuée apportera sans doute les solutions. Equipements La priorité fixée par l OTAN et l UE en matière d interopérabilité technique est le domaine du commandement et des SIC. Et dans ce domaine, la perception des nécessités de l interopérabilité n est pas seulement militaire : des systèmes parfaitement interopérables se vendent mieux que ceux qui ne le sont pas. Un changement de pensée en la matière semble se dessiner et ouvrir des perspectives de synergies entre les acteurs étatiques et industriels, seule voie de réussite. Le projet de réalisation, avec les Allemands, en binational interarmées, du socle technique commun (STC) d interopérabilité des SIC que l OESIC Terre pilote, constitue ainsi une avancée déterminante. Il s appuie sur une MARS DOCTRINE N 11

36 Politique de l OTAN pour l intéropérabilité Définition de l interopérabilité : La capacité d opérer en synergie pour accomplir les missions assignées Objectifs d interopérabilité de l OTAN Capacité à communiquer Capacité à mener des opérations Capacité à fournir un soutien logistique Entraînement et conduite d exercices stratégie de convergence, se décline en un plan de convergence, en cours d élaboration et qui définira les objectifs ultimes et intermédiaires de migration des systèmes. Il concrétise le volet majeur d un document cadre fixant comme objectif l interopérabilité des armées de terre française et allemande, la vision commune sur l avenir de la BFA. Le partage des socles techniques est sans doute la solution optimale, d autres considérations entrent toutefois en ligne de compte. Dès lors, avec d autres pays, une politique d interfaces ou de sas semble devoir être la seule possible. Les SIC joueront sans doute ainsi un rôle moteur. La recherche d interopérabilité dans les autres domaines sera influencée par les évolutions doctrinales mais aussi et surtout par d autres considérations, budgétaires notamment. Calendriers La prise en compte en commun des grands objectifs capacitaires et opérationnels multinationaux, tels que rotations NRF et BG 1 500, constitueront des objectifs calendaires communs autour desquels définir des objectifs de convergence des différents domaines de la démarche intégrée préconisée. Outils opérationnels et expérimentations Des outils ou laboratoires de l interopérabilité seront indispensables pour mettre en application les orientations ci-dessus et aider à la recherche de solutions pragmatiques. La mise en réseau des LTO 11 des partenaires majeurs pourrait se dessiner. Une unité banc d essai a été désignée, la BFA, avec volonté d intégration renforcée. Une meilleure synergie entre tous les acteurs pourra y être recherchée : l interopérabilité est aussi un défi industriel européen. 1 Un plan d action interopérabilité Terre, à paraître début 2007, en précisera le contour. 2 C est l objet d un mandat d étude du CICDE sur 370 officiers et sous-officiers PPE Terre, BFA non comprise. 4 Politique européenne de sécurité et de défense. 5 Five Powers, instance regroupant cinq nations (USA, GB, FR, ALL, ITA) et visant au développement de l interopérabilité. 6 Possibles économies de moyens. 7 Concept Development and Experimentation. 8 Plus de 50 ans de normalisation! 9 Compréhension commune des finalités. 10 Standardization Agreements, accords de normalisation. 11 Laboratoire technico-opérationnel. Cette ébauche de politique devra imprégner la plupart des domaines d actions, fonctions opérationnelles ou politiques sectorielles. Cette dimension multinationalité doit devenir intrinsèque au travail de quasiment chaque rédacteur et décideur en EM. Une dimension, enfin, est apparue en considérant le processus de transformation de nos voisins : les grands objectifs MN opérationnels et capacitaires. NRF, BG mais aussi HG 2010 deviennent des objectifs nationaux à l atteinte desquels s ordonnent les projets nationaux. Ils obligent à abaisser le niveau de commandement à considérer pour développer la capacité d interopérer. Ils constituent également, dès à présent, des objectifs capacitaires ambitieux, qui, à terme, pourraient orienter des choix nationaux. DOCTRINE N MARS 2007

37 doctrine L interopérabilité interalliée dans le domaine de l emploi et de la préparation opérationnelle Les attributions principales du commandement de la force d action terrestre (CFAT) recouvrent le soutien à l engagement opérationnel, la préparation opérationnelle et la gestion des capacités de la force d action terrestre, avec pour horizon le court terme (moins de 3 ans). Dans ces domaines de responsabilité, la directive générale pour la force d action terrestre a retenu deux priorités, la prise en compte de la numérisation et l amélioration de l interopérabilité avec les autres armées et nos principaux alliés. Si le phénomène n est pas nouveau, les unités de la force d action terrestre sont aujourd hui engagées à un niveau rarement atteint par le passé, parfois sur court préavis, dans des opérations conduites dans un cadre interarmées et multinational. Conjuguée à la variété des missions et des environnements opérationnels, cette constante des opérations actuelles génère de nouvelles exigences en matière d emploi et de préparation opérationnelle pour garantir le niveau d efficacité des forces. L interopérabilité interarmées dans un cadre national fait bien évidemment l objet d une attention particulière de la part du CFAT et de ses homologues des autres armées, que ce soit dans le cadre de la préparation à une opération générique ou à des opérations spécifiques, telles que l amphibie ou les opérations aéroportées. Par beaucoup d aspects, elle se traduit par une problématique et des dispositions très similaires à celles développées ci-après. Pour autant, et afin de ne pas complexifier ce sujet, cet article ne s attachera qu à l interopérabilité entre alliés et abordera successivement les principes d action retenus et leur application au quotidien, en opération ou dans le cadre de la préparation opérationnelle. PAR LE COLONEL ERIC RECULE DU CFAT/DIVISION PLANS L interopérabilité dans l emploi des forces 1 Les opérations en coalition, et en premier lieu notre contribution à la défense de l Europe, avaient préparé nos forces à s engager dans un cadre multinational, tant au niveau de la planification des opérations que de l entraînement. Pour autant, les quinze dernières années ont propulsé les questions de multinationalité 2 et d interopérabilité 3 comme des problématiques incontournables, complexes à prendre en compte et à gérer, sur des théâtres d engagement nouveaux, au sein de coalitions élargies. Elles s expriment à la fois sur le terrain, en opération, et à l occasion des prises d alertes au sein de l Union européenne (BG 1500, pour Battle Group 1500) ou de l OTAN (NRF, pour NATO Response Force). Qu il s applique à l interarmes, à l interarmées ou à l interallié, le niveau d interopérabilité est un paramètre majeur de l efficacité militaire, tant pour la rapidité d exécution de la manœuvre que la mise à disposition au bon endroit et au bon moment des capacités requises. Au mieux, il s agit de disposer d unités ou de PC parfaitement interchangeables. 4 L interopérabilité repose sur l établissement et l application de procédures, l entraînement en commun, une coordination étroite en opération, l analyse des retours d expérience. Mais elle reste toujours difficile à acquérir et peut fragiliser la cohérence opérationnelle. L approche retenue vise d abord les méthodes et procédures de combat avant de s intéresser aux équipements, y compris les moyens de communication. Il s agit en effet de connaître, si ce n est de partager, les méthodes et procédures de raisonnement, de planification et de con-duite des opérations de nos alliés, les modes d action et méthodes de combat de leurs unités, voire la psychologie de leurs chefs et soldats. La langue constitue la première difficulté. Au niveau d un GTIA, la communication orale est prioritaire. Dès lors, on peut s attendre à des risques d incompréhension et à un allongement des délais pour remplir les missions imparties. L incorporation d une unité alliée au sein d un bataillon peut conduire à en changer la langue de travail et en compliquer gravement le commandement. MARS DOCTRINE N 11

38 Le soutien logistique dans un cadre multinational constitue un facteur de ralentissement de la manœuvre en contribuant à alourdir les procédures de ravitaillement et de maintien en condition. La question de l approvisionnement en munitions et en pièces détachées ne sera pas résolue avant longtemps. En revanche, même si en première approche le soutien sanitaire semble poser des problèmes juridiques difficiles à résoudre, la réalité du combat, l urgence de traitement des blessés et la difficulté à les évacuer vers un centre de traitement national déboucheraient vraisemblablement sur des solutions de proximité, quelle que soit la nation qui les prend en charge. Enfin, les approches politiques et les restrictions nationales ( caveats ) sont à prendre en considération, en particulier dans les opérations de stabilisation ou de normalisation qui laissent plus de place aux nuances. Les règles d engagement peuvent varier d un contingent à un autre. Dès lors, on ne peut concevoir de parvenir à la supériorité opérationnelle sans une unité de comportement et de modes d action au niveau du GTIA. Pour toutes ces raisons, le CFAT considère que la multinationalité doit être abordée avec prudence aux petits échelons tactiques. Ainsi, plus le niveau d efficacité opérationnelle attendue est élevé, plus le niveau de multinationalité doit être réduit. La préservation de l efficacité opérationnelle milite donc pour maintenir une forte homogénéité des GTIA et de leurs unités subordonnées et pour appliquer la multinationalité au niveau de la brigade, voire au-dessus pour les opérations de coercition ou d entrée en premier. Ces principes valent tout particulièrement pour la phase intervention (ou combat, ou coercition) d une opération. Ces limitations à une multinationalisation du niveau GTIA ne constituent néanmoins pas un dogme. La multinationalité aux niveaux inférieurs à la brigade devient ainsi plus acceptable en phase de stabilisation, et surtout de normalisation où le recours à des unités multinationales permet de réduire les PSY OPS EW UNITS E PSY W CIVIL DISTURBANCE MSU GEO EOD contributions nationales et de se désengager progressivement tout en maintenant un affichage d opération en coalition internationale, qui bien souvent légitime les interventions militaires. Ils s appliquent aussi plus largement au niveau de la composante manœuvre d une force. Les éléments d appui ou les effets qu ils produisent sont en effet plus facilement intégrables ou coordonnables via des éléments de liaison ou des cellules spécialisées. Il faut envisager plus des renforcements capacitaires, spécifiques ou pas (spécialités de niche, EO, génie) dans des cas particuliers. LCC CS UNITS ATTAQUE xxx LCC I I CSS UNIT I I MED POW LCC CSS UNITS LCC HQ HQ I I LOG I I La prise sous TACON d unités étrangères reste donc possible, voire souvent nécessaire. Elle impose des procédures formelles pour éviter toute incompréhension. Le contact physique et la procédure du backbrief sont incontournables. Ils doivent être complétés par l incorporation de détachements de liaison, plus étoffés qu en configuration nationale et armés par du personnel qualifié. Ces détachements de liaison doivent être raccordés par des moyens de communications fournis par la nation d accueil, postes radio ou SIC, servis si nécessaire par du personnel de la nation d accueil. Très concrètement, le CFAT met en œuvre ces principes pour la mise sur pied des dispositifs d alerte ou à forte disponibilité que sont la NRFTerre (niveau brigade interarmes) et le BG 1500 (niveau GTIA). Susceptibles d être engagées sur court préavis, ces deux forces sont caractérisées par une forte homogénéité nationale de leur composante mêlée et l acceptation d une multinationalité limitée pour les composantes soutien et appuis. Ce niveau d interopérabilité, structurellement limité, fait de plus l objet d une montée en puissance au travers de périodes d entraînement échelonnées sur plusieurs mois avant la prise d alerte. Les deux schémas ci-dessous & ci-contre illustrent les principes retenus (en bleu les unités françaises, en vert les unités francophones). L interopérabilité dans la préparation opérationnelle 5 Pour des raisons que chacun imagine, l époque n est plus aux grands exercices déployant de nombreuses troupes et matériels sur le terrain, où, au final, la plus-value apportée par une manœuvre conjointe n affermissait que peu l interopérabilité. Ainsi, plutôt que de n en rester qu à une collaboration lointaine, basée sur de vagues connaissances de l autre, les entraînements multinationaux répondent aujourd hui à des critères d enrichissement tactique et opérationnel mutuel bien identifiés. Participation maximale française NRF 11* AVIATION UNITS MEDEVAC ISTAR TRANSPORT UAV CIMIC UNITS CIMIC HUMINT I I I I CBT UNITS Cohérence opérationnelle HQ I I I I I I BRIGADE CS UNITS I I CSS UNITS I I LOG MP DOCTRINE N MARS 2007

39 doctrine Pour disposer d unités opérationnelles dès leur déploiement, la préparation opérationnelle s appuie sur trois axes d effort pour parvenir au niveau d interopérabilité souhaité. L entraînement et la mise en condition opérationnelle des PC. L entraînement en commun d unités et de cadres. Les training talks 6 avec nos partenaires privilégiés L entraînement et la mise en condition opérationnelle des PC La fugacité et l évolution permanente des procédures et des structures de PC imposent de maintenir les savoir-faire nécessaires de nos états-majors, afin qu ils disposent de la capacité d agir dans le cadre d une NRF, du BG 1500 ou au sein d une coalition, dont la France serait éventuellement nation cadre. Hormis le CRR-FR, qui agit dans le cadre de sa certification et doit donc actuellement satisfaire à la grille de certification OTAN, le CFAT pilote directement tous les entraînements de ses unités avec ses partenaires internationaux. Cette action se décline sous deux aspects, l entraînement et la préparation à l engagement. Annuellement, un PC de division est évalué soit dans le cadre de GUIBERT, où la FAT monte un CJTF, soit lors d un entraînement monté par nos alliés. Ces exercices, de facto multinationaux, participent directement à la place d excellence que la France détient au sein des nations occidentales. De tels exercices nécessitent que l EMF et le BQG qui le soutient se préparent pendant environ 10 mois avant d être évalués au cours d un exercice où tout le panel des compétences d un PC de division peut être sollicité. La réussite de ces entraînements repose sur la capacité de la FAT à déployer et relier son PC aux autres unités engagées, quels que soient leurs systèmes de communication et de commandement. Le bénéfice de ces entraînements est multiple : action dans un cadre multinational, procédures OTAN, déploiement et contraintes réelles, etc. Le dernier exercice Joint Sword était à cet égard éloquent : agissant sous OPCON du corps GE/NL, l EMF4 a participé, dans un scénario Three Block Operation, à un exercice où il était encadré par une division allemande et une norvégienne. Les nombreux défis d interopérabilité de cet exercice ont été parfaitement relevés. 131 h 30 h + INF 110A INF 122A 140 h ABC ou h GTIA INF 110C POSSIBLE REINFORCEMENTS NATIONAL ABLE TO BE MULTINATIONAL ABLE TO BE MULTINATIONAL IF SAME LANGUAGE INF 101A 2xSIC 10 h 584/A 2xSIC 564/A 156 h 156 h INF 110A ACCORDING TO MISSION FIRE SUPPORT ART 341-1/1 61 h ART h L exercice Bretagne, qui s adresse aux EMF et BIA, réalisé au CPF de Mailly, répond aux spécificités de la KFOR. Dans le même contexte, le déploiement en Afghanistan du Regional Command - Capital en août 2006, armé alternativement et pour deux ans, par les Français, les Turcs et les Italiens, a nécessité une préparation spécifique répondant aux souhaits des trois nations. C est donc dans les installations de l USAREUR au JMCTC 7 de Graffenwöhr que cet état-major s est entraîné pendant deux semaines pour un MRE MRT 8 construit avec l ACT 9 et reproduisant, in situ, les composantes et l environnement de ce PC au sein de l ISAF. TACP GEN & h GEN h ART 361/1/A 38 h ENGINEER GEN h SAD GEN h L entraînement en commun d unités et de cadres Les habitudes, héritées d une époque où se rendre à l étranger était une activité de plus sans objectifs durables, ont vécu. Le temps, les moyens et les unités disponibles, le financement, mais surtout la réalité EU - OTAN sont autant de paramètres qui ont permis de redéfinir le cadre de nos échanges d unités et de personnel dans ce qu il était convenu d appeler les activités de relations internationales. Seules persistent celles qui sont pilotées par l EMAT BRI ou l EMA. Recentré sur la préparation opérationnelle et l interopérabilité, le mandat des unités EAU 190 h 121A 123A 52 h INF 101B Module C 9j 124 h AVIATION ALAT h LOG 757/1 19 h COMOPS GIO A 9 h CDT h COMBAT SUPPORT ELEMENTS (ACCORDING TO THE MISSION) GEO GEO h FHQ PCTIA INTEL CMO RENS h ERI RENS A 10 h GEISA RENS & RENS A 19 h EW RENS RENS A - RENS RENS RENS RENS C - RENS h CDT h CIMIC CIMIC 16 h NRBC NBC h LOGISTIC SUPPORT (TAILORED TO THE MISSION) MVT LOG 798 B 37 h OPERATIONAL ELEMENTS (ACCORDING TO THE MISSION) A/SPOD AIR/SEA SUPPORTING de la FAT est aujourd hui simple : Toute activité qui ne concourt pas directement à accroître la capacité de nos forces à être engagées aux côtés ou au sein d un dispositif allié est désormais écartée. Il convient d ailleurs de distinguer deux types d échanges, ceux de l acculturation et ceux relevant de la préparation des forces, le premier étant considéré comme un objectif secondaire. L acculturation permet aux militaires de se connaître mais n apporte pas nécessairement de plus- value pour l interopérabilité du fait du niveau de mixité retenu pour nos forces. L échange de sections, les partenariats, ne sont pas pour autant proscrits mais revus à la baisse et directement subordonnés au mandat décrit précédemment. L interopérabilité se déclinant principalement de la capacité des état-majors à oeuvrer ensemble, l échange de cadres au sein d une unité de même pied, pour une durée d au moins un mois est maintenant privilégié, au détriment des séjours réciproques d unités, sans aucun caractère opérationnel. Ce principe montera en puissance en En reprenant l approche présentée en introduction, la préparation des unités à l interopérabilité peut alors revêtir divers aspects, selon les capacités opérationnelles concernées et leur place. SF MP MARS DOCTRINE N 11

40 - Savoir-faire techniques particuliers, c est le cas des activités amphibies, TAP, montagne, forces spéciales. - Echanges avec des nations possédant un système d arme identique aux forces terrestres et avec lesquelles nous avons des accords de défense. Ce point mérite que l on définisse alors quel niveau d interopérabilité est recherché en vertu de cet accord. C est le cas des échanges de pelotons Leclerc avec les Emiratis qui nous permettent de bénéficier de réelles capacités d entraînement en restant au niveau de la deconfliction. - Maîtrise d un système d armes : c est l objet des écoles à feu communes (type Nawaks), de l échange d unités du génie, etc. - Mais la réelle opportunité réside dans les activités avec nos partenaires privilégiés, c est-à-dire ceux des training talks. Les Training Talks avec nos partenaires privilégiés Si l entraînement de nos PC et leur interopérabilité avec nos alliés sont primordiaux, le maintien de liens forts avec nos partenaires privilégiés et la définition d objectifs communs d entraînement et d échanges sont tout aussi primordiaux. Si la définition des objectifs généraux d interopérabilité reste une responsabilité de l EMAT, la mise en œuvre pour l emploi de forces relève de la FAT. Ceci est l objet des training talks bilatéraux et semestriels avec USAREUR, UKLC, HFK et Comopsland 10, au cours desquels sont étudiées les possibilités d activités communes. Conditionnée à la disponibilité de leurs forces, la coopération avec les Anglo-saxons est revue semestriellement, afin d établir un calendrier et des objectifs réalisables. La priorité porte sur l interopérabilité de nos états-majors et les échanges de cadres. Les forces américaines stationnées en Allemagne représentent une réelle opportunité, éclipsée pendant ces trois dernières années, de conserver notre capacité à travailler ensemble. La formalisation de cette volonté commune se traduira en particulier par la participation d un état-major de BIA au sein d un CJTF pour l exercice Sharp Focus, en mars Mais elle comporte également l accès au CALL et l échange de RETEX, le prêt des installations du WPC, l envoi de sous officiers à la NCO Academy de Graffenwöhr, la mise en condition opérationnelle de nos OMLT pour l Afghanistan au JFRC, l échange d observateurs de nos CPF respectifs. Nos relations avec UKLC (UK Land Command, équivalent du CFAT), partenaire privilégié de longue date, sont fondées sur la réalisation d échanges destinés à pérenniser nos capacités d engagement en commun. Nos alliés britanniques sont en particulier les seuls avec lesquels un mandat et un plan d action interopérabilité ont été définis. Toute activité doit alors concourir directement à améliorer notre interopérabilité. Cela se concrétisera par la participation d un PC de division britannique aux exercices du CRR-FR et celle d un PC de brigade lors de l AURIGE de la 27 e BIM en novembre A l aune du constat de rendement optimal en interopérabilité fait par les deux nations, l échange d unités dans le cadre des exercices Astérix et Gaulish vient d ailleurs d être reconsidéré. Les training talks avec le HFK allemand sont à resituer dans le cadre du GFACM 11, dont la préparation opérationnelle commune constitue un pilier. Les activités du corps européen, de la BFA, les exercices Colibri et les partenariats sont autant d exemples qui démontrent que l action de la FAT est constante pour garder un niveau d interopérabilité élevé avec la Bundeswehr. Le récent engagement en RDC ne fait que souligner la bonne préparation de nos états-majors à œuvrer avec nos partenaires allemands. De plus, Joint Sword et la participation de PC de grandes unités allemandes aux exercices du CRR FR ou aux GUIBERT soulignent l étroite collaboration de nos deux armées. Engagés à nos cotés sur de nombreux théâtres, participant activement à nos grands exercices et seule nation pouvant participer au GTIA du BG 1500 du fait de la langue commune, les Belges démontrent une réelle volonté de renforcer le lien fort de leur coopération avec les forces françaises. La France étant nation cadre du corps européen et de l EUROFOR, la FAT est à ce titre un partenaire majeur de ces deux étatsmajors. Elle met régulièrement à leur disposition ses états-majors de niveau 1 à 3 nécessaires à leur entraînement, ainsi que le personnel de renfort indispensable à l armement de leurs structures guerre. Enfin, bien que n ayant pas initié de relations périodiques comme nos alliés proches, la Russie a affiché son souhait de se rapprocher de la FAT : un exercice commun de deux états-majors de brigade se déroulera en avril 2007, dans le cadre d une opération commune de maintien de la paix. 1 Partie division Plans du CFAT. 2 Qualificatif désignant un organisme, une structure, une force, une action qui regroupe du personnel et des moyens appartenant à au moins deux Etats différents n adhérant pas forcément à la même organisation de sécurité. Glossaire interarmées de terminologie opérationnelle - Ministère de la défense - France - Edition 3 augmentée - Février Capacité de plusieurs systèmes, unités ou organismes à opérer ensemble grâce à la compatibilité de leurs organisations, doctrines, procédures, équipements et relations respectives. Glossaire interarmées de terminologie opérationnelle - Ministère de la défense - France - Edition 3 augmentée - Février Les Britanniques distinguent ainsi trois seuils : deconfliction, interoperation et integration. 5 Partie division emploi du CFAT. 6 Training Talks: séminaires bimestriels d entraînement bilatéraux au niveau des forces d action terrestre. 7 Joint multinational command training center. 8 Mission rehearsal exercise et Mission rehearsal training (soit la mise en condition opérationnelle des PC). 9 Allied command for transformation, situé à Norfolk, qui actionne le JFTC (Joint Force Training Center). 10 L USAREUR, UKLC, HFK et Comopsland: Respectivement, commandement de forces US en Europe, forces terrestres britanniques, de la Bundeswehr et des forces belges. 11 Groupe franco-allemand de coopération militaire. En conclusion, l interopérabilité avec nos alliés est clairement devenue une préoccupation majeure de la FAT. Elle se traduit par une activité intense, tant au niveau de la planification que de l organisation d activités de préparation opérationnelle communes. Les possibilités étant limitées tant par la disponibilité des unités que par les moyens financiers disponibles, les activités ont été très nettement recentrées sur les niveaux considérés comme prioritaires, et en premier lieu les états-majors de brigade et de force. Tous les scénarios d engagement sont étudiés, avec un effort particulier sur l entrée en premier sur un théâtre d opération et les engagements de type Three Block Operation en milieu urbain. DOCTRINE N MARS 2007

41 doctrine L indispensable interopérabilité dans le soutien des forces évolution des conflits a mis en exergue la quasi-certitude de voir à l avenir nos forces L majoritairement engagées dans le cadre de coalitions très diversifiées. Elles agiront de plus en plus dans un cadre interallié, sous la bannière d organisations internationales telles que l OTAN 1, l ONU 2 ou l UE 3. La logistique, fonction opérationnelle au champ d action éminemment concret, conditionne de façon incontournable le succès de la mission des forces soutenues. Dans ce contexte nouveau, l ambition de figurer parmi les quelques armées aptes à entrer en premier à la tête d une coalition impose un besoin de plus en plus pressant en interopérabilité, condition nécessaire pour accroître l efficacité de nos forces logistiques. Si ce constat force l évidence, il n en demeure pas moins, bien que des efforts aient été entrepris et des progrès effectués, que le chantier demeure vaste au sein de l armée de terre et bien des friches restent à cultiver en interarmées. Et le fonctionnement en coalition devenant la règle, il importe que les capacités logistiques militaires françaises s inscrivent dans une interopérabilité interalliée. PAR LE COLONEL HERVÉ LE GARREC DE L ÉTAT-MAJOR DE LA FORCE LOGISTIQUE TERRESTRE ADJ DRAHI/SIRPA TERRE Développer l interopérabilité au sein de l armée de terre : une priorité Par interopérabilité, il faut entendre la capacité de s accorder donnée à des systèmes, des organisations, ou des unités, qui les rend aptes à opérer de concert selon des normes communes. Au sein de l armée de terre, l interopérabilité du soutien se conçoit essentiellement dans le domaine des équipements, de l entraînement et de la formation. Cela passe en premier lieu par la qualité et le niveau des équipements mis simultanément en dotation au sein des forces. Dans ce domaine, et s appuyant sur l exemple de l expérimentation de la NEB 4, on peut constater qu au départ l effort a été porté sur les brigades interarmes au détriment des brigades logistiques. Un recentrage des efforts a été opéré suite à l intervention du CFLT 5, et les derniers exercices ont bien mis en évidence la nécessité de conduire des expérimentations englobant toutes les fonctions d environnement. Cet exemple tend égale- MARS DOCTRINE N 11

42 ment à démontrer que la synergie tacticologistique ne peut être maximale que si l approche en terme de réflexion, de procédures et de politique d équipements, s appréhende de manière globale et non dispersée, en associant d emblée et aux mêmes niveaux tous les acteurs impliqués dans ces processus. La préparation opérationnelle est également une des facettes de l interopérabilité. Elle doit se traduire par des exercices d entraînement en commun qui puissent permettre de roder les procédures, faire prendre en compte le fait logistique et son impact sur le déroulement de la manœuvre au travers d exercices en terrain libre ou en simulation. De fait, des progrès certains ont été effectués en terme de planification et de programmation des exercices par les états-majors du CFAT 6 et du CFLT pour permettre l adossement des exercices logistiques aux iexercices tactiques. Enfin cette interopérabilité du soutien des forces terrestres passe également par un socle solide de formation commune qui permette aux tacticiens et aux logisticiens d appréhender de façon égale les problématiques liées à l unicité de la manœuvre. La conduite d exercices interarmes, en particulier à l école d état-major, au cours desquels sont analysés les différents facteurs et trouvées de concert des solutions favorisant la réussite de la manœuvre, est bien un des creusets qui favorise l interopérabilité. L interopérabilité en interarmées : inéluctable dans la marche vers l interarmisation L interarmisation est également une des façons d accroître l interopérabilité dans le domaine logistique tant dans son aspect courant que dans son aspect opérationnel. En effet, les forces terrestres vivent et agissent au contact ou en concertation avec les autres armées. Si l on aborde l aspect du soutien courant en métropole, les synergies gagnées en terme de mutualisation des moyens entre les armées sur de mêmes garnisons sont patentes mais restent à la marge de ce qui pourrait être réellement entrepris si une politique affirmée existait dans ce domaine. Les expressions de besoins en terme d équipements courants ou de certains équipements majeurs pour répondre à une même finalité, doivent être mis en cohérence par les armées, pour faciliter ainsi une prise en charge commune en terme de soutien. De plus, les réglementations dans bien des domaines sont propres à chaque armée et ne sont pas véritablement harmonisées. C est véritablement dans ce champ d action que des chantiers de réflexion sont à ouvrir. En opération, l interopérabilité se concrétise par la mise en place d une organisation qui contrôle, coordonne et conduit le soutien des forces déployées. Cela passe par la désignation d une armée pilote du soutien, dans la majeure partie des cas l armée de terre qui représente le gros des effectifs déployés sur un théâtre. Dans ce cadre, l armée de terre a rédigé une circulaire 7 définissant l organisation du soutien en opération extérieure définissant les responsabilités afférentes à chaque domaine logistique. Mais des difficultés récurrentes demeurent car cette instruction n est valable que pour les éléments de l armée de terre et bien des aspects sont à négocier entre les armées avant la projection. De plus, certains domaines du soutien restent du ressort de chaque armée ne permettant pas d optimiser l emploi des moyens et des ressources. Enfin les procédures de soutien ne sont pas toutes normalisées entre les armées, ne facilitant pas ainsi l effort d interopérabilité indispensable à l action concertée, cohérente et efficace. Ceci est vrai pour les systèmes d information logistiques des services interarmées qui ne s intègrent pas dans les systèmes d information et de commandement de l armée de terre car, faute de réflexion commune sur les besoins en information nécessaires à un chef interarmées, ils répondent à des besoins strictement techniques ou financiers et ont fait l objet de développements séparés. Enfin l interarmisation de tout ou partie du soutien se heurte encore à des réticences culturelles au sein des trois armées qui rechignent à mettre leurs moyens en commun de crainte de voir baisser la qualité de leur soutien ou de perdre une certaine liberté d action. C est ainsi que la SIMAD 8, structure interarmées destinée à la maintenance des aéronefs, aurait dû être suivie par la mise sur pied d une structure équivalente pour les matériels terrestres. Cette dernière n a jamais dépassé le stade de l étude alors même que ce genre d organisation est un facteur considérable pour viser à l interopérabilité en permettant notamment de mettre sur pied des procédures et des ressources financières communes. L interopérabilité interalliée : nécessaire mais difficile Cependant, l interopérabilité dans le soutien logistique des forces ne doit pas se limiter qu au seul environnement national compte tenu du contexte d intervention multinational qui marque désormais la majorité de nos interventions. La difficulté majeure qui existe dans ce cadre-là résulte du caractère procédurier de la définition des normes d interopérabilité. Cette recherche est par nature, et par règle, consensuelle. Mais elle demeure incontournable si on s en réfère à ce que fait par exemple l OTAN, qui met sur pied des comités spéciaux relevant d un organisme particulier, la NSO (NATO Standardization Organisation), qui conduit le processus d interopérabilité de cette organisation. Il est évident que les intérêts des nations, en particulier économiques, et les luttes d influence sont des facteurs qui peuvent se révéler également dimensionnants pour la bonne progression des travaux. Ainsi, pour le suivi de la ressource, le système français SILCENT 9, parfaitement opérationnel au sein des armées françaises, et respectant les normes internationales, a du mal à être à être reconnu et surtout adopté au sein de l OTAN. L objectif d interopérabilité logistique que s est fixé l OTAN nécessite des équipements normalisés et l aptitude à fournir des capacités qui répondent à ces normes. Nous avons vu que l adoption des normes et l acquisition des équipements nécessitent des efforts importants qui s inscrivent dans le temps. Mais des domaines particuliers font l objet de travaux qui sont fondamentaux dans l aboutissement de l interopérabilité au sein de la fonction logistique et qui doivent être des référents sur lesquels s appuyer au niveau international. Ainsi, et très concrètement, la standardisation des moyens de manutention, des plateaux déposables, voire des moyens DOCTRINE N MARS 2007

43 doctrine de dépannage sont des exemples de ce que l on peut faire en terme d interopérabilité. La signature et surtout la mise en application des STANAG 10 comme ceux relatifs aux domaines de la classification des ravitaillements, aux opérations de récupération et d évacuation sur le champ de bataille est une autre condition indispensable de la capacité des forces à opérer ensemble. Ces capacités techniques doivent être complétées par la mise en œuvre de procédures communes adoptées et connues par les exécutants comme les états-majors. Mais toutes ces dispositions ne pourront être pleinement efficaces que si un entraînement cohérent et continu débouche sur une pleine maîtrise du cadre d interopérabilité. La mutualisation des moyens peut être également une étape vers l interopérabilité. C est le principe des MILU 11. Mais en règle générale, ces mesures relèvent plus de circonstances particulières et s inscrivent souvent dans un souci d économie de moyens et de rationalité plutôt que dans une recherche réelle d interopérabilité. SIRPA TERRE Dans l éditorial du numéro 8/2006 de la revue Doctrine consacré à la logistique, il était écrit que les conditions nouvelles d emploi des forces aujourd hui véritablement expéditionnaires dans la majorité des situations font, davantage encore qu hier, des performances du système logistique la condition de l efficacité d ensemble. 1 Organisation du Traité de l Atlantique Nord. 2 Organisation des Nations unies. 3 Union européenne. 4 Numérisation de l espace de bataille. 5 Commandement de la force logistique terrestre. 6 Commandement de la force d action terrestre. 7 Circulaire 2350 du 23 juillet 2005 relative aux procédures de soutien technique et administrative d une force terrestre en opération extérieure. 8 Structure interarmées de maintenance des aéronefs de la Défense. 9 Système d information logistique centralisé. 10 STANdard Agreement. 11 Multinational Integrated Logistic Unit. Cette performance de la fonction logistique ne peut s envisager que par une recherche systématique de l interopérabilité et cette recherche ne peut plus s exercer que dans le seul cadre de l armée de terre. L optimisation de l emploi des hommes, des structures, des moyens et des ressources ne peut trouver de nouveaux développements que dans un contexte, et au sein d organisations nécessairement interarmées. Cette voie qui n a été que partiellement explorée, mérite une attention soutenue de la part de nos décideurs. L expertise du soutien français est largement reconnue et recherchée. C est le signe que la fonction logistique, vecteur de puissance, doit, dans une synergie interarmées, rechercher toutes les opportunités d atteindre l interopérabilité avec les alliés. Mais cela nécessite de définir une stratégie et d engager les réformes qui en découlent. MARS DOCTRINE N 11

44 L interopérabilité aux plus petits échelons En avril 2006, le général directeur du centre de doctrine d emploi des forces ouvrait les premières rencontres de l interarmes avec un constat : l interarmes s élargit et s approfondit. L élargissement se traduit par une ouverture au-delà des armes traditionnellement impliquées dans la coopération interarmes et concerne ainsi toutes les fonctions opérationnelles et aussi l interarmées. Quant à l approfondissement, il traduit l immixtion de l interarmes jusqu aux plus petits échelons tactiques. PAR LE LIEUTENANT-COLONEL PIERRE-BENOIT CLEMENT DE LA DEO 1 DU CDEF La nécessité de l interopérabilité jusqu à des niveaux très bas 2 Toutefois ces évolutions ne peuvent se développer que dans le cadre contraignant du respect de l interopérabilité. A l aide de quelques exemples il sera facile de constater la nécessité de l interopérabilité jusqu à des niveaux hiérarchiques très bas. Certains grands principes et critères d interopérabilité généraux, mais applicables aux plus bas échelons pourront alors être identifiés. Grozny, janvier Les Russes reprennent la ville aux rebelles tchétchènes. La force d intervention comptait environ militaires du ministère de la défense et hommes du ministère des affaires intérieures (MVD). Pendant la phase préparatoire, quatre compagnies de tireurs d élite furent engagées, deux de l armée de terre et deux du MVD. Le mixage donna globalement satisfaction malgré quelques dysfonctionnements. L état-major s aperçut en effet que chaque type d unité camouflait différemment les coordonnées sur une même carte et que les règlements sur l utilisation des fusées éclairantes de couleur différaient entre les services. Certes ces lacunes ne mirent pas en cause l issue de la bataille, mais elles montrent que le manque d interopérabilité à très haut niveau, ici ministériel, peut avoir des conséquences jusqu aux plus petits échelons. Falloujah, novembre Les forces armées américaines s emparent de la ville tenue par un adversaire incrusté en milieu urbain. Cette bataille a fait l objet de nombreuses publications, néanmoins quelques faits sont particulièrement révélateurs du bas niveau d interopérabilité mis en œuvre. Si le groupement tactique est l échelon de référence en matière de combat interarmes, les contraintes du combat en zone urbaine ont nécessité des adaptations pour les échelons subordonnés. En effet, les commandants d unité élémentaire ont coordonné de nombreux appuis, y compris aériens. Au niveau de la section ou du peloton, les unités blindées mécanisées associaient systématiquement chars de bataille et véhicules de combat de l infanterie de même que celles des Marines étaient toujours renforcées d un élément du génie d assaut. Enfin un observateur d artillerie était souvent dans la zone d action de chaque section. D une manière générale, le groupe de combat d infanterie et la patrouille de deux chars restaient les pions élémentaires mis en œuvre pour constituer des détachements interarmes dont la section était le niveau seuil. Brigade franco-allemande, A l occasion de différents exercices, des SGTIA ad hoc sont constitués en mixant des sections allemandes et françaises. Il est intéressant de relever ici quelques points saillants de telles expériences. La mise à disposition du chef interarmes de matériels inexistants dans son armée est un point positif très apprécié qui offre de nouvelles possibilités tactiques. Les échanges humains entre soldats sont une excellente source de satisfaction et de motivation. En revanche, les difficultés rencontrées montent bien toute la complexité de l interopérabilité entre les nations aux plus petits échelons. Il s agit de pouvoir communiquer avec des moyens radio différents qui ne sont compatibles qu en dégradant leurs capacités comme l évasion de fréquences. Dans le domaine de l emploi des armes, certains armements ou matériels communs ne sont pas employés de façon similaire dans les deux unités. En termes de doctrine, l absence d équivalents pour certaines missions peut être handicapante. Ainsi, bien que la connaissance mutuelle dans la durée telle qu elle est pratiquée à la BFA favorise l interopérabilité culturelle, il semble exister un seuil en dessous duquel il est illusoire de vouloir rendre interopérables des unités de nationalité différentes. DOCTRINE N MARS 2007

