La collocation adjectif - adverbe et son traitement lexicographique

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1 La collocation adjectif - adverbe et son traitement lexicographique Français allemand espagnol Inaugural-Dissertation in der Philosophischen Fakultät II (Sprach- und Literaturwissenschaften) der Friedrich-Alexander-Universität Erlangen-Nürnberg vorgelegt von Marion Netzlaff aus Regensburg D 29

2 Tag der mündlichen Prüfung: Dekan: Universitätsprofessor Dr. Thomas Herbst Erstgutachter: Universitätsprofessor Dr. Franz Josef Hausmann Zweitgutachter: Privatdozentin Dr. Michaela Heinz 2

3 Diese Arbeit ist unter demselben Titel La collocation adjectif-adverbe et son traitement lexicographique in Buchform erschienen bei Books on demand unter der ISBN Ce travail est paru sous le même titre «La collocation adjectif-adverbe et son traitement lexicographique» sur papier chez l éditeur Books on demand (ISBN ). 3

4 Remerciements Je souhaite exprimer ma gratitude à tous ceux qui m ont aidée à réaliser ce travail. Tout d abord, je tiens à remercier mon directeur de thèse, le professeur Franz Josef Hausmann, qui m a encouragée à entreprendre cette étude et à ne jamais perdre de vue sa finalité lexicographique et didactique, et Madame la professeur Michaela Heinz comme seconde correctrice pour ses conseils très utiles. J adresse également mes remerciements à Monsieur Ralf Brockmeier de la maison d édition Larousse de m avoir orientée vers le sujet du traitement lexicographique de l adverbe, au professeur Alain Polguère de l Université de Montréal de m avoir permis de consulter le manuscrit du Lexique actif avant sa parution, et au professeur François Maniez de l Université Lumière-Lyon 2 qui m a communiqué ses travaux sur les collocations adjectif-adverbe en anglais médical. Enfin, je remercie ma famille et Christian pour leur soutien, et en particulier ma mère grâce à laquelle le français est ma langue «maternelle». 4

5 Table des matières 0. Introduction La collocation Définition du terme de collocation Histoire du terme de collocation Importance des collocations pour l apprentissage d une langue étrangère La collocation adjectif-adverbe Approche sémantique Participe passé ou adjectif? Les adverbes simples Catégories d adverbes formant une collocation avec un adjectif Adverbe de manière Adverbe d intensité Adverbe de domaine Adverbe exprimant une référence temporelle Délexicalisation Un cas particulier : les adjectifs en able, -ible, -uble Approche syntaxique Place de la collocation adjectif-adverbe dans la phrase Syntaxe interne de la collocation adjectif-adverbe Adverbe exophrastique antéposé à l adjectif Préférences d emploi Base et collocatif dans la collocation adjectif-adverbe Degré de cohésion des collocations adjectif-adverbe Formes concurrentes des collocations adjectif-adverbe Approche contrastive Divergences entre le français et l allemand en matière de CAA Particularité de l allemand Approche didactique Collocations et lexique mental Collocations et enseignement du vocabulaire Importance des collocations adjectif-adverbe Les CAA et les langues de spécialités

6 3. La collocation adjectif-adverbe dans trois dictionnaires monolingues français et leur version électronique Rôle marginal dans la métalexicographie et la lexicographie Procédé d analyse Procédé de l analyse dictionnairique Élaboration d un recueil de CAA Présentation des corpus Liste des collocations adjectif-adverbe cherchées dans les dictionnaires Problèmes lexicographiques concernant les collocations dans un dictionnaire monolingue Recensement des collocations Lemmatisation des collocations Présentation de la collocation dans l article Les collocations adjectif-adverbe dans le Dictionnaire du français Apprentissage et Référence (Robert-CLE) Le terme de collocation dans le Robert-CLE Présentation typographique Représentation des collocations de la liste du chapitre Les collocations adjectif-adverbe dans le Petit Robert Le terme de collocation dans le Petit Robert Présentation typographique Représentation des collocations de la liste du chapitre Les collocations adjectif-adverbe dans le Petit Robert électronique Particularités des dictionnaires électroniques Traitement des collocations adjectif-adverbe dans le Petit Robert électronique Les collocations adjectif-adverbe dans le Trésor de la Langue Française (dictionnaire papier) Le terme de collocation dans le TLF Présentation typographique Les collocations adjectif-adverbe dans les tomes 14 et

