Compte-rendu du séminaire du prédoctorat de Physique du mardi 13 décembre Interfaces mobiles. David Quéré (ESPCI) Irène Balmès et Anaëlle Hallé

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1 Compte-rendu du séminaire du prédoctorat de Physique du mardi 13 décembre 2005 Interfaces mobiles David Quéré (ESPCI) Irène Balmès et Anaëlle Hallé

2 1 Introduction En décembre 1805, Young publie l article "On the cohesion of surfaces" dans lequel il introduit l énergie de surface, mais de façon très qualitative, sans même y inclure l équation qui porte aujourd hui son nom. Laplace publie simultanément un article sur le même sujet mais au contenu bien plus mathématique, et comprenant quelques résultats essentiels en mécanique des fluides. 2 Historique En 1805 certains faits expérimentaux liés aux interfaces restaient inexpliqués. Il en était ainsi des expériences d ascension capillaire de Hauksbee en 1706 et de Taylor en Leidenfrost en 1756 avait aussi fait tomber des goutttes d eau sur une plaque à 350 C, qui restaient sphériques et étaient très mobiles au-dessus de la plaque, ou encore observé le jet sortant d une bulle de savon préalablement remplie de fumée de cigarette. L énergie de surface de Laplace et Young éclaire les observations. Elle est définie comme : E S = γσ avec γ la tension superficielle et Σ la surface. La forme sphérique est ainsi par exemple privilégiée car elle minimise la surface, et donc cette énergie. Les gouttes d eau qui tombent sont-elles sphériques, comme l écrit Goethe en 1807? Pour une sphère l énergie de surface est de l ordre de γr 2 et la force associée est donc de l ordre γr. Une goutte devrait donc être sphérique si cette force est supérieure à la force de friction de l ordre de ρgr 3 pour une goutte en chute libre, donc si γr > ρgr 3 c est-à-dire si γ R > ρg ce qui donne pour l eau R < 3mm. C est la taille maximale d une goutte d eau. En 2005 Reyssat a fabriqué des gouttes d eau de rayon 1 cm ; la tension de surface n a alors plus la capacité de diminuer la surface de la goutte qui enfle et crève. 3 Mouillage nul Certaines surfaces naturelles telles que celle des nénuphars (Fig. 1) ou des pattes d araignées d eau sont hydrophobes, c est-à-dire que l angle de contact d une goutte d eau pour ces surfaces est supérieur à 90. 1

3 Fig. 1 Nénuphar On réalise aujourd hui des surfaces très hydrophobes comme le substrat texturé réalisé par Calliès en 2005, substrat sur lequel les gouttes sont presque posées sur l air et sont donc sphériques. Des gouttes d eau peuvent couler 1000 à fois plus vite sur ces surfaces que sur des surfaces ordinaires car la surface de contact est très petite, donc la friction au niveau du contact goutte/surface est très faible. Le facteur limitant est alors surtout la force de friction de l air. On peut aussi réaliser des expériences d impact de gouttes sur des surfaces hydrophobes (Richard, 2002) ; les chocs observés sont alors très élastiques car l énergie cinétique de la goutte est transformée en énergie de surface lors de l impact. Fig. 2 Impact Couder, en 2005, a observé que des gouttes d huiles lachées sur une bassine remplie d huile vibrant à une fréquence de 100 Hz ne coalescent pas avec l huile de la bassine mais rebondissent. Si on en lache deux, on peut même observer des mouvements orbitaux, car chaque goutte rebondit sur les ondes engendrées par le rebond de l autre. Fig. 3 Gouttes d huiles rebondissant sur de l huile en vibration 2