45 ADC DUBOIS/SIRPA TERRE CENTAC, bilan annuel des rotations vu sous l angle de l interopérabilité. Le manque de dialogue interarmes au sein des SGTIA montre combien il est difficile de trouver un langage commun en vue de réaliser une même mission. Les joueurs se réfèrent à des termes dont certaines acceptions varient d une arme à l autre. Ainsi les effets réalisés sur le terrain ne correspondent pas exactement à l effet voulu par le capitaine. En revanche en termes de constitution de sous-groupements, des éléments très divers peuvent être adaptés avec succès (SER, SRR, SAED, équipes cynotechniques, groupe RATAC, SAC HOT, etc.). Enfin, la constitution de détachements mixtes associant plusieurs sections peut se révéler très efficace. Des principes généraux et des besoins particuliers Au vu de ces différents retours d expérience, quelques principes généraux peuvent être énoncés et des besoins dans des domaines particuliers exprimés. En premier lieu, l efficacité sur le terrain ne peut être remise en cause par manque d interopérabilité entre plusieurs unités pour remplir une mission commune ; c est cette efficacité attendue qui marque le seuil de l interopérabilité. Il s agit donc de dimensionner des unités pour répondre à un besoin identifié selon un critère de juste suffisance. Il faut donc se préserver de toute construction mue par des motifs d équilibre. Ensuite toute unité constituée doit avoir une réalité tactique et être capable de manœuvrer et donc disposer de suffisamment de pions. Enfin la cohésion d ensemble de l unité est un facteur de succès essentiel. Au-delà de ces principes généraux, l interopérabilité peut se décliner en besoins à satisfaire dans trois domaines principaux que sont la technologie, la doctrine et la culture, ceux-ci n étant pas exhaustifs. L interopérabilité technologique s entend souvent comme celle existant entre les systèmes d information et de communication. Aux plus petits échelons elle se traduit par les échanges de données entre les SIT, mais aussi la communication orale possible entre le fantassin et le chef de char enfermé dans son véhicule, ou encore la manière dont le fantassin équipé de FELIN communiquera avec celui qui ne le sera pas. En revanche doctrine il est assez rare qu au niveau de la compagnie ou de la section apparaissent des incompatibilités dans le domaine des munitions ou des carburants sauf lors de la présence de microparcs. Il est donc important de prendre en compte cette problématique d échange d informations très en amont, dès la conception des systèmes. L interopérabilité doctrinale passe par l utilisation d un langage commun avec l application de procédures communes à toutes les fonctions opérationnelles. Il s agit donc d écrire pour chaque niveau considéré les principes de constitution, l organisation du commandement et les modalités de l intégration interarmes. Il pourra être utile de préciser, en fonction des modes d action, les effets que le chef est en droit d attendre de ses appuis et renforcements. Cette doctrine ne peut être écrite que sous couvert d une cohérence d ensemble garante d efficacité totale. L interopérabilité culturelle n est que le résultat d un profond travail de connaissance mutuelle des acteurs. Dans ce domaine deux cibles peuvent être identifiées. En effet, il est indispensable de différencier les chefs des exécutants. Le chef doit posséder la connaissance de l emploi de la combinaison des moyens qui peuvent être mis à sa disposition alors que l exécutant doit avoir la connaissance de son environnement et donc des effets des moyens qu il va côtoyer. Cette culture commune ne sera acquise que par la conjugaison d une formation et d un entraînement spécifiques adaptés à chacun. 1 Division études et organisation. 2 Les titres intermédiaires ont été rajoutés par la rédaction. Pour conclure, parmi ces principes généraux et ces critères qui sont loin de définir et de qualifier à eux seuls l interopérabilité aux plus petits échelons, l aspect doctrinal revêt un caractère particulier car il est le seul point d entrée d une réflexion plus générale sur le sujet. Aujourd hui, seuls les niveaux de la brigade et du groupement disposent de documents de référence concernant l interarmes qui peut être considéré comme une partie de la traduction opérationnelle de l interopérabilité. Or la réalité des engagements récents montre que les échelons subordonnés sont aussi concernés par ce phénomène dont la doctrine doit conserver la maîtrise. Pour cela une réflexion est actuellement conduite pour définir ce que l on veut faire, jusqu où il est possible d aller et quels sont les risques d une interarmisation poussée trop bas vers les plus petits échelons. MARS DOCTRINE N 11

46 L interopérabilité avec nos alliés, une exigence, une volonté, une réalité Les moyens de la marine sont engagés au quotidien dans des opérations qui toutes se déroulent dans un cadre élargi, qu il soit interarmées, interministériel ou multinational. Leur efficacité dépend de leur aptitude à agir avec des partenaires hors marine à quelque niveau hiérarchique que ce soit. Poussé par l exigence croissante de réagir rapidement face aux crises et aux nouvelles menaces, ce besoin d interopérabilité prend depuis quelques années du relief du fait de la multiplication des opérations en coalition. C est cet aspect particulier de la problématique plus globale de l interopérabilité qui est exposé dans les lignes qui suivent. Hormis les Américains (et encore...) et hormis ce qui relève de la dissuasion, aucune marine n envisage aujourd hui de ne pas opérer au sein d une coalition. PAR LE CAPITAINE DE VAISSEAU EMMANUEL CARLIER DE L EMM/EMPLOI Une exigence adaptée en fonction des partenaires... La connaissance mutuelle de deux marines est le niveau de base qui permet de préciser le cadre d éventuelles missions à conduire ensemble. Par la suite, le niveau d interopérabilité va croissant au fur et à mesure que se développent l interconnectivité des moyens, l utilisation de procédures communes et l aptitude à s intégrer dans une force amie. De façon schématique, il y a lieu de considérer trois groupes de nations, caractérisant autant de cercles d interopérabilité. Le premier cercle est celui dans lequel l interopérabilité est la plus poussée, c est celui de l OTAN et de l UE. A quelques nations près, les deux organisations rassemblent les mêmes marines et l interopérabilité au sein de l OTAN, garantie par plusieurs décennies de pratique, se retrouve par voie de conséquence dans l UE 1. L OTAN apparaît ainsi comme vecteur de l interopérabilité des marines. Cela se traduit concrètement par l adoption des tactiques et des procédures de l OTAN 2. Pour les matériels, la Marine choisit par défaut les standards de construction définis collectivement, ce qui rend immédiatement possible des actions élémentaires telles que les prises de liaison radio, l établissement de situations tactiques, les ravitaillements à la mer, les engagements de cibles... Les unités sont en mesure, sans préparation particulière autre que celle sanctionnée par leur qualification opérationnelle, de se contrôler mutuellement au niveau tactique (TACON). La prise de commandement tactique (TACOM) n est qu une affaire de préavis, de consultation préalable des autorités de niveau stratégique ou opératif, et le cas échéant de mise en place de SIC spécifiques. Le deuxième cercle, très restreint, est franco-américain. Il répond à une volonté d affirmer la puissance maritime de la France et de conforter son aptitude à prendre sa part dans les opérations en coalition avec des capacités reconnues que sont le porte-avions, les sous-marins nucléaires d attaque, les commandos, les avions de guet aérien et, à terme, le missile de croisière naval (notion de capital ship développée dans la stratégie navale du 20 e siècle). Le maintien de l interopérabilité entre les deux marines nécessite une forte volonté de notre part car les flottes américaines, toujours équipées de SIC nouveaux, sont culturellement très flexibles et parfois ignorantes des procédures OTAN. Le dernier cercle n est pas fermé. Il regroupe les nations amies avec lesquelles nous sommes susceptibles de travailler en opérations (Pakistan en Enduring Freedom par exemple) ou que nous pouvons être amenés à soutenir dans un domaine particulier tel que le sauvetage, la lutte antipollution, l intervention en cas de catastrophes naturelles... La marine française met au point avec ses partenaires les structures et les procédures ad hoc sur la base de celles en vigueur dans les marines DOCTRINE N MARS 2007

47 de l OTAN 3. Des prêts de matériel français de manière ponctuelle ne sont alors pas exclus.... qui nécessite un investissement permanent... Tout est mis en œuvre pour former les personnels, établir l interopérabilité technique, et entretenir les différents registres d interopérabilité que sont le partage mutuel des cultures, des doctrines, des procédures, des spécifications des matériels avec un effort particulier sur les capacités de commandement. Dans l optique d acculturation et de connaissance de l Autre, de nombreux officiers français sont affectés en postes de responsabilité sur des unités opérationnelles étrangères (bâtiments de surface, commandos et flottilles d aéronautique navale). Les bâtiments ne transitent que rarement au large d un pays sans que soient proposées des interactions entre marines. Même s ils demeurent parfois très basiques, ces passex constituent toujours des activités génératrices de connaissance mutuelle et d expérience. Les réflexions en cours au sein des marines européennes sur une formation commune reflètent également la volonté inlassable de générer une communauté culturelle entre marins. La démarche permanente d expérimentation des tactiques proposées par les marines de l OTAN permet de favoriser l appropriation des réflexions des partenaires et de maintenir vivante la recherche d interopérabilité doctrinale et procédurale. La marine participe activement à la performance de ce système dont les principaux outils sont les groupes de travail spécialisés mis en place sous l égide du bureau Mer (Naval Board) de l agence de normalisation de l OTAN 4. En matière d équipements, il n est pas anodin que les bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Mistral ont été définis pour pouvoir recevoir des moyens américains tels que des hélicoptères lourds de type Super Stallion et des engins amphibies de type LCAC 5. Enfin, est-il besoin de rappeler le succès de la certification par l OTAN de notre étatmajor de force de réaction aéromaritime HRF(M)HQ, multinationalisé à hauteur de 15 pour 100?...pour un bénéfice quotidien... Le retour d expérience à l issue des déploiements opérationnels ou organiques met en exergue la qualité et le niveau de l interopérabilité acquise et entretenue. L intégration sans délai du porte-avions et de son groupe aérien en décembre 2001 dans le dispositif américain dans l opération Enduring Freedom en est une bonne illustration. Plus récemment en 2005, le groupe aéronaval déployé durant 2 mois en Atlantique au large des côtes américaines a intégré sans difficulté majeure des unités étrangères jusqu à atteindre le volume d une Task doctrine Force regroupant dix-huit bâtiments, dont trois porte-avions et deux sous-marins nucléaires d attaque, l ensemble étant placé sous le commandement tactique d un amiral français. Les opérations sousmarines, qui bénéficient d une moindre publicité en raison de leur confidentialité, le confirment également tout en donnant à la France le statut envié que résume la mention de classification FR US UK eyes only. Depuis quelques années, les marines française et britannique intègrent réciproquement des frégates dans leurs groupes aéronavals respectifs déployés pour de longues durées. Ces types d échange sont à l étude avec la marine espagnole. L un des principaux objectifs est de partager le potentiel dédié à l escorte du groupe, dans une logique de mutualisation des moyens. Même si les difficultés techniques apparaissent ça ou là, le bénéfice recueilli en matière d interopérabilité est patent. Ce type de mutualisation est également possible pour les groupes amphibies et de guerre des mines. Il a même été poussé jusqu à échanger des détachements d hélicoptères embarqués sur frégates pour des durées significatives de plusieurs mois.... avec une marge de progrès dans le cadre de la sauvegarde L utilisation des espaces maritimes par les voyous des mers - organisations terroristes ou mafieuses, pirates, trafi- SIRPA MARINE/Major (R) Fromentin MARS DOCTRINE N 11

48 quants véreux - pose de nouveaux défis qui ne peuvent être relevés que dans le cadre de la coopération multinationale. Coopération à mener en premier lieu avec les Etats que fragilise le développement d activités illicites dans leurs approches maritimes et avec ceux dont l économie dépend largement de la sûreté des mers. La première étape de cette coopération passe par une connaissance de l activité humaine sur les océans (trafic commercial, pêche, recherche, plaisance...) qui nécessite des échanges d informations et donc une interopérabilité poussée dans ce domaine. Plus en amont, il importe d avoir des approches convergentes sur la notion de sauvegarde (interopérabilité de concepts). Là encore, US Navy et marine nationale ont adoptés des approches quasi similaires avec les concepts de Maritime Domain Awareness et de sauvegarde maritime, et cherchent à y faire adhérer leurs partenaires soit dans des cadres bilatéraux soit dans ceux de l UE et de l OTAN. Une interopérabilité au cœur des évolutions technologiques Les concepts de laboratoires technicoopérationnels (LTO) sont en plein essor en France comme à l étranger, au sein du ministère de la Défense comme dans l industrie. Ces outils visent à mettre en réseau des prototypes technologiques, des outils de simulation et des centres de recherche afin de concevoir, développer, expérimenter en réseau et valider de manière crédible les capacités du futur. Par leur existence même ces LTO seront facteurs d interopérabilité. En ce qui concerne les militaires euxmêmes, opérateurs et décideurs, les exercices seront de plus en plus nombreux à être menés de manière synthétique. Les outils qui répondent au besoin sont rares et onéreux, c est actuellement la 2 e flotte US qui déploie les premiers à Norfolk, principal port militaire de la côte Est des Etats-Unis. Ils deviennent facteurs d interopérabilité puisque destinés à recevoir, en même temps ou les uns après les autres, la plupart des équipes de conduites des opérations. Dans ce domaine, les défis majeurs s appellent Co-operative engagement et Network centric Warfare... 1 La Suède et la Finlande, bien que n appartenant pas à l OTAN, utilisent des standards globalement compatibles. 2 A titre d illustration, le premier document tactique que découvrent les élèves-officiers en arrivant à l Ecole navale est l ATP1 (Allied Tactical Publication n 1). 3 Les documents MP (Multinational Publications) sont établis par l OTAN aux fins d interactions avec les pays non OTAN. Ils couvrent les domaines des tactiques (MTP), des expérimentations (MXP)... 4 NSA: Nato Standardization Agency. 5 LCAC: Landing Craft Air Cushio. L interopérabilité des forces navales est donc à la fois une volonté de partage de cultures maritimes, une réalité chez les marines occidentales depuis des décennies et le résultat de la complexification des opérations navales. Cependant la très forte interopérabilité obtenue grâce à l OTAN présente, en contrepoint, l inconvénient de renforcer le tropisme otanien de certains de nos partenaires, au détriment de l émergence d une politique navale européenne. C est probablement l une des actions majeures de la marine dans les prochaines années que de leur expliquer qu il convient de penser les relations UE/OTAN non en termes de compétition mais en termes d optimisation d emploi des moyens dans un cadre politique et juridique clairement défini. DOCTRINE N MARS 2007

49 doctrine La prise en compte du besoin d interopérabilité des forces dans la conception des programmes d armement La Délégation générale pour l armement (DGA) a pour mission, entre autres, de faire réaliser les recherches et études préalables à la conception et à la réalisation des armements futurs, afin de doter nos forces d équipements leur permettant de remplir le mieux possible l ensemble des missions pouvant leur être confiées. L interopérabilité, que l on peut schématiquement résumer comme l aptitude de forces d origines diverses à opérer ensemble, est devenue une des clés de l efficacité opérationnelle en raison d un cadre d évolution de plus en plus interarmées, interministériel ou interallié. La DGA est donc amenée à proposer une réponse adaptée au besoin d interopérabilité en termes de conception et d acquisition de systèmes d armes. En effet, outre le contexte de plus en plus international des opérations militaires, l accélération du tempo de certaines opérations impose un inter-fonctionnement de plus en plus poussé de forces et de systèmes qui n étaient pas forcément prévus initialement pour cela. Dans le traitement international d une crise, cette interopérabilité doit être une réalité tant pour la phase d intervention que pour celles de stabilisation puis de normalisation. Un premier réflexe pourrait consister en une standardisation plus poussée des équipements militaires, ce qui reviendrait ipso facto à fabriquer ou acheter sur étagère des équipements semblables à ceux utilisés par nos alliés. Outre un impact évident sur les capacités industrielles françaises, voire européennes, cette orientation présenterait le risque majeur de restreindre notre faculté de mener des opérations de manière autonome, tout en ne résolvant le problème que partiellement, l emploi des équipements et le langage étant des facteurs d hétérogénéité à prendre en compte tout autant que les équipements. Il y a donc lieu de trouver des réponses plus élaborées. PAR LE COLONEL FRANCIS BROSSARD ET L ICA 1 FRÉDÉRIC BÉNÂTRE DGA/SASF 2 Une analyse du besoin indispensable mais très complexe CCH CHATARD/SIRPA TERRE Les forces françaises sont amenées à participer à des actions dans un cadre de plus en plus interarmées, mais aussi interallié, que ce soit au titre d une coalition ad hoc ou dans un cadre institutionnel, comme peuvent l être les opérations menées par l OTAN ou l Union européenne (UE). En outre, la nouvelle donne géopolitique mondiale et les enjeux qui y sont associés conduisent à envisager des engagements le plus souvent à grande distance du territoire européen. Il s agit donc de pouvoir faire intervenir, à plusieurs milliers de kilomètres, des groupements de forces interarmées et interalliés avec leur soutien MARS DOCTRINE N 11

50 et leur logistique associés, sous commandement national ou au sein d une coalition multinationale. Dans un tel cadre d emploi, notre besoin d interopérabilité résulte de la nécessité d être en mesure d agir de façon combinée avec des forces d origines diverses dont les organisations, les équipements, les doctrines et les modes opératoires sont différents des nôtres. Ce besoin s étend sur l ensemble du champ d action des forces et couvre tous les domaines qui contribuent à la réalisation des missions, dès lors que la nécessité d agir ensemble de façon coordonnée et efficace s impose. Il ne se résume donc pas aux seules capacités de commandement et de communication mais possède des ramifications beaucoup plus profondes dans toutes les composantes. Si, à l époque de la guerre froide, le concept opérationnel de l OTAN voulait que chaque pays engage des divisions constituées dans des opérations de guerre classique, limitant ainsi les besoins d interopérabilité aux niveaux les plus élevés, la situation a aujourd hui fondamentalement changé. Dans des opérations de type Petersberg ou dans des opérations extérieures en coalition, la coopération entre forces armées se place en effet à des niveaux d unités beaucoup plus bas, bataillon en particulier. Le besoin d interopérabilité s élargit du même coup et touche un spectre d équipements bien plus large car les points de contacts entre unités sont bien plus nombreux. Le besoin d interopérabilité est donc accru à tous les niveaux et entre toutes les composantes. C est particulièrement le cas des vecteurs assurant les missions de projection et de mobilité. Ainsi il est évidemment impératif que les systèmes de ravitaillement en vol des aéronefs ou d avitaillement à la mer des navires soient compatibles et que les avions ou hélicoptères de transport puissent charger en soute des conteneurs, des hommes ou des équipements d autres forces coalisées entre théâtres d opération ou en leur sein. Le soutien des matériels en service est l un des autres axes majeurs de développement de l interopérabilité, en particulier via la codification OTAN des différents composants des systèmes d armes. La recherche de l interopérabilité des systèmes d information logistique, aux niveaux interarmées et interalliés, va de pair. En effet, par le passé, les unités importantes pouvaient envisager de venir avec leur logistique propre. Dans le cadre des missions actuelles et à venir, des unités de taille plus modeste ne peuvent guère justifier leur accompagnement par une chaîne logistique dédiée, apte à couvrir l ensemble de leurs besoins. Le champ d action est donc très vaste et en première analyse très complexe. S il est illusoire d en dresser un tableau à la fois exhaustif et pérenne, il importe de chercher à en dessiner des contours les plus complets possibles, sous peine de complexifier les architectures de nos équipements et l organisation de nos forces, avec des risques à la fois financiers, calendaires et capacitaires sur l aptitude de nos forces armées. Dans un tel domaine, il est donc normal que la DGA ne s engage pas seule mais, bien au contraire, en association étroite avec les états-majors. Trois grandes composantes de l interopérabilité ont pu être dégagées à l issue de travaux menés à l OTAN et à l échelon national : L interopérabilité technique est celle qui vient tout naturellement à l esprit en raison de sa forte visibilité (diamètre du pistolet distributeur de carburant, intégration de liaisons de données tactiques dans les porteurs etc..). Elle sera traitée dans la suite de cet article, puisque c est dans ce cadre que s exercent majoritairement les compétences de la DGA. L interopérabilité procédurale vise à définir des référentiels de procédures agréées permettant un véritable travail en commun. Enfin, la troisième composante est humaine et correspond à l aptitude des personnes à travailler dans un cadre interarmées et interallié. Elle dépend donc directement de la formation des personnels, à tous les niveaux, que ce soit dans le domaine de la langue, des procédures opérationnelles ou de la mise en œuvre des équipements. Fondamentale, elle est complémentaire des deux autres dimensions. L interopérabilité technique : un domaine privilégié pour la DGA L interopérabilité est un tout : les ingénieurs de la DGA s attachent donc à la considérer sous ses trois composantes, même si pour eux l interopérabilité technique occupe une place prépondérante dans les travaux à mener. Pour toute opération d armement, la prise en compte de l aspect interopérabilité doit s effectuer le plus tôt possible, dans la pratique dès le stade de préparation (c està-dire pendant la première phase du déroulement d un programme d armement, en amont des phases de conception et de réalisation). Cette prise en compte implique de coller au plus près du besoin militaire exprimé, qui doit décrire avec grande précision les exigences et souhaits dans les différents cadres d emploi (interarmées, interministériel, en coalition...). En premier lieu viennent tout naturellement à l esprit l utilisation indispensable de standards pour les calibres des armes et des munitions ou les caractéristiques des carburants, comme le respect de protocoles techniques pour la communication entre différents systèmes d information et de commandement. En fait, le champ du besoin d interopérabilité étant immense, il est nécessaire de rester réaliste : une interopérabilité parfaite sur le plan technique avec tous nos alliés et l ensemble de leurs équipements en dotation relève de l utopie. De réels choix restrictifs sont donc à effectuer. Les responsables de programmes doivent d abord identifier la ou les configurations d emploi les plus crédibles et les plus pertinentes, avec un niveau de détail très poussé (situations opérationnelles, équipements mis en œuvre, systèmes utilisés...). La recherche du meilleur rapport coût - efficacité amène ensuite à l élimination progressive des configurations opérationnelles les moins probables. La traduction technique des besoins militaires s effectue bien évidemment par l intermédiaire de normes reconnues, l interopérabilité technique supposant que des alliés possèdent des équipements qui respectent des normes ou standards communs 3. Dans ce domaine, une première partie de la réponse au problème posé est fournie par l OTAN : les scénarios dimen- DOCTRINE N MARS 2007

51 sionnants pour l engagement étant constitués par les opérations de haute intensité, le référentiel normatif de l Alliance doit être utilisé par l ensemble des pays membres. Ce référentiel présente certes l avantage d être constitué par un ensemble d accords de normalisation (STANAG pour Standardization Agreement) qui constituent, par leur nature même, de véritables normes d interopérabilité. S y rajoutent également des normes civiles. Force est hélas de constater que ces STANAG n ont été agréés que parce qu ils constituaient un noyau minimal acceptable par tous, donc un compromis. En conséquence, leur niveau de détail est limité et nettement insuffisant pour répondre à l attente des ingénieurs de la DGA, qui sont contraints d écrire des spécifications bien plus détaillées pour s assurer d un inter-fonctionnement des systèmes futurs répondant bien au besoin militaire exprimé. Dans la pratique, le choix des normes à appliquer est effectué à partir du RNPA (Référentiel normatif des programmes d armement) qui regroupe, en sus des STANAG 4 évoqués précédemment, les différentes normes françaises applicables pour les matériels de défense ainsi que d autres normes européennes ou internationales. Doit être cité également le EHDP (European Handbook for Defence Procurement) qui remplit au niveau européen le même rôle que le RNPA avec lequel il a bien entendu de nombreuses parties communes. Afin de s assurer que les futurs équipements soient bien porteurs des objectifs d interopérabilité demandés, le choix des normes n est effectué qu à l issue d une longue analyse fonctionnelle suivie d une analyse de la valeur bien ciblée. Se pose alors un réel problème de juste milieu afin que le futur niveau d interopérabilité colle au plus près au besoin opérationnel exprimé, tout en évitant la complexification et ses conséquences induites (surcoûts, fiabilité, vulnérabilité etc..). En première approche, le niveau minimal d interopérabilité à atteindre correspond doctrine au seul besoin de communications nécessaire pour coordonner l action d au moins deux forces indépendantes opérant dans des zones adjacentes. Ce niveau s élève d un cran dès qu il s agit de contrôler et commander des forces qui opèrent ensemble sur un même théâtre. Enfin un niveau bien supérieur est requis si un soutien mutuel est demandé. Pour un système d armes, le niveau d interopérabilité souhaité pour une capacité (et les équipements qui la composent) amène en général à faire effort dans le domaine des communications et du commandement, mais également dans des capacités techniques de plus bas niveau lorsque une intégration plus fine des forces est nécessaire : c est le cas en particulier pour l emploi de systèmes d armes en coalition, où la dimension temporelle conditionne l efficacité 5 et la sécurité. Comme le montre le croquis ci-après, les échanges entre systèmes d armes peuvent être de trois ordres, la compatibilité étant le niveau minimum à atteindre. En cas de besoin exprimé pour une interopérabilité technique à des niveaux tactiques bas (composants de système d armes), des travaux de normalisation très complexes et longs sont nécessaires en raison du grand nombre de paramètres à gérer (en particulier tout ce qui est lié au temps réel) et d une interférence directe avec les fonctions de base et l emploi du système 6. Enfin, la sophistication croissante des systèmes d armes, dans la recherche de précision et de maîtrise des effets, peut aller à l encontre d une interopérabilité technique de bas niveau. Ainsi un obus classique de 155 mm, respectant les standards OTAN, pourra être exploité efficacement par l artillerie de nombreux Etats membres alors qu un obus intelligent, tout en respectant les critères dimensionnels, ne le sera pas si le système informatique de conduite de tir ne le reconnaît pas. MARS DOCTRINE N 11

52 Pour les ingénieurs de la DGA, le niveau réel d interopérabilité à retenir fait nécessairement l objet de la plus grande attention et d études réellement affinées afin de trouver le juste milieu entre sous - capacité et surcapacité vis-à-vis des missions dans le cadre de l OTAN, de l UE ou de coalitions de circonstance. Un équilibre, souvent délicat, doit être trouvé. La sous - capacité est un handicap majeur pour les opérations en coalition, qui apparaît déjà en cas d intégration dans une coalition de forces d autres nations (pour des opérations de police internationale, par exemple). La surcapacité conduit presque immanquablement à des surcoûts, à une complexité technique accrue et une fiabilité plus difficile à cerner, tout en augmentant le risque de dépendance vis-à-vis du propriétaire de certaines normes, avec toutes les conséquences opérationnelles voire politiques que cela implique. In fine, l interopérabilité doit être vérifiée : la contribution du futur LTO Comme évoqué précédemment, l interopérabilité de toute capacité opérationnelle se définit globalement suivant ses trois grandes composantes : technique, procédurale et humaine. Pour un système d armes en service, l interopérabilité peut se vérifier de façon réaliste lors d exercices programmés, en national ou en international, qui font déjà partie de la préparation opérationnelle des forces. Au préalable, avant la mise en service opérationnel, les processus de vérification et d expérimentation des équipements, réalisés par les centres d essais de la DGA et les centres d expérimentation des armées, auront permis d évaluer les produits réalisés, en passant en revue successivement l ensemble des domaines techniques et opérationnels de l interopérabilité. Avant l entrée en service, les expérimentations sont le cadre habituel et unique pour évaluer le niveau d interopérabilité obtenu. Pour les systèmes en cours de conception, force est de reconnaître qu il est malaisé d évaluer précisément l aptitude des capacités futures à atteindre l ensemble des objectifs fixés initialement. D où l intérêt manifeste présenté par le laboratoire technico-opérationnel (LTO), qui regroupera un ensemble d outils méthodologiques et techniques permettant d instrumenter l élaboration progressive des spécifications des systèmes. Les outils de travail en équipe intégrée du LTO offriront une traçabilité effective des travaux, alors que les outils de simulation permettront de conforter les choix techniques et les doctrines d emploi au fur et à mesure des étapes de la réalisation des capacités. En complément du LTO, le caractère de plus en plus large de l interopérabilité nécessitera sans doute à l avenir de mettre sur pied des entraînements et des exercices multinationaux de complexité croissante, afin d acquérir une évaluation réaliste et affinée des capacités sur l ensemble du spectre opérationnel. 1 Ingénieur en chef de l armement. 2 Service d architecture des systèmes de forces. 3 Qui se construisent et s entretiennent dans des forums internationaux où se rencontrent acteurs étatiques et industriels. 4 Il convient de préciser que les STANAG traitent aussi des aspects procéduraux en particulier ceux liés à la mise en œuvre par les personnels. 5 Emploi de vecteurs aériens dans un environnement multinational ou coordination de feux (sol-air ou sol-sol) avec des unités d appui multinationales. 6 Lors de la normalisation de messageries tactiques traitant de contrôle d opérations aériennes ou de défense sol air, il est relativement facile de converger pour les messages de tenue de situation tactique, alors que pour les messages d assignation de mission ou de désignation de cible touchant directement aux concepts d emploi les discussions s avèrent beaucoup plus difficiles. La voie à suivre Dans le passé, l interopérabilité a souvent été considérée de façon plutôt théorique. Elle faisait l objet d un consensus d autant plus facile à atteindre que l intérêt présenté par le concept lui-même était manifeste, malgré un contour mal défini. Pour les ingénieurs de la DGA, l interopérabilité est un tout et il convient de garder à l esprit qu elle est la résultante de trois composantes : technique, où l action de la DGA est primordiale, mais aussi procédurale et humaine. Certes, la DGA tient le rôle important mais délicat de creuser les aspects techniques de l interopérabilité, afin de satisfaire au mieux les besoins opérationnels des états-majors. L impact fort sur les coûts des programmes d armement, la fiabilité, la vulnérabilité, etc., a obligé l ensemble des responsables à une recherche d un optimum, qu il est indispensable d approcher grâce à une définition la plus précise possible du besoin opérationnel. D où l importance d adopter une approche globale du problème et de maintenir un dialogue permanent entre responsables du besoin opérationnel de l état-major des armées et ingénieurs de la DGA responsables des stades de préparation et de conception. Les travaux effectués en symbiose dans le cadre du collège architectes des systèmes de forces - officiers de cohérence opérationnelle trouvent ici une concrétisation indiscutable. DOCTRINE N MARS 2007

53 doctrine Principaux sigles et acronymes utilisés dans le domaine de l interopérabilité Main Abbreviations and Acronyms in the Interoperability Area used in the articles AAP (Armée nationale afghane) Publication administrative alliée (OTAN) Commandement de l OTAN pour la transformation ANA AAP ACT Afghan National Army Allied Administrative Publication Allied Command Transformation BAS GT BFA BIA BPC Brigade d'appui spécialisé Groupement tactique (EU) Brigade franco-allemande Brigade interarmes Bâtiment de projection et de commandement BG 1500 Combat Support Brigade Battle Group 1500 (EU) French-German Brigade Combined Arms Brigade Command Assault Ship Commandement, transmissions, informatique, surveillance, renseignement et reconnaissance Planification opérationnelle de circonstance C4ISR COP Command, Control, Communication, Computers, Intelligence, Surveillance and Reconnaissance Contingency Operational Planning BMNK Présentation commune de la situation opérationnelle Brigade multinationale de KABOUL COP KMNB Common Operational Picture KABUL Multinational Brigade CFAT CND CPCO Commandement de la force d'action terrestre Centre de normalisation de la défense Commandement de la force interalliée en Afghanistan équivalent allemand du CPCO (German equivalent of the French Joint Operations Planning and Command & Control Center - CPCO) CFCA EinsFüKdo Land Forces Command (French) Defense Standardization Center Combined Force Command Afghanistan EinsatzFührungsKommando EMUE ESMG-P FAT FINABEL FIAS FLT Etat-major de l Union européenne Etudes et stratégie militaire générale - Pilotage Force d'action terrestre Instance européenne de réflexion sur l interopérabilité (le sigle reprend les initiales des pays fondateurs) Force internationale de sécurité et d assistance PC de force Force logistique terrestre EUMS ISAF FHQ European Union Military Staff General military strategy and studies - Leadership (French) Land Forces European organization for conceptual reflexion about interoperabily (The acronym consists in the initial letters of the founder-members countries) International Security Assistance Force Force Headquarters Land Logistic Forces Méthode OTAN de planification opérationnelle GOP Guideline for Operational Planning GTIA Groupement tactique interarmes Combined Arms (Battalion) Task Force PC CRR - France KFOR MINDEF Force d'un haut degré de préparation PC du corps de réaction rapide - France équivalent allemand du CFAT (German equivalent of the French Land Forces Command - CFAT) Conseil multinational pour l'interopérabilité Programme multinational d'interopérabilité Ministère de la Défense HRF HQ RRC- FR HFüKdo KFOR MIC MIP High Readiness Force Headquarters Rapid Reaction Corps - France HeeresFührungsKommando Kosovo Force Multinational Interoperability Council Multinational Interoperability Program (French) Ministry of Defense MARS DOCTRINE N 11

54 MOU Accord cadre de cooperation MOU Memorandum Of Understanding Centre des opérations interarmées JOC Joint Operation Center NEB Agence de contrôle des systèmes de l'otan Numérisation de l espace de bataille Capacité acquise par l'effet de réseau Officier commandant un contingent national Direction nationale de la sécurité Force de réaction de l OTAN Organisme de standardisation de l'otan Agence de standardisation de l'otan NC3A NEC NCC NDS NRF NSO NSA NATO Consultation, Command and Control Organisation Battlespace digitization Network Enabled Capability National Contingent Commander National Directory of Security NATO Reaction Force NATO Standardization organisation NATO Standardization Agency OE SIC terre Opération d ensemble des SIC terre Global operation about land forces CIS OPEX OPINT OTAN Opération extérieure Opération intérieure (remplacé par MISINT- Mission intérieure) Organisation du traité de l Atlantique Nord NATO Overseas operation Operation conducted on the (French) national territory North Atlantic Treaty Organization PCIAT PESD PC interarmées à dominante terrestre Politique européenne de sécurité et de défense Joint HQ (Land heavy) European Policy for Security and Defense ROE RPNA Règles d'engagement Référentiel normatif des programmes d'armement ROE Rules of Engagement Standard Reference for Armament Programs SIC SICAT SICF SIR Systèmes d information et de communications Système informatique de communication de l'armée de terre Système d'information et de communications des forces Système d'information régimentaire CIS Command and Control Information Systems (French) Army CIS (French) Forces CIS Battalion level CIS STANAG Accord de standardisation (OTAN) STANAG Standardization Agreement POP Procédures opérationnelles permanentes SOP Standard Operating Procedures Agence dépendant directement du chef de l'exécutif OGA Over Governemental Agency (CIA, FBI, ) Détachement de liaison et guidage de l'armée de l'air TACP Tactical Air Party UE Union européenne EU European Union Commandement de l armée de terre américaine en Europe USAREUR US Army Europe PC de l'opération Processus de planification opérationnelle OHQ OPP Operational Headquarters Operational Planning Process Force de réaction de l'otan NRF NATO Reaction Force Transfert d'autorité TOA Transfer Of Authority DOCTRINE N MARS 2007

55 doctrine Bibliographie Documents doctrinaux en usage Documents OTAN MC 60 de 1988-memorandum du 7 décembre 1988 : Plan d action d'orientation pour l'interopérabilité CM 2005/0016 Politique OTAN en matière d'interopérabilité du 2 mars 2005 AAP-6 Glossaire des termes et définitions de l OTAN (édition 2006) pages 2-1 ; 2-F-5 ; 2-I-6 ; 2-M-5 ; 3-1 ; 3-I-4 ; 3-N-2; 3-T-6 Documents nationaux Livre blanc de la Défense (édition 1994) pages 6 ; 71 ; 81 ; 87 et 111 Concept d emploi des forces (PIA ) (édition 1997) chapitre 3 Aptitudes majeures à détenir, section 3.1 L interopérabilité, page 17 Instruction Doctrine interarmées d emploi des forces en opérations (PIA ) (édition septembre 2003) - paragraphes ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; chapitre 2, annexe 2, page 23 TTA Forces terrestres en opération (édition avril 1999) pages 99 et 100 NDS 516/EMA /DAS du 25 mai 2004 : Quelle interopérabilité pour les forces françaises? MARS DOCTRINE N 11