7 3.9 Les collocations adjectif-adverbe dans le Trésor de la Langue Française informatisé Système de recherche du TLFI Représentation des collocations de la liste du chapitre Récupération des collocations Recherches supplémentaires avec le TLFI Comparaison des dictionnaires monolingues La collocation adjectif-adverbe dans le dictionnaire bilingue Problèmes lexicographiques concernant les collocations dans un dictionnaire bilingue Les dictionnaires Pons Le Pons Großwörterbuch Französisch (1996) Le terme de collocation dans le PGW Présentation typographique Traitement des CAA Le nouveau Pons Großwörterbuch Französisch (2004) Le Pons Lexiface professional Französisch Les dictionnaires Langenscheidt Le Langenscheidt Power Wörterbuch Französisch Le Langenscheidt Handwörterbuch Französisch Le Langenscheidt e-handwörterbuch Französisch Le Langenscheidt Collins Aktiv-Wörterbuch Französisch Suggestions pour un dictionnaire de collocations Les CAA dans une autre langue romane : le cas de l espagnol La recherche sur les collocations espagnoles Les CAA dans la lexicographie espagnole Traitement des CAA dans le Stilistisch-phraseologisches Wörterbuch spanisch-deutsch Traitement des CAA dans la version électronique du Diccionario de uso del español Traitement des CAA dans la version électronique du dictionnaire de la Real Academia Española Traitement des CAA dans un dictionnaire bilingue : le Pons Großwörterbuch Spanisch

8 Conclusion Résumé Zusammenfassung Summary Annexes : I. Adjectifs du DFLE 1 et CAA correspondantes dans le TLFI II. CAA françaises III. CAA espagnoles Bibliographie Curriculum vitae de l auteur

9 0. Introduction L objectif de ce travail, dont le point de départ a été un stage effectué dans une maison d édition française au département de lexicographie bilingue, est d approfondir la recherche sur les collocations françaises, en nous centrant sur les collocations entre un adverbe et un adjectif, qui n avaient jusqu à présent fait l objet d aucune étude. Nous avions au cours de ce stage reconnu la regrettable insuffisance de l information que les dictionnaires fournissent sur les adverbes, alors que l utilisateur étranger, en particulier, pourrait en tirer un grand profit. Nous tenterons de combler cette lacune existant dans la lexicographie et dans la recherche collocationnelle du français et de contribuer ainsi à rattraper le retard qu a pris la recherche collocationnelle française par rapport à celle de l anglais. Le but de notre travail est de proposer des moyens pour enrichir le traitement lexicographique des adverbes : ils ne devraient pas être présentés hors contexte mais dans leurs contextes typiques et usuels, comme les collocations adjectifadverbe. Après avoir défini le terme de collocation et retracé son histoire, nous analyserons, dans le deuxième chapitre, les collocations adjectif-adverbe sous différents aspects : nous relèverons les catégories d adverbes qui forment des collocations adjectif-adverbe et les particularités syntaxiques de ce type de collocations. Une approche contrastive entre l allemand et le français permettra de souligner les divergences entre ces langues en matière de collocations adjectif-adverbe et l importance qui en résulte pour l enseignement du français comme langue étrangère. Nous présenterons des modèles d exercices pour les collocations. Nous montrerons aussi que ces collocations ont une certaine importance dans les langues de spécialités. Dans la troisième et la quatrième partie de ce travail nous évaluerons le traitement des collocations adjectif-adverbe dans la lexicographie monolingue française et bilingue (français-allemand). Il ne s agit pas ici de critiquer les dictionnaires mais de proposer des moyens pour les perfectionner dans la perspective des besoins de l utilisateur. En conséquence de cette analyse nous plaiderons pour l élaboration d un dictionnaire de collocations français qui inclurait les collocations adjectif-adverbe. Pour finir, nous nous pencherons sur la recherche et le traitement lexicographique de ce type de collocations dans une autre langue romane, l espagnol. 9