4 4 Chocs En 1833, Savart réalise un impact de jet d eau sur un petit objet, et observe ainsi la création d une nappe d eau stationnaire. Les problèmes d impact de goutte sur un solide sont en trés grande majorité non résolus : on ne sait pas prévoir la formation de goutellettes et la taille de celles-ci. La résolution de ces problèmes aurait de nombreuses applications techniques, telles que les imprimantes à jet d encre. Ainsi, Nagel a remarqué en 2005 qu alors qu une goutte d alcool tapant sur un morceau de verre provoque la création d une fine corolle autour de la goutte et d éclaboussures, la réduction de la pression à Patm 3 permet d éliminer les éclaboussures. Egalement en 2005, Dorbolo a réussi à créer un oignon formé de couches successives d eau et d huile, en faisant tomber une goutte d eau dans de l eau recouverte d une fine couche d huile. L oignon ainsi formé contient également des gouttes d air encapsulées dans la structure. En 2004, Lorenceau étudie le choc d un jet dans un liquide, en l occurence de l huile. Lorsque le jet est lent, il se crée une dépression au niveau de la suface de l eau. Si on augmente la vitesse du jet, la dépression commence par devenir plus profonde, puis la surface du liquide se relaxe, en faisant apparaître une structure ayant la forme d une trompette sous la surface. La trompette est stationnaire et recouverte d air : la surface du liquide n est plus perturbée que localement par le jet qui la frappe. Fig. 4 Trompette stationnaire En 2005, Lohse s est inspiré des problémes d impact de jets pour proposer une expérience qui pourrait être l explication de la marche sur l eau d un type de lézard. En effet, quand une tige descend vite dans de l eau, il se crée une bulle de la taille de la tige, qui se pince, et entraîne la création de deux jets, l un vers le bas et l autre vers le haut. 3

5 5 Systèmes automoteurs Il est possible de créer à base de liquide des systèmes dits automoteurs, c est à dire qui bougent d eux mêmes. Par exemple, si l on met dans un tube deux huiles non miscibles dont l une a une tension de surface plus importante que l autre, le systéme des deux huiles se déplacera vers celle dont la tension de surface est la plus élevée. L asymétrie du système est donc responsable de sa mise en mouvement. C est le même principe qui est exploité dans l expérience que Chaudhury a réalisée en 1992 : une goutte placée sur un support dont le mouillage n est pas uniforme fuit le côté hydrophobe pour aller vers le côté le plus mouillant. En 1995, Ondarçuhu a réalisé une autre expérience où la goutte modifie elle même le verre pour avancer : ainsi, une goutte d octane contenant un oxyde chimique qui rend le verre non mouillant va se déplacer du côté où le verre a été le moins attaqué par l oxyde, et ne recroisera jamais sa trace. La variante de cette expérience qu Yoshikawa a réalisée en 2005 consiste à mettre dans une boîte de Petri en verre de l eau savonneuse (le savon rend le verre hydrophobe). Une goutte d huile iodée, plus dense que l eau, mise au fond de cette boîte suit une marche aléatoire mais cette fois-ci non auto-évitante : en effet, l eau savonneuse présente dans la boîte remet la surface en verre dans son état initial après le passage de la goutte. En 2005, Chaudhury a réussi à faire avancer des gouttes d eau en faisant vibrer un support de manière asymétrique. Chose étonnante, une petite goutte et une grosse goutte avancent en sens contraire dans ce cas-là! La même année, Callies a réussi à créer un mouvement grâce à des textures : en faisant vibrer de manière symétrique cette fois un support plus ou moins texturé, la goutte posée dessus est mise en mouvement vers les régions les moins hydrophobes. 6 Conclusion Il reste donc encore beaucoup de choses à étudier et à expliquer dans ce domaine, bien qu il ait été créé il y a 200 ans avec la découverte de la tension de surface par Young et Laplace. 7 Questions Pourquoi le mouvement des deux huiles dans le capillaire n est-il pas un mouvement perpétuel? Le mouvement n est pas perpétuel car la goutte de l huile avec la tension de surface la plus élevée (en quelque sorte, la locomotive du train) se dépose sur le tube au fur et à mesure de l avancée. Il y a donc une perte de matière. De plus, si on boucle le tube, quand la goutte d huile arrivera à un endroit déjà mouillé, elle n avancera plus. 4