56 L interopérabilité opérationnelle Un point de vue britannique Cet article va essayer tout d abord de donner une vue d ensemble de l approche, par l armée de terre britannique, de l interopérabilité opérationnelle. Nous passerons ensuite à une évaluation non classifiée des succès et limitations de l interopérabilité avec notre partenaire opérationnel le plus proche, les Etats-Unis, sur une des plus récentes opérations de coalition, à savoir l Irak. C est un domaine d étude immense et complexe, à la fois rempli de sensibilités potentielles mais aussi ouvert à l évaluation subjective. En même temps, un tel article est inévitablement limité par la nécessité d éviter toute référence à de la documentation classifiée. Nous soulignons surtout que cet article expose le point de vue personnel de l auteur et ne constitue pas nécessairement la position britannique officielle. Pour plus de clarté, sera adoptée la définition OTAN de l interopérabilité opérationnelle, à savoir : L aptitude des forces de l Alliance et, lorsqu il y a lieu, si nécessaire des forces des pays partenaires et autres, à s entraîner, à s exercer et à opérer efficacement ensemble en vue d exécuter les missions et tâches qui leur sont confiées 1. PAR LE LIEUTENANT-COLONEL JOHN WILLIAM ROLLINS, ANCIEN OFFICIER DE LIAISON BRITANNIQUE AUPRÈS DU CDEF CCH CHATARD/SIRPA TERRE L approche de l interopérabilité par l armée de terre britannique L armée de terre britannique est engagée dans un ensemble considérable d activités internationales à de multiples niveaux et dans de nombreux domaines. Cependant le centre d intérêt de ces activités est la poursuite de l interopérabilité avec les nations avec qui le Royaume-Uni est susceptible de mener des opérations en coalition, maintenant et dans l avenir. De façon claire, une telle activité est orientée vers l obtention du succès dans de futures opérations non prévisibles. Pour maximiser la probabilité d un tel succès, nous devons améliorer notre interaction avec d autres DOCTRINE N MARS 2007

57 étranger armées et prendre en compte l interopérabilité dans la mise au point de notre armée de terre future. Le type d activités impliqué par un tel processus est illustré en figure 1 qui rappelle bien sûr que les objectifs de toute armée de terre sont recherchés dans un cadre interarmées. Ceux-ci essaient aussi de compléter sans répétition ou double emploi le travail accompli avec d autres pays lors de rencontres en multinational. La continuité des activités qui est requise, s étend d un dialogue initial pour aboutir, par une compréhension et un accord mutuels, à la fourniture d éléments tangibles en opération. Le niveau d interopérabilité demandé - et qui peut effectivement être atteint - s étendra d une déconfliction 2 de force vers l intégration qui est le niveau le plus élevé, en passant par la capacité d interopérer (agir ensemble). Déconfliction Capacité d interopérer Intégration Opérations Dialogue Concepts & Doctrine Essais & Expérimentation Entrainement & Exercices Préparation opérationnelle Comme les opérations de coalition/multinationales sont devenues un lieu commun, l aptitude à opérer dans une structure multinationale est maintenant un élément essentiel pour fournir des forces prêtes à l emploi. Par-dessus tout, cela demande de pouvoir communiquer, de partager une vision opérationnelle commune, de planifier en collaboration et d avoir une structure de commandement et contrôle (C2) commune qui maximise les efforts souhaités des forces multinationales. Une telle aptitude peut être renforcée par un entrainement et une doctrine communes, en même temps que la compatibilité des matériels et de la logistique. Plus spécifiquement, ceci nécessite l affectation de moyens matériels, humains et en temps pour les activités suivantes : 1/Développement de la doctrine et des concepts. 2/Essais et expérimentation. 3/Entraînement (collectif et individuel). 4/Exercices (dont la préparation de la mission). 5/Equipes d entraînement (STTT 3, BMATT 4, MST 5 ). 6/Entraînement dans les conditions opérationnelles et d environnement. L interopérabilité doit tirer profit des leçons d opérations en cours ou récentes ainsi que des exercices et expérimentations et les inclure dans la doctrine, la tactique, les techniques et procédures (TTPs 6 ) et les spécifications écrites. Des informations sur les transformations et modernisations nationales doivent être échangées afin de renforcer l interopérabilité en influençant dès le début les développements nationaux. Les lacunes d interopérabilité doivent être identifiées et la gestion des risques ou des stratégies de compensation mises au point. Pour réussir l interopérabilité, il faut continuer à penser en harmonie. Le niveau souhaité d interopérabilité sera fonction du type spécifique d opération, de son rythme, de l échelle de la contribution britannique et de la contribution de la coalition. Militairement, la complexité de l opération va aussi déterminer le niveau d interopérabilité recherché. Dans la politique britannique, l intégration à la composante terrestre ne doit pas se faire en dessous du niveau brigade pour des opérations de haute intensité. Cependant, quand il est prévu un rythme moins élevé ou une opération moins exigeante (par exemple, des opérations de soutien de la paix), l intégration à des niveaux inférieurs peut être possible. Ceci doit être réalisé par une doctrine et des TTPs compatibles, ainsi qu une connectivité limitée pour permettre l identification au combat, la connaissance de la situation et la coordination des appuis feu, plutôt que de compter sur des solutions plus avancées en technologie et en intégration. Les activités d interopérabilité doivent être équilibrées entre l environnement actuel (opérations et mise en commun des leçons) et l avenir (développement de concepts et expérimentation) selon les besoins bilatéraux reconnus. Quoi qu il en soit, il faut toujours se focaliser sur la capacité. Bien sûr, la nécessité d agir avec les alliés de notre coalition ne signifie pas que nous ayons à le faire d une manière identique. Non seulement il y a des limitations pratiques à l interopérabilité que l on doit rechercher, mais de plus, chaque nation aura ses propres raisons - qui s étendent du domaine culturel à la protection de l intérêt national - pour garder sa propre façon de faire. Certes, dans certaines circonstances, il peut même être dans l intérêt collectif de la coalition que les modes individuels de mener les opérations soient conservés. MARS DOCTRINE N 11

58 Quelques récents retours d expérience Dans le contexte des derniers points abordés, je vais maintenant citer quelques-unes des observations faites par des personnels américains et britanniques concernant les opérations de la coalition en Irak. Ces observations ont été faites récemment et, de ce fait, environ trois ans après l invasion de l Irak, elles peuvent moins concerner les combats initiaux que les opérations de stabilisation actuelles. Planification et processus d exécution. Il y a eu peu, voire jamais de problèmes concernant l aptitude à mener une réelle planification et l exécution des opérations dans le cadre d une coalition se mettant en place. L approche des fonctions d état-major est commune à près de 90% et les nouveaux membres sont rapidement et aisément intégrés. Il reste quelques problèmes sur la terminologie de détail ce qui implique une nécessité d exprimer clairement la source doctrinale à utiliser dans une coalition. Réalisme quant à ce qui est possible. Un consensus clair est apparu sur l inutilité de rechercher des solutions à des problèmes qui existeront toujours. Les coalitions devraient reconnaitre que quelques domaines de friction tels que les règles d engagement (ROE), les moyens disponibles, certaines options politiques et l emploi de la force resteront toujours du domaine réservé soumis aux intérêts nationaux. On croit que la compréhension, la connaissance, l expérience, l entrainement et les communications procureront des solutions satisfaisantes à des problèmes semblant insolubles. Cela implique, dans un programme d interopérabilité, d accorder de l importance à l identification des éléments qui ont peu de chances de surmonter les considérations nationales, de reconnaitre leur existence et d arrêter d essayer de les corriger. Gestion du spectre électromagnétique (EMS 7 ). Bien que le spectre électromagnétique, les contre-mesures électroniques (CME) et la classification de sécurité incluent un domaine qui sera toujours rempli de difficultés, on peut prouver qu une plus grande interopérabilité dans ces domaines peut être atteinte. En particulier : * Le spectre électromagnétique est de plus en plus embouteillé. A l intérieur de la coalition, aucune gestion détaillée n est possible du fait que les nations ne partagent qu une information limitée sur leurs CME ou matériel de communications - y compris les bandes de fréquences utilisées. Cela est rendu plus complexe par le fait que la nation hôte est maintenant responsable de larges parts du spectre. * Il peut être argumenté qu il est à la fois gênant et inefficace pour certains membres de coalition de refuser aux autres l accès au spectre électromagnétique. En outre, des niveaux similaires de CME autoriseraient l adoption dans la coalition de TTP communs de protection de la force. * Il est encore prouvé que trop de renseignements et autres informations sont surclassifiés. Ce problème est souvent exacerbé par un refus occasionnel de la part de quelques personnels de ne pas prendre la responsabilité de leur produit. Il peut y avoir de la marge pour une plus grande ouverture. Démarche globale/ interministérielle et implications pour les militaires. Alors que la nécessité d une démarche globale /interministérielle des opérations a été reconnue par toutes les nations de la coalition, il est également apparu que durant la plupart des phases initiales de la campagne, l environnement non permissif a obligé les militaires à combler le vide créé par l absence de moyens d un autre ministère. Cela a des implications claires pour une démarche interministérielle dans les opérations en coalition. Compréhension et application de la doctrine anti-insurrectionnelle (COIN 8 ). Les Etats-Unis et le Royaume-Uni disposent de doctrines COIN qui sont en gros semblables dans leur démarche. Un problème subsiste cependant : Alors que les principes peuvent être adoptés à haut niveau, ils ne sous-tendent pas toujours l entrainement et par conséquence, les opérations. En particulier, traduire les principes en effets tactiques qui ne comportent pas forcément du mouvement, est particulièrement difficile. Si la doctrine est valide, alors elle doit être connue et appliquée. Planification basée sur les effets dans les opérations anti-insurrectionnelles. Liée à l application de la doctrine traitée ci-dessus, la bonne exécution impose de comprendre l usage de la planification basée sur les effets dans les opérations anti-insurrectionnelles. En particulier, il faut comprendre la complexité à définir et quantifier des effets cinétiques ou non cinétiques. Afin d y arriver, tous les bureaux d état-major doivent être parfaitement associés au processus de planification et de définition des mesures adéquates d efficacité; celles-ci incluront à la fois des mesures objectives (quantitatives) et subjectives (qualitatives). Les premières sont principalement du domaine de l état-major et les dernières de la responsabilité du chef. Cela demande à la fois de considérables efforts intellectuels et une formation lors des stages en cours de carrière. Niveaux de qualification et personnels nécessaires pour assurer des effets non cinétiques dans les opérations antiinsurrectionnelles. Etant donné la nécessité pour l armée de terre de boucher le trou créé par l absence d autres ministères, les forces de la coalition doivent insister davantage sur la sélection et la préparation pour la force des individus et unités adéquats pour assurer des fonctions telles que ACM, soutien de l opération, réforme du secteur de la sécurité et gestion des détenus. Trop souvent, ces domaines vitaux ont été confiés à des individus insuffisamment préparés se trouvant à la périphérie des états-majors. Gestion du savoir dans les EM et la chaine de commandement. La gestion du savoir est une capacité essentielle particulièrement dans des domaines tels que le renseignement et une analyse de terrain complexe. De multiples bases de données existent alors que l on a réellement besoin d une seule base de données couvrant la totalité de la zone des opérations. Tout en restant toujours difficile à obtenir dans la réalité, cela doit rester une constante aspiration. Suivi du potentiel de la force amie et identification au combat. Les armées de terre de la coalition ont des capacités variables pour suivre leurs moyens nationaux. Les systèmes de suivi de potentiel DOCTRINE N MARS 2007

59 étranger de la force amie n étaient manifestement pas techniquement interopérables au sein de la coalition. Une image opérationnelle commune numérisée est nécessaire. Bien sûr, l absence d un tel système peut être compensé par l emploi d officiers de liaison, de procédures d état-major et de répartition géographique sur une base nationale. Un système technique commun d identification au combat est également requis pour la coalition - il doit fonctionner sur une base interarmées. Actuellement les TTP sont utilisées pour aider à l identification au combat bien que les diverses règles nationales d engagement et l omniprésence d entreprises civiles sous contrat dans la zone des opérations suggèrent qu une solution technique améliorerait de beaucoup les mesures contre le combat fratricide. Les objectifs d entrainement (et les normes?) pour la préparation de la force. L approche à la préparation de la force n est pas cohérente, ce qui implique que les occasions de saisir les bonnes pratiques doivent être exploitées. Alors que l on peut faire confiance aux nations de la coalition actuelle pour fournir des troupes aptes et de bonne qualité, un EM de coalition devrait indiquer aux nations contributrices les fonctions et tâches auxquelles elles devraient se préparer - et probablement indiquer les normes qu elles doivent atteindre. Les EM et les unités sur le théâtre devraient renvoyer des représentants aux moments critiques dans la préparation de la force pour les aider et les conseiller pour l entrainement. Une reconnaissance complète devrait être entreprise par les unités devant se déployer, et suffisamment à temps pour influer sur leur préparation. De même, on devrait porter une plus grande attention à l échelonnement de l arrivée des personnels clés pour assurer une meilleure continuité lors d opérations de relève sur place. Accords cadres (MOUs 9 ) détaillés avec un mécanisme de révision et d affinage. Les MOU sont un élément essentiel du soutien multinational (CSS 10 ). Des mesures strictes pour la maîtrise des coûts et des remboursements sont essentielles. Un accord cadre pour le soutien (CSS MOU) clairement articulé est nécessaire avec le processus de révision intégré. En tant que document non engageant juridiquement, un MOU ne dépend que de la volonté des parties respectives et de la compréhension commune du niveau d échange de services qui doit intervenir. Comme les intentions et volontés de chaque partie peuvent souvent changer, un MOU doit pouvoir s adapter à ces changements. Il est vital que les personnes impliquées dans la création d un MOU comprennent ce principe et que le mécanisme pour traiter des désaccords, mises à jour, révisions et affinage du MOU, soit intégré dans le MOU lui-même. 1 AAP-6 OTAN. L interopérabilité est un des 4 niveaux de la normalisation OTAN. Ceux-ci sont, par ordre croissant : (1) la compatibilité (2) l interopérabilité (3) l interchangeabilité (4) la communité. La normalisation dans l OTAN est le processus de mettre au point des concepts, doctrines et procédures. Elle est conçue pour atteindre et entretenir les niveaux les plus efficaces dans les domaines des opérations, matériel et administration. 2 La déconfliction implique la compatibilité. Cette dernière couvre la capacité de deux (ou plus) éléments ou composants de matériels d exister ou de fonctionner dans le même système ou environnement sans interférence mutuelle. Cette définition peut aussi être utilement appliquée à des unités ou forces de différentes nations qui coexistent. Des forces déconflictualisées auront leurs activités limitées dans l espace et le temps. 3 STTT: Short Term Training Team: équipe de formation de courte durée. 4 BMATT: British Military Advisory & Training Team: équipe britannique de conseil et de formation. 5 MST: Mission Support Team: équipe de soutien de la mission. 6 TTPs: Tactics, Techniques and Procedures. 7 EMS: Electromagnetic spectrum. 8 COIN: Counter-Insurgency. 9 MOU: Memorandum of Understanding. 10 CSS: Combat Service Support: Soutien (au Combat). Comme indiqué au début, l interopérabilité est d une extrême importance mais c est un sujet complexe qui ne peut pas être aisément traité dans un article aussi court. Néanmoins il est possible d affirmer que la plupart des nations membres de l OTAN, y compris le Royaume-Uni et la France, sont susceptibles de mener des opérations futures comme participant à quelque forme de coalition. L importance de développer l interopérabilité va de soi. C est un fait que le Royaume-Uni attache à l interopérabilité une importance officielle ; cela a été manifesté en premier lieu dans le programme d interopérabilité relativement mature qu il a développé avec les Etats-Unis, et aussi dans celui qu il a entrepris avec la France, son plus important partenaire européen. La sélection d observations ci-dessus venant des opérations actuelles de la coalition en Irak montre que, même avec une coalition bien au point, les problèmes d interopérabilité existent. Il faut aussi dire clairement que la résolution de beaucoup de ceux-ci pose des défis énormes. Quelques-uns peuvent ne jamais être surmontés. Cela ne doit pas dissuader des efforts pour produire les meilleures solutions possibles dans le cadre du pratiquement réalisable. MARS DOCTRINE N 11

60 L interopérabilité dans les opérations complexes de soutien de la paix et de stabilisation La puissance consiste en la capacité que l on peut avoir de faire tendre sa propre volonté vers l objectif de quelqu un d autre, de commander en se servant de sa raison et d avoir un certain talent pour le travail en coopération. Woodrow Wilson, lettre à Mary A. Hulbert, 21 septembre 1913 (28 e Président des Etats- Unis d Amérique ( )) Quand l armée de terre des Etats-Unis parle d interopérabilité traditionnelle, elle pense à collaborer avec des formations appartenant à d autres armées de terre afin de combiner feux et manœuvre. Comme tous ceux qui ont travaillé au sein de l OTAN le savent, l interopérabilité est une tâche extrêmement complexe mettant en oeuvre des protocoles permettant de partager l information, définir des équipements et des réseaux de transmission compatibles, ainsi qu un environnement commun de fonctionnement, et une architecture de commandement et de consultation acceptée par tous ; tout ce qui précède devant être étayé par un programme d exercices. Cependant, les environnements complexes des opérations de soutien de la paix et de stabilisation, les plus courantes au cours de ces dernières années, exigent un niveau d interopérabilité entre de très nombreux acteurs ce qui augmente encore la taille du défi. Cet article examine les avancées dans le domaine de l interopérabilité, puis il identifie quelques-uns des principes clés qui doivent être pris en compte pour obtenir un succès au niveau stratégique. PAR LE COLONEL (ER) WILLIAM FLAVIN ET MME TAMMY SCHULTZ, PROFESSEURS À L US ARMY PEACEKEEPING AND STABILITY OPERATIONS INSTITUTE (US PKSOI) 1 L interopérabilité dans les Balkans et au-delà Le déploiement de l armée de terre des Etats-Unis dans les Balkans lui a imposé de travailler en étroite coopération avec d autres nations, avec diverses organisations non gouvernementales (ONG) et internationales (OI). A l exception de la courte période de la guerre du Golfe, les Américains avaient conduit avec leurs alliés, les ONG et les OI plus d exercices que d opérations réelles sur des périodes de temps prolongées. Selon un des derniers chefs d état-major de l armée de terre, le général d armée (ER) Gordon Sullivan, l armée de terre envisageait la possibilité d une intervention dans les Balkans depuis Un des points clés que le général Sullivan avait retenu des interventions US en Somalie au début des années 1990 était que l armée de terre devait comprendre et savoir travailler avec une pléthore d acteurs au cours des opérations de maintien de la paix, en particulier les ONG. 2 Alors que l armée de terre se préparait pour l opération dans les Balkans, elle réalisa que savoir travailler avec d autres nations, des ONG ainsi qu avec une nation hôte était la clé du succès. DOCTRINE N MARS 2007

61 étranger Le déploiement dans les Balkans a servi de catalyseur pour réviser le statut des opérations multinationales et placées dans un cadre interministériel. En 1996, le Multinational Interoperability Council (MIC) (Conseil d interopérabilité multinationale) a été créé par un certain nombre de nations qui avaient participé aux opérations dans les Balkans pour servir de forum international d échange d informations destinées à appuyer l action des opérationnels participant à des opérations mettant en œuvre des coalitions. Ce conseil doit favoriser un dialogue efficace entre les acteurs principaux de l interopérabilité : planificateurs, analystes de politique de défense, et experts en matière de commandement et communications, de traitement automatisé de données et de renseignement. Il n a pas pour objet de remplacer ou d englober d autres groupes de travail ou forums d interopérabilité existants. 3 En 2000, suite aux événements du Timor Oriental et sous l influence des enseignements tirés des opérations dans les Balkans, le commandement américain du Pacifique (PACOM), engagea une collaboration avec les nations riveraines du Pacifique pour établir les équipes multinationales de planification et d assistance qui rédigèrent une série de procédures opérationnelles standardisées multinationales (Multinational Standard Operating Procedures - MNSOP), dont l objectif, similaire à celui du MIC, était de fournir un mécanisme capable de surmonter les différences entre les nations. En raison des besoins d assistance humanitaire et de secours aux victimes de catastrophes existant dans la région Pacifique, ces procédures prennent également en compte les ONG ainsi que d autres organisations internationales. Lorsque le tsunami frappa l Asie en décembre 2004, on se rendit compte de l efficacité de ces procédures et des réseaux qui avaient été ainsi créés. 4 approfondie des retours d expériences relatifs à toutes les opérations ayant été menées depuis L armée de terre américaine a également eu le souci de mieux prendre en compte ces problèmes. Le centre de retour d expérience de l armée de terre y a participé en interviewant des soldats rentrant d Irak et d Afghanistan. Au cours des dix dernières années, l institut pour les opérations de soutien de la paix et de stabilisation a conduit des études de retour d expérience focalisées sur les problèmes soulevés lors des opérations dans les Balkans, en Afghanistan et en Irak, et plus particulièrement sur ce qui y concernait les relations entre civils et militaires aux niveaux stratégique et opératif. Les résultats en seront pris en compte dans les rééditions des manuels de doctrine de l armée de terre américaine qui seront publiées l année prochaine : FM 3-0 Operations, FM 3-07 Stability and Support Operations and FM 3-24 Counterinsurgency. Les fondamentaux de l interopérabilité Au cours de toutes ces études, plusieurs fondamentaux ont été identifiés : nation pilote, relations de commandement communes, processus de planification, de prise de décision et d approche des opérations similaires, réelle compréhension de la terminologie employée ainsi que capacité à partager l information. Nation pilote Une nation doit assumer la conduite de l opération. Même lors d opérations OTAN, dans les Balkans, chacun des PC subordonnés était constitué autour d une nation pilote. La nation pilote est cette nation qui a la volonté, les capacités, les compétences et l influence indispensables pour fournir les éléments essentiels de consultation politique et de commandement nécessaires à la coordination de la planification, du montage et de l exécution d une opération militaire menée par une coalition. Au sein du cadre général fourni par la nation pilote, d autre nations participant à la coalition peuvent, en fonction de leur capacités nationales spécifiques, être désignées comme pilotes de fonction chargés de fournir et/ou de coordonner certaines fonctionnalités essentielles de l opération envisagée et d en assurer l exécution. Ce modèle d organisation peut s appliquer aux niveaux stratégique, opératif et/ou tactique. 6 Cette nation pilote doit agir en tant qu unique moyen de transmission des directives et orientations stratégiques et fournir les bases de l organisation du PC et des procédures de travail. Au Kosovo comme en Bosnie les nations pilotes se sont vu affecter des secteurs. Au Timor oriental, l Australie a servi de nation pilote durant l opération d imposition de la paix, puis elle a passé la main à une mission des Nations unies. Le programme ABCA (armées de terre américaine, britannique, canadienne et australienne) qui fut établi en 1947 avec des objectifs semblables à ceux du MIC engagea une révision totale de ses concepts en 2004 à la suite des opérations d Afghanistan et d Irak. Bien que destiné au niveau tactique, le guide produit par l ABCA traite de questions de commandement et d état-major de niveau opératif. En 2005, l ABCA se lança dans une étude US ARMY MARS DOCTRINE N 11

62 La nation pilote doit offrir une unicité d objectif qui sert de point focal à tous les membres de la force multinationale. Quand ce n est pas réalisé, une dérive peut se produire et l approche manque alors de cohérence. Dans le meilleur des cas, l interopérabilité requiert des approches politiques qui soient semblables et une vision commune de l environnement opérationnel ainsi qu un accord sur l état final recherché. Le défi principal qui se pose alors à la nation pilote est de savoir comment travailler avec les partenaires de moindre importance qui, bien que travaillant dans le cadre d une directive commune, peuvent avoir des approches opérationnelles différentes. Ceci devient un réel défi au cours d opérations de stabilisation où il est essentiel d avoir une position commune vis-à-vis de la nation hôte. En Afghanistan et en Irak, des procédures qui avaient été préalablement mises en oeuvre au cours des opérations de l OTAN dans les Balkans ont été utilisées, ce qui a rendu l interopérabilité entre les membres de la coalition plus fluide qu elle ne l aurait été autrement. Ceci dit, en raison de l approche qu avaient les Américains et la communauté internationale de la question afghane, il n y a pas eu de cadre de référence commun au sein de la coalition lorsqu il s est agi de planifier et de mettre en œuvre les équipes provinciales de reconstruction (Provincial Reconstruction Team: PRT). Bien que l intention générale et l objectif du concept PRT soient clairs, chaque nation a défini ses propres méthodes, ses directives et leurs attributions. Avec l arrivée de l OTAN, les Britanniques étant à la tête de l ARRC, il y eut une tentative pour rendre communs les objectifs et les points de vue sur l ensemble de la zone des opérations. En Irak, les équipes de soutien au gouvernement (Government support teams: GSTs) ont à faire face aux mêmes problèmes de cadre de référence que leurs cousins, les PRT, en Afghanistan. L aptitude d une nation pilote à harmoniser les volontés de pouvoir national de plusieurs gouvernements afin d atteindre les objectifs stratégiques est une tâche particulièrement ardue. Cependant, s il n y a pas de nation pilote, la confusion règnera sûrement sur le terrain et il ne sera alors pas possible de créer une synergie entre les différents membres de la coalition. Des relations de commandement communes En se fondant en particulier sur des initiatives de l OTAN, de grands pas ont été faits pour aller dans le sens d une compréhension commune de ce qu est le commandement (C2). L espace capacitaire où l on constate le plus de différences est celui de l interopérabilité des systèmes de commandement automatisés, de la distribution à grande échelle d informations sur un réseau protégé et de l aptitude des partenaires à télécharger et à analyser les produits ISTAR 7. Au cours d opérations de stabilisation, les relations civilo-militaires entre les forces militaires et avec les ONG, les OI et la nation hôte sont cruciales. La question de savoir qui devrait être responsable des différents moyens militaires permettant de traiter avec les acteurs non militaires constitue un débat qui a débuté dans les Balkans et se poursuit aujourd hui en Afghanistan. Pour les Américains, les équipes des affaires civiles (Civil Affairs) travaillent à la fois pour les commandant des niveaux opératif et tactique. Avec l établissement des PRT 8, une question cruciale, aux implications peut-être stratégiques, s est posée: qui est responsable des effets sur les domaines civils dans une zone d opération? Est-ce que le commandant de la zone où travaille le PRT contrôle ce PRT, ou alors est-ce le commandant de l ensemble de la force? Les différentes nations ont différentes réponses à cette question. Ceci a constitué une source de friction en Afghanistan et en Irak et, étant donné la fréquence des opérations de stabilisation, cette question réapparaîtra sans aucun doute au cours des campagnes à venir. Les Américains sont en ce moment en train de réviser leur doctrine civilo-militaire et d essayer de résoudre ce problème. Des processus de planification et de prise de décision communs Les différents forums décrits ci-dessus ont également défini des standards minima relatifs à ce que devrait être une compréhension commune du processus décisionnel. La procédure opérationnelle américaine est basée sur le processus décisionnel appelé MDMP (Military Decision Making Process). Bien que le MDMP soit bien compris par les stagiaires étrangers suivant les cours des écoles d état-major américaines et par ceux qui travaillent au sein de l OTAN, ce point de vue n est pas toujours partagé par tous les membres de la coalition. Quand le temps presse, une planification conduite en collaboration peut produire des résultats moins que satisfaisants en raison de la méconnaissance par certains membres de la coalition des termes et procédures utilisés par le MDMP (ou, à l inverse, le manque d habitude de la terminologie ou des processus utilisés par d autres membres d une coalition dans le cas où les Etats-Unis ne seraient pas la nation pilote). Quelques initiatives destinées à établir un processus de planification et prise de décision communs commencent à porter des fruits. Le concept MPAT 9 mis en œuvre par le PACOM (Pacific Command) regroupe des équipes de planification provenant de plusieurs pays dans le but d étudier, de réviser, de s accorder sur les procédures décrites dans les MNSOP 10. Le MPAT met à profit exercices et engagements pour essayer de régler les problèmes liés aux différences existant entre les membres et pour affiner les MNSOP. Là encore, ces efforts destinés à développer l interopérabilité ont permis de sauver des vies lors des opérations d assistance aux victimes du tsunami. Cette compréhension mutuelle au niveau de la procédure apporte une aide au processus décisionnel. La technologie et les logiciels apportent une aide supplémentaire au processus décisionnel. L utilisation de programmes de présentation et de traitement de texte différents au sein des forces de la coalition rend difficile le transfert d information d un PC à un autre. Par exemple, en Afghanistan, le groupement de forces interarmées et multinational 180 (Combined Joint Task force (CJTF)180) utilise de façon standard Harvard Graphics comme outil de présentation et WordPerfect pour le traitement de texte ; alors que l état-major de la Joint Task Force 190 (JTF-190) utilise Power Point comme outil de présentation graphique et Word et Works comme traitement de texte. L incompatibilité des programmes de présentation et de traitement de texte a un impact sur la capacité à partager l information entre PC par transferts de fichiers. Cette question est encore plus ardue lorsqu on interagit avec des ONG et une nation hôte qui mettent en œuvre des systèmes et des processus décisionnels différents. Une série de réunions de travail a été DOCTRINE N MARS 2007

63 étranger Procédures opérationnelles permanentes d une force multinationale Concepts opérationnels de base pour une force multinationale MMULTINATIONAL PLANNING AUG RAPID CRISIS RESPONSE ENTATION TEAM MPAT Concept de nation-pilote Relations communes de commandement et/ou concepts communs relatifs Standardisation de l organisation des PC de forces multinationales Planification & processus décisionnel communs conduite sous l autorité de l Institut pour la paix des Nations unies et elles ont permis de déterminer que le développement d une culture de communication commune entre les différentes organisations civiles et militaires ainsi que les organisations non gouvernementales (ONG) au cours des opérations humanitaires ou de maintien de la paix constituait un élément crucial pour le succès de l opération toute entière. 11 L absence de technologies et de logiciels interopérables constitue, à la fois, un symptôme et une cause du manque de culture de communication commune. Une compréhension mutuelle des approches opérationnelles L OTAN a développé et fait approuver une doctrine pour l Alliance. Mais, étant donné que les situations changeantes présentent chaque fois des défis différents aux forces multinationales, chaque nation finit par utiliser sa doctrine nationale lorsqu il n y a pas de doctrine multinationale. Le processus destiné à remettre à jour la doctrine de l Alliance est lent ce qui rend tous les processus identifiés plus haut plus réactifs, par défaut si ce n est par intention. Puisque la doctrine devrait identifier les principes fondamentaux aux niveaux stratégique et opératif (à la différence des tactiques techniques et procédures (TTP), qui établissent les savoir-faire au niveau tactique), l établissement de la doctrine prendra plus de temps que certaines des autres tâches liées à l interopérabilité déjà identifiées. Une compréhension mutuelle, entre partenaires d une coalition, des différentes approches opérationnelles nationales, est profitable à la fois pour leur doctrine et pour leur approche opérationnelle sur le terrain. En l absence d un corpus doctrinal multinational global, les nations doivent s efforcer de comprendre quelle est l approche qu ont leurs alliés des opérations. Un exemple de cette différence qui existe entre les nations quand il s agit d aborder les opérations est donné par la façon qu elles peuvent avoir de traiter les situations insurrectionnelles et de violences sectaires. Chaque nation préférera étudier de quelle façon elle a traité une telle situation par le passé et tentera d appliquer aujourd hui ce qui a bien marché autrefois. En Irak, l armée américaine était plutôt prédisposée à entreprendre une action offensive alors que les Anglais souhaitaient s engager avec la population. Bien qu il soit difficile de généraliser, c est l impression qu en ont de nombreux officiers et cela affecte l approche de l environnement opérationnel au niveau opératif. Ces différentes approches peuvent être rencontrées lorsqu on étudie les opérations civilo-militaires (et en fonction du niveau où on les étudie). Quand on compare les définitions des opérations civilo-militaires américaines (CMO) à celles des Britanniques (CIMIC), elles semblent similaires ; mais leur exé- MARS DOCTRINE N 11

64 cution peut différer. Le CMO américain fait traditionnellement appel aux officiers des affaires civiles comme principaux points de contact avec les populations alors que les CIMIC britanniques transforment chaque soldat en un point de contact privilégié. La situation en Irak et en Afghanistan a permis de rapprocher ces concepts. Il est nécessaire d accepter l idée que c est l approche nationale qui va guider l ensemble des combattants, depuis le simple soldat jusqu aux plus hauts échelons de la hiérarchie, afin de pouvoir identifier d éventuels discordances aux niveaux stratégique ou opératif et si possible de les résoudre. 12 collectée et stockée sur les systèmes nationaux, il existe toujours un problème relatif à leur partage ou à leur échange automatisé au travers des frontières internes de la coalition. Il existe une pléthore de systèmes nationaux de transmission de données - sans architecture commune - qui ne sont au service que d intérêts purement nationaux, et il n existe aucun système entravèrent la planification de la phase de reconstruction entre les différentes agences gouvernementales. 13 Le bureau de gestion de la reconstruction en Irak (Iraqi Reconstruction Management Office - IRMO) a été créé pour essayer de gérer et de rationaliser le passage de l information entre toutes les agences impliquées dans le processus. Comprendre la terminologie Une bonne compréhension de la terminologie servant à décrire la mission est essentielle pour pouvoir coopérer. L OTAN, l ABCA et d autres ont développé des glossaires terminologiques communs qui représentent certes un grand pas en avant en dépit du fait que certains pays continueront sans aucun doute à utiliser des termes qui n appartiennent pas à ces listes. Alors qu une des forces de la notion de nation pilote est d impliquer l utilisation d un langage commun pour les opérations, certaines différences dans l expression de la lettre de la mission et dans les procédures à appliquer au combat peuvent encore être à l origine d incompréhensions et d erreur : neutraliser des insurgés peut signifier les détruire pour une nation alors que pour une autre, cela voudra dire, les marginaliser ou les rendre inefficaces pendant une certaine période de temps. L ordre de sécuriser l infrastructure essentielle impliquerait la mise en œuvre de nombreuses unités s il était pris au pied de la lettre par des unités non américaines. Ce problème réclame une utilisation plus précise du langage et/ou une meilleure définition de la lettre de la mission. Une partie du problème peut être réglée en augmentant le nombre de ceux qui vont suivre des cours dans des écoles étrangères et en établissant plus de groupes de travail. Le partage de l information Il n est pas d opération qui réussisse sans le partage de l information. Quelle que puisse être la quantité d information US ARMY global qui permette de fournir une appréciation globale automatisée de la situation au sein de la coalition. Les données qui doivent être transférées le sont de façon manuelle. C est vraiment là que des systèmes devraient être développés qui amélioreraient la transmission du renseignement des cellules nationales vers celles de la coalition en créant des architectures acceptées par tous et en mettant en œuvre des techniques de gestion de l information qui soient communes. C est également crucial quand il s agit des informations nécessaires pour les opérations de stabilisation et de reconstruction d un pays. Dans ce cas, les données doivent être communiquées à l ensemble des agences natinales et internationales ainsi qu à la nation hôte. En Irak, une évaluation de la mission, réalisée six mois après la fin des opérations majeures, permit de découvrir que des problèmes d interopérabilité, plus particulièrement liés au partage de l information, La compartimentation des informations nationales demeure un problème. Les nécessités imposées par la guerre contre le terrorisme ont permis d améliorer le partage de ces informations mais cela demeure un problème. Au cours de la planification et de l exécution des opérations en Afghanistan et en Irak, les différents types d autorisation d accès aux informations classifiées chez chacun des membres de la coalition ont été à l origine de problèmes de partage de l information. Le fait de définir des niveaux d habilitation différents pour les officiers de liaison de chacun des différents pays membres de la coalition a engendré un climat de confusion et de méfiance. Certains officiers de liaison se sont sentis exclus de la planification et des opérations comme s ils avaient été des participants de seconde zone au sein de l opération. DOCTRINE N MARS 2007

65 étranger En Afghanistan, le manque de partage du renseignement a affecté les opérations sur le terrain. Par exemple, beaucoup de documents dont les forces de coalition avaient besoin étaient classifiés à ne pas transmettre à des étrangers (NOFORN: not releasable to foreign nationals), et donc tenus à l écart des alliés et des partenaires. Un exemple extrême est celui des Canadiens qui, à Kandahar, ont été fréquemment privés de renseignements qu ils avaient participé à fournir en tant que source principale grâce à leurs opérations de renseignement humain (HUMINT) menées dans les villages locaux. Ce problème devient particulièrement ardu quand on en vient à traiter avec la communauté des ONG et avec la nation hôte qui sont des acteurs tout à fait essentiels pour atteindre une paix durable. Au cours des deux premières années en Afghanistan, le système Coalition Enterprise Regional Information Exchange System (CENTRIXS) a été utilisé par le USCENTCOM (US Central Command) en tant que réseau de transmission des données classifiées. Les groupements CIMIC n étaient pas équipés de ce système quand ils se sont installés à Kaboul. Cette lacune a sévèrement limité le partage de l information avec les partenaires de la coalition, et a maintenu le groupement CIMIC hors circuit. Si l on souhaite aboutir à un réel effort conjoint de la part d une coalition, cela impose que l information soit partagée dans l ensemble de cette coalition US Army Peacekeeping and Stability Operations Institute (US PKSOI): Institut de réflexion et d étude sur les opérations de maintien de la paix et de stabilisation de l armée de terre des Etats-Unis à Carlisle en Pennsylvanie. 2 Gordon R. Sullivan, Interview with Tammy S. Schultz, February 25, 2005, Washington, DC. 3 Multinational Interoperability Council Coalition Building Guide Change 1, (Doctrine, Plans and Procedures Multinational Interoperability Working Group of the Multinational Interoperability Council,17 April 2006), i. MIC disponible sur ( 4 MPAT information disponible sur ( 5 ABCA disponible sur ( 6 Multinational Interoperability Council Coalition Building Guide Change 1, ( Doctrine, Plans and Procedures Multinational Interoperability Working Group of the Multinational Interoperability Council,17 April 2006), page v. 7 Voir glossaire à la fin de l article. 8 Voir glossaire à la fin de l article. 9 Multinational Planning and Augmentation Team: voir glossaire à la fin de l article. 10 Multinational Standing Operational Procedure: voir glossaire à la fin de l article. 11 Richard Solomon and Sheryl J. Brown, Creating a Common Communications Culture: Interoperability in Crisis Management, Virtual Diplomacy Series No. 17, the United States Institute of Peace, Washington, DC, August disponible sur : ations/reports/17.html#interoperability. 12 Brigadier Nigel Aylwin-Foster, British Army. Changing the Army for Counterinsurgency Operations, Military Review (November- December 2005) John Hamre, Frederick Barton, Bathsheba Crocker, Johanna Mendelson-Forman, and Robert Orr, Iraq s Post-Conflict Reconstruction: A Field Review and Recommendations, July 17, 2003: pp William J Flavin, Civil Military Operations: Afghanistan (Carlisle: US Army Peacekeeping and Stability Operations Institute, 23 March 2004) 39. Toutes les nations conviennent que l interopérabilité est nécessaire au succès des opérations de paix et de stabilisation. Alors que les nations travaillent actuellement en étroite coopération, les défis de l interopérabilité doivent constamment être relevés grâce à l éducation, l entraînement, les exercices, ainsi qu un partage continu des idées et des personnels entre les différentes nations au sein des commandements et des états-majors, l essentiel étant de rester souple tout en restant focalisé sur des objectifs acceptés par tous. Les efforts tendant vers une réelle interopérabilité doivent continuer afin de conduire au succès les missions en cours, ainsi que les opérations qui pourraient à l avenir être entreprises par des forces coalisées. MARS DOCTRINE N 11

66 Glossaire American British Canadian Australian (ABCA). Un plan de standardisation fut lancé en 1947 entre les armées de terre des Etats- Unis, de la Grande-Bretagne et du Canada afin de poursuivre et de relancer la coopération étroite qui avait existé entre les Alliés au cours de la Seconde Guerre mondiale. En 1954, le concept de base de standardisation (Basic Standardization Concept) remplaça ce plan. En 1963, l Australie rejoignit l organisation. L accord de base de standardisation Basic Standardization Agreement 1964 (BSA 1964) fut ratifié le 10 octobre 1964 par les armées de terre des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, du Canada et d Australie ; le programme ABCA actuel fut alors formellement mis en place. Sur invitation des armées de terre ABCA, en 1965, la Nouvelle- Zélande se vit offrir le statut d observateur sous le parrainage de l Australie. C3: Command, control, communications = Commandement et communications. Government Support Teams: Equipes de soutien au gouvernement. Elles ont précédé l établissement des PRT en Irak et avaient pour objet d étendre l autorité du gouvernement central dans les provinces. Intelligence, Surveillance, Target Acquisition and Reconnaissance (ISTAR) (Renseignement, Surveillance, Acquisition d objectifs et Reconnaissance) : correspond à un processus unissant plusieurs fonctions du champ de bataille pour aider une force combattante à employer ses senseurs et à gérer les informations qu ils recueillent. Le rôle d ISTAR est de relier les organismes de renseignement avec les moyens de surveillance, d acquisition d objectifs et de reconnaissance afin d améliorer l appréciation de situation par le chef et donc lui permettre de développer des plans bien adaptés. Le fait d avoir incorporé le renseignement dans cet ensemble est important car cela montre bien l importance de collecter les renseignements provenant de tous les senseurs disponibles et de les traiter pour en retirer une information utile. L acronyme ISTAR peut également faire référence à : * Une unité ou une partie d une unité ayant une mission ISTAR (on parle, par exemple d un groupement ISTAR). * Un équipement nécessaire pour effectuer une tâche ISTAR. Multinational Interoperability Council (MIC): Le conseil multinational pour l interopérabilité est un forum international, mené par des opérationnels, et destiné à identifier les problèmes d interopérabilité et à définir des actions, qui si elles sont mises en œuvre au niveau national, contribueront à rendre plus efficaces les opérations conduites en coalition. Alors que les travaux initiaux avaient porté sur la résolution des problèmes liés à l interopérabilité dans le domaine de l information, le MIC a étendu l éventail de ses activités afin de couvrir d autres questions stratégiques et opératives considérées comme cruciales pour des opérations de coalition. Les nations membres du MIC sont l Australie, le Canada, la France, l Allemagne, l Italie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, qui sont, en fait, les nations qui seraient les plus à même de former, piloter ou soutenir des opérations de coalition. La Nouvelle-Zélande et le commandement OTAN pour la transformation (ACT) ont officiellement reçu le statut d observateurs au sein du MIC. Le MIC est composé d officiers supérieurs d état-major, experts dans les domaines des opérations, de la doctrine, de la logistique et des SIC appartenant à chacune des nations membres ainsi que de représentants de niveau élevé des nations et des organisations ayant le statut d observateur. Le chef de chacune des délégations nationales est un officier général appartenant à la division opérations de l étatmajor des armées des pays concernés. Multinational Planning and Assistance Teams (MNPAT). Un groupe de planificateurs militaires appartenant à des nations ayant un intérêt dans la région Asie-Pacifique, capables de renforcer rapidement un état-major de forces multinationales mis en œuvre pour planifier et exécuter des opérations de coalition dans le cadre d opérations de paix et de stabilisation. Multinational Standing Operating Procedures (MNSOP) = Procédures opérationnelles permanentes multinatioales : Un programme développé par PACOM en collaboration avec d autres nations de la région Pacifique pour établir un ensemble de procédures standard en vue de coordonner des opérations multinationales. Provincial Reconstruction Teams: Les équipes de reconstruction provinciales sont constituées par une combinaison d équipes civiles et militaires mises en place pour aider les gouvernements provinciaux afghans et irakiens à développer une capacité manifeste et durable à gouverner, à établir une sécurité renforcée, à maintenir l ordre, et à promouvoir le développement politique et économique ainsi qu à mettre en place une administration provinciale indispensable pour subvenir aux besoins élémentaires de la population. DOCTRINE N MARS 2007

67 étranger L interopérabilité pour l armée de terre hongroise Être en mesure d engager une force répondant aux principaux critères d interopérabilité et de standardisation en vigueur au sein de l Alliance, et capable de s adapter aux exigences de la coopération avec ses partenaires, même s il faut pour cela définir, lorsqu une telle option est envisageable, des normes plus adéquates. (Directive générale portant sur la politique de défense, décembre 2000) La nature des crises et les formes de menace actuelles ainsi que la nécessité pour les nations d y répondre de façon collective, exigent que les prochaines opérations militaires soient placées sous l égide de la communauté internationale. Encore faut-il que l ONU, l OTAN et l UE évoluent et se dotent des meilleurs outils possibles pour pouvoir assurer la paix dans un monde en constante évolution. Pour l essentiel, la politique extérieure et de sécurité du gouvernement hongrois poursuit deux séries d objectifs. En zone euratlantique, il s agit de contribuer au progrès social et à la stabilité, ainsi qu à la protection des institutions démocratiques et des droits de l homme. En Europe centrale et dans les pays de l est, la Hongrie s investit plutôt dans le processus de démocratisation en cours et la promotion des droits de l homme avec, dans ce domaine, un intérêt particulier pour le statut des minorités ethniques présentes dans les états limitrophes. En effet, pour les Hongrois expatriés dans les Etats voisins, la question du maintien de leurs valeurs culturelles, de l amélioration de leurs conditions de vie, et du respect de leurs droits individuels ou collectifs, est liée au développement socio-économique du pays d accueil dont ils sont devenus citoyens. A cet égard, contribuer à l ancrage institutionnel des notions de démocratie et d économie de marché au sein de ces mêmes pays est, pour la Hongrie, d un intérêt primordial. Par ailleurs, son gouvernement tente d y promouvoir une forme d intégration euratlantique en rapport avec les transformations précitées. Pour la Hongrie qui souhaite jouer pleinement son rôle de partenaire au sein d organisations telles que l OTAN et l UE, l amélioration de ses capacités militaires n est pas seulement la contrepartie de son engagement aux côtés de l Alliance, c est une question d intérêt national. A cet égard, il lui faut encore élaborer la politique de défense et les moyens qui lui permettront de trouver sa place au sein du dispositif de sécurité collective de l OTAN, et de renforcer sa participation aux opérations de gestion de crise. La République hongroise entend donc développer des capacités adaptées aux types de réponses prônées par l OTAN face à des menaces asymétriques telles que le terrorisme. En outre, en tant que membre de l Union européenne, il lui faut également se préparer spécialement aux missions de type Petersberg que l UE envisage de mener. En d autres termes, il lui appartient d accroître son aptitude à coopérer avec ses voisins, que ce soit à l intérieur ou en dehors du cadre d une alliance. L efficacité des opérations multinationales interarmées repose sur l interopérabilité, les capacités de déploiement et le degré d autonomie logistique des forces engagées. L OTAN doit pouvoir compter sur une force militaire valable et il nous appartient donc de trouver les voies et moyens d y répondre en termes de capacités opérationnelles. Parmi les facteurs dimensionnant précités, l interopérabilité constitue le minimum que l on puisse attendre d une force s engageant en multinational dans ce type d opérations au 21 e siècle. PAR LE COMMANDANT ZOLTÁN HORVÁTH ET LE CAPITAINE ZOLTÁN NAGY, DE L ARMÉE DE TERRE HONGROISE MARS DOCTRINE N 11

68 HUNGARIAN MINISTRY OF DEFENCE Notion d interopérabilité L approche hongroise de la notion d interopérabilité reste très proche de celle de l OTAN, tant dans sa définition que dans sa mise en œuvre. L interopérabilité, c est la capacité d agir en synergie avec d autres acteurs en vue d exécuter une tâche ou un ordre donné. Pour les Etats membres de l Alliance, les pays partenaires 1, ou toute autre nation concernée, il s agit plus précisément d être capables de remplir la mission ou la tâche qui leur est assignée, en commun et avec efficacité. La notion d interopérabilité comprend en fait trois niveaux : - la compatibilité, ou possibilité d utiliser plusieurs produits, procédés ou moyens différents, dans certaines conditions et sans provoquer d interférences notables; - l interchangeabilité, ou possibilité d utiliser un produit, un procédé ou un moyen de substitution pour un résultat équivalent; - la communité, stade ultime où tout le monde maîtrise et se sert des mêmes doctrines, procédures et équipements. Pour ce qui se rapporte aux nécessités de l interopérabilité, l exemple le plus frappant est sans doute celui du niveau linguistique requis pour qu une force puisse s engager dans une opération multinationale. A cet égard, la compatibilité conceptuelle fait partie des conditions requises pour toute participation aux missions placées sous la direction de l OTAN, de l UE ou d une autre organisation transnationale. Cette notion recouvre en fait deux aspects : - Primo, comprendre, se faire entendre et échanger. Ce qui suppose de maîtriser l anglais qui est la langue de travail adoptée par l OTAN, et de posséder un système d information et de communication compatible avec celui des autres forces. - Secundo, appréhender la doctrine d emploi, les procédures opérationnelles permanentes, l organisation logistique et les structures de commandement propres à chaque composante de la force. Cette connaissance réciproque leur permet en effet d opérer ensemble dans un contexte interarmées et d optimiser l utilisation des structures de soutien logistique des uns et des autres. Interopérabilité linguistique Depuis la fin de la guerre froide, l étude des langues étrangères (en particulier l anglais, qui s impose de facto en opération) n a cessé de prendre de l importance dans les armées. C est particulièrement vrai pour l OTAN et ce pour deux raisons : la multiplication des opérations de soutien de la paix d une part et, d autre part, les activités liées au programme d élargissement de l Alliance et du partenariat. L étude des langues est une responsabilité nationale (pays membres ou partenaires), mais il appartient à l OTAN de développer l entraînement à la pratique de l anglais qui, à vrai dire, reste un vecteur d interopérabilité tout aussi important que les autres, et un gage d efficacité dés lors que plusieurs nations participent à une mission OTAN ou à d autres activités intéressant plus généralement l Alliance atlantique. Les soldats alliés bénéficient depuis longtemps de formations à la pratique de l anglais. Par contre ceux des anciens pays du pacte de Varsovie, historiquement tenus à l écart du monde occidental, n ont pas eu cette chance. Au milieu des années 90, un certain nombre d organisations linguistiques se donc sont regroupées autour du projet l anglais pour le maintien de la paix 2. Leur but était d aider les pays souhaitant devenir membres ou partenaires de l OTAN à combler ce handicap. La Hongrie y a apporté son concours en créant le centre d apprentissage linguistique du partenariat pour la paix. Nombre d officiers est-européens, russes notamment, y ont appris l anglais aux côtés de leurs homologues hongrois. Standardisation opérationnelle Les forces militaires prétendant à l interopérabilité et à l adaptabilité doivent remplir un certain nombre de critères communs à leur futur domaine d emploi et la standardisation constitue, à cet égard, une étape pratiquement incontournable. Elle inclut la formulation et la révision des doctrines, des tactiques, des techniques et des procédures. La standardisation opérationnelle vise à renforcer l interopérabilité des forces de l Alliance à l entraînement, en exercice ou en opération, et à les rendre plus efficaces lorsqu elles travaillent en commun. Au besoin, elle peut concerner les forces participant au partenariat pour la paix ou d autres nations. Il s agit en fait d un programme concerté d édiction et d harmonisation des standards 3 partagés par les pays membres de l Alliance, et qui bénéficie d un soutien particulier de leur part. Conformément à la politique de l Alliance, les autorités nationales et celles de l OTAN sont encouragées à s accorder sur les concepts, doctrines, procédures et formules DOCTRINE N MARS 2007

69 étranger à développer pour parvenir à une forme d interopérabilité aboutie et s y maintenir. Ce processus s applique à tous les domaines où le niveau de compatibilité, d interchangeabilité ou d éléments communs le plus adéquat doit être recherché, à savoir : l équipement ainsi que les procédures opérationnelles, techniques et administratives. S agissant des domaines et degrés d interopérabilité précités, les avancées enregistrées, mise en œuvre comprise, en matière de doctrine, de procédures et de conception jouent en effet un rôle essentiel dans l emploi des moyens et des ressources en opération. L interopérabilité opérationnelle influe directement sur l aptitude au combat des forces de l OTAN, en particulier dans les opérations impliquant différents contingents nationaux. De ce point de vue, la standardisation des équipements, du soutien et des procédures est un gage d efficacité en opération, et cet aspect doit absolument être pris en compte dans la conception et le développement des matériels. L efficacité d une force au combat tient en fait en trois points fondamentaux : interopérabilité des matériels majeurs, moyens et sources de ravitaillement interchangeables, et uniformisation des procédures opérationnelles. C est l objectif minimum exigé en opération pour que le soutien d équipements, même standardisés, se déroule dans des conditions acceptables. Par ailleurs, la participation des nations qui ne sont pas membres de l OTAN à des opérations placées sous sa coupe implique de leur part un certain nombre de capacités d adaptation. Gagner en interopérabilité par la modernisation des équipements S il est un domaine de coordination où l efficacité recherchée se traduit en termes d économies d échelle, c est bien celui de la standardisation des matériels, de la logistique, des moyens de communications et des systèmes d aide au commandement. Notre propre programme de modernisation repose sur un plan de développement de 10 ans. En regard des restrictions budgétaires auxquelles nous sommes cependant confrontés, le financement de plusieurs projets à la fois constitue un exercice d équilibre plutôt ardu. Ce programme reste donc centré sur l accroissement de notre niveau d interopérabilité. Les projets d acquisition et d actualisation y afférent pour l exercice se déclinent comme suit. - Un nouvel avion de combat multirôle VTT blindés modernisés nouveaux véhicules tactiques (chenillés et/ou à roues). - Des moyens SIC déployables au profit des unités terrestres et aériennes mises à disposition de l OTAN. - De nouveaux hélicoptères de transport. - Trois batteries de radars 3D à longue portée en mode IV (équipés d IFF modèle XII). - Des équipements individuels modernisés (dont les effets de protection NBC). - De nouvelles pièces d artillerie. Il convient de relever que nous allons devoir remplacer ou moderniser les équipements majeurs de nos forces armées en très peu de temps (15 ans). La Hongrie n a en effet rejoint l OTAN qu en 1999 et l héritage d un long passé de guerre froide obère les qualités techniques de son parc militaire. Créativité et débrouillardise sur le terrain ne suffisent plus, il faut d abord et avant tout de l argent. Si bien qu entreprendre une modernisation dans de telles conditions relève parfois d un défi à la limite du surmontable. Pour nous, envisager une modernisation revient à examiner toutes les solutions techniques à notre portée, car nous ne pouvons pas nous PAYER LE LUXE d acheter des équipements neufs pour chacune de nos armées. Le rétrofitage du BTR, sorte de VTT en dotation dans l armée hongroise, est à cet égard un bon exemple de notre démarche. Comme nous ne possédions aucun VTT répondant aux normes actuelles et que cela nous posait un grave problème, nous nous sommes résolus à améliorer les BTR en les rééquipant avec du neuf (appareils de vision nocturne, d aide au commandement et de transmissions notamment). Transformations en cours et efforts d adaptation de la Hongrie La mutation actuelle de l OTAN reflète un changement culturel et institutionnel de grande ampleur. Il s agit d une véritable course en avant, aiguillonnée par le besoin de disposer d une force de nature multinationale et interarmées, capable de se déployer là et quand il le faut, et disposant d un haut degré d interopérabilité en termes de conception et d action. Dans le domaine militaire, cette mutation se traduit par des réorganisations, un renouvellement des équipements et une nouvelle approche capacitaire pour répondre aux défis actuels. Tous les Etats membres sont impliqués dans ce mécanisme d exploration et d adaptation qui devrait permettre à l Alliance de relever ces défis dans un environnement stratégique nouveau et incertain. Pour sa part, au cours des quinze dernières années, la Hongrie est passée d une armée de masse à une force d intervention capable de se déployer, opérationnelle, efficace, et prête à répondre à l émergence de nouvelles menaces. La réforme des structures et des fondamentaux de l armée hongroise ne s est pas faite d un seul coup. C est au contraire le fruit d une longue et difficile gestation. A titre d exemple, les effectifs de nos forces armées, personnes au début des années 90, ont été réduits pas à pas et en fonction de l évolution des problèmes de sécurité sur la scène internationale. Les orientations du gouvernement hongrois en matière de défense incluent la professionnalisation des forces, une intégration aussi rapide que possible au sein de l OTAN (interopérabilité totale), l identification de nouveaux besoins, le lancement d un programme de modernisation technique, et le développement de systèmes d armes. En plus de ces programmes en cours d exécution, les forces armées hongroises doivent faire face à de nouveaux besoins pour rester en phase avec les récents changements intervenus au sein de l OTAN et le processus de mutation qui en découle. Formées de volontaires, les forces armées hongroises sont actuellement en cours de professionnalisation. Tout en mettant l accent sur la création d une force de type corps expéditionnaire, cette réforme ne néglige pas pour autant la nécessité de conserver également une capacité de défense purement nationale. A cet égard, il importe que les programmes de développement consacrés à notre évolution vers une interopérabilité totale avec les forces de l Alliance ou d autres MARS DOCTRINE N 11

70 coalitions, restent fiscalement supportables et compatibles avec les contraintes du budget national. A l expérience et pour faire court, on peut dire que la professionnalisation implique : - des ressources considérables (en particulier quand le temps presse) ; - un plan de mise en œuvre clair ; - et des délais pour assurer la transition dans des conditions acceptables. Durant la transformation de nos forces armées, des bataillons d infanterie légère ont été créés, une armée de l air efficace a été mise sur pied dans le cadre du programme NATINEADS 4, et la logistique nationale est devenue capable de déployer et de soutenir nos unités à l étranger. Lié à la professionnalisation, un nouveau système d entraînement a également été créé. L instruction militaire se réfère désormais aux doctrines, procédures et techniques en vigueur à l OTAN. Le programme d intégration de l OTAN 5 nous a également permis d atteindre le niveau d interopérabilité requis pour opérer dans un tel cadre. A noter que ce programme a été spécialement mis sur pied pour coordonner l intégration des forces armées hongroises au sein des structures de l OTAN. La liste des critères d intégration afférents nous a largement aidé à définir les capacités militaires à prendre en compte, tant pour la création d une force d intervention que pour l amélioration des aptitudes au combat des formations des forces armées hongroises (FAH). Ce plan d intégration traitait des problèmes de disponibilité en matériel, de la coopération entre les étatsmajors de l OTAN et ceux des FAH 6, ainsi que des moyens et méthodes permettant d assurer leur développement. Il fixait également le cadre des besoins en interopérabilité pour l intégration, les moyens et possibilités d y parvenir, et un échéancier. En fait, le programme d intégration comportait quatre volets pour lesquels les FAH se devaient d améliorer la situation : la formation, l entraînement et la préparation opérationnelle, les exercices et la planification opérationnelle et de défense. Tel que négocié avec AFSOUTH, le processus d intégration prévoyait deux phases. La première est terminée. La Hongrie a en effet prouvé qu elle avait atteint de niveau d intégration intermédiaire en participant HUNGARIAN MINISTRY OF DEFENCE avec succès à l exercice DEDICATED PHA- LANX 05, et le fait a été entériné l année dernière par les autorités compétentes de l OTAN. La seconde, celle du niveau d intégration totale, est prévue à l échéance de Résultats obtenus par la Hongrie en termes d interopérabilité La mission principale de nos forces armées est de protéger l indépendance et la souveraineté de l état hongrois ainsi que le patrimoine économique et culturel de la nation, par tous moyens, en tous temps et en toutes circonstances. Elles remplissent cette mission générale de défense en étroite coopération avec l OTAN et l EU. Dans le cadre du plan de développement de son armée, la Hongrie essaie de privilégier les secteurs où, dans leur ensemble, les forces de l Alliance présentent aujourd hui des déficits notoires. C est la raison pour laquelle nous avons élaboré une liste de capacités particulières dans le cadre des réorientations pour la défense relatives à l exercice Cette liste non exhaustive, mais conforme aux engagements de Prague en termes de capacités 7, comprend notamment : la purification de l eau ; le franchissement, la police militaire et la décontamination NBC. Depuis la publication d une nouvelle directive, nous avons également renforcé notre structure CIMIC en vue d un engagement dans un contexte de réponses aux situations de crise 8. Enfin, en analysant la situation stratégique actuelle, en Afghanistan et en Iraq par exemple, la Hongrie s est décidée à mettre sur pied une équipe cynophile pour la détection des explosifs en estimant qu elle pouvait être utile dans la lutte contre les engins explosifs improvisés 9. Quoiqu il en soit, la modernisation des forces est un processus sans fin. C est ainsi qu en tirant les enseignements des opérations en cours, la Hongrie a relevé des faiblesses en matière de protection des forces (les siennes et celles de l Alliance). Elle est donc en train d examiner la possibilité d entraîner et d équiper une compagnie d infanterie type, spécialisée dans ce genre de missions. Naturellement, nous intégrerons cette unité un peu plus tard dans notre structure de forces, et on s en servira comme catalyseur pour l ensemble de leur processus de transformation. La Hongrie soutient le concept NRF 10 (MC-477) depuis le début et elle a toujours prêté une grande attention aux efforts de l Alliance. Dans le cadre de leur plan décennal de transformation, les autorités hongroises envisagent donc de participer aux rotations prévues pour les unités intégrées de cette force de réaction OTAN, à hauteur de 300 hommes par période d activation (valeur plafond). Compte tenu de cette priorité et de l avis de la cellule de coordination du partenariat 11, nous nous sommes engagés en 2002 à fournir une compagnie de reconnaissance à longue portée pour DOCTRINE N MARS 2007

71 étranger le second cycle NRF. Pour les cycles suivants, nous avons choisi de combler un certain nombre de besoins identifiés par l Alliance en termes de spécialités et responsabilités partagée, en lui offrant nos services dans des domaines tels que la purification de l eau et la lutte anti-nrbc (laboratoire biologique inclus). Enfin, répondant au souhait exprimé par les autorités des pays membres, de diversifier le rôle de l OTAN en Afghanistan grâce à des équipes de reconstruction provinciales 12, la Hongrie s est engagée dans cette voie. Elle a d ailleurs relevé l équipe néerlandaise en octobre La coopération stratégique OTAN/EU implique que ces deux organisations développent leurs capacités réciproques de façon cohérente. Il convient en effet d éviter les redondances autant que l apparition de divergences de doctrine pouvant entraver les progrès de leurs forces armées sur la voie de l interopérabilité. Cette coopération doit être perçue comme une quête de synergie pour laquelle ces deux instances se doivent d exploiter toutes les occasions possibles. Devenue membre de l UE, la Hongrie a revu les hypothèses d engagement de ses propres forces et souscrit aux objectifs et à la mise en œuvre d une politique de défense et de sécurité européenne. A cet effet, les forces d intervention que la Hongrie met au service de l OTAN seront, en général, également disponibles pour des opérations placées sous l égide de l UE. A l instar du Battle Group de l UE, avec les missions qui peuvent lui être confiées, notre groupement tactique multinational devra être capable de couvrir tout le catalogue des missions approuvées par l UE à Petersberg (qui ne doit pas être confondu avec la notion de gamme intégrale de missions 13 propre à l OTAN). L Italie, la Hongrie et la Slovaquie se sont regroupées autour de ce projet de groupement tactique multinational, actuellement en train de monter en puissance. Pour sa part, la Hongrie s est engagée à y affecter un contingent de 250 hommes dans la seconde moitié de l année Il devrait consister en une compagnie d infanterie légère et des capacités d appuis et de soutien nécessaires au groupement. L unité est déjà identifiée sachant que nous avons tout intérêt à tirer parti de l expérience acquise au sein de la présente brigade multinationale, elle-même formée d Italiens, de Hongrois et de Slovaques. 1 Pays du partenariat pour la paix. 2 Peacekeeping English Project. 3 NDT. STANAG. 4 NDT. NATO Europe Integrated Air Defence System. 5 NATO Integration Program. 6 Forces armées hongroises. NDT: en réalité les auteurs utilisent le terme Hungary Defence Forces (HDF). 7 Prague Capabilities Commitments. NDT : catalogue de capacités que certains pays du PfP se sont engagés à développer au profit de l OTAN. 8 Crisis Response Operation (CRO). 9 Improvised Explosive Devices (IED). 10 NDT: NATO Reaction Force (Force de réaction de l OTAN). 11 NDT: Partnership Coordination Cell (PCC). 12 Provincial Reconstruction Teams (PRT). 13 Full Spectrum of Missions. Les futures opérations de l Alliance réclameront une intégration efficace et une coordination sans faille quel que soit le niveau des unités considérées. C est pourquoi il faut mettre l accent sur les progrès à accomplir dans les domaines de la cohérence et de l interopérabilité entre les membres de l OTAN, les pays partenaires et les nations désirant se joindre à une coalition de forces. Le gouvernement hongrois a l intention de transformer, rationaliser et réduire le format de son administration afin de diminuer son coût de fonctionnement. Il en résultera un certain nombre de changements pour les FAH en termes de structures et d effectifs. Nous avons besoin de moderniser nos capacités dans le domaine de la technique et celui des ressources humaines. Comment s y prendre? Il existe une bonne solution : celle de participer à des projets d actualisation transnationaux en jouant la carte du partenariat au niveau régional et au sein de l Alliance (équipements individuels, acquisition du véhicule tactique multirôle léger, C-4 ISTAR, etc.) Toutefois nos engagements et projets de développement à court terme (pour les années ) ne devraient pas être modifiés. Nous les mènerons à terme d ici 4 à 5 ans, y compris l accroissement du niveau d interopérabilité de nos forces. Nous comptons en effet sur ce plan pour faire de la Hongrie un partenaire crédible dans le domaine de l interopérabilité opérationnelle. MARS DOCTRINE N 11

72 Exemples de différentes formes d interopérabilité (terme récent) ou de coopération militaire bilatérale au XX e siècle Intégration militaire et divergences politiques : Français et Britanniques au Moyen-Orient pendant la Première Guerre Mondiale La France, protectrice traditionnelle des chrétiens d Orient et qui possède d importants intérêts économiques tant dans l Empire turc qu en Egypte, intervient au Moyen-Orient et en Méditerranée orientale dès que Constantinople rejoint la Triplice en novembre L échec de l expédition des Dardanelles en 1915, puis la lente montée en puissance du corps expéditionnaire de Salonique sont des épisodes bien connus de la Première Guerre Mondiale. Notre mémoire collective a par contre oublié jusqu au souvenir de détachements militaires français engagés dans cette région du monde aux côtés des Britanniques, principalement la Mission militaire française du Hedjaz, dans la péninsule arabique, et le Détachement français de Palestine - Syrie (D.F.P.S.), sur le front du canal de Suez puis en Terre Sainte. Si la première, dont l effectif reste limité, conserve son autonomie de manœuvre sous le commandement du colonel Bremond, le second, aux ordres du colonel de Piépape, est totalement inséré au sein de l Eastern Force de l Egyptian Expeditionary Force (E.E.F.), futur armée britannique de Palestine. Son emploi relève donc de l état-major du général britannique commandant en chef sur ce front et, à titre, illustre les fluctuations des relations politiques et diplomatiques entre Paris et Londres au Levant. L histoire de leur engagement pose une question de fond, à laquelle trop souvent l on se garde de répondre : l interopérabilité relève-t-elle du domaine technique (mise en commun de ressources, travail d état-major, etc.) ou de la conception politique (effet final recherché et objectif national à atteindre)? Evolue-t-elle au hasard des vicissitudes diplomatiques? La constitution d un puissant Etat arabe, sous influence anglaise, ne peut que nous réserver des difficultés dans l avenir peut-on lire en conclusion d une Notice sur la mission militaire française d Egypte rédigée par la section d Orient de l état-major de l armée en juillet 1917 alors que Paris dévoile ses ambitions au Levant, euphémisme qui illustre toutes les ambiguïtés sur ce théâtre. PAR LE LIEUTENANT-COLONEL RÉMY PORTE, DIRECTEUR DE LA RECHERCHE AU SHD-TERRE DOCTRINE N MARS 2007

73 retour d expérience Création et déploiement du D.F.P.S Le gouvernement français ayant décidé, en raison de l avance anglaise au Sinaï, que des troupes françaises participeraient à l occupation des territoires conquis en Palestine et en Syrie, le ministre de la Guerre prescrit le 28 janvier 1917 la constitution du Détachement français de Palestine. Débarqué à Port- Saïd, et sa constitution ne lui permettant pas d être utilisé aux opérations actives, il reçoit des autorités britanniques la mission d assurer la protection d une partie de la voie ferrée d El Arisch et la garde de Khan Yunus, agglomération indigène en arrière du front. Il fournit également à El Kantara une commission de gare et à Port Saïd un petit dépôt. Le détachement français est ainsi contrôlé dans une structure militaire alliée qui remplit une mission de commandement territorial et de circonscription administrative. Il relève de trois autorités différentes qui agissent indépendamment aux ordres de l étatmajor du Caire : son action s exerce strictement dans le cadre du commandement des lignes arrières britanniques et ne peut se développer qu en fonction de décisions politiques. En l absence de menace directe de l armée turque, le colonel de Piépape réduit le nombre et le volume des postes de garde statique et des patrouilles. Il prélève sur sa substance les unités nécessaires à la constitution d une colonne mobile, dont l instruction est rapidement conduite. Présentée le 14 août 1917 au général Allenby, elle impressionne favorablement le commandant en chef britannique sur le théâtre et se voit destinée à apporter éventuellement un concours aux troupes britanniques, soit en soutenant une avance, soit en formant une flanc-garde. Plus de cinq mois après leur arrivée sur le territoire, les Français doivent à l action persévérante du colonel commandant le détachement de recevoir une éventuelle mission offensive : ils sont rattachés, le 7 septembre, à la Composite Force du général Watson, relevant du XXI e corps britannique sous les ordres du général Bulfin. Paris consent alors, puisque la France ne pouvait admettre que le pavillon anglais flotta seul dans des régions aussi manifestement d influence française, à une augmentation substantielle des effectifs. Le D.F.P.S. participe alors à la marche en avant de l armée britannique vers la Palestine, mais toujours sur les lignes de communication, dont il assure le service de protection. Cette mission, certes indispensable mais peu glorieuse, lui vaut cependant, au même titre que tous les contingents engagés dans les opérations (Sud-Africains, Australiens, Néo-Zélandais, Ecossais et Gallois ou soldats des Indes), précise le général Allenby dans ses mémoires, d entrer dans Jérusalem derrière le commandant en chef le 9 décembre Complexité des subordinations et influences multiples L accord franco-anglo-russe de mai 1916, complété en novembre 1917, dit accord Sykes-Picot, divise les territoires turcs du Moyen-Orient en zones d influence au prétexte de reconnaître et de protéger un Etat arabe indépendant ou une confédération d Etats arabes. Du côté britannique, l ensemble de la zone concernée relève en réalité d une seule autorité, le Bureau arabe du Caire, dont la responsabilité s étend d Aden en Mésopotamie et du Soudan en Syrie, chargé de la direction des affaires politiques au nom du Haut commissaire britannique en Egypte. Il témoigne d une remarquable unité de vue et d action. SHD MARS DOCTRINE N 11

74 Du côté français, la dispersion est de règle. Tandis qu à Paris s opposent les tenants d un effort quasi-exclusif sur le front du nord-est et les partisans d actions périphériques sur des théâtres supérieurs, les membres du gouvernement, les parlementaires, les hauts fonctionnaires des Affaires étrangères et les chefs militaires se divisent : faut-il renforcer l armée d Orient à Salonique, tenter un débarquement sur les côtes de Syrie ou renforcer la présence militaire française sur le front du Sinaï et de Palestine? L exemple le plus net en est fourni en 1917 par la longue mission d inspection générale des troupes françaises en Egypte, Palestine et Arabie du général Bailloud, qui se termine dans la plus complète confusion. Après avoir donné localement des ordres directs de déploiement au D.F.P.S., dont les Affaires étrangères jugent qu ils n étaient nullement conformes aux conceptions du Haut commissaire français en Palestine, Bailloud envisage avec le général Allenby, commandant en chef britannique, l envoi de métropole de deux divisions françaises pour coopérer à l action projetée contre Gaza. Tandis que l état-major général à Paris et le G.Q.G. à Chantilly ont des avis divergents sur la question, le ministre des Affaires étrangères intervient personnellement pour défendre le projet de débarquement en Syrie et rappeler que la France doit s abstenir de fournir au gouvernement de Londres des arguments contre un projet qui est conforme à [nos] intérêts et que certaines préoccupations d ordre exclusivement anglais pourraient seules l inciter à combattre. Le gouvernement regrette cette initiative de son général, considère que son activité n a pas toujours été heureusement inspirée et le Président du Conseil, ministre de la Guerre, lui adresse un sévère rappel à l ordre. Tous les rapports de synthèse soulignent en des termes voisins, entre 1916 et 1920, que la rage de la diplomatie individuelle nous reprenant, toute directive unique venant d en haut nous faisant défaut, chacun a poursuivi sa tâche suivant ses tendances individuelles et ses sympathies personnelles. Les relations avec les officiers britanniques Au-delà des questions théoriques et doctrinales, la réalité de l interopérabilité dépend d abord de la qualité des relations humaines entretenues entre les officiers des différentes nations. Si les contacts franco-britanniques individuels sont empreints de courtoisie et peuvent prendre un caractère amical, les relations fonctionnelles sont chargées de défiance, voire d hostilité. Les termes directs employés par les responsables français dans les rapports qu ils adressent à la section d Orient de l étatmajor ne laissent aucun doute. Quelques exemples l illustrent : Figure devenue emblématique du puissant Bureau arabe, agent influent du général Clayton, commandant les services de renseignement britanniques dans la région et qualifié [d ] âme de la propagande anglaise en pays musulman et surtout arabe, le capitaine, puis major, Lawrence est défini comme étant sans mesquinerie mais, avec autant de résolution que de franchise, hostile à toute action française en Arabie, Syrie et Palestine. Le capitaine Llyod, directeur adjoint du service des renseignements au Q.G. de l armée britannique de Palestine, au civil l un des impérialistes les plus remuants de la Chambre des Communes, est le plus actif et le plus dangereux pour l influence française. Le général Chauvel, qui commande la Colonne du désert à laquelle va être subordonné le détachement français, a failli plusieurs fois, par lassitude, laisser échapper la victoire acquise. Il est par ailleurs mal secondé par son chef d étatmajor, le lieutenant-colonel Fergusson, qui est médiocre, tandis que son homologue de la 52 e division, le lieutenant-colonel Holdich, est sinon constant dans son humeur, du moins intelligemment serviable. L emploi du D.F.P.S. La défense du canal de Suez, puis la conquête du Sinaï s effectuent sans que des troupes françaises ne jouent un rôle actif dans les opérations, à l exception de quelques bâtiments de la Royale. Le Journal de marche du D.F.P.S., entre avril 1917 et juillet 1918, ne fait état que de fastidieuses missions de surveillance autour de la bourgade de Khan-Yunus et le long de la voie ferrée, puis en zone arrière de l Armée de Palestine. Les liaisons sont pourtant extrêmement régulières entre le colonel de Piépape et le commandement britannique : il ne se passe pas une semaine sans que des généraux anglais ne soient reçus au P.C. français ou que des officiers français ne visitent l état-major britannique. Les relations sont donc formellement correctes, mais Le Caire cantonne volontairement les bataillons et escadrons français dans des secteurs peu actifs pour des missions de second ordre. L augmentation considérable des besoins lors de la préparation de l ultime offensive à l été 1918 et l amicale pression de Paris sur Londres conduisent le général Allenby à pousser vers l avant le contingent français et à lui confier à partir du 15 juillet 1918 un secteur de 5 km de front entre les XX e et XXI e corps britanniques, auquel il est rattaché comme une division indépendante. C est dans ce cadre qu il se distingue lors des seules opérations actives auxquelles il participe, sous l étroite conduite de l état-major anglais entre le 18 septembre et le 3 octobre A la veille de l attaque, dans son ordre du jour n 144, le colonel de Piépape reste réaliste : Quelque modeste que soit sa part, il [le D.F.P.S.] est la représentation de l armée française. Malgré le renforcement récent des effectifs, son rôle est plus politique que militaire. Le front turc rompu, les Français emportent Three Bushes, Scurry Hill, Deir el Kussis. Le régiment mixte de marche de cavalerie (R.M.C.) du D.F.P.S., intégré à une brigade de l Australian Mounted Division, prend Tul Keram par une manœuvre habile et audacieuse, puis Naplouse, Tibériade et remonte vers Damas. Au terme de deux semaines de campagne active, comme l écrit dans une de ses lettres le commandant Lebon, si le commandement anglais ne nous ménage pas ses compliments, et c est justice, il ne cède sur aucun point : les officiers français reçoivent des décorations britanniques, mais le général Allenby organise seul l administration des territoires conquis. DOCTRINE N MARS 2007

75 retour d expérience en particulier par les Britanniques. Le colonel de Piépape est remplacé par le général Gamelin et l appellation du détachement français transformée en celle de Troupes françaises du Levant. Au début de l année 1920, alors que la situation des unités françaises en Syrie- Liban est particulièrement précaire, l état-major souligne que nous pouvons être poussés à la mer, par un mouvement offensif venu de l arrière-pays et dirigé par nos anciens alliés les Hedjaziens, devenus nos ennemis par la très grande faute de nos voisins d outre-manche. SHD Un premier bilan Concurremment avec les troupes anglaises, le D.F.P.S. occupe la partie de la Syrie relevant de la zone d influence reconnue à Paris, mais l état-major note que les Anglais laissent s y développer une forte emprise chérifienne. Regroupé dans la région de Beyrouth et renforcé par quelques éléments venus de Chypre, d Egypte et de Salonique, il s efforce après l armistice de consolider la présence française, mais se heurte aux Bédouins et aux tribus arabes travaillées Au-delà de ses seuls aspects techniques ou des doctrines d emploi, toujours adaptables par un effort d équipement ou de formation, les résultats réels d une interopérabilité réussie sur le terrain relèvent bien d un choix politique national et de la bonne volonté du commandement supérieur de l allié le plus puissant de la coalition. LE DFPS Sous les ordres du colonel de Piépape, le Détachement français de Palestine - Syrie est constitué à l été 1917 des : - 5 e bataillon du 115 e régiment d infanterie territoriale, - 9 e bataillon du 1 er régiment de tirailleurs, - 7 e bataillon du 2 e régiment de tirailleurs, - 1 peloton de Chasseurs d Afrique, remplacé par un peloton du 1 er Spahis. - Services et soutiens : ambulance de montagne et hôpital de campagne, parc d artillerie, intendance, Trésor et Postes, etc. Il est ultérieurement renforcé par : - 2 batteries de 80 de campagne, - 2 compagnies de mitrailleuses, - 1 compagnie du Génie. Il reçoit ensuite avant l offensive de l automne 1918 : - 2 régiments d infanterie (dont 1 Régiment Arménien levé localement), - 1 régiment mixte de cavalerie (50% Chasseurs d Afrique, 50% Spahis), - 2 batteries d artillerie, - des services. Les effectifs totaux passent ainsi entre le printemps 1917 et l été 1918 de 67 officiers et hommes à 182 officiers et hommes. MARS DOCTRINE N 11

76 Peut-on parler d interopérabilité franco-américaine en ? L American Expeditionary Force sur le front du Nord-est Avril Alors que tous les belligérants avaient envisagé une campagne brève, la guerre dure depuis 32 mois. Longue, elle est devenue totale. La France est épuisée : la bataille de Verdun seule a fait plus de victimes que toute la guerre de De plus, l offensive française tentée au Chemin des Dames est un échec sanglant. Le soldat enthousiaste d août 1914 a disparu, il est devenu un poilu non seulement fatigué mais aussi démoralisé. Incontestablement, les armées traversent une crise. A ce moment déterminant de la lutte, l Entente a besoin d un relais pour entrevoir une issue favorable. Le conflit doit s élargir encore. L entrée en guerre des Etats-Unis suscite alors un immense espoir : Aussi bien à l arrière qu au front, le soldat français regarde de toute son âme vers l Ouest où paradoxalement il voit un soleil qui se lève. Objectivement, à cette date, l armée américaine ne constitue pas un outil militaire important : elle ne compte par exemple que soixante-dix avions. Pour devenir décisif, l énorme potentiel militaire des Etats-Unis doit être développé, ses unités instruites, ses officiers formés. Entre les Français et les Américains, l interopérabilité 1, terme apparemment anachronique puisque récent, est-elle néanmoins une réalité historique? Examinons, de façon succincte dans ce cadre, les fondements et les formes mais aussi les buts de la coopération entre les deux armées. PAR LE CAPITAINE ALEXIS NEVIASKI, S.H.D. - TERRE - RECHERCHE Les fondements de la coopération L accord initial SHD Les Américains entrent officiellement en guerre aux côtés de l Entente le 6 avril Toutefois, c est au cours de la mission du maréchal Joffre aux Etats-Unis (26 avril - 14 mai) que les modalités de l inter-vention se précisent véritablement. Le rapport préparatoire stipule que le but poursuivi par la France est de mettre sur pied une grande armée américaine qui combatte à ses côtés immédiats. La mission française est un succès. Bien qu il ne s exprime pas lui-même en anglais, le vainqueur de la Marne fait preuve d une telle ardeur communicative qu il parvient à convaincre ses interlocuteurs. Le 14 mai, un accord est conclu. Dans un premier temps, un corps expéditionnaire de combattants doit débarquer en France durant la première semaine de juin. DOCTRINE N MARS 2007

77 retour d expérience Ensuite, une mission militaire française envoyée en Amérique doit participer à l instruction élémentaire des unités, auxquelles une formation complémentaire est dispensée après leur arrivée en France. Dans le même temps, les officiers américains participent à des stages et des visites sur le front. Enfin, dès que possible, techniciens rejoindront l Europe (service automobile, chemin de fer, santé...). Indubitablement, cette mission inaugure une nouvelle phase des relations militaires franco-américaines. Le nombre de soldats venus d outre-atlantique est d ailleurs rapidement beaucoup plus important que ne le prévoit l accord Joffre - Baker. En novembre 1918, l effectif du corps expéditionnaire américain atteint hommes : une nouvelle armée est née. Puisque les uns et les autres sont appelés à travailler ensemble, la coordination entre alliés nécessite une compréhension mutuelle qui reste difficile. Coopération choisie ou coopération subie Alors que les premiers sammies ont débarqué depuis plusieurs mois, les généraux français en contact avec l armée américaine établissent leurs rapports. Tous soulignent la différence de mentalité entre les deux peuples. Le général Boyer, commandant la 52 e division d infanterie, est direct : les Français et Américains n ont pas la même mentalité. Cette différence est explicitée par le général Tanant, commandant la 33 e D.I., selon lequel plus que la différence de langue, la façon de voir les choses crée des difficultés entre nous. Non seulement nous ne parlons pas la même langue, mais encore nous ne parlons pas le même langage. L éducation militaire n est pas la même. il me paraît cependant que les états-majors ont, ( je ne dirai pas à apprendre mais tout à apprendre ) De son côté, le chef de la mission militaire française près l armée américaine a la même vision des choses. Ainsi, il se croit devoir exposer certaines constations au sujet de la mentalité américaine. En effet, les relations des différents officiers avec nos alliés ont permis de constater que certains traits de mentalité sont tellement accusés et irréductibles qu il est impossible de ne pas en tenir compte dans les relations. Il apparaît notamment que tous (les Américains) ont le sentiment profond de la supériorité de leur pays, qu ils considèrent dans les circonstances actuelles comme l arbitre de la situation en raison de ses énormes ressources en hommes, en argent et en ravitaillements de toute nature, en face des autres nations de l Entente plus ou moins épuisées par la durée de la guerre. Ils n expriment pas généralement ces sentiments ; il n en résulte le plus souvent aucune morgue dans leur rapports qui sont cordiaux mais ils inspirent tous les actes et toutes leurs décisions. En clair, sûrs de leur puissance, les Américains n acceptent pas facilement d être instruits par des Français. L appellation des instructeurs est modifiée et prend désormais le vocable d officiers informateurs. Ce changement pourrait ne constituer qu une anecdote sémantique. Il est particulièrement significatif et témoigne véritablement de l évolution de l esprit de la mission. Dans l absolu, l appel aux conseils des officiers français par le commandement américain n est plus automatique. Il est libre de la consulter ou non. Toutefois, ces inévitables difficultés ne remettent pas en cause la coopération franco-américaine qui prend des formes variées. Une coopération militaire multiforme La coopération matérielle L intervention américaine comporte un paradoxe. L Entente a besoin des contingents américains, mais l engagement des Etats- Unis menace de tourner court s il repose sur ses seules forces. En matière d armements lourds en particulier, les Américains bénéficient donc d un soutien considérable de la part des alliés et principalement des Français. Quelques années plus tard, en 1943, les rôles sont inversés et le général de Gaulle sait le rappeler à Eisenhower : au cours de la dernière guerre, la France a eu, quant à la fourniture d armes à plusieurs pays alliés, un rôle analogue à celui qu aujourd hui jouent les Etats-Unis (...) Pendant la Première guerre, vous, Américains n avez tiré au canon qu avec nos canons, roulé en char qu avec nos chars, volé en avion que sur nos avions. Inéluctablement, l utilisation par l armée américaine du matériel français engendre l adoption et l apprentissage des règles d emploi correspondantes. Après avoir demandé la fabrication de avions de chasse et autant de bombardement, le représentant français à Washington fait savoir que le gouvernement américain envisage l adoption de nos méthodes de tir anti-aérien. De plus, le choix américain d utiliser les canons français implique la livraison des munitions (la première commande de 155 court Schneider est doublée d un approvisionnement initial de 750 coups par pièces) mais aussi la mise en place des unités de maintenance, qui sont non seulement instruites par les Français mais en reprennent l organisation. La coopération matérielle ne correspond donc pas uniquement à la livraison d outils mais implique également la fourniture de services et de prestations aux formes multiples, qui influent puissamment sur la formation et l emploi des régiments et divisions. Au-delà, organiser et former Petite armée avant son entrée en guerre, l armée américaine doit totalement modifier ses méthodes de travail, non seulement en vue de son prochain engagement au combat mais aussi parce qu elle atteint désormais un format qu elle n a jamais connu. Dès le mois de mai 1917, une réorganisation complète des états-majors est envisagée. En effet, l état-major américain n a ni premier ni troisième bureau proprement dits, et les directions ne lui sont pas subordonnées. Il en résulte que les questions primordiales d organisation et d instruction de l armée sont réparties entre des officiers peu nombreux qu absorbent par ailleurs des questions très différentes. Français et Américains mènent ensemble la réflexion ; il me paraît cependant que les états-majors ont, je ne dirai pas à apprendre mais tout à apprendre écrit le général Hirschauer. Tandis que celui de la 2 e D.I. U.S. est arrivé avec un nombre insuffisant de secrétaires et sans les moyens de travail nécessaires (une seule machine à écrire, pas de papier...), l officier de liaison près la 3 e D.I. U.S. expose une situation plus inquiétante : le travail d état-major est encore peu ordonné. La notion de temps n existe pas ; les comptes-rendus envoyés au CA arrivent une heure ou deux en retard. Les MARS DOCTRINE N 11

78 disparus. Le général Bordeaux, commandant la 18 e DI, et de nombreux détachements français viennent saluer ces premiers morts qui font réellement entrer les Etats-Unis dans la guerre. SHD pièces ne sont pas enregistrées, les ordres se perdent constamment. Progressivement, les procédures françaises sont adoptées. Français et Américains travaillent ensemble dans une confiance totale. A la 2 e D.I. U.S., par exemple, la formation est développée, complétée, par imitation, par capillarité. Chaque officier américain se documente sur le travail fourni quotidiennement par l officier français dont les missions sont analogues aux siennes. Alors qu ils étaient initialement séparés par des cloisons étanches, il faut du temps pour que les bureaux apprennent à travailler ensemble. L instauration de conférences journalières de coordination et d information devient une habitude même si il n y vient qu un nombre d officiers toujours inférieur aux prévisions faites (...) il ne semble pas que les officiers américains considèrent ces séances comme essentielles. Ainsi encadré, les états-majors progressent et prennent des habitudes d ordre, de respect des horaires... Enfin, la prochaine entrée en ligne de l armée américaine sur le front occidental implique certaines harmonisations notamment dans le domaine des transmissions où sont adoptées des mesures destinées à permettre le fonctionnement sans brouillages réciproques des divers réseaux voisins : affectation de longueurs d onde convenablement échelonnées, choix d indicatifs d appel, etc. Mener conjointement les opérations Combattre côte à côte... Conformément à ce qui a été convenu, les premières unités américaines débarquées en France sont binômées avec leurs homologues françaises. Les sammies, qui n ont pas encore l expérience du combat, passent de l instruction théorique à la formation pratique. La 47 e DI française parraine par exemple la 1 re D.I. U.S. Chaque jour, les nouveaux frères d armes creusent ensemble des tranchées, plantent des réseaux, patrouillent, manœuvrent, s exercent au maniement des armes et tirent. L instruction progressive s achève par une mise en situation. Les Américains effectuent, selon l expression du général Hirschauer qui commande le 9 e corps d armée, un service aux tranchées : Il est très court en première ligne : deux jours ; j ai constaté que cette infanterie veille très attentivement ; de nuit, cette attention va jusqu à la nervosité. Les travaux de terrassement s exécutent mais nullement on sent que la troupe, officier compris, n en saisit toute la nécessité. Puis la 1 re D.I. U.S. exécute un stage à la 18 e division d infanterie à l est de Nancy. Ses unités d infanterie s intercalent à tour de rôle entre les formations équivalentes de la division française. Derrière les bataillons américains, se placent des batteries américaines ; en cas d attaque, les tirs se superposent puis, lorsqu ils sont réglés, les Américains prennent à leur compte la totalité de l appui direct. Le 3 novembre, aux côtés des Français, les Américains connaissent leur baptême du feu et du sang. A l aube, après un sévère duel d artillerie, les Allemands s élancent sur un petit poste de première ligne tenue par des soldats du 16 e R.I. U.S. Surpris, d abord écrasés sous le nombre, les Américains réagissent et chassent l assaillant qui se replie. Les pertes, au cours de cette première action, s élèvent à trois tués, cinq blessés et douze Avec l offensive allemande du mois de mars 1918, les Américains renoncent momentanément à la constitution d une armée autonome et mettent toutes leurs forces à la disposition du général Foch. L amalgame franco-américain se généralise. Les sammies se couvrent de gloire. En juin, notamment la 4 e brigade de Marines est cité à l ordre de l armée pour le combat du bois de Belleau, repris à l ennemi grâce à son courage brillant, la vigueur, l allant, la ténacité de ses hommes, qui ne se sont pas laissé rebuter par les fatigues ni par les pertes. De même, le 1 er juillet, la 3 e brigade est citée pour avoir brillamment enlevé le village hautement symbolique de Vaux. Ou de façon autonome? Les Français, caustiques et parfois condescendants envers ces frères d armes qui ont tout à apprendre, portent progressivement un autre regard sur les sammies. Les Américains disposent maintenant d une armée véritablement opérationnelle. Ceci peut expliquer, au plan militaire, la décision fondamentalement politique prise le 21 juillet 1918 au CQG du général Foch. Après une série de malentendus, de différends voire de prises de position contradictoires, le général Pershing obtient ce qu il réclame depuis de nombreux mois : la création de deux armées américaines autonomes, capables de tenir seules une partie du front. La I re armée US relève la VI e armée française sur la Marne, tandis que la II e armée US s intercale dans la région de Saint Mihiel entre les II e et VIII e armées françaises. Les Américains sont désormais des partenaires à part entière. Plus encore, le nombre de combattants qui ne cesse pas de croître leur confère un rôle décisif dans les offensives qui s annoncent. Cette nouvelle organisation nécessite que les Français fournissent de nouveaux matériels, notamment des moyens d artillerie. DOCTRINE N MARS 2007

79 retour d expérience Le 17 août, Foch satisfait la demande de Pershing. Il prélève et met à la disposition des Américains les personnels et matériels demandés : quatre-vingt-dix-neuf batteries de 75, cinquante-neuf batteries lourdes courtes, quatre-vingt-six batteries lourdes longues, trois cent soixante-quinze chars légers, une division aérienne et les munitions pour cinq jours de feu. L interopérabilité demeure même si l armée américaine est désormais autonome, prenant parfois des formes nouvelles. Non seulement la France équipe toujours largement l allié d outre-atlantique auquel elle fournit des services, mais, sur le terrain, poilus et sammies opèrent désormais conjointement, sous commandement US. Enfin, les états-majors divisionnaires américains travaillent maintenant en national... Mais les états-majors d armée reçoivent leurs ordres du nouvel état-major interallié, essentiellement armé par des officiers français : la coopération demeure, la subordination a, tout simplement, changé de niveau et de sens. 1 Selon le TTA 106 : Capacité de systèmes, de forces ou d unités à fournir ou accepter des services d autres systèmes ou unités ou forces et d utiliser ces services pour opérer ensemble. Références Archives de la Présidence du Conseil et du ministre de la Guerre ( ), de la Mission militaire française près l armée américaine ( ), du contrôle postal de la IIe Armée (1917), de l état-major des 9 e et 10 e corps d armée ( ). Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome II, l unité, , page 116, Plon, Paris 1956, 712 pages. Durant les années , la coopération franco-américaine a effectivement pris la forme de l interopérabilité telle que nous la définissons aujourd hui. Malgré les difficultés, les Français ont eu la capacité d offrir à leur grand allié des matériels et des formations extrêmement variés. De leur côté, les Américains ont accepté, voire intégré ces prestations puisque leur armée était à construire. La finalité de cette coopération militaire fut, selon des formes évolutives en fonction de la situation tactique, d opérer ensemble jusqu à la victoire. Le succès est donc avéré. Mais plus que de répondre à un simple besoin technique, cette interopérabilité nécessaire a tissé les liens d une indéfectible fraternité d armes dont le sacrifice des morts scelle un pacte d estime et de camaraderie. MARS DOCTRINE N 11

80 Le bataillon français de l O.N.U. (4 e bataillon du 23 e régiment d infanterie U.S.) en Corée Very few combat units in the course of the history can boast of as many feats of arms, témoigne le Major general Young, commandant la Second Infantry Division après la fin des combats. Oubliée ou ignorée du fait du poids de la guerre d Indochine dans la mémoire collective française, la guerre de Corée est pourtant l un des épisodes les plus marquants de la guerre froide. Les combats cessent le 27 juillet 1953 avec la signature de l armistice de Panmunjon : depuis trois ans, les forces armées coalisées de seize nations s efforcent de restaurer, sous commandement américain, l intégrité de la République de Corée. Venues d horizons les plus divers, ces troupes durent apprendre à travailler ensemble : difficultés inhérentes à la langue, au service des matériels et des procédures, aux conceptions doctrinales et à l évaluation de la capacité opérationnelle. PAR LE COMMANDANT ALAIN PETITJEAN, SHD - TERRE - RECHERCHE La déferlante communiste Le 25 juin 1950, 7 divisions nord-coréennes franchissent le 38 e parallèle hommes, appuyés par plus de 150 chars, pièces d artillerie, 200 avions, se lancent à l assaut. En face, la République de Corée (R.O.K.) n aligne que 4 divisions, aussi mal équipées que mal entraînées. Séoul tombe en deux jours, puis la poussée communiste s accentue rapidement vers le Sud. C est la première agression internationale ouvertement lancée depuis la création des Nations unies : de la détermination et de la réponse de l organisation internationale dépendent sa crédibilité. Aussitôt, le Conseil de sécurité, en l absence du délégué soviétique, invite les Etats membres à apporter aide et assistance à la République de Corée agressée. Le 27 juin, le président Truman donne l ordre aux forces de l Air et de Mer des Etats- Unis de donner soutien et appui au gouvernement coréen. L attaque contre le Corée indique clairement, au-delà de tout doute, que le communisme a dépassé le stade des mesures subversives pour conquérir des nations indépendantes et emploiera maintenant l invasion armée et la guerre. Un commandement des Nations unies est établi à Tokyo, sous les ordres du général Mac Arthur. A partir de la mi-juillet, le président sud-coréen place l ensemble des forces armées de son pays sous commandement opérationnel américain et les différents contingents nationaux s intègrent à tour de rôle dans un dispositif international totalement encadré, organisé et mis en œuvre SHD DOCTRINE N MARS 2007

81 retour d expérience aux normes américaines. Pour la première fois, une coalition militaire mise sur pied à l échelle planétaire est engagée et doit prouver sa valeur sur le terrain. La France ne peut pas être absente, mais les moyens sont comptés Quoiqu elle se remette difficilement de la Seconde guerre mondiale et que la majeure partie de ses dépenses militaires soit absorbée par la guerre d Indochine, la France est présente au rendez-vous : L état politique et social du monde est tel qu il nous a paru indispensable d être partie agissante dans le coup d arrêt qui est opposé aux forces d asservissement du peuple coréen... Notre choix vaut contre toute menace d assujettissement de l être humain. Au-delà de ces nobles principes, l objectif gouvernemental est d abord d obtenir un soutien matériel et financier des Etats-Unis en Indochine. L effectif du contingent français est presque symbolique à l échelle de la lutte qui s est engagée, mais c est un symbole fort qui lie politiquement Paris et Washington. Le 22 juillet 1950, la France met à la disposition des forces de l O.N.U. l aviso colonial La Grandière, des forces navales d Extrême- Orient, qui participe le 15 septembre au débarquement d Inchon. Le 25 août, le gouvernement décide d envoyer en Corée une force terrestre. C est la détermination des généraux Blanc et Magrin Verneret, dit Montclar, qui permet au projet d aboutir. Un bataillon d infanterie aux normes américaines, formant corps, à l effectif de 39 officiers, 172 sous-officiers et 806 hommes de troupe, est organisé sur la base du volontariat, à partir de personnels venus de toutes les unités de métropole et de l Union française, de toutes les armes et tous les services, d active et de réserve, entretenu par des renforts qui tous les deux mois compensent les pertes. Le bataillon est mis sur pied le 1 er septembre au camp d Auvours, près du Mans, sous le commandement du général de corps d armée Montclar, zingué lieutenant-colonel, secondé par le chef de bataillon Le Mire. A l effectif organique du bataillon est adjoint un état-major composé d observateurs, ayant vocation à rapporter les enseignements puisés à la source même des combats par des spécialistes et techniciens des différentes armes d une part et à épauler le bataillon Avec ce que me coûte ce bataillon, je pourrais ( entretenir trois bataillons en Indochine ) français (B.F.) de l O.N.U. dans ses relations avec les Américains d autre part : Il était bon d observer, sur place, la marche des actions militaires, l utilisation d engins nouveaux ; il était bon de réexaminer l application de quelques principes militaires fondamentaux et d essayer de déduire de tout cela, sinon un corps de doctrine complet, du moins des enseignements précieux pour l avenir. Ce côté de notre participation a donc pour cause une recherche technique dans les différentes phases de la guerre moderne souligne le lieutenant Bouttin. Cette structure bipolaire est également justifiée par l espoir d une augmentation progressive des effectifs du bataillon, pour atteindre ceux d un régiment, voire d une brigade, comme les Britanniques et les Turcs. Rentré en France au printemps 1951, Montclar tente à nouveau de persuader le chef d état-major des armées qui répond négativement : Avec ce que me coûte ce bataillon, je pourrais entretenir trois bataillons en Indochine. De fait, à part les munitions, tous les frais engagés en Corée sont à la charge du budget métropolitain. Il convient de souligner le rôle particulier de cet état-major qui, dès le début de l engagement, a entamé un travail de fond relatif à l organisation et à l emploi de l armée américaine en temps de guerre et entrepris l analyse du conflit coréen dans toutes ses dimensions. Mise en condition opérationnelle Le 1 er bataillon français de l O.N.U. débarque à Pusan le 29 novembre 1950, alors que les volontaires chinois viennent de lancer leur offensive au-delà du fleuve Yalu, en direction du 38 e parallèle. Le bataillon est dirigé vers Taegu, où est installé l United Nations Receipt Center 1. Dans cet immense ensemble de dépôts, à travers le dédale des tentes et baraques provisoires, appliquant le système D, les Français trouvent rapidement leurs marques en chipant ça et là les éléments nécessaires à leur confort. Ce Camp Walker a été créé pour habiller, armer et familiariser les unités alliées avec les matériels de l armée américaine. La seule entorse à cette acculturation est l expérimentation réussie du LRAC français modèle 1950 sur des carcasses de T 34. Constituées de volontaires venus de tous les horizons, les compagnies se rodent sur le terrain, recherchant leur cohésion au contact des réalités : instruction sur l armement et séances de tir, marches, organisation défensive du terrain, aiguillonnées en permanence par leur chef qui connaît les vertus d une solide instruction de base. L organisation de ce véritable centre d intégration constitue un véritable défi pour l armée américaine : Les niveaux d entraînement des différents pays participants variaient dramatiquement. Certains avaient besoin de peu d entraînement. D autres, au contraire, étaient loin du compte. Les Français témoignent d une exceptionnelle capacité d adaptation. Ils découvrent en particulier les canons de 57 et de 75 sans recul, dont ils usent ultérieurement avec une grande efficacité. Le bataillon rejoint Suwon et devient Attached Unit au sein du 23 e R.I. U.S. de la 2 e D.I. Indianhead 2. Ce régiment vient d être sévèrement étrillé par les volontaires chinois sur la rivière Chongchon et a perdu un tiers de son effectif combattant. Les Français en constituent alors le 4 e bataillon et participe avec lui à toute la campagne. Pour être aux normes des unités américaines présentes, le bataillon français intègre une compagnie de soldats coréens. Ces Français, dont on ne voulait pas? Mal équipé contre le froid mais supportant des températures qui atteignent - 40 e, le B.F. est engagé le 25 décembre dans la guerre de mouvements qui se prolonge jusqu à l été Dès le 10 janvier, il connaît son baptême du feu à Wonju lorsqu il reprend la côte 247 à la baïonnette, s attirant dès sa première action de combat le respect des autres soldats alliés et réduisant ainsi à néant une désagréable réputation a priori de Français en déroute, datant de juin 1940 et qui rendait les colonels américains réticents à son encontre. Montclar résume pour le général Ridgway, commandant la VIII e Armée : Les Français, pourvu qu on leur en donne les moyens, savent se battre aussi bien que n im- MARS DOCTRINE N 11

82 De leur côté, les hommes de Montclar apprécient leurs camarades de combat, qu ils jugent formidables : Tout est fait pour créer et exalter l esprit de corps. On y emploie les moyens par lesquels, en une génération, on a créé le patriotisme américain. La 2 e Division est persuadée qu elle est la meilleure division de l Armée des Etats-Unis, le 23 e régiment qu il est le meilleur régiment de la division. Et nous sommes arrivés à nous en persuader aussi. Cette réputation n est pas démentie tout au long de la guerre, qu il s agisse de la phase de guerre de mouvement (Putchaeul, Inje, Crèvecoeur) ou de la guerre de positions (Arrow-Head, Punch Bowl). SHD Complémentarité des compétences Pour s intégrer au 23 e R.I.U.S., les Français ont dû assimiler les très nombreux Field Manuals de l armée américaine, qu ils soient tactiques ou techniques. Au combat, ils tiennent exactement leur place et leur chef ne manque pas de le leur rappeler : N oubliez pas, messieurs, que vous travaillez dans le cadre d un bataillon. Vous étalerez des théories de l école de guerre pour des étatsmajors de corps d armée. Toutefois, cette compétence du niveau supérieur n est pas inutile. A Crèvecoeur, face à l ampleur des pertes 3, en désespoir de cause, le colonel Adams sollicite l avis de Montclar. Le général Young, commandant la 2 e D.I. U.S. adhère aux arguments du chef français : à l assaut frontal qui échoue depuis des semaines, il faut préférer une manœuvre d envergure par les hauteurs, qui mène au succès. porte quel autre soldat au monde. Par la suite, il relativise toutefois cette action d éclat : Les gens se prennent pour le nombril du monde et rapportent tout à ce qu ils ont fait ; ils déforment par intérêt... En Corée, les charges à la baïonnette du bataillon ont éclipsé tout le reste. Et, même racontées à la mode 1914, elles auraient pu déconsidérer les chefs qui les avaient prescrites... Tous les livres étaient à brûler... Toutes les théories étaient fausses. C est véritablement la bataille de Chipyong Ni, du 3 au 13 février 1951, qui va faire connaître au monde les exploits du bataillon. Intégré au dispositif défensif du 23 e R.I. dans le secteur clef du X e corps pour stabiliser le front, il brise pendant trois nuits et deux jours les efforts de quatre divisions chinoises et prive ainsi l ennemi des renforts qui lui auraient été nécessaires dans son offensive sur Séoul. C est en cette circonstance que se révèle l une des plus belles manifestations du leadership, en la personne du colonel Paul Freeman qui, par son dynamisme et sa parfaite maîtrise des moyens disponibles, sait organiser la position et motiver ses subordonnés pour résister aux assaillants. Le bataillon français constitue la réserve de choc du 23 e R.I. U.S. et contre-attaque à de nombreuses reprises. En terme de capacité recherchée, l interopérabilité a été pleinement obtenue. Désormais, les Français sont prisonniers de leur gloire. Les succès du bataillon concourent à l établissement d une solide relation de confiance mutuelle avec les Américains. La cohérence de l action d ensemble est également atteinte par un système d abonnement des unités : Les unités de chars, d artillerie, de reconnaissance, de santé, de réparation restent centralisées à la division et sont réparties suivant les cas entre les différents régiments d infanterie. Elles forment alors les éléments du groupement tactique régimentaire. Ce sont toujours les mêmes éléments qui constituent ce dernier. Nous avons toujours eu la même batterie ou le même groupe d artillerie, la même compagnie et le même peloton de chars. La camaraderie de combat, la parfaite connaissance réciproque des uns et des autres qui peut alors se développer conduit au succès de l action et permet de pallier les difficultés nées de la langue. Le premier facteur d intégration dans une DOCTRINE N MARS 2007

83 retour d expérience opération multinationale réside dans la possibilité de s exprimer et de se comprendre. Les Français connaissent à plusieurs reprises des difficultés de liaison avec le commandement et les appuis américains, dans la forme et sur le fond 4. Le commandement régimentaire nous adressait des ordres qu il nous était difficile parfois de comprendre, mais que nous étions mis en demeure d exécuter, rappelle avec ironie le lieutenant Bouttin. Ambassadeur des forces armées françaises aux côtés de quinze autres nations, le B.F.- O.N.U. a rempli toutes les missions militaires qui lui ont été confiées et a parfaitement joué son rôle politique au sein de cette première grande intervention internationale. De 1950 à 1953, il témoigne de sa capacité à se conformer aux procédures et techniques en vigueur, à s intégrer aux plans opérationnels. Mais si l interopérabilité des moyens et des méthodes demeure non seulement une nécessité mais un impératif, elle ne doit pas induire celle des âmes et des cultures. Chacun conserve sa spécificité, les caractéristiques et les points forts de ses particularités nationales : Oui à l interopérabilité, non à l alignement... philosophique 5. Cette réflexion récente rejoint celle portée, en 1952, dans le Saturday Evening Post, par Harold Martin qu il est intéressant de citer longuement : Ces Français apportent dans la guerre de Corée un je ne sais quoi que personne d autre ne pourrait donner et que rien ne pourrait remplacer, un allant et une verve que seuls les Français peuvent inventer... Ils n ont pas l air de s ennuyer ni de râler contre le sort ; puisque c est la guerre, eh bien! ; ils la font et autant que possible avec bon cœur. Ils bousculent parfois nos méthodes, ils roulent à toute vitesse aussi bien à gauche qu à droite sur les routes gelées, mais ils savent aussi grimper les pentes les plus dures avec leurs mitrailleuses sur le dos et ne se contentent pas d envoyer une patrouille sur le sommet mais y font passer tout le bataillon... Ils savent mieux que nous creuser des trous de combat confortables où ils attendent, à l aise, leurs armes propres et leurs grenades rangées devant eux sur une planchette, prêts à recevoir l ennemi. Comme le dit le colonel commandant le 23 e Regimental Combat Team : Lorsque vous les mettez en défense, vous pouvez être sûr qu ils tiendront ; lorsque vous leur montrez un sommet dont il faut s emparer, vous savez qu ils arriveront dessus ; vous pouvez partir deux jours, l artillerie et les vagues ennemies peuvent se déclencher sur eux, mais quand vous revenez, les Français sont toujours là!... Ils n ont pas la même allure que les autres, avec leurs barbes au vent ; ils escaladent les rochers comme s ils devaient toujours arriver devant les premiers... Ils sont vraiment venus pour faire cette guerre et s ils malmènent un peu nos habitudes et nos règles, nous avons eu vite fait de les estimer comme les meilleurs compagnons d armes que nous puissions avoir à côté de nous. 1 Centre de réception des Nations unies, chargé d équiper et de former à l américaine les contingents internationaux mis à disposition de l opération. 2 Composition de la 2 e D.I. U.S. Indianhead ( Second to none ) : 9 e R.I. (dont bataillon thaïlandais), 23 e R.I. (dont bataillon français), 38 e R.I. (dont bataillon hollandais), 612 e bataillon de chars Tank Destroyer, 741 e bataillon de chars, 12 e, 15 e, 37 e et 38 e bataillons d artillerie de campagne, 462 e bataillon d artillerie sol-air, 2 e bataillon du génie de combat, 2 e bataillon médical hommes, dont 60 tués et 207 blessés pour les Français. 4 L affectation du chef d escadron Michelet, diplômé depuis 1949 du Command and General Staff College de Fort Leavenworth, permet d atténuer ces difficultés. 5 Général de Giuli, in CDES, La place et le rôle des forces terrestres dans la résolution des crises, Forum du 8 juin Références : Lieutenant Jacques Bouttin, Bataillon Montclar, Paris, éditions du Scorpion, 1961, 191 pages. Edme de Vollerons, Le général Montclar, un condottière du XX e siècle, Paris, Economica, 2000, 178 pages. A. L. Hinshaw, Heartbreak Bridge. Korea 1951, New-York, Praeger, 1989, 146 pages Général de Giuli, in CDES, La place et le rôle des forces terrestres dans la résolution des crises, Forum du 8 juin Rapport du général Montclar sur la guerre de Corée. SHD, 7U297. La parfaite maîtrise des savoir-faire techniques et une excellente connaissance des procédures de combat, alliées à ce supplément d âme qui fait les grandes troupes, constituent sans doute le secret de l intégration réussie d un millier de Français dans un régiment américain. Le 9 octobre 1953, le B.F.-O.N.U. fait ses adieux à la 2e D.I. U.S. Il a perdu en Corée 12 officiers, 43 sous-officiers et 208 hommes de troupe, compte blessés et 7 disparus, et entre avec eux, derrière son chef, dans la légende. MARS DOCTRINE N 11

84 Les besoins en interopérabilité de la BFA à Kaboul La brigade franco-allemande a assuré le commandement de juillet 2004 à janvier 2005 du 6e mandat de la BMNK dans le cadre de la FIAS. Cette expérience opérationnelle dans un cadre complexe et exigeant a révélé de nombreux besoins en interopérabilité, élargissant son champ d application à de nouveaux domaines. La brigade a ainsi dû faire preuve d esprit d adaptation et de réactivité pour répondre à ces attentes. Cet engagement aura également conforté l intérêt de disposer de façon permanente de grandes unités bi/multinationales. Celles-ci, confrontées dès le temps de paix aux enjeux de l interopérabilité au quotidien, sont mieux à même de répondre de façon efficace aux exigences des engagements dans un cadre multinational de plus en plus fréquent, tout en percevant parfaitement les limites au-delà desquelles il n est ni souhaitable, ni raisonnable d aller. PAR LE COLONEL ARNAUD SAINTE-CLAIRE DEVILLE EMA/ESMG-P 1 Une organisation complexe et un cadre exigeant qui multiplient les besoins en interopérabilité Pour comprendre les défis en terme d interopérabilité auxquels la brigade multinationale a dû faire face, il est indispensable de s attarder quelques instants sur deux de ses principales caractéristiques, liées à sa nature et à son cadre d engagement. La première caractéristique venant à l esprit est celle de la diversité. Elle est illustrée en premier lieu par les unités, venant de 24 nations différentes et mettant en œuvre de très nombreuses fonctions opérationnelles, dont certaines peu courantes au niveau tactique considéré. L état-major reflète également cette grande diversité, regroupant pour un effectif de plus de 250 personnes pas moins de 28 nationalités. Sa forte coloration francoallemande, s appuyant sur un important noyau clé de la BFA, a heureusement permis de faciliter la cohésion de l ensemble (cf. figure 2). La seconde caractéristique est la place centrale des acteurs extérieurs qu ils soient DOCTRINE N MARS 2007

85 retour d expérience afghans ou américains. Ces derniers interagissent en permanence avec la brigade, comme par exemple dans le cadre : - de la coopération locale, pour assurer la sûreté immédiate des emprises américaines situées à KABOUL même et donc dans la zone d opération de la brigade comme le quartier général du CFCA, - d opérations planifiées et conduites avec un fort souci de coordination à l occasion d évènements importants comme les élections, la prise de fonction du président KARZAI sans oublier les nombreuses visites de hauts responsables américains militaires ou civils (M. RUMSFELD, le SACEUR,...), sujettes à une sensibilité toute particulière, - de la mise à jour, du suivi et de l entraînement à la mise en œuvre d un certain nombre de COPs comme celui de l évacuation en cas de problème grave du Président KARZAI par des unités US, - sans oublier enfin les actions des forces spéciales US et autres OGA. nécessitant une grande coordination pour éviter toute méprise malheureuse. Le contexte particulier de la mission, orientée vers l assistance au gouvernement afghan, impose aussi une étroite collaboration avec les partenaires afghans de sécurité (armée (ANA), police (KCP), services spéciaux de l intérieur (NDS)). Cette courte description du cadre général de l action de la brigade porte en germe des besoins en interopérabilité, extrêmement nombreux et concernant des domaines variés. Sans prétendre à l exhaustivité, il semble intéressant de se concentrer à l aide d exemples significatifs sur les domaines d application décrits par la définition de l interopérabilité du lexique interarmées en traitant d une part des opérations, et d autre part des aspects concernant le matériel et l administration. Des besoins spécifiques, nécessitant des réponses classiques et de nouvelles pistes pour la réflexion et l action Opérations et interopérabilité Dès sa mise en condition opérationnelle à SUIPPES en juin 2004, la brigade avait fait le choix d appliquer l OPP en raison de son engagement dans un cadre otanien et pour faciliter l intégration des 30% de membres de l état-major venant d autres nations. Très vite, il est toutefois apparu que l application intégrale de la méthode telle qu elle est décrite dans le chapitre 4 de la GOP était fastidieuse et peu adaptée au niveau de la brigade. En conséquence, c est une OPP 2 simplifiée qui a été utilisée, adaptée au rythme des opérations et allégée d un certain nombre d étapes appartenant davantage au niveau opératif que tactique. MARS DOCTRINE N 11

86 La multinationalité très forte de la BMNK a imposé de facto une utilisation permanente de l anglais et ce à tous les niveaux. Ainsi la faiblesse initiale des opérateurs radio du JOC, malgré des mesures correctives prises sur place, nécessite à l avenir de faire un effort tout particulier sur les opérateurs radios de la compagnie d état-major par une formation en langue anglaise destinée à une population de militaires du rang. Optimiser l interopérabilité dans un milieu fortement multinational passe par la prise en compte au plus tôt dans les travaux de planification des règles d engagement propres à chacune des nations contributrices. En effet, derrière la belle unité proclamée devant le Conseil de l Atlantique Nord concernant la participation pleine et entière des pays à l action, se cachent de très nombreuses disparités quant à leurs règles d engagement. Celles-ci vont déterminer la marge de manœuvre du commandant d une brigade multinationale sur les unités OPCON ou TACOM placées sous son commandement. Sur un théâtre aussi sensible que celui de l Afghanistan, l état-major de la BMNK a dû très vite intégrer ces différences. Leur prise en compte dans les phases initiales de planification, ainsi qu une parfaite connaissance des circuits de décision, du temps de réponse et de la marge de chaque NCC sont indispensables si l on ne veut pas s exposer au risque toujours désastreux de refus d exécuter tel ordre de la part d une unité en raison de directives nationales. Les notions de initial draft, co-ordinated draft, prennent ici toute leur valeur et nécessitent une très grande anticipation de la part de l étatmajor. L entière capacité d une unité à exécuter un ordre d opération de brigade apparaît comme le critère premier d interopérabilité à satisfaire. La diversité et la complémentarité des moyens de la BMNK ont induit un haut niveau d exigence sur le plan de l interopérabilité des procédures. Ce dernier n a pu être atteint et maintenu que par la conduite quasi permanente et ce, au plus petit niveau, d exercices et d entraînement ayant pour but de les rôder parfaitement 3. L intégration des unités de renfort pendant la période des élections 4 a aussi été facilitée par des quinzaines de familiarisation (avant le TOA) en jumelant l ensemble des cadres de ces unités avec les unités permanentes et en les faisant participer à leurs activités. Créer un certain niveau d interopérabilité avec les partenaires afghans de sécurité a été un des objectifs majeurs de la brigade. En plus du travail au quotidien effectué par les unités, l état-major de la brigade a apporté une attention toute particulière à cet aspect en organisant par exemple des séminaires de réflexion et d échange pour préparer les évènements importants 5, en conduisant des exercices communs de postes de commandement et en activant une structure particulière de coordination lors de leur déroulement. La présence de très nombreuses équipes de liaison (jusqu à 14), détachées en permanence auprès des différents services afghans et quartiers généraux US, a également considérablement amélioré l interopérabilité. Matériel/administration et interopérabilité Le manque d interopérabilité en matière de liaison radio tactique 6 a été un handicap qui a été contourné par la mise en place de systèmes Matra sécurisés (boucle radio locale) permettant la viabilité du réseau tactique brigade avec des extensions toutefois réduites. La présence d une cellule G3 air en prise directe avec les moyens aériens américains a posé aussi de nombreux problèmes de communication qui n ont jamais été totalement réglés nécessitant la mise en place d éléments de liaison US lors des phases délicates. La section SATCOM française, intégrée dès les travaux préalables de planification, aura permis d assurer en revanche la redondance et la permanence des liaisons alors que la zone de la brigade s étendait 7. La montée en puissance de la brigade, malgré le fort engagement des organismes français et allemand concernés (CPCO- EinsFüKdo, CFAT-HFüKdo), a présenté quelques difficultés qui pourraient être surmontées par la mise en place d une structure ad hoc de montée en puissance auprès de l OHQ responsable, après désignation d une nation cadre. Cette cellule serait en particulier chargée du suivi de la mise en œuvre des protocoles d accord préalablement établis, couvrant les domaines de la projection et du soutien. Ces derniers obéiraient à une procédure d activation avalisée par les deux pays. Le choix d une structure budgétaire binationale s appuyant sur un MOU, discuté en amont, est un exemple réussi d interopérabilité administrative qui a permis une grande souplesse et une bonne réactivité sur place. Plus-value et limite d une unité binationale organique L interopérabilité en opération est un défi permanent qui nécessite réactivité et esprit d adaptation mais qui peut largement être optimisé en amont par une préparation rigoureuse et de longue haleine. Faire converger des cultures et des systèmes difficiles à concilier nécessite à la fois expertise et réalisme. Une grande unité binationale comme la BFA est confrontée depuis plus de 15 ans à ces enjeux. Au-delà des aspects techniques 8, la plusvalue d une grande unité binationale réside dans la capitalisation de l expérience humaine de la binationalité. La faculté à accepter, puis à comprendre une autre culture est le préalable indispensable sur lequel va se construire l interopérabilité des esprits. Admettre que l idée même de l effet majeur à la française puisse être totalement impénétrable à un esprit allemand et réciproquement que le concept d Innere Führung 9 laisse de marbre tout militaire français est un premier pas indispensable pour celui qui veut progresser dans ce domaine. Au-delà de la maîtrise de la langue, on ne peut commencer à parler d interopérabilité que lorsque l on a essayé et plus ou moins réussi à connaître et surtout à comprendre les modes de raisonnement de l autre. L expérience de la BFA a ainsi été particulièrement utile pour pouvoir intégrer les Allemands et les Français de l intérieur et a constitué un terreau favorable sur lequel s est forgé rapidement la cohésion de l état-major. Des raisonnements hâtifs pourraient conclure que l interopérabilité est proportionnelle au degré d intégration et de binationalisation de la grande unité. L expérience acquise par la BFA, que vient confronter son séjour à KABOUL, s inscrit en faux face à ce type de conclusion. En effet, amplifiant des phénomènes observés en temps de paix, l engagement de la brigade à KABOUL pose clairement le problème de la limite au-delà de laquelle il n est pas souhaitable d aller en terme de bi/multinationalité des unités au regard de leur capacité opérationnelle effective. Pour la mêlée, il semble peu DOCTRINE N MARS 2007

87 retour d expérience BFA réaliste de descendre sous le niveau du bataillon de façon permanente, ce qui n interdit pas des détachements ponctuels d éléments d autres nations en fonction de la situation, du type de la mission et sous réserve d avoir pu conduire des exercices d entraînement basés sur des procédures communes. Une granularité plus fine est possible pour les unités d appui et de soutien. Il ne faut enfin surtout pas perdre de vue que la vie en commun, 24 heures sur 24 d unités mixtes de petit niveau, peut être source de problèmes humains parfois difficiles en raison des problèmes de langue et d habitude culturelle Ancien CEM de la BFA ( ). 2 Cette méthode est également utilisée par la brigade dans le cadre de son tour d alerte NRF (juillet à décembre 2006). 3 La coopération de la patrouille d AH 64 avec les unités au sol du niveau groupe/section a ainsi été particulièrement travaillée. 4 Un bataillon italien et une compagnie US sur une période de 3 mois environ. 5 Élection présidentielle et prise de fonction du président KARZAÏ. 6 Actuellement en passe d être résolu à la brigade, par la mise en place de passerelles permettant la comptabilité entre le PR4G et le SEM93. 7 Extension de la zone d opération à l ensemble de la province de KABOUL à partir d octobre Ces derniers ne sont pas des moindres et sont souvent difficiles à surmonter comme en témoignent les expériences difficiles de la BFA dans certains domaines comme les SIC ou les aspects juridiques. 9 Terme intraduisible en français qui s apparenterait à notre concept de FMG. 10 Le cas de la compagnie d état-major de la BFA, exemple concret de mixité permanente d une unité élémentaire, déjà délicat à vivre au quartier, a montré ses limites à KABOUL. 11 Devise de la BFA. La multi/binationalité d une grande unité est clairement un avantage en terme d interopérabilité des doctrines, des procédures et des esprits. Elle reste aussi un champ d expérimentation précieux pour faire progresser l interopérabilité technique. Il faut simplement rester réaliste et pragmatique quant au niveau de bi/multinationalité à atteindre dans les unités subordonnées. Un état-major mixte, des unités nationales, rôdées au travail en commun, le refus d une mixité artificielle et sans réelle plus-value, sont de nature à apporter les meilleures solutions pour créer de l interopérabilité et pour le cas de la BFA à faire du devoir d excellence 11 un devoir d interopérabilité. MARS DOCTRINE N 11

88 L interopérabilité opérationnelle au niveau du corps Le 1er juillet 2005, la création de l état-major du corps de réaction rapide - France (CRR-FR1), nouvelle structure de commandement opérationnel de niveau 1 2, a rétabli l aptitude de l armée de terre française à mener une opération terrestre multinationale de niveau corps d armée. Par corps d armée, on entend le niveau de commandement tactique en mesure de mettre en œuvre l ensemble des actions des forces terrestres létales et non létales, dans l urgence comme dans la durée. Au terme des quinze dernières années, après la chute du mur de Berlin et la disparition d une potentielle confrontation majeure en Europe, la crise des Balkans et la première guerre du Golfe avérèrent l importance de disposer de la meilleure interopérabilité multinationale dans tous les champs d actions des forces armées ; enfin depuis le 11 septembre 2001, et après les attentats de Madrid en 2004 et de Londres en 2005, le champ des menaces communes s est brutalement étendu à l ensemble de la planète, dans toutes les dimensions de l action terrestre commune. Dans ce cadre, les forces terrestres doivent être en mesure d agir : - en tous lieux, du plus près au plus loin, puisqu il n est désormais de menace qui n ait ses racines ou, au moins des interactions, avec des zone parfois lointaines, - en tâchant de parer au plus vite et a minima pour éviter l embrasement, donc dans l urgence comme dans la durée pour permettre le rétablissement consolidé de la crise, - de façon collective, c est-à-dire multinationale, pour étoffer la légitimité de l action et partager les coûts. Les actions militaires de haute et basse intensités se mêlent à celles des nombreux autres acteurs : état de droit, donc police et justice, restauration de l administration, protection civile 3, auxquels se joignent bien évidemment l humanitaire, l économique, le culturel... PAR LE GÉNÉRAL GEORGES LEBEL, CHEF DE LA DIVISION OPÉRATIONS DU CORPS DE RÉACTION RAPIDE FRANCE Une interopérabilité totale avec les autres PC européens 4 Ainsi, la France, tout en soutenant objectivement le développement des capacités européennes, s associe d emblée, dès 2001, à la rénovation des structures de commandement (NCS) et de force (NFS) de l OTAN, déclare et met en œuvre des PC HRF 5, commandements d opérations aériennes 6, maritimes 7 ou terrestres, avec, en l occurrence, le CRR-FR. Cette démarche a été d emblée assortie de la liberté, pour la France, de pouvoir engager ces moyens dans le cadre de l Union européenne, ou d une coalition menée par la France voire d une affaire purement nationale, tout autant que de l OTAN. De façon pragmatique, l OTAN est la structure dont les normes d interopérabilité sont, en l occurrence, la seule référence existante. Ceci permet de garantir l aptitude commune à agir en multinational, quel que soit le contexte de l engagement et l organisation afférente (OTAN, UE ou France). DOCTRINE N MARS 2007

89 retour d expérience Cette logique s incarne par une démarche de certification, processus en trois étapes : analyse (lors de l étape d IOC 8 ), vérification de l ensemble des fonctions requises (aptitude au déploiement et au fonctionnement objet des deux exercices de FOC 9 ), et enfin agrément de cette reconnaissance au niveau politique. - l ARRC, première structure établie par la transformation de l état-major de la British Army of the Rhine (BAOR), équivalent de nos forces rançaises en Allemagne (FFA) de l époque, - le corps germano-néerlandais, - l Eurocorps (dont la France est une des 5 nations cadres, et donc qui lui en interdit la libre disposition), - les NRDC (NATO Rapid Deployment Corps) HQs d Espagne (Valencia), d Italie (Solbiate) et de Turquie. On peut y ajouter les corps de réaction différée 11 grec, ou du MNC/NE, corps de multinational nord-est polonais, danois et allemand. L ensemble de ce processus est conduit de façon complète et rigoureuse au regard des 50 critères HRF qui s organisent en 5 domaines et se déclinent en 380 sous-critères. C est donc une véritable revue de détail qui, critère après critère, passe au crible chacune des fonctions de l action terrestre sur un théâtre d opération pour avérer l aptitude de l état-major concerné à les mettre en œuvre et nous assure une interopérabilité totale avec les autres états-majors européens qu ils soient déployés dans un cadre OTAN ou de l UE. Depuis plus de deux ans, la division HRF du CFAT, puis le noyau initial du CRR-FR ont progressivement conçu, puis mis en œuvre cet ensemble. Un dialogue constant s est instauré avec l équipe de la DHQTF 10 chargé d effectuer cette vérification, mais aussi avec tous les autres HQ HRF : MARS DOCTRINE N 11

90 Une polyvalence complète OTAN, UE et France Au sein de ce vivier des états-majors reconnus par l OTAN, le CRR-FR est le seul qui jouisse de cette complète polyvalence OTAN, UE et France 12, ce qui renforce encore la nécessité d une interopérabilité au meilleur niveau. Ainsi, sur la base de l expérience de nos homologues, le système de PC a été totalement repris, pour retenir ce concept d un PC principal unique qui s écarte des anciens schémas de la Guerre Froide avec des structures de commandement redondantes et bi localisées entre avant et arrière, etc. Aussi, parce que cette unité de lieu permet, tous moyens réunis (y compris grâce aux interfaces vers les unités spécialisées), de jouir de la meilleure souplesse dans toute configuration d emploi. Avec une seule emprise les problèmes de protection sont également minimisés. Le PC de commandement arrière a donc désormais une fonction dédiée à la relation avec les autorités de la zone de débarquement, à la coordination avec les éléments de soutien nationaux de toutes les nations contributrices, à l acheminement et à la préparation finale des unités 13, puis au suivi de l acheminement de leur soutien piloté depuis le PC principal. Enfin, avec le développement des systèmes d acheminement et de traitement des données, nous mettons en place ce système maillé qui permettra l évolution vers ce que l on appelle le reach back, c est-à-dire cette aptitude à télétraiter ten effet, dans le cas d une opération de l OTAN ou de l UE, il n est pas dit que des pays non OTAN ou non UE, seront partants. Aussi, il convient d être en mesure de relayer tout personnel allié que les considérations politiques de son pays empêcheraient d être effectivement à nos côtés. out ou partie des fonctions depuis la base arrière en métropole. Système des PC du CRR-FR SIC Art Rens Eng En deux ans, plus de quinze exercices de pieds différents, ont permis de roder l ensemble des aspects de cette structure complexe qui, complètement déployée, peut compter jusqu à 335 shelters, 50 tentes et près de personnes, qui, autour des 800 personnels de l étatmajor, assurent le soutien pour l acheminement et le traitement de l information, la vie et la protection. Cette aptitude doit également être en mesure de s adapter à tout type d emploi, en particulier dans cette logique de déploiement rapide, par exemple dans le cadre de la NRF, dont le CRR-FR sera la structure de commandement au 2 e semestre 2008, et qui ne compte en l occurrence que 200 personnels d état-major. La participation des alliés est indéniablement un autre aspect important à bien intégrer et qui renforce également ce besoin crucial d interopérabilité. En effet, dans le cas d une opération de l OTAN ou de l UE, il n est pas dit que des pays non OTAN ou non UE, seront partants. Aussi, il convient d être en mesure de relayer tout personnel allié que les considérations politiques de son pays empêcheraient d être effectivement à nos côtés. DOCTRINE N MARS 2007

91 retour d expérience Par ailleurs, même sur un plan générique, aucune armée occidentale n est aujourd hui capable de dédier de façon permanente, des grandes unités en mesure d intervenir systématiquement au profit du corps. En effet, le ratio des forces disponibles et de leur engagement quasi permanent en opérations ne permet plus à aucune armée de terre européenne de dédier ainsi, en permanence, des moyens disponibles sur court, voire très court préavis. Désormais, toutes les armées occidentales sont entrées dans une logique de totale disponibilité opérationnelle tous azimuts et dont le corollaire est d être en mesure d accueillir et d employer toute unité alliée. Encore une fois, l interopérabilité est au cœur de notre aptitude opérationnelle. Outre un aspect un peu astreignant, cette discipline, certes exigeante, est une occasion privilégiée d ordonner tout autant notre culture latine que de mettre en exergue notre savoir-faire opérationnel. Dans le contexte global et complexe dans lequel nous agissons, faisant partie de ce club, nous serons dès lors en mesure d échanger pour harmoniser nos procédures et l interopérabilité de nos systèmes d information 14, nous entraîner, et nous engager ensemble, pour répondre aux besoins opérationnels dans l urgence et la durée. 1 En anglais : HQ RRC-FR, pour Headquarters Rapid Reaction Corps - France. 2 Niveau 1 : commandement de composante ou corps (CRR-FR ou Corps européen), niveau 2 : division (EMF), niveau 3 : brigades (interarmes ou spécialisées), niveau 4 : groupement interarmes (GTIA). 3 Ce sont les cinq instruments de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) confiés à l autorité de M. Solana, comme Haut représentant et Secrétaire général du Conseil de l Europe. 4 Les titres intermédiaires sont de la rédaction. 5 High Readiness Forces, force de déploiement rapide de l OTAN. 6 Le JFACC (Joint Forces Air Component command - CDT de composante aérienne de théâtre) et les CAOC (Combined Air Operation Center - Centre de coordination des opérations aériennes) dont l aptitude opérationnelle a été reconnue en 2005 aux côtés de celles offertes par la Grande-Bretagne. 7 Le JFMCC (Joint Forces Maritime Component command - CDT de composante maritime de théâtre) dont l aptitude opérationnelle a été reconnue également en 2005 aux côtés de celles offertes par la Grande- Bretagne, l Italie et l Espagne. 8 Interim Operational Capability, capacité opérationnelle initiale reconnue sur pièce, au quartier (9 au 12 octobre 2006). 9 Final Operational Capability, capacité opérationnelle complète reconnue à l occasion des deux exercices CITADEL RANGE (5 au 9 février 2007) pour l aptitude du CRR-FR au déploiement, et CITADEL CHALLENGE (8 au 23 mars 2007) pour l aptitude du CRR-FR à mettre en œuvre l ensemble des fonctions opérationnelles. 10 Deployable Head Quarters Task Force: équipe d une quarantaine d officiers de l OTAN dont la direction dépend du chef d état-major du SHAPE, chargé de passer en revue chacun des critères de certification. 11 Forces at Lower Readiness HQs (FLR HQs), structures à disponibilité différée, qui complètent le vivier des HRF HQs. 12 En effet, le Corps européen compte 5 nations cadre (Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg et France) ; ceci induit une nécessité de consensus de ces 5 pays pour tout engagement, ce qui le rends peu disponible pour une affaire française dans l urgence! 13 Concept du RSOM/I : Reception accueil des unités et du soutien, Staging & Onward Movements déploiement d attente et mouvements vers l avant, Integration ou amalgame des différentes unités mises sur pied. 14 Au sein du Multinational Interoperability Program (MIP). Ainsi, à terme, fruit de ce travail patient et studieux d interopérabilité, le CRR-FR deviendra tout naturellement vivier d expérience et de disponibilité opérationnelle. Il sera en mesure de participer activement à l appui à la réflexion, mais contribuera également à la diffusion de notre culture opérationnelle, tant au sein de l armée de terre que vis-à-vis de nos alliés. Ainsi, la reine des citadelles, première place établie par Vauban, pilier du pré carré, témoin de notre unité nationale s inscrit aujourd hui dans la logique élargie de notre Europe de la défense, dans le lien transatlantique. MARS DOCTRINE N 11

92 La terminologie comme outil de l interopérabilité Définie par l état-major des armées comme la capacité de plusieurs systèmes, unités ou organismes à opérer ensemble grâce à la compatibilité de leurs organisations, doctrines, procédures, équipements et relations respectives, l interopérabilité nécessite, avant même de travailler ensemble, de pouvoir se parler et se comprendre. Se parler, c est utiliser une langue commune, une terminologie, cette dernière étant définie comme un ensemble de mots techniques appartenant à une science ou un art, à un chercheur ou un groupe de chercheurs. Cette terminologie doit correspondre à un vocabulaire spécifique aux activités militaires et de défense. Elle précise le sens exact à attribuer à chaque terme ou expression. Elle est ainsi l outil indispensable à toute réflexion conceptuelle ou doctrinale entre les armes et les armées, dans un cadre national ou au sein d alliances ou d organisations internationales comme l OTAN, l ONU ou encore l U.E. PAR LE LIEUTENANT-COLONEL RAMUNTCHO GARDERES DE LA DEO DU CDEF La prise en compte d un besoin de cohérence terminologique au sein même de notre armée de terre a suscité, en 1999, la création d un comité de terminologie militaire de l armée de terre (CTMAT) au sein du commandement de la doctrine et de l enseignement militaire supérieur (CDES). Initialement destiné à l actualisation d un manuel d emploi de termes et expressions du vocabulaire militaire de l armée de terre, il a progressivement affirmé sa participation aux instances de terminologie militaire tant nationales qu internationales. Un comité interarmées de terminologie militaire assure cette même cohérence au niveau interarmées, avec une dimension internationale notamment avec l OTAN. C est ainsi que, dès 1959, la France prend la décision de créer un comité interarmées de terminologie militaire de l Alliance atlantique (CITA) afin d assurer, en liaison avec nos alliés de langue française et dans un souci d interopérabilité, la réalisation et l harmonisation des définitions et traductions proposées par le bureau militaire de standardisation (BMS). D.E.P A.B.C E.M.M E.M.A.A Coordonnateur de Terminologie OTAN D.E.P ALAT D.E.P ART D.G.A E.M.A.T C.I.T.A E.M.A. E.M.I.A F.E D.C.S.S.A D.E.P GEN D.E.P INF C.T.M.A.T C.D.E.F D.G.G.N D.C.S.E.A CFAT CoFAT D.E.P MAT CFLT C.E.T.E N.R.B.C D.E.P TRN D.E.P TRS Structures d'expertise de Circonstance Chaîne de liaison terminologique interne de l armée de terre - interarmées * C.N.D * CINORM * STAT * C.D.E.F DOCTRINE N MARS 2007

93 retour d expérience Fonctionnement de la chaîne de liaison terminologique interne de l armée de terre Au sein de ces deux comités nationaux, les procédures d harmonisation, entre les armes au niveau du CTMAT et entre les armées au niveau du CITA, sont similaires, assurant ainsi une grande cohérence entre la terminologie terrestre et celle des autres armées. Un document de référence national dans le domaine de la terminologie, le manuel d emploi des termes et sigles conventionnels militaires, est publié chaque année 1. Une deuxième partie de ce même manuel traite plus spécifiquement de l ensemble de la symbologie tactique militaire. Cette publication, entièrement bilingue (langues française et anglaise) depuis maintenant plus de trois ans, prend régulièrement en compte les dernières évolutions doctrinales propres à favoriser l interopérabilité interarmes, interarmées et la coopération entre la France et ses partenaires de l Alliance dans les domaines de l élaboration des doctrines, la mise en œuvre des fonctions opérationnelles, l exécution et la conduite d opérations (opérations de soutien de la paix comme opérations de réponses aux crises), les exercices et les entraînements conjoints, les systèmes d information et de communications, etc. Le choix des entrées est fait en fonction de leur importance et de leur fréquence d emploi. Le fond terminologique interarmées, et plus spécialement celui traitant des domaines doctrinaux, tactiques et logistiques, est adapté chaque année aux évolutions. La deuxième partie de ce document national, traite plus spécifiquement de la symbologie tactique interarmées et propose une base de données particulièrement complète de l ensemble des missions, des unités, des équipements, des matériels et installations des armées françaises. L intégralité de cette symbologie a été intégrée au sein de l arborescence définie par le document OTAN [STA- NAG 2019/ APP-6(B)]. Il permet, à partir de la codification alphanumérique générée, de multiples possibilités d échanges tactiques et logistiques au travers des systèmes d information et de communications entre alliés (OTAN, PFP ou coalitions). Ces liaisons devraient permettre à moyen terme d assurer au travers des SIC une parfaite interopérabilité avec l Union européenne. Organe de proposition, de coordination interarmes et de concertation, le CTMAT est chargé d assurer la cohérence entre les différentes positions exprimées par chaque arme et de réaliser une synthèse visant à éviter les confusions ou impropriétés de langage puis à produire une terminologie interarmes, ce langage commun à toutes les armes. Ayant à assurer au sein de l armée de terre la cohérence terminologique et symbologique et conscient de la nécessité d être enten- MARS DOCTRINE N 11

94 du et compris par les autres armées, le CTMAT s est définitivement inséré comme maillon incontournable de la chaîne de terminologie et de symbologie des armées. A partir des mêmes besoins, mais exprimés au niveau interarmées, le comité interarmées de terminologie militaire a produit un glossaire interarmées de terminologie opérationnelle. Ce glossaire résulte des études menées dans le domaine des opérations interarmées et multinationales, avec la participation des différents acteurs impliqués dans les actions récentes et tient compte des évolutions les plus récentes, notamment des travaux en cours, au sein des différentes organisations internationales (OTAN, UE, ONU, OSCE, groupes de travail bi- ou multinationaux, groupes interarmées de réflexion nationaux). Etabli en coordination avec les travaux des instances de terminologie nationales et internationales, il répond à la nécessité de disposer d un vocabulaire militaire opérationnel normalisé, adapté aux nouvelles réalités nationales et internationales. Outil d interopérabilité avec nos alliés et partenaires et destiné à faciliter la compréhension des concepts français présentés lors des réunions internationales, l ensemble des termes et des définitions, est à l image du glossaire des forces terrestres, proposé en langue anglaise. L armée de terre assure depuis quatre ans, par délégation du chef d état-major des armées, la conduite des études et travaux du CITA. Organe de proposition, de coordination et de concertation, il s assure de la cohérence entre les différentes positions exprimées par chaque armée et réalise une synthèse visant à éviter les confusions ou impropriétés de langage et à produire une terminologie interarmées. Il contribue aussi, dans le cadre de l interopérabilité terminologique interministérielle, à l élaboration des arrêtés ministériels relatifs à la langue française dans les domaines d application militaires de la défense. Dans les instances internationales de terminologie, le comité interarmées assure, par le biais de la commission générale de terminologie et la délégation générale à la langue française et aux langues de France, de nombreux contacts et échanges avec les services de terminologie de la Confédération helvétique, l Académie royale de Belgique et les services de terminologie de la province du Québec. Mais c est essentiellement avec les services de terminologie de l agence de normalisation de l Alliance que les deux comités de terminologie interarmées et terrestre assurent une part importante des besoins de coordination et d harmonisation de la terminologie militaire et de défense entre la France, l OTAN et ses différents pays membres. En effet, depuis la reconnaissance, en 1949, de l anglais et du français comme les deux langues officielles, à égalité, de l Organisation du traité de l Atlantique Nord, la nécessité de les rapprocher et d harmoniser les termes militaires qu elles véhiculent s est imposée comme une évidence. Dès lors, les différents travaux de normalisation et de terminologie consacrés à cet objectif doivent permettre aux francophones et aux anglophones une compréhension mutuelle et l élaboration à l usage des Etats membres de l OTAN de textes de référence bilingues. Le schéma ci-dessous présente de façon simplifiée, l organisation et le fonctionnement des relations entre les comités français d harmonisation et de normalisation de la terminologie terrestre et interarmées et de celui de l Agence OTAN de normalisation. PROPOSITION DE RÉVISIONS DE TERMES OU DE DÉFINITIONS DE L'AAP-6 Etat membre de l'otan ou G.T PROPOSITION D'ENTRÉE DE TERMES OU DE DÉFINITIONS DE L'AAP-6 France CITA Si armée de terre Comité de terminologie militaire A.d.t Satellites d'expertise Si Interarmées EMM DGGN EMAA DGA TTA 106 Coordonnateur de Terminologie de l'otan Circuit CTSMAT CITA CDEF ONTC Autres pays Conférence de Terminologie MCTC Si accord -> AAP-6 Pas d'accord -> G.T OTAN adapté Conférence de terminologie MCTC 2 Si accord -> AAP-6 Chaîne de liaison terminologique France (interarmes et interarmées) et OTAN DOCTRINE N MARS 2007

95 retour d expérience Aujourd hui, la mise en œuvre de la chaîne terminologique au sein de l Alliance s effectue selon le schéma suivant : ABCA (Obs) P.f.P (Obs) Groupe de travail P.L. Base de données Terminologie Comité militaire de l'otan M.C.T.S.P N.S.A A.O.N Bureau O.N.T.C Coordonnateur de terminologie de l'otan P.L. P.L. Organismes et agences de l'otan Comité de terminologie AJOD/L.A Cdt Stratégique (CO) P.L. Comité de terminologie LO WG (SLTP) AAP 39 Etat membre P.L. P.L. Etat membre Conférence de Terminologie du comité militaire (2/An) AAP-6 stanag 3680 Mise en œuvre de l interopérabilité terminologique au sein du Comité militaire de l OTAN La mise en œuvre et la modernisation de l outil terminologie n est pas seulement une préoccupation pour notre pays, elle a une incidence sur toutes les opérations où nous sommes susceptibles de travailler avec d autres nations. La terminologie permet en effet que de nombreux travaux aboutissent à des accords de normalisation, concernant les équipements comme la doctrine, la tactique, l instruction, les publications tactiques et procédurales, l échange d information et le partage des enseignements, à la fois en matière d instruction et d opérations. 1 TTA 106. Après avoir été longtemps négligée, voire ignorée, la terminologie est reconnue maintenant comme un outil indispensable à toute action visant à l interopérabilité des forces armées appelées s engager dans un contexte désormais le plus souvent multinational. Le développement de l outil terminologique français contribue aussi au rayonnement de la pensée militaire française. MARS DOCTRINE N 11

96 Des avis complémentaires sur l interopérabilité Les forces terrestres françaises au rendez-vous de l interopérabilité Interopérabilité! Voici un mot, ou un concept, qui n existait pas dans les années 1960 lorsque l armée française se reconvertissait, en vue de la confrontation possible avec les forces soviétiques du Pacte de Varsovie, et l officier de cette époque aurait été, dans la plupart des cas, bien en peine alors de le comprendre si quelqu un l avait proféré devant lui. Et pourtant, la France faisait alors partie de l organisation militaire intégrée de l OTAN, avec même sur son sol les états-majors principaux de l Alliance. De même les unités de l armée de terre étaient, au même titre que les autres armées européennes, en grande partie équipées de matériels américains ou britanniques et notre nationalisme commençait tout juste à réapparaître avec une gamme de matériels blindés (famille AMX...) et les équipements ou armements de base (FSA 49/56, AA52...). Notre engagement militaire s effectuait sous le commandement plein et entier des généraux chefs des quartiers généraux de l organisation militaire intégrée, dont certains étaient d ailleurs français et les procédures d état-major étaient harmonisées, sinon unifiées. Si l on réfléchit à la signification de ce terme interopérabilité, on doit être conscient qu il peut recouvrir plusieurs réalités différentes mais qui ont toutes pour objet de faciliter les engagements militaires conduits avec des forces armées originaires de pays différents car la Défense est pour tous les Etats une fonction régalienne pour laquelle il n est pas facile de prendre le risque de partager. Ce concept recouvre donc des aspects techniques qui concernent la conception et le soutien des matériels de combat, des aspects humains liés à la langue de travail nécessaire pour un bon échange des informations entre les unités engagées et des aspects opérationnels qui concernent les procédures de travail en commun. Le but du présent propos sera donc de témoigner, à travers l expérience vécue d un officier du domaine opérations, comment ce concept d interopérabilité a pu se construire pendant la quarantaine d années qui séparent les deux refondations de notre armée de terre entre la fin des guerres dites coloniales dans le cadre de la dissuasion face à la menace soviétique et la mise sur pied d une armée professionnelle faite pour l action prenant en compte la révolution stratégique intervenue dans les années 1990 après la chute du Mur de Berlin. Trois périodes seront évoquées : les états-majors de la Guerre froide, la Guerre du Golfe, le renouveau de la préparation opérationnelle depuis la création des CFAT et CFLT. PAR LE GDI (2S) JEAN FRANÇOIS DURAND DOCTRINE N MARS 2007

97 libres réflexions Les états-majors de la Guerre froide Nous sommes à une époque où la France marque politiquement sa différence avec l OTAN et son organisation militaire intégrée dont elle s est retirée en Pour autant, tous les liens ne sont pas rompus car la menace soviétique est tellement grave que l armée française ne peut se désintéresser de la défense commune. Notre pays n est plus la zone de déploiement logistique de l armée US (il y a eu jusqu à militaires américains dans notre pays) et nos forces ne tiennent plus de créneau face au rideau de fer mais nous nous constituons de facto comme la réserve stratégique de l Alliance. La France reste partie prenante dans le système de surveillance de l espace aérien (NADGE) et pour le réseau des oléoducs de l OTAN (dont le siège est resté à Fontainebleau). Notre 1 re Armée, construite dans le cadre de la reconstruction de notre armée conventionnelle au retour de la guerre d Algérie, tient une place dans les plans d opérations alliés au cas où le 1 er échelon de l Alliance serait enfoncé. Certes nous nationalisons nos équipements en remplaçant notamment nos chars Patton par les produits AMX (13 et 30) mais nous restons sur des standards proches de ceux de l Alliance définis dans des instances comme FINABEL où se rencontrent les experts concernés et où se construit l interopérabilité technique. En ce qui concerne les états-majors, des accords opérationnels exécutoires sont passés au niveau CEMA-SACEUR (Ailleret-Lemnitzer, Valentin-Ferber) et les états-majors français participent à des exercices alliés, la 1 re armée depuis son PC enterré et sécurisé de Rochonvillers, les corps d armée ou la FAR depuis leurs PC mobiles qui se déploient alors en Allemagne (cf. Crested Eagle 1986 ou Kecker Spatz 1988 ). Nos états-majors opérationnels travaillent en français et utilisent leurs méthodes de raisonnement ainsi que leurs procédures nationales, qui ne sont d ailleurs pas tellement éloignées de celles de nos alliés. Les SIC (FHM, FHA, RITA... pour les Français) sont nationaux et ne se parlent pas. Il est donc nécessaire de disposer de tout un corps d officiers de liaison anglophones, souvent réservistes (une bonne vingtaine au 1 er CA dans les années 1985) qui partent en voiture vers les PC mis en œuvre par l OTAN en espérant y trouver un téléphone, pas toujours sécurisé, pour assurer l interface. Les alliés font la même chose, avec des officiers, souvent non francophones, qui tiennent leur place sauf au moment de la séquence nucléaire où le carré rouge institué au sein du PC du corps reste strictement national. Mais des notions comme OPCON ne sont pas des inconnues. Elles font l objet de débats lors de chaque préparation d un exercice car la règle habituelle de l OTAN est OPCOM et les commandeurs de l Alliance vivent mal cette particularité à caractère politique des Français. Par contre, le temps passant, nos corps d armée se dotent de la documentation OTAN et l appliquent notamment lors d exercices (relève par dépassement d une brigade allemande lors de Moselle 1987 ). Au bilan, on peut dire que le résultat opérationnel est bon et que, en dehors de la pesanteur du dispositif de liaison, il ne semble pas y avoir eu de faiblesse grave constatée au niveau opérationnel. La Guerre du Golfe SIRPA TERRE Nous nous trouvons là dans un cas de figure différent qui est celui d une coalition ad hoc, hors zone OTAN, mais dominée cependant par les Américains qui y engagent successivement le Marine Corps (un CA à deux divisions), le 18 e Corps (trois divisions légères ) venant directement des USA et le 7 e Corps (quatre divisions lourdes ) qui est l un des deux corps d armée du dispositif mis alors à la disposition de l OTAN par les USA en Allemagne. A leurs MARS DOCTRINE N 11

98 Des avis complémentaires sur l interopérabilité côtés nous trouvons des forces arabes, une division blindée britannique et la division Daguet mise sur pied par la France à partir des états-majors des 6 e DLB et 9 e DIMa et constituée avec l ensemble des soldats professionnels (hors 11 e DP) que comptait l armée de terre à l époque. Pendant la première phase défensive de ce conflit ( Desert Shield ), la division Daguet est subordonnée de fait au commandement saoudien, elle tient un créneau sur la frontière irakienne puis elle est placée en réserve et travaille alors étroitement avec l état-major du 7 e Corps en vue d une intervention en manœuvre d arrêt en cas d une invasion irakienne. Simultanément, vers la fin de l année, elle prépare l action offensive ( Desert Storm ) avec le 18 e corps et elle est d ailleurs envoyée la première dans la région de Rafah en vue de couvrir le déploiement de ce corps (24 e DI, 101 e Air Assault, 82 e Airborne). Elle passera sous OPCON de ce corps le 17 janvier Il n y a pas d évolution notable au niveau des équipements qui sont ceux dont disposent les Nations contributrices et les crash programs mis en œuvre pour renforcer notamment la protection des blindés contre la menace antichar restent strictement nationaux. En matière de SIC, il y a un doublement des moyens avec l équipement du CO de la division par le système US armé et soutenu par une unité spécialisée, en plus du RITA, donc deux combinés par officier! La logistique reste nationale et repose sur la mise sur pied d un fort groupement de soutien logistique (GSL) qui assure la fonction des arrières entre le port de Yanbu et la base divisionnaire. Il y aura cependant quelques prêts à l occasion, nos ensembles porte-chars vers les Américains, des rations de combat vers nous, ainsi qu une mutualisation des postes de triage pour les blessés pendant l action offensive. En ce qui concerne le travail des états-majors, c est d abord la surprise de découvrir que le 18 e Corps, qui arrive des USA, n utilise pas les procédures OTAN, mais les siennes propres. Ceci dit, il s agit toujours d ordres et de comptes-rendus et il ne sera pas trop difficile de s adapter. L état-major de la division travaille en français, mais dispose d officiers de liaison dans son PC ainsi que d une équipe performante de 5 ou 6 officiers anglophones, dirigée par un colonel expérimenté et de bon niveau, au PC du 18 e Corps (EMALIUS). Par ailleurs, des officiers de liaison français sont mis en place dans les autres divisions du corps et les moyens performants du 13 e RDP seront utilisés, faute de mieux, pour les joindre. Comme on le voit, ce conflit a été mené dans la suite de ce que nous savions faire au temps de la Guerre froide. Le fait est que cette organisation, considérée aujourd hui par certains comme archaïque, a parfaitement fonctionné et qu il n y a eu aucun problème notable dans ce domaine qui ait pu remettre en cause l efficacité de la force. Le renouveau de la préparation opérationnelle Cinq ans après la Guerre du Golfe, la prise de conscience de la nouvelle donne stratégique a été faite (Livre blanc de 1994), un rapprochement politique avec l OTAN a été effectué même si la France n a pas rejoint une organisation militaire intégrée qui évolue profondément et rapidement, et notre armée de terre entame une refondation. Outre la professionnalisation totale qui conduit à une diminution de près de moitié de ses effectifs militaires, l armée de terre chamboule toute l organisation de son commandement qui devient fonctionnel et croisé et, avec la création du CFAT et du CFLT concomitante avec la mise en place du SIC.F, remet à plat tout son dispositif de préparation opérationnelle. Une prise de conscience doctrinale est effectuée pour théoriser les paramètres des engagements modernes qui se traduisent le plus souvent par des projections de forces multinationales qui doivent contrôler un milieu dans la durée sous l égide de l ONU, de l OTAN ou de l UE. Et la France cultive l ambition de pouvoir être Nation cadre pour ce type d opérations. Les programmes d armement multinationaux deviennent plus nombreux et il faut que les états-majors opérationnels disposent de touts les capacités nécessaires. Un premier constat est que les états-majors qui actionnent ces forces sont par construction multinationaux et évolutifs en fonction des pays qui décident de participer à l opération. Les personnes qui y servent doivent donc se comprendre et la langue opérationnelle à retenir ne peut être que l anglais. La conséquence est un effort important en matière de formation : ESM, EEM, section langues du CFAT, stages dans des officines spécialisées, adaptation des degrés de langues, envoi d officiers dans des états-majors multinationaux déployés en opérations...). Par ailleurs les états-majors de niveau 1 (corps) et 2 (division) se voient imposer l usage de l anglais en exercice à compter de l année De son côté, le SIC.F qui se met en place à partir de cette même année intègre cet aspect en mettant à DOCTRINE N MARS 2007

99 libres réflexions ADC DUBOIS/SIRPA TERRE la disposition des usagers les procédures opérationnelles de l OTAN qui sont devenues, sauf pour certains aspects de la logistique, celles de l armée française. Cela n exclut d ailleurs pas la nécessité de disposer d officiers de liaison nombreux et compétents, qui font peut-être encore un peu défaut à nos états-majors aujourd hui. Enfin, l ambition de vouloir diriger à un bon niveau des opérations multinationales implique de pouvoir commander une force qui entre sur un théâtre en premier. Pour obtenir le label nécessaire, il faut passer par le processus des High Readiness Forces de l OTAN et donc construire les PC en tenant compte des critères contraignants mis en place par le SHAPE. C est le sens de la démarche menée actuellement par le CRR-FR qui devrait aboutir à une homologation au printemps prochain. Deux exercices tests ont été joués récemment dans ce type d environnement où l état-major français était sous OPCON d un supérieur OTAN : Capable Warrior pour le niveau 1 à l automne 2004 et Joint Sword pour le niveau 2 au printemps Les conclusions des équipes 3A qui ont analysé ces exercices ont montré que, même si l on pouvait toujours progresser, il n y avait pas de problème majeur en matière d interopérabilité à ce niveau et que les états-majors pilotés par le France étaient capables de tenir leur place d emblée dans un engagement multinational, ce qui n est pas démenti par les faits lors de opérations réelles. En conclusion du survol de ces trois phases de l histoire opérationnelle récente de notre armée de terre, il est possible de dire que le souci d interopérabilité n a jamais été abandonné depuis la 2 e Guerre mondiale par les états-majors de l armée française. Aux solutions artisanales des années 1980 (un officier, une voiture, un téléphone, souvent non sécurisé) succèdent les solutions modernes permises par le développement de SIC performants, sécurisés et de plus en plus interopérables entre eux. De l avis du rédacteur, nos états-majors opérationnels sont au rendez-vous de ce défi moderne. MARS DOCTRINE N 11

100 Des avis complémentaires sur l interopérabilité L interopérabilité franco-française ou la nécessité de renforcer le concert interarmes L histoire militaire fourmille de causes perdues parce que les protagonistes, malgré leur supériorité numérique, n ont pas pu ou n ont pas su faire converger leurs efforts. On songe à Crécy ou à Azincourt et à l impossible entente entre cavaliers, archers et fantassins. Ce sont aussi les failles dans la cohérence des actions austro-prusso-russes que Napoléon a exploitées magistralement à Austerlitz. Le principe fondamental de toutes les combinaisons militaires consiste à opérer, avec la plus grande masse de ses forces, un effort combiné sur le point décisif (mais) ce ne sont pas les masses présentes qui décident des batailles, ce sont les masses agissantes dit Jomini. Encore faut-il que ces masses puissent opérer harmonieusement afin que leurs efforts s ajoutent, comme dans un espace vectoriel, et ne se neutralisent pas mutuellement. C est là qu intervient la notion clé d interopérabilité. Trop souvent circonscrite à ses aspects techniques, l interopérabilité couvre tous les domaines. Les équipements mais aussi la doctrine, les procédures, l organisation, la formation et l entraînement doivent être interopérables. Elle doit s appuyer sur des normes mais la véritable interopérabilité ne s obtient que par l habitude qui permet une application à la fois rapide et intelligente de ces normes. Après avoir mieux défini sur quoi s appuie l interopérabilité entre des forces de nature différentes, nous examinerons la situation interne de notre armée de terre puis sa capacité à opérer avec d autres systèmes au niveau national ou international. PAR LE GDI (2S) ALAIN TARTINVILLE DOCTRINE N MARS 2007

101 libres réflexions L interopérabilité s appuie sur des normes, mais n est pas seulement technique Dans l acception civile l interopérabilité est le fait que plusieurs systèmes peuvent communiquer sans ambiguïté et opérer ensemble. Elle est essentielle dans de nombreux domaines comme l informatique, le médical, l électrotechnique ou l aérospatiale. Les appareils et éléments utilisés doivent pouvoir interagir sans heurts. Comme ces éléments sont produits par des constructeurs divers, avec des méthodes variées, et qu ils répondent à des besoins spécifiques, l idée la plus simple consiste à définir une norme que chaque élément va implanter dans son propre fonctionnement. Cette norme joue un double rôle : elle est d abord un indicateur de la façon dont le dialogue doit s opérer entre les différents éléments ; elle est ensuite une passerelle de communication, qui va pouvoir éventuellement s adapter aux besoins changeants des éléments. Deux systèmes seront donc interopérables si, grâce à une ou plusieurs normes externes qu ils respectent, ils en viennent à être compatibles. L interopérabilité existe au travers de normes et formats respectés par tout élément ou système qui souhaite intégrer un plexus interopérable. L interopérabilité ne doit rien au hasard : elle résulte d un accord explicite entre les différents constructeurs. Le TTA 106 définit l interopérabilité comme la capacité des structures, des matériels et des procédures qui procure à des groupements de forces l aptitude au travail en commun quels que soient la nature et l origine de leurs moyens. L AAP6 (glossaire OTAN des termes et définitions) précise que c est la capacité qui rend aptes à coopérer plusieurs systèmes, unités ou organismes, que leur organisation et leurs relations autorisent à s apporter une aide mutuelle. L interopérabilité est donc au cœur de deux des trois grands principes de la guerre : La concentration des efforts puisqu elle permet la convergence des effets de systèmes différents dans l espace et dans le temps ; L économie des forces puisqu elle permet l emploi optimum de chaque composante dans le concert général de la bataille. L interopérabilité associe complémentarité et coopération : elle doit être recherchée dans les domaines des équipements, des structures et opérationnel (procédures, doctrine, formation, entraînement). Comme dans sa version industrielle et civile, elle s appuie sur des normes mais aussi sur la pratique. L interopérabilité interne de l armée de terre est celle de l interarmes A la différence des autres armées et de la plupart des systèmes civils, l armée de terre se caractérise par la mise en œuvre convergente de plusieurs armes ou fonctions opérationnelles qui interfèrent de façon différente avec le milieu et produisent des effets distincts sur l adversaire. Avant de rechercher sa compatibilité avec d autres armées, des organismes civils extérieurs à la Défense ou des armées étrangères, l armée de terre doit donc rechercher d abord son interopérabilité interne. SIRPA TERRE MARS DOCTRINE N 11

102 Des avis complémentaires sur l interopérabilité Cette interopérabilité est d abord technique mais elle est aussi systémique (organisation des unités et des PC), méthodique (doctrine et formation) et pratique (entraînement et habitudes). La numérisation de l espace de bataille (NEB) constitue le défi majeur pour l armée de terre future car elle remet en cause tous les domaines de compatibilité des unités et des PC. L interopérabilité des équipements constitue la base de la capacité interarmes. En mettant à part le problème de la numérisation qui sera développé plus loin, cette compatibilité technique des équipements est en générale prise en compte. Ainsi la DGA a lancé en 1997, avec la participation active des industriels et des étatsmajors, la rédaction d un référentiel (RPNA) applicable à tous les programmes d armement afin, entre autres, d assurer et d améliorer l interopérabilité des forces, armements et équipements nationaux et alliés. L interopérabilité des matériels reste néanmoins perfectible. La notion de famille autrefois bien respectée n existe plus. Les programmes de cohérence opérationnelle, qui assurent la continuité et la liaison entre les fonctions opérationnelles, sont souvent les premières victimes des coupes budgétaires parce que moins porteurs en termes industriels. L interopérabilité systémique progresse de façon inégale. Poussée par les normes OTAN, par les nécessités des relèves OPEX et surtout par les choix faits en 1996, l interopérabilité de nos PC a fait des progrès considérables. Nos divisions et corps d armée étaient des outils interarmes de valeur mais chacun d eux avait sa propre organisation et ses propres modes de fonctionnement (SOPs). En dehors du 2 e CA les STANAG étaient en général méconnus. Lorsqu un officier était affecté dans l un de ces étatsmajors, il devait entièrement apprendre ou réapprendre comment sa spécialité s y appliquait et y fonctionnait. Les premières relèves de grandes unités en Bosnie ont été édifiantes et ont décidé les pères de la refondation à uniformiser à nouveau nos PC. C est désormais chose faite. Notre système d états-majors de force (EMF) est à cet égard remarquable. Non seulement ce système offre la souplesse nécessaire pour s adapter aux formes d engagement les plus variées mais il permet aussi toutes les combinaisons car l organisation, les procédures, le battle rythm de chacun des EMF sont identiques. On peut faire la même observation pour nos PC de brigade même si la compatibilité reste moindre, eu égard à la spécificité de chacune des BIA. Cette compatibilité de nos états-majors s appuie sur des contrôles normés : GUIBERT et AURIGE, effectués au centre de préparation des forces (CPF) sur un système de simulation performant (SCIPIO) dont les automates appliquent rigoureusement la doctrine. Ce nouveau simulateur respecte la norme HLA qui le rend interopérable avec les systèmes d autres armées ou alliés qui respectent cette norme. L interopérabilité organisationnelle de nos unités en revanche a plutôt régressé. Certes, la quaternarisation s est généralisée qui permet théoriquement de construire et d appuyer des GTIA cohérents. Mais nos régiments se sont de plus en plus spécialisés pour ne plus savoir mettre en oeuvre qu une partie de la fonction opérationnelle qu ils représentent. Les régiments mécanisés ont disparu et l infanterie a perdu une partie de ses appuis ; les moyens de franchissement sont retirés aux régiments du génie de brigade. ( ) la guerre est une science pour les hommes supérieurs, un art pour les médiocres et un métier pour les ignorants Car cette spécialisation ne s est pas accompagnée d un véritable effort pour faciliter la mise en oeuvre de l interarmes c est-à-dire la capacité à imaginer, monter et conduire une manœuvre qui combine réellement sur le terrain et surtout sur les adversaires, les effets des différentes fonctions opérationnelles. Trois de ces fonctions : le renseignement, la logistique et l aéromobilité ne sont pas suffisamment dimensionnées mais surtout ne sont plus placées dans le concert interarmes. C est que notre organisation verticale, essentiellement constituée de réservoirs et très armo-centrée, ne facilite pas le fonctionnement transverse et donc l interarmes. Car même si nos équipements et notre organisation respectent des normes techniques d interopérabilité, les hommes et notamment les jeunes chefs ont de plus en plus de mal à combiner des effets qu ils connaissent mal. Cette verticalité a des conséquences néfastes sur l interopérabilité de la doctrine et de la formation. Celles-ci reposent en effet largement sur les écoles d armes qui, réduites dans leurs effectifs et notamment dans leur capacité interarmes, éloignées les unes des autres ont du mal à promouvoir des modèles communs, à enseigner les effets des autres armes, à développer un esprit interarmes. Si l interopérabilité repose sur des normes, celles qui touchent à la communication sont primordiales. Nos unités souffrent de difficultés à se comprendre : le mode de désignation d objectif varie selon les armes, il n existe pas de formalisation réelle du dialogue interarmes aux petits niveaux. D une manière générale, tout notre système de gestion des ressources humaines est fondé sur la notion de métier. Or Frédéric le Grand disait : la guerre est une science pour les hommes supérieurs, un art pour les médiocres et un métier pour les ignorants. Adonnons-nous sérieusement à la science des armes. Ce n est pas seulement une DOCTRINE N MARS 2007

103 libres réflexions question de logique : c est principalement une question de salut pour notre indépendance nationale ajoutait le général Lewal en L interopérabilité interne de notre armée de terre moderne passe d abord par une meilleure formation à la tactique générale et à la connaissance des effets de chacune de ses composantes. D autant plus que la connaissance initiale ne suffit pas. L interopérabilité en matière militaire passe aussi par l habitude de manœuvrer en commun et donc par l entraînement. Si elle repose sur des normes, celles qui touchent l entraînement s appellent le cycle et le catalogue des activités. La première norme est inexistante car les cycles sont différents. Le cycle de la FAT est la référence pour l armée de terre mais le cycle de la FAT n est pas unique : EMF, BIA et BAS ont chacun leur cycle propre. A l extérieur de la FAT, la FLT vit à un rythme différent. L administration centrale, les directions, la formation et les régions restent contraintes par le rythme annuel du budget et des mutations. Est-il possible de définir un cycle unique pour tous? La seconde norme progresse. S appuyant sur les techniques du contrôle de gestion, le CFAT a largement entamé la mise au point d un catalogue des activités d entraînement qui fixe les normes à respecter pour que les unités soient certifiées opérationnelles. Ce catalogue est essentiel pour garantir la cohérence et donc l interopérabilité des budgets, des programmations, des activités dans les régiments et les brigades. Il doit être étendu à l ensemble de la formation et des activités collectives pour garantir l interopérabilité des unités comme on a réussi celle des états-majors. A elle seule, la NEB engerbe et engendre tous les problèmes d interopérabilité et représente un défi majeur pour la coordination des effets à l intérieur de l armée de terre dans les dix ans à venir : Techniquement d abord car les normes d interopérabilité sont difficiles à mettre au point. Ainsi au départ SICAT V1 ne permettait-il que l échange de 50 messages types entre SICF et SIR. Avec SICAT V2, ces possibilités ont été multipliées par 4 mais restent encore insuffisantes. Il faudra attendre le pivot d interopérabilité pour que cette compatibilité soit totale. Attention aussi aux applications dédiées. L EEI fait partie des unités RENS. Il disposera donc de MAESTRO. Cet escadron est aussi une unité de mêlée. Il est donc aussi doté du SIR. Mais ses pelotons, eux, n ont que MAESTRO. Pourrons-nous continuer à les détacher dans les GTIA? Structurellement car l usage de la NEB induit des structures de PC, des procédures et des habitudes qui ont été mises au point au CFAT avec les deux brigades numérisées et qui introduisent des différences sensibles dans l organisation et les méthodes entre les unités NEB et celles qui ne le sont pas. A terme et en attendant une numérisation totale de l armée de terre, on peut craindre qu un fossé ne s établisse qui nuise gravement à l interopérabilité des unités et pénalise le principe de modularité. Humainement, la numérisation change complètement la vision du chef sur sa manœuvre. Ainsi, le commandant du GTIA à dominante blindée peut-il suivre sa contre-attaque minute par minute. Le risque de frapper dans le vide diminue considérablement. Mais celui de l entrisme dans la ADC DUBOIS/SIRPA TERRE MARS DOCTRINE N 11

104 Des avis complémentaires sur l interopérabilité manœuvre de l échelon subordonné augmente d autant. De même qu en informatique, l interopérabilité par couplage lâche s avère nettement préférable à l intégration applicative, de même la mise en œuvre de la NEB ne doit pas réduire la marge d initiative de chaque niveau. L interopérabilité interne ne suffit pas Malgré les progrès accomplis depuis le début des années 1990 et les promesses de la numérisation l interopérabilité interne de l armée de terre pose des défis majeurs dans tous les domaines et est encore loin d être parfaite. Il est pourtant urgent de remédier à nos difficultés car notre action doit de plus en plus entrer en convergence avec celles des autres acteurs de la gestion de crise : les autres armées, les organisations civiles et les armées ou organisations étrangères. Nos normes internes doivent être compatibles avec celles des autres. En effet, cette interopérabilité externe ne peut plus être résolue, comme par le passé par des passerelles situées à des niveaux élevés du commandement, sauf à perdre la maîtrise de l information. Ainsi la manœuvre et l emploi des TACP doivent-ils pouvoir s inscrire totalement dans l action de la brigade et des GTIA. Les enseignements tirés des OPINT Evian et Normandie montrent l intérêt d une meilleure interopérabilité entre l Armée de terre et la Gendarmerie lorsqu il faut agir sur le territoire national. L interopérabilité interarmées devient cruciale dans les opérations combinées telles que les opérations aéroportées ou amphibies. Les difficultés techniques à résoudre sont importantes : matériels aéroportés, agencement des matériels terrestres dans les BPC, installation et compatibilité des SIC Terre sur ces mêmes bateaux, etc. Comme nous avons vu que l interopérabilité n était pas seulement un problème technique, il était donc essentiel que les armées se dotent d un concept et d une doctrine pour chacun de ces deux types d opération combinée. Par ailleurs, les opérations extérieures se déroulent presque toujours dans un contexte multinational. Notre armée de terre doit donc aussi garantir l interopérabilité avec nos principaux alliés. Un besoin d interopérabilité permanent est même nécessaire puisque les grandes alliances se dotent désormais de systèmes de réaction rapide telle que la NRF pour l OTAN. Ces alliances peuvent mettre en œuvre des unités multinationales de niveau relativement faible (BG 1500 de l UE). La crédibilité de ces GUE- PARD multinationaux repose sur leur interopérabilité. Au-delà de la complexité de la compatibilité des matériels SIC, se pose celle des normes d activités (cycle) et d entraînement. L établissement de normes organisationnelles et procédurales est tout aussi indispensable. C est comme cela qu il faut comprendre la norme HRF. C est aussi pourquoi les équipes d analyse après action (3A) des exercices GUIBERT et AURIGE se basent sur des critères dérivés des critères OTAN. Les opérations multinationales se heurtent aussi à des problèmes d interopérabilité politiques c est-à-dire découlant des limitations d emploi (ROEs, types d action, etc.) qui peuvent varier considérablement d un contingent à l autre. Or ces caveats sont parfois difficiles à déterminer : soit que certains gouvernement rechignent à les déclarer explicitement, soit qu elles découlent de définitions juridiques différentes. Ainsi au Kosovo en 1999, la réactivité du J3 de la KFOR a-t-elle été notablement améliorée quand on a pu dresser une liste assez exhaustive de ces limitations et en déduire les compatibilités possibles. L interopérabilité des systèmes repose essentiellement sur des normes acceptées par tous ceux qui veulent intégrer un plexus interopérable. En matière militaire, ces normes ne doivent pas seulement être établies entre les matériels mais aussi entre les doctrines, les organisations, la formation et les activités. La structure en verticales parallèles de l armée de terre ne facilite pas la définition et la prise en compte de ces normes. Pourtant c est un défi essentiel à relever. Il y va de la capacité à combiner effectivement l efficacité des différentes fonctions opérationnelles. L enjeu est d autant plus fort que la numérisation l exige tout en la compliquant et que ces normes doivent être en harmonie avec celles des autres armées et des systèmes étrangers avec qui nous agissons de plus en plus de conserve. DOCTRINE N MARS 2007

105 libres réflexions Les forces de l ex-pacte de Varsovie : un bon exemple d interopérabilité? Les forces de l ex-pacte de Varsovie, vaincues sans avoir combattu, avaient, au moment de la dissolution du Pacte le 1 er juillet 1991, atteint un haut degré d interopérabilité entre elles si l on se réfère aux critères d interopérabilité définis par l OTAN. Cette aptitude à opérer en synergie dans l exécution des missions fixées, considérée comme le but final de l interopérabilité au sein de l Alliance atlantique, avait bien sûr été obtenue par une action volontariste des militaires soviétiques, facilitée par le système politique des pays concernés imposé par le grand frère de Moscou. En effet, dans une alliance ou une coalition, la puissance dominante du moment, même lorsqu il s agit d un vrai Etat démocratique, a toujours plus de facilités pour proposer sinon imposer ses propres critères militaires, mais aussi économiques à ses alliés ou vassaux. L exemple de l armée américaine de 1917, organisée, formée et largement équipée à la française, et celui, à l opposé, de l armée française de , rééquipée et réorganisée à l américaine, le montrent bien. La recherche de l interopérabilité, véritable défi lorsqu elle vise le plus haut degré de celle-ci, reste avant tout affaire de volonté politique, voire de stratégie dans certains pays, car, derrière la nécessaire aptitude des armées alliées ou amies à opérer ensemble, comprise et admise par tous, se dessinent une dépendance et un renoncement à certaines capacités nationales, qu elles soient militaires, mais aussi économiques, et parfois politiques. Cette recherche ne devra donc pas être seulement une course entre bons élèves avides d atteindre l excellence en matière de critères techniques, mais une suite de choix raisonnés permettant d atteindre un juste équilibre, toujours provisoire, entre efficacité militaire et intérêts nationaux. L exemple des armées du Pacte de Varsovie, inféodées à l Union soviétique, est donc intéressant à rappeler, mais restera difficile à imiter et à accepter. Après, à titre de comparaison, un aperçu rapide de l interopérabilité au sein de l OTAN, le présent article rappellera ce qu elle était dans le Pacte de Varsovie, puis proposera quelques réflexions sur ce sujet. PAR LE GÉNÉRAL (2S) JEAN-MARIE VEYRAT A titre de comparaison, l interopérabilité au sein de l OTAN 1 Dès ses origines, avec en particulier la mise sur pied des structures militaires 2 dont le commandement intégré à partir de 1950, l OTAN a cherché à améliorer l interopérabilité des différentes armées de l Alliance atlantique, avec, au fil des années, sous l impulsion des commandants en chef successifs, mais aussi des directeurs des bureaux et agences responsables des mesures techniques propres à développer cette capacité indispensable, et, bien sûr et surtout, des gouvernements et commandements militaires des différents pays de l Alliance. MARS DOCTRINE N 11

106 Des avis complémentaires sur l interopérabilité La politique pour l interopérabilité approuvée par le Conseil de l Atlantique nord (NAC) le 7 mars reste bien dans la lignée de ces actions, même si le contexte stratégique a bien changé, puisque l interopérabilité est maintenant également recherchée entre des forces d origines plus diverses, dont certaines ayant appartenu à l ex- Pacte de Varsovie (armées des 26 pays de l OTAN, des pays du partenariat pour la paix, des pays du dialogue méditerranéen, etc.) susceptibles de s engager dans des missions communes. Même si la formulation de cette aptitude majeure 4 a évolué selon les époques, l interopérabilité au sein de l OTAN a toujours supposé de détenir les capacités de pouvoir communiquer, opérer ensemble, soutenir les forces mises sur pied en commun, s entraîner ensemble à un même niveau d interopérabilité. Le Pouvoir communiquer a conduit au choix des 2 langues officielles de l OTAN (l anglais devenant progressivement, surtout après le retrait de la France de l organisation militaire intégrée, la langue dominante, en particulier dans les commandements opérationnels), complétées par une terminologie militaire identique, à l élaboration de procédures communes, à la réalisation de systèmes d information et de communications compatibles sinon communs. Le Pouvoir opérer ensemble a amené la détermination de buts communs, avec le choix d un concept stratégique, décliné dans des textes sur l organisation et l emploi des forces, avec des manuels de doctrine 5 et des mémentos de procédures, mais aussi des structures de commandement interalliées, intégrées, complétées par des structures techniques dans certaines fonctions opérationnelles. Toutes ces structures ont bien sûr évolué au cours des années pour s adapter au contexte géopolitique, mais toujours dans le sens d une meilleure interopérabilité. Le Pouvoir soutenir les forces mises sur pied en commun a provoqué la recherche, chaque fois que possible, d équipements normalisés, standardisés. En fait, après des décennies, la plupart des systèmes d armes employés par les armées de l OTAN ne sont pas encore interopérables. Les nécessités économiques, théoriquement bien prises en compte dans les réflexions de l OTAN, ne l ont pas emporté sur les intérêts particuliers des Etats. Des critères de standardisation (ou normalisation) ont pourtant été définis progressivement pour les matériels, avec maintenant l interchangeabilité 6, la communité 7 et la compatibilité 8. Les forces alliées actuelles sont encore bien loin de la communité, stade ultime de l interopérabilité dans le domaine des équipements. Malgré certaines lacunes, notamment dans ce domaine de l interopérabilité, l organisation du traité de l Atlantique nord a fait la preuve de son efficacité, en particulier dans la dernière décennie, certes dans des contextes différents de celui prévu à l origine, à savoir l affrontement avec le Pacte de Varsovie. La question de savoir si, dans un véritable conflit majeur, les forces de l Alliance l auraient emporté sur celles du Pacte, reste posée. La coalition militaire dominée par l Union soviétique a incontestablement subi une défaite au plan stratégique, à savoir ici celui de la stratégie générale et pas seulement militaire. Les armées du Pacte auraient peut-être pu remporter des succès, au moins initialement, aux plans tactique et opératif, mais dans la durée, cette coalition fondée sur la contrainte aurait-elle pu résister, surtout en cas de revers? L interopérabilité dans le Pacte de Varsovie Les armées du Pacte de Varsovie avaient pourtant des atouts non négligeables. Né en 1955 en réaction à l entrée de la République fédérale allemande dans l Alliance atlantique, le Pacte de Varsovie était, contrairement à celle-ci, un système d alliance fondé sur la subordination de ses membres vassaux à la puissance dominante et occupante, l Union soviétique, et étroitement dirigé par elle au travers d un comité politique consultatif et d une structure militaire subordonnée à un commandement suprême interallié. Disposant d un état-major presque entièrement composé de Soviétiques, le commandant des forces du Pacte de Varsovie, assisté d un conseil militaire formé des généraux ministres de la défense des pays de l est de l Europe (auquel était d ailleurs rattachée l administration responsable de la standardisation), était bien sûr un maréchal soviétique. Cet officier soviétique commandait dès le temps de paix tous les groupes d armée soviétiques stationnés en Allemagne de l est, en Pologne, en Tchécoslovaquie et en Hongrie, dans les Le Pouvoir s entraîner à un même niveau d interopérabilité a conduit à une politique commune d entraînement, et même d instruction dans certains domaines, et a amélioré en permanence la capacité opérationnelle de l OTAN. SIRPA TERRE DOCTRINE N MARS 2007

107 libres réflexions trois régions militaires occidentales de l Union, ainsi que toutes les forces de la République démocratique allemande. Les armées des autres pays du Pacte n étaient subordonnées au commandant suprême qu en cas de menace extérieure (définie par les dirigeants soviétiques...). Le haut commandement soviétique disposait donc de forces commandées et organisées selon les mêmes structures, formées selon les mêmes règles et pratiquement équipées avec les mêmes matériels. Ces forces alliées étaient subordonnées au commandement soviétique et étroitement contrôlées dès le temps de paix par un système complet, militaire et surtout politique, avec notamment, la double casquette des commandants des forces subordonnées, en même temps ministres de la défense de leur pays, la présence d un général soviétique représentant le commandant suprême auprès de chaque armée, celle de nombreux conseillers militaires au sein des différentes unités, le poids des structures liées au parti communiste en place au sein de ces unités (cellules du parti, officiers politiques, branches de l association de la jeunesse communiste, officiers de sécurité du KGB ou de son équivalent national), sans parler de la présence non négligeable d épouses russes. Un des avantages des forces du Pacte sur celles de l OTAN était bien sûr la communité pratiquement réalisée dans le domaine de la doctrine, des procédures, mais surtout des équipements. En effet, hormis quelques matériels nationaux tolérés pour des raisons politiques et économiques (copies de matériels russes, équipements spécifiques provenant de vieilles industries d armements performantes), l essentiel des matériels terrestres et aériens des armées du Pacte était d origine soviétique. Au-delà de la recherche de l efficacité militaire, Moscou avait imposé à ses Etats vassaux un système économique avec le COMECON (conseil pour l assistance économique mutuelle) qui tendait à la construction d une société communiste dans les pays dominés par l Union grâce à la coordination du commerce extérieur des pays, la division du travail, la réalisation d un système de transport commun et l échange des expériences technique et économique. L organisation militaire unifiée mise en place par les Soviétiques, qui reposait d abord sur un système politique dictatorial, dans l armée de l Union comme dans les armées vassales, donnait donc aux forces du Pacte de Varsovie une cohérence et une unité apparemment plus fortes que celles des forces de l OTAN, armées démocratiques de pays libres, libres d ailleurs, en cas d agression d un membre de l Alliance, de prendre aussitôt, individuellement et d accord avec les autres parties, telle action qu elle jugera nécessaire, y compris l emploi de la force armée (...) 9. L interopérabilité, au moins technique, des forces du Pacte était bien réelle, mais suffisait-elle à leur donner la supériorité? Quelques réflexions sur l interopérabilité Une interopérabilité minimale est bien sûr nécessaire à l efficacité d une force multinationale, surtout si elle est engagée dans de véritables actions de combat. Obtenue dans la durée par une action volontariste, politique et militaire, des membres de l Alliance ou de la coalition, cette aptitude majeure doit, tout au long de sa recherche, faire l objet de choix raisonnés, dont on peut évoquer certains en reprenant les composantes définies dans la première partie. Le désir de tous de bien communiquer sur le terrain et les relations techniques, mais aussi humaines qu elles supposent, signifient d abord le partage d un fond culturel commun, plus petit dénominateur commun de cultures souvent assez différentes, l acceptation d une langue de travail unique, mal nécessaire qui doit être corrigé par un système de liaison performant et un dialogue permanent entre les chefs, l établissement de procédures communes et bien rodées, même si elles sont parfois lourdes, et, enfin, la mise en place de systèmes de commandement ainsi que d information et de communications si possible identiques, au minimum compatibles. Il s agit bien là d obtenir, avant d agir, une vision sinon identique, du moins proche de la situation, et de s entendre sur un effet politique à obtenir, puis sur une conception générale de l action militaire à mener. L aptitude à opérer ensemble passe d abord par la connaissance des points communs entre les armées engagées dans l opération, dont les doctrines et procédures élaborées en commun et acceptées par tous, au moins aux niveaux supérieurs de commandement (stratégique, opératif, tactique des très grandes unités), mais aussi des différences entre les armées, surtout lorsque les cultures des nations impliquées sont éloignées. Dans les situations difficiles, que l on peut rencontrer aussi dans les actions de stabilisation, l homogénéité des unités reste le garant de l efficacité militaire et de la sécurité du personnel, comme l ont montré beaucoup d opérations nationales et alliées récentes. Le maintien de grandes unités homogènes, normalement nationales, est donc largement souhaitable, malgré, parfois, les pressions des autorités politiques ou les mauvaises habitudes prises il y a quelques années dans des opérations de maintien de la paix. La volonté de bien soutenir les forces mises sur pied en commun tout en réduisant le poids de la logistique et son coût a depuis longtemps conduit les pays de l Alliance à vouloir construire, ensemble ou pas, des équipements normalisés. Pourtant, malgré quelques beaux succès déjà anciens, ils ont continué à construire leurs propres équipements ou à les acheter sur étagères, notamment aux Etats- Unis. La montée en puissance de l Europe de l armement n a donc pas eu pour l instant les effets escomptés et les armées européennes auront sans MARS DOCTRINE N 11

108 Des avis complémentaires sur l interopérabilité SIRPA TERRE doute longtemps encore des matériels différents. Faudrait-il regretter les deux premières décennies de l OTAN pendant lesquelles ces armées avaient beaucoup de matériels communs (d origine américaine...)? Ce serait oublier que s équiper avec du matériel étranger, même venant d un pays allié et ami, peut conduire à réduire sa liberté d action dans certaines situations de conflit. Le plus haut niveau d interopérabilité, la communité, pourrait donc bien être un idéal que peu de pays veulent atteindre, surtout pour les nations ayant, comme la France, une vision mondiale. L entraînement à un même niveau d interopérabilité, objectif important à prendre en compte le plus en amont possible des opérations, est en revanche plus facile à réaliser, au moins entre armées de l Alliance, surtout européennes. Il s est amélioré en permanence et continuera de s améliorer avec leur participation aux activités des commandements de l OTAN, tels que les exercices, mais aussi les mises sur pied de forces communes temporaires dans le cadre de la NRF 10, et bien sûr les opérations. 1 OTAN : Organisation du traité de l Atlantique nord. 2 L organisation de l OTAN, en particulier la nouvelle, bien connue des lecteurs, ne sera pas rappelée ici. 3 NATO Policy for Interoperability - Action Sheet C-M (2005) March Aptitude majeure définie dans le concept d emploi des forces armées françaises de Les différents pays de l Alliance conservant cependant des doctrines nationales. 6 L interchangeabilité est définie par l OTAN comme la capacité, pour un matériel, procédé ou service, d être employé à la place d un autre pour remplir la même mission. 7 La communité est définie par l OTAN comme l utilisation des mêmes doctrines, procédures ou équipements. 8 La compatibilité est définie par l OTAN comme la pertinence de produits, procédés ou services pour un emploi de conserve dans des conditions spécifiques pour remplir des missions afférentes sans causer des interactions inacceptables. 9 Cf le traité de l Atlantique nord. Cette action pouvant, pourquoi pas, se borner à qualifier l agression d intolérable NATO Response Force. Apparemment séduisant si l on fait (difficilement) abstraction de ses aspects politiques, le cas, pour ne pas dire l exemple, du Pacte de Varsovie montre bien que le stade ultime de l interopérabilité, la communité presque complète, présente bien des inconvénients pour une nation soucieuse de préserver son indépendance politique et économique. La recherche d une interopérabilité efficace et suffisante reste donc avant tout une affaire de volonté politique et de choix judicieux dans les différents domaines que recouvre cette aptitude majeure. Compte tenu des implications politiques et économiques de ces choix, le niveau d interopérabilité souhaité par un groupe d Etats partageant une vision commune devrait être plutôt proche de l interchangeabilité qui permet l efficacité des actions militaires sans se livrer pieds et poings liés à une autre nation aux intérêts souvent divergents ou sans se lancer dans une course aux équipements High Tech ruineuse et perdue d avance. DOCTRINE N MARS 2007

109 libres réflexions Quelques réflexions après deux ans de 3A 1 des exercices de niveau 3 au CEPC 2 Ces quelques lignes constituent une synthèse des observations, liées à la tactique ou à la manœuvre 3, et des réflexions auxquelles elles ont donné lieu, effectuées après deux ans d analyse après action au CEPC de MAILLY. Ne portant que sur un aspect limité des exercices des forces (CAX de niveau 3, impliquant le niveau 4), elles n ont qu une valeur relative, même si elles sont le fruit d observations multiples et recoupées. Elle se veulent une contribution pour améliorer la performance opérationnelle et peuvent servir de point de départ au recueil d autres constats confirmant, atténuant ou infirmant ceux exprimés ci après, à la confrontation des points de vue, et à la recherche des actions correctives à entreprendre. Elles présentent donc des constats, en s attachant plus particulièrement aux lacunes et aux insuffisances et effectuent une analyse succincte de leurs causes. Passant rapidement sur les points positifs, elles proposent quelques pistes correctives. PAR LE GDI (2S) JEAN-MARC DE GIULI, CDEF/DREX - DIRECTEUR 3A AU CEPC Des constats inquiétants Ils relèvent de trois attitudes très - trop - fréquentes, qui ne sont pas, cependant, généralisables 4. Intellectualiser et schématiser l idée de manœuvre, les MA, les ME Idée de manœuvre La recherche de l effet majeur et la construction des modes d actions reste un exercice intellectuel, dans le pire des cas de pure forme, et la plupart du temps abordé sous un angle virtuel. En ce qui concerne l effet majeur, son objet : que faire pour avoir le plus de chances de remplir la mission? est connu, mais on a du mal à le concrétiser. Souvent on s en tient à une paraphrase de la mission résumée en un effet terrain, à son point d application dans le temps décalé de quelques heures par rapport aux échéances de celle-là, et en ne mentionnant que très rarement l ennemi et le volume des moyens amis nécessaires. L origine de cette difficulté provient du fait que cet effet majeur ne découle pas logiquement, simplement et en priorité, de l analyse des objectifs et des possibilités ennemies dans les trois dimensions : l espace, le temps et les volumes de moyens nécessaires. De ce fait, il ne vise pas à contrer la menace adverse dans son hypothèse la plus dangereuse ou à saisir les opportunités liées à la prévision de rapports de force favorables. Faute d analyse détaillée et d évaluation sur la nature, le volume et les attitudes possibles de cet ennemi, il mesure mal les rapports de forces nécessaires à lui opposer dans le temps et dans l espace, et donc ne peut apprécier ni le volume des moyens amis nécessaires, ni le lieu et le moment de leur concentration. Pour être mieux compris, voici deux exemples d effet majeur, assez couramment proposés, pour une action rétrograde correspondant à une mission du type : interdire à l ennemi d atteindre la ligne PL3 avant le 10/01 19 h. Cas le plus courant : empêcher l ennemi d atteindre la ligne intermédiaire PL 22 avant le 10/01 16h, autre cas possible : tenir PL 22 jusqu au 10/01 16 h. Il serait plus utile et concret d imaginer un effet majeur du type : gagner les délais nécessaires, soit X heures, MARS DOCTRINE N 11

110 Des avis complémentaires sur l interopérabilité en détruisant le premier échelon ennemi (tel type et tel volume d unité), dans telle zone ou telle zone, entre telle heure et telle heure, par une action coordonnée de tel type et de tel volume de mes moyens. MA Ensuite, le mode d action, ou le comment faire pour réaliser mon effet majeur?, souffre aussi d un manque d imagination et de méthode. Ainsi on perd de vue que l exposé du mode d action doit permettre de faire comprendre très simplement et très concrètement l ensemble de la manœuvre ou comment on envisage combiner l action des moyens. Caractériser et décrire la manœuvre doit ainsi permettre de répondre à quelques précisions simples : quelle est la tonalité générale de ma manœuvre ou quel style doit-elle adopter? (prudence, audace, progressivité, autres paramètres cruciaux liés à l environnement), Quel découpage dans le temps? Ceci est généralement fait, sauf qu il consiste parfois en un découpage théorique et difficilement réaliste, pourquoi s obstiner à prévoir trois phases de 3 h chacune alors qu il serait plus efficace de n en avoir que 2 de respectivement 6 et 3 h ou 5 et 4 h, quelles modalités? En prenant position sur les caractéristiques quasi obligatoires: actions centralisées ou décentralisées, actions simultanées ou successives. Là aussi, on privilégie souvent la décentralisation pour s apercevoir en cours d action que la centralisation s impose. Ce changement de portage ne pose pas de problème à son niveau, mais va en poser à ses subordonnés dont on modifie en conduite, dans l urgence et sous la pression, la manœuvre qu ils ont conçue, préparée et qu ils sont en train d exécuter. quelle articulation et quel rôle pour chacun d eux? en choisissant la nature et la composition des échelons dont il serait souhaitable qu ils conservent une grande cohérence tout au long de la phase en question. Reprenant ainsi notre exemple précédant, nous pourrions avoir un en vue de... du type suivant : Renseigné en permanence par un dispositif d observation installé à telle hauteur (différentiation des hypothèses ENI) et se laissant dépasser, - premier temps : avec un échelon composé de telle unité et telle unité, freiner de manière décentralisée sur deux fuseaux jusqu à telle ligne pour telle heure, - second temps : entreprendre une action de destruction centralisée dans telle zone ou telle zone en coordonnant (2 e échelon) un coup d arrêt de telle unité et une contre attaque de telle autre entre telle heure et telle heure ADC DUBOIS/SIRPA TERRE - troisième temps : recueillir second échelon et tenir telle coupure avec les moyens initialement en premier échelon, valorisée au cours du T1 et du T2 avec moyens génie conservés aux ordres, jusqu à telle heure. Au final, on assiste de plus en plus, sous prétexte d interopérabilité et probablement en raison des procédures opérationnelles mise en œuvre en OPEX dans un cadre OTAN ou US, à l irruption du Tasking qui conduit à sortir une idée de manœuvre à l américaine ou Intent qui reprend les différents volets de la mission (attaquer sur tel axe, sécuriser telle zone, couvrir) puis à les affecter à ses subordonnés (GTIA 1 et 2 : attaquer, GTIA 3 : sécuriser, GTIA 4 : couvrir). ME Bien souvent, ces ME se bornent à plaquer sur le terrain, de manière simpliste et stéréotypée, les actions offensives ou défensives adverses. Trop souvent ces actions sont imaginées de manière trop statique ou selon un dynamisme limité. On assiste ainsi à la répétition de formules passe-partout du type en défensive : soit accrocher sa défense à l avant, soit freiner dans la profondeur, soit accrocher sa défense en fond de tableau. Cet exemple montre aussi combien on transpose à l ennemi ses propres travers comme nous le verrons plus loin. Or en la matière, il convient d être à la fois logique et imaginatif en se mettant à la place de l ennemi. En effet ce dernier, comme nous d ailleurs, va, peu ou prou, articuler sa réflexion sur trois paramètres : - son ou ses objectifs possibles, - les moyens en sa possession, leurs capacités et leurs centres de gravité, d où l intérêt ou l utilité d articuler les ME sur les possibilités des entités adverses plus que sur l emploi du terrain qu il peut en faire, - sa perception de notre menace. En l occurrence les ME ne seront ni plus ni moins que la façon dont il pourrait combiner l emploi de ses moyens pour atteindre son objectif. Et sa combinaison d emploi devrait se traduire par des options de coordination DOCTRINE N MARS 2007

111 libres réflexions s appuyant sur ses centres de gravité. Par exemple : coordonner l action de deux entités installées et d une entité mobile agissant sur un flanc ou en CATT localisée ou encore coordonner une entité mobile initiale puis une entité fixe et enfin à nouveau une entité mobile. Une autre façon d imaginer ses actions peut relever des rapports de forces. En situation favorable, l ennemi va essayer d agir avec audace et rapidité, mais de manière relativement classique ; en situation défavorable, il va essayer de compenser son infériorité par l emploi d appuis ou une très grande mobilité....et en maîtrise de la violence Ces observations principalement orientées sur des situations de conflit de haute intensité sont encore plus cinglantes dans les situations de maîtrise de la violence. En pareil cas, la mission confiée est de manière quasi immuable le contrôle d une zone avec une prédominance du terrain alors que les enjeux tournent autour du milieu humain. Cette mission est toujours traitée dans une logique de guerre froide où il s agissait avant tout de conserver une certaine liberté d action aux forces. Elle ne l est pas dans une logique actuelle de phase de transition où il s agit de profiter de l état de choc des parties en présence pour rétablir une vie normale en assistant l autorité locale, et en protégeant les populations d une système de guérilla qu il conviendra au plus vite de cloisonner et de réduire. De ce fait l idée de manœuvre reproduit souvent des schémas préétablis démultipliant en cascade le découpage de la zone en fonction du nombre d entités subordonnées et en conservant une réserve d intervention. Ainsi sans parler de l action dans les champs psychologiques et n en rester qu à la dimension physico - tactique du problème, on ne traite quasiment jamais les problématiques lourdes de ce genre de conflit asymétrique qui reposent sur le choix d un MA privilégiant ou équilibrant la satisfaction de quatre besoins antinomiques et consommateurs de moyens que sont : - la conception et la conduite de la guerre de l information, qui se traduit par l importance de certains sites (les stations radio) ou de certaines personnalités (le haut représentant de l ONU par exemple), la mise au point de certains messages, - l assistance aux autorités locales, et le redémarrage de la vie publique, économique, sociale, ce qui ajoute à la liste des PS vitaux d autres points (Palais présidentiel, QG de la police, énergie, transports, etc.) - la protection de la population et de la force, ce qui amène à examiner dans le détail la répartition des ethnies menacées ou potentiellement hostiles créant ainsi des zones à sécuriser ou d autres à isoler, - la neutralisation de la guérilla en traquant ses dirigeants, en détruisant ses forces, en investissant ses zones refuges, et en la coupant de ses soutiens logistiques. Faute d une telle analyse, l idée de manœuvre repose sur de vagues généralités reprenant la mission reçue dans des termes similaires et un MA générique évoqué ci-dessus, alors qu elle devrait être une application, dans le temps et dans l espace, d un effet majeur et des actions jugées prioritaires en raison de leur importance pour le succès de la phase. Manœuvrer ou combattre le terrain Alors même que l on ne cesse de parler d effets ou d opérations basées sur les effets, de ciblage, de frappe chirurgicale, de limitation des effets collatéraux, nos exercices et les manœuvres auxquels ils donnent lieu restent désespérément marquées par des missions terrain (attaquer sur telle direction, s emparer de tel zone, interdire telle ligne...) et des effets terrains (contrôler tel axe, tenir telle agglomération, etc.). Cette propension est un héritage de la guerre froide, de la notion de front continu et de la manœuvre sous contrainte nucléaire. Aujourd hui nos schémas restent identiques avec des fuseaux de division, de brigade et de groupements. Les objectifs sont toujours linéaires, très souvent des coupures, souvent des hauteurs le long desquelles court un axe. Ils sont successifs et dans la profondeur. Les raids s effectuent dans la profondeur après percée. Les déplacements tiennent lieu de manœuvre. A mon sens, la première cause de ce phénomène provient de nos faiblesses en renseignement. Comment imaginer une manœuvre sur l ennemi, alors même que les renseignements le concernant sont vagues, imprécis, mal ciblés, faute d une expression des besoins anticipatrice et pertinente, mal analysés et interprétés faute d expertise vraie en la matière? Le caractère contraint dans le temps de nos exercices accentue ce déficit ; en effet le fait de manquer de renseignements sur l ennemi n est pas forcément le résultat d une carence de l étatmajor et il pourra s avérer nécessaire d intégrer dans la manœuvre une phase préliminaire visant précisément à acquérir les informations nécessaires à son montage et à son bon déroulement. En opération réelle, ce besoin s est traduit tout au long de l histoire militaire par de nombreux exemples à tous les niveaux, des reconnaissances d officiers en vigueur dans l armée allemande jusqu aux opérations de déception, sans parler du façonnage du champ de bataille cher à nos amis américains. Ainsi, rares sont les objectifs forces et l émergence du mode opératoire de maîtrise de la violence a accentué le phénomène puisqu il ne s agit plus de détruire mais de contraindre, d isoler, de dissuader. En la matière, la notion d effet prend ici une acuité et une pertinence supplémentaire, et la qualification de cet effet peut se démultiplier de manière encore plus considérable que dans le contexte classique du conflit coercitif de haute intensité. En effet, définir des effets sur les forces ne signifie pas systématiquement privilégier la destruction. Bien MARS DOCTRINE N 11

112 Des avis complémentaires sur l interopérabilité au contraire, isoler un point d appui, contourner une résistance pour la réduire par le point faible de son dispositif ont de tout temps constitué les meilleurs moyens de le faire décrocher ou de précipiter sa reddition. Là aussi la linéarité des dispositifs ne permet que rarement l engagement latéral ou à fronts renversés, source de bien de succès tactiques. Enfin, il ne faut pas sous-estimer aussi le fait qu il est plus commode et moins exigeant en terme d imagination, d approfondissement de l analyse et de rigueur de travail, de privilégier le terrain sur l ennemi. Toutes proportions gardées, mais l analogie n est peut-être pas aussi décalée qu il n y paraît, la manœuvre du terrain constituait la doctrine officielle de l armée du Second empire, armée de projection professionnelle aguerrie, mais qui ne mettait pas au rang des vertus à cultiver l effort intellectuel et l analyse tactique. Intellectualiser l application des méthodes de raisonnement ; dissocier conception et conduite Le caractère virtuel ou la maîtrise imparfaite des MRT et MEDO ressort trop souvent (paresse pour les analyses, survalorisation de l intuition, mauvaise organisation ou suractivité des cellules manœuvres futures 5 ). Ces méthodes sont pourtant toutes basées sur la notion d effet, en priorité sur les forces. Cette application imparfaite dans l action est souvent justifiée par leur nonadaptation aux phases de crise. On s en sert pour élaborer la conception et rédiger l ordre initial puis ensuite on s en tient à quelques vagues réminiscences ou formules passe-partout. C est souvent une explication qui ne peut que renforcer la non- maîtrise, car les méthodes ne sont qu un outil que l on ne manie bien, au point de l oublier, qu à la condition de bien l avoir en main par une longue et fréquente pratique or celle-ci est embryonnaire ou trop limitée, mais nous y reviendrons plus loin. procure, la numérisation renforce cette tendance manifeste à privilégier la conduite et à faire l impasse sur une MEDO jugée inappropriée sous la pression des délais et par sa nature même qui la réduirait à un exercice intellectuel de pure forme. Bien entendu, je ne légitime pas ce travers naissant, bien identifié par les Américains : la conduite numérisée tue la planification selon eux. Cela donne de bons résultats lors des exercices, car le général est toujours là pour exprimer et ajuster sa pensée, on est contraint à n armer qu un seul CO non relevé, les situations sont simples, les chefs de corps aisément convocables et il n y a pas de stress. Bref, on constate de plus en plus une forte propension à privilégier l informel oral sur le formel écrit, ce qui n a pas beaucoup de conséquences quand tout va bien, mais peut s avérer particulièrement destructeur en situation de crise. Quelles causes? Les causes de cette situation sont multiples et on se bornera à les citer sans trop s appesantir : - les séquelles de la tactique nucléaro-classique de la guerre froide - son front continu linéaire, sa manœuvre en piston (mais c est une explication qui commence à s user), - la faiblesse chronique de la fonction RENS (pour laquelle beaucoup d efforts ont été faits pour la formation et les moyens, à un petit bémol près mais de taille, la recherche a toujours primé l exploitation), en notant la rémanence tenace de l analyse d un adversaire de type soviétique aux procédés offensifs et défensifs immuables, - l abandon de la préparation et de l épreuve de tactique au concours écrit (niveau 3) et oral (niveau 4) de l école de guerre et son corollaire l absence ou la En fait, la manœuvre est davantage conduite que conçue. Or le fait de concevoir une manœuvre terrain constitue la première cause de ce divorce puisqu en conduite, on est bien obligé d affronter l ennemi. Et cette dichotomie est très fortement accentuée par la numérisation qui donne à tous la même information, sinon vraie, du moins fiable et perçue comme telle, ce qui peut provoquer une confiance exagérée dans sa perception de la situation. Ainsi la numérisation qui doit, in fine, raccourcir la boucle décisionnelle et permettre d anticiper la manœuvre adverse, facilite en premier lieu la conduite et accentue notre réticence et notre paresse à concevoir avec rigueur et précision. A quoi bon se fatiguer et perdre du temps à chercher un effet majeur, démarqué de la mission, et des MA subtilement élaborés si la numérisation nous permet de manœuvrer avec succès en marchant? Bien plus, en raison du confort et de l efficacité qu elle ADC DUBOIS/SIRPA TERRE DOCTRINE N MARS 2007

113 libres réflexions grande difficulté à identifier ou trouver des maîtres de tactique pour l enseignement militaire supérieur, et dans le même ordre d idée, pour le niveau 4, la quasidisparition des cahiers d armes et leur devoir de tactique, - l intrusion forcée de la culture doctrinale US pour laquelle la planification tient lieu de manœuvre et la mission consiste en une succession de tâches à remplir, - des exercices donnant la primauté aux techniques et procédures sur les questions tactiques (sous une double pression : un besoin nécessaire de normalisation mais aussi le souci de ménager la susceptibilité des chefs). Quelques motifs de satisfaction tout de même... Ils sont nombreux et ne sont pas développés, car ils sont les résultats d une politique menée avec constance et pertinence ces dernières années, mais ils ne portent pratiquement pas sur le développement d un esprit manœuvrier. Ils méritent toutefois d être listés : - la rigueur et la constante amélioration des techniques et des procédures de travail en état-major, mais ce constat est un peu gommé par les évolutions toujours plus accélérées et changeantes des normes imposées par l interopérabilité et les exigences toujours croissantes en la matière induites par la numérisation, - la qualité, les performances, le confort, la valorisation d image pour nos forces et le stimulant pour le moral qui caractérisent nos PC sheltérisés ou non, sans négliger les interrogations sur la pertinence des choix faits et des besoins existants liés à la protection et aux délais de déploiement, - les performances des SIOC, même si, parfois, leur convivialité pourrait être améliorée, - la bonne utilisation des appuis (au niveau 3 et 2 s entend) alors même que ce point est souligné comme une faiblesse majeure aux niveaux 4 et surtout 5 (CENTAC). Ce point souligne combien la performance opérationnelle est une notion globale où un maillon faible obère toute une chaîne. Un plan bien conçu doit donner lieu à des ordres bien compris qui eux-mêmes doivent être bien exécutés. Et maintenant... Que faire? La situation n est ni dramatique ni désespérée. De manière assez paradoxale, le constat fait lors des exercices ne corrobore pas celui qui est porté sur les résultats obtenus en opération. Pour se rassurer, pourraiton, tout au plus, l expliquer en considérant la trop grande sévérité de l un et la trop grande mansuétude de l autre au regard de la nature des OPEX elles-mêmes? Quelques pistes mériteraient toutefois d être explorées. - Revivifier et promouvoir notre culture militaire (mission, effet majeur, modes d action), ce d autant que celle-ci est parfaitement en phase avec les opérations basées sur les effets, qui pour cette raison constituent, à mon avis, une pseudo-nouveauté, mais une démarche intéressante à approfondir pour nous l approprier. Cette action est entamée, notamment par le biais des travaux et des publications suscitées et encouragées par le CDEF et les forces. Il faut en démultiplier les effets. Mais il conviendrait peut-être, dans le même temps, de s interroger sur la pertinence de nos méthodes de raisonnement. Ne portent-elles pas en leur germe l intellectualisme tant décrié? Ne manquent-elles pas de simplicité et de pragmatisme? Sont-elles vraiment adaptées à la complexité des situations rencontrées 6 et à leur rapidité d évolution? Il conviendrait, à mon sens, de réfléchir sur leur adaptation aux nouveaux enjeux et aux nouvelles conditions d exercice d un commandement désormais résolument orienté vers la substitution progressive et raisonnée d un fonctionnement en réseau à une logique pyramidale et hiérarchique. Sans développer à ce stade le contenu d une nécessaire adaptation qui aujourd hui se résume à essayer de coller aux méthodes en vigueur aux Etats-Unis, avec des résultats ambigus et insatisfaisants 7 puisqu en fait, on s aligne sans le dire, on peut s interroger sur la coexistence d une mission qui est un effet et la recherche souvent artificielle ou contrainte de sa traduction en un effet majeur qui ne la paraphrase pas 8. Ne vaudrait-il pas mieux essayer de mieux définir l effet attendu de la mission dans le cadre d une démarche des effets partant de l état final recherché et descendant jusqu aux actes et procédés tactiques les plus bas? Et ensuite focaliser toute sa sagacité intellectuelle et les délais de réflexion disponibles dans la définition de ME et des MA à confronter, à l aide d outils de simulation, en vue du choix final. D ici et de là, cette idée fait son chemin, on voit apparaître de premières applications logicielles de confrontation des MA et des ME 9. - Redonner de vrais objectifs tactiques, ou problèmes tactiques à résoudre, aux exercices en les faisant précéder d une présentation tactico-historique (cas concret), - Accompagner cette action d un effort pour la formation tactique à l EEM et au CSEM (professeurs et enseignement). Pour appuyer cet effort de formation, il me semble qu il serait judicieux d étudier comment les jeux de guerre du commerce pourraient nous aider en ce sens. En tout état de cause, un suivi et une analyse des productions en la matière pourraient déboucher au mieux sur leur emploi dans le cadre de l enseignement militaire supérieur, au minimum sur leur recommandation pour un usage privé personnel. - Réinscrire au centre des problématiques tactiques le choc de deux volontés antagonistes et redonner en exercice une place prépondérante au chef sur son EM MARS DOCTRINE N 11

114 Des avis complémentaires sur l interopérabilité en réintroduisant la double action (comme au CEN- TAC, mais en remplaçant la FORAD par un autre EM). Une des principales raisons de la réticence à la double action reposait sur les difficultés et le coût de l arbitrage. Aujourd hui, la simulation pallie grandement cet inconvénient. Ainsi, depuis 1993, la double action est un des principes de fonctionnement des exercices au CEPC de Mailly, avec un ENIEX aux ordres de la DIREX mais autonome pour la conception et l exécution de sa manœuvre. Cet aspect a été depuis le début une des causes de l intérêt et du réalisme des exercices. Il risque, hélas, de s amenuiser et de disparaître, car l inadaptation de la simulation à l arbitrage des phases de stabilisation et de maîtrise de la violence tend à faire revenir à une animation à la main. 1 3A : analyse après action. 2 CEPC : centre d entraînement des postes de commandement. Installé à Mailly. 3 Ce mémoire n aborde pas l organisation et le fonctionnement des PC. 4 Il existe de peu nombreuses mais très heureuses exceptions. Les insuffisances ne doivent rien à la fatalité. 5 Où la concentration des esprits les plus affûtés conduit parfois à leur auto-neutralisation. 6 Même si en toute rigueur, ces méthodes sont précisément destinées à raisonner un problème complexe. 7 Et qui ne peuvent que l être puisque précisément nos méthodes sont des méthodes de raisonnement et que les leurs sont des méthodes de planification. 8 Exercice obligé pour lequel la préparation au vieux concours de l école de guerre donnait quelques recettes qui, à défaut de garantir le succès de la manœuvre, offraient l avantage de respecter la forme de la méthode, à savoir que si la mission était un effet terrain, on devait trouver un effet majeur sur les forces adverses et vice-versa. 9 A noter le caractère prometteur du PEA APPLET en la matière. Une conclusion Pour exprimer ma perplexité devant le hiatus existant entre un constat préoccupant, pour ne pas dire sévère, en ce qui concerne l aspect tactique des exercices (alors même que l organisation et le fonctionnement des EM marchent plutôt bien) et la qualité estimée excellente ou très bonne, au titre du RETEX, de la conception et de l exécution de nos OPEX. Or l expérience montre que le réel, les opérations, s ils constituent un puissant stimulant, ne remplacent pas l ignorance ou l insuffisance de la préparation opérationnelle, le réflexe de dire qu en situation, ce ne sera pas pareil et que l on fera mieux qu à l exercice est souvent un mauvais alibi. On ne fera pas bien en réel, sous la pression, quelque chose que l on ne sait pas bien faire à l exercice sans la pression. Où est la faille? - Sévérité du jugement lors des exercices? Et encore j ai parfois le sentiment d être plutôt bienveillant et soucieux de ménager les susceptibilités. - Adéquation doctrine avec réalité? C est difficile à dire pour l emploi, plus vrai en ce qui concerne les méthodes du fait de leur complexité et de leur intellectualisme. - Distance entre exercices et réalité? C est un peu vrai, car il est très difficile de reproduire la phase de transition des opérations. - Valeur du jugement porté sur les OPEX? Il y a pourtant, semble-t-il, un certaine unanimité sur ce point, notamment de la part de nos partenaires étrangers. Il serait intéressant de prolonger et enrichir les échanges sur ce sujet. En 1870 nous avions une armée professionnelle aguerrie par ses engagements en de nombreux conflits, cela ne l a pas empêchée de subir la plus cuisante défaite de notre histoire. Ces quelques réflexions ne participent pas du phénomène d autocritique ou de dénigrement grincheux. Ils ne sous-tendent pas le regret du bon vieux temps. Elles prennent acte du statut professionnel de nos armées et des exigences qui résultent de leur recherche d excellence. Car cet objectif nécessaire devrait se traduire, certes par une progression et une amélioration du hard ou de la technique, mais avant tout par celles du soft ou intelligence de conception et d utilisation de tous leurs systèmes. DOCTRINE N MARS 2007

115 libres réflexions La QDR 2006 et ses grandes orientations Quelles tendances lourdes pour la doctrine américaine? On peut regretter le fait que la nouvelle Quadriennal Defense Review, qui vient de paraître, ne suscite pas plus de commentaires en Europe. Ce rapport du Pentagone est fondamental, il doit être fait au Congrès tous les quatre ans par le Département à la Défense qui y explique ses orientations stratégiques, sa structure de forces et leur emploi ainsi que les implications budgétaires des choix de doctrine. La première QDR datait de et l on peut noter que les concepts de donner forme à l environnement mondial et de guerre asymétrique apparaissaient déjà à ce moment là, sous l administration Clinton. La QDR 2006 est en conformité avec les orientations de la National Defense Strategy de mars 2005 ; elle continue le processus de transformation de l armée américaine, prend en compte l approche indirecte, les opérations de stabilisation ou bien encore traite du rapport entre armée de terre et forces spéciales (surtout dans le cadre de la contre-guérilla). PAR MONSIEUR STEPHEN DUSO-BAUDUIN, ENSEIGNANT-CHERCHEUR AU CDEF US ARMY Ainsi que le souligne le colonel Jean-Luc Friedling, attaché des forces terrestres à l ambassade de France à Washington, il y a eu une translation du concept de guerre globale contre le terrorisme à celui de guerre longue, concept qui change fondamentalement de la première guerre du Golfe ou de la campagne contre la Serbie de Tenant compte des critiques constructives du général Richard Myers, chef d état-major, et d autres acteurs stratégiques importants à Washington, on avait déjà assisté à un glissement progressif vers une doctrine plus globale (incluant les actions politiques, idéologiques, sociales...) avec la création du concept de global struggle against violent extremism employé par M. Rumsfeld et les officiers supérieurs à partir de juillet MARS DOCTRINE N 11

116 Des avis complémentaires sur l interopérabilité Non seulement de nouvelles missions sont prises en compte par les forces terrestres mais on assiste à une reconfiguration qui penche nettement du côté des forces spéciales. Ce dernier point est essentiel, en effet, il poursuit le mouvement lancé par le Secrétaire à la Défense dès son arrivée à ce poste. La cohérence idéologique et la vision stratégique à long terme de Donald Rumsfeld n ont donc pas changé sur ces questions et l évolution du conflit en Irak ainsi que la situation en Afghanistan n ont pas atténué sa conviction que le modèle des forces armées était du côté des forces spéciales. Ce sont elles qui sortent triomphantes de la QDR 2006, puisque les bataillons des forces spéciales augmentent d un tiers (augmentation de hommes), ainsi que les Navy Seals qui sont valorisés. 28,7 milliards de dollars seront affectés aux forces spéciales de 2007 à Pour mener à bien leurs missions indirectes, clandestines, ces forces bénéficieront d un nouvel escadron de drones pour l US Special Operation Command, en vue d augmenter l efficacité de leurs actions d infiltration et d extraction en zone hostile. Durant cette même période entre 2007 et 2011, il est d ailleurs prévu d acquérir 322 nouveaux drones. L accent est également mis sur l augmentation des capacités interarmées (pour des assauts par voie terrienne ou/et maritime, pour des feux d appui aériens et maritimes...). Les changements en cours sont donc cohérents par rapport à la doctrine établie depuis l arrivée de Donald Rumsfeld et le modèle des forces spéciales est sans aucun doute intéressant en termes de compétences. L US Army devrait en effet, selon cette ligne, pouvoir mieux s adapter à la menace actuelle, être plus agile, adaptable et réactive, avoir une formation plus intensive en langues et cultures étrangères ainsi qu une prise en compte des environnements géopolitiques dans les entraînements. Il ne faut cependant pas sous-estimer les différences de culture entre les forces spéciales et la majorité de l US Army et il convient de ne pas prendre l armée de terre américaine pour un simple appoint des forces spéciales ni pour un objet que l on pourrait ou que l on devrait transformer en double des forces spéciales. Chacun présente ses qualités propres selon le type de missions et le conflit auquel on doit répondre. Le choix de rapprochement croissant entre US Army et FS, avec une primauté aux forces spéciales, pourrait donc s avérer risqué politiquement et en termes de doctrine et de stratégie. Le ministre de la Défense américain effectue là un pari pascalien! Le sociologue et polémologue Alain Joxe, très critique sur la QDR 2006, reconnaît cette cohérence d ensemble mais il l interprète de manière pessimiste : Confrontées aux échecs de la guerre d Irak, cette cohérence et cette énergie peuvent paraître une énergie du désespoir, un testament plus qu une prospective. 2. Contrairement à Alain Joxe, nous pensons qu il ne s agit pas d un testament mais bel et bien de l ouverture d un nouvel opéra stratégique dont la partition sera respectée, quelle que soit l administration après la prochaine élection présidentielle. Jean Ordessa posait la bonne question dans son article sur les relations Europe/Etats-Unis : les Etats-Unis sont-ils surtout conduits par des tendances longues ou bien sont-ils sujets à des variations rapides d amplitudes importantes, susceptibles de modifier sérieusement ces tendances lourdes? 3 Ainsi que le dit justement Ordessa, il y a des deux aux Etats-Unis. Cependant, nous ferions pencher la balance du côté des tendances longues, en effet cette QDR 2006 ne se contente pas de la menace terroriste, elle envisage tout et à ce titre, elle est faite pour durer. Lorsque le journaliste américain William Pfaff parle de pauvreté intellectuelle 4 au sujet de ce document ou de son jumeau, le document présidentiel National Security Strategy Statement du 16 mars 2006, il se montre un peu dur. Par son spectre global des menaces, une telle doctrine est plutôt visionnaire. Elle n est en aucun cas conservatrice mais bien plutôt radicalement révolutionnaire. Mais décrivons cette QDR 2006 un peu plus avant afin de mieux saisir en quoi elle bouscule la donne de la doctrine et de la géopolitique car aujourd hui les niveaux stratégique, opérationnel et tactique sont devenus plus que jamais indissociables. Les quatre défis principaux identifiés par la QDR 2006 sont : Les menaces irrégulières, réseaux terroristes, insurrections... Les catastrophes comme l usage non anticipé d armes de destruction massive par un acteur non étatique ou un Etat. Les disruptive challenges. Les menaces traditionnelles d affrontement militaire plus conventionnel. Certaines critiques sont très sévères, ainsi, Benjamin Schreer de l Institut allemand d affaires internationales et de sécurité à Berlin (SWP) écrit-il : Si la stratégie consiste à faire des choix, la QDR constitue un échec total car elle ne fournit pas une vision qui relie les défis-menaces, les capacités et le budget de manière cohérente 5. DOCTRINE N MARS 2007

117 libres réflexions Il est vrai que, comme le reprochent les critiques de cette QDR 2006, il n y a pas de hiérarchisation des menaces. Cependant, c est justement cela, selon nous, qui fait la force de la doctrine et de la stratégie américaine actuelles. L absence de hiérarchisation entre les types de menaces et de conflits ne signifie nullement refus de choisir ou incapacité à décider mais bien au contraire intelligence stratégique, vue à long terme, considérant que les conflits peuvent très bien rebasculer d un type vers un autre ou devenir complètement hybrides. En tenant compte de cette typologie des menaces, la doctrine en matière d équipements ne varie pas, comme le montre la Congressional Defense Review, menée par le Parlementaire Duncan Hunter, qui converge finalement vers la vision du Pentagone, alors qu il y a souvent d âpres discussions entre les branches de l exécutif et le Congrès. Cette QDR 2006 n aura peut-être pas un grand impact sur la planification de défense comme le dit Schreer mais il a tort de minimiser ses externalités. Les effets sur les alliances, comme l OTAN, seront nets, et l on voit clairement le regard des Etats- Unis tourné désormais vers l Asie. Ce virage est important, d autant plus qu il est associé à la validation de l idée révolutionnaire selon laquelle une attaque préemptive est une mesure défensive, ce qui constitue une subversion des schémas temporels et rationnels puisque l on ne peut pas normalement prétendre condamner quelqu un pour un acte qu il n a pas encore commis et dont on n a pas même la preuve irréfutable qu il ait l intention de le commettre. La doctrine américaine des années 90, avec l administration Clinton et la révolution dans les affaires militaires (RMA) avait pour maître mot le temps réel, il fallait avoir du renseignement en temps réel et suivre les opérations en temps réel. On n est plus désormais dans le temps réel, mais ainsi que l analyse très bien Alain Joxe dans son article sur la QDR 2006 en amont du temps réel. C est là le véritable shift in emphasis 6 (changement d approche et de priorités). Certains critiques ont qualifié cette QDR 2006 de marxisme bureaucratique recyclé en postmoderne et high tech 7, d autres comme Alain Joxe ont préféré la qualifier d entrepreneuriale, c est-à-dire qui résulte d une application à la gestion stratégique des moyens et des fins, des principes (darwiniens) de la libre entreprise concurrentielle 8. Si certains traits de cette QDR 2006 pourraient correspondre à ces critiques, il nous semble qu elle serait mieux encore qualifiée de théostratégique, la QDR 2006 est en effet une forme d u-chronie, caractérisée par le fait qu elle cherche à s abstraire du temps (à voir les actes avant qu ils soient accomplis). L amiral Mahan, US ARMY MARS DOCTRINE N 11

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