10 1. La collocation Le terme de collocation s est imposé en linguistique comme terme technique international. Il reste pourtant polysémique, car il est utilisé pour dénommer des phénomènes différents. La définition de référence pour le présent travail sera donnée au chapitre 1.1 ; au chapitre 1.2, nous retracerons brièvement les étapes les plus importantes de l histoire du terme, qui explique cette polysémie Définition du terme de collocation Les collocations constituent un des domaines de la phraséologie à côté des locutions et des parémies. La définition de référence pour ce travail est celle qui a été formulée par Hausmann 2. Les combinaisons de mots se divisent en combinaisons figées et combinaisons non figées. Les premières sont les locutions ; elles n admettent pas du tout ou très peu de modifications et constituent un seul signe linguistique. Parmi les secondes, Hausmann fait la différence entre les collocations (qui sont des combinaisons usuelles 3 ), les combinaisons libres («co-créations») et les combinaisons inhabituelles («contre-créations») 4. Une combinaison libre peut être composée par tout locuteur sans qu il l ait rencontrée auparavant. Chaque mot y est utilisé dans son sens habituel. Une contre-création, par contre, est «un effet de style voulu qui combine des éléments dont la combinaison n est ni usuelle ni co-créativement concevable». 5 Les collocations, elles, sont des produits préfabriqués de la langue 6 ; le locuteur, en les utilisant, ne fait que reproduire ce qu il a déjà rencontré et mémorisé. On sait que, parmi le nombre illimité de combinaisons possibles, les langues font un choix caractéristique de syntagmes usuels, de sorte 1 Tous les exemples de collocation que nous donnerons sans en indiquer la source ont été tirés de textes authentiques, pour la plupart des corpus journalistiques qui seront présentés par la suite. 2 Hausmann 1984 et travaux suivants 3 Quant au terme usuel, nous suivons la définition de Steyer 2000, p.108 : «Usuell sind für uns alle jene Wortkombinationen, die eine historisch gewachsene Gebrauchsnorm repräsentieren, also Standardverwendungen darstellen und in diesem Sinne typisch sind.» [Nous entendons par combinaisons usuelles toutes les combinaisons de mots, qui représentent une norme s étant développée diachroniquement, qui sont donc des emplois standard et, dans ce sens, typiques.] 4 Hausmann 1984, p Heid 1992, p Hausmann 1984, p.398: «Halbfertigprodukte» 10

11 qu il faut savoir distinguer ce qui «se dit» de ce qui «ne se dit pas», alors que, théoriquement, cela pourrait se dire. 7 Une collocation est donc une combinaison qui, dans l usage, est préférée aux autres combinaisons possibles et devient norme. Nous ne pouvons pas toujours parler d exclusion des autres combinaisons possibles, car il y a rarement une véritable obligation. Cela vaut particulièrement pour les collocations formées d un adverbe et d un adjectif, comme nous le verrons au chapitre 2.4. Hausmann résume ainsi la différence entre ces trois types de combinaisons de mots : Unter dem Gesichtspunkt der Üblichkeit sind die Kollokationen Kombinationen von auffallender Üblichkeit, die Ko-Kreationen solche von unauffälliger Üblichkeit und die Konter-Kreationen solche von auffälliger Unüblichkeit. 8 [Du point de vue de leur usualité, les collocations sont des combinaisons d une usualité manifeste, les co-créations des combinaisons d une usualité qui passe inaperçue, et les contre-créations, des combinaisons d une inusualité manifeste.] Dans le schéma suivant, Hausmann présente l ensemble des combinaisons de mots : 7 Hausmann 1977, p Hausmann 1984, p

12 Penchons-nous à présent sur les caractéristiques de la collocation. Hausmann établit une différence entre les deux constituants de la collocation. Il appelle base le mot «à faible dépendance sémiotaxique» et collocatif ou collocateur, le mot «à forte dépendance sémiotaxique». 9 Les bases sont des «autosémantiques», les collocatifs des «synsémantiques». 10 Alors que la base est sélectionnée uniquement pour son sémantisme, le collocatif est choisi en plus en dépendance de la base. 11 La forte dépendance sémiotaxique du collocatif fait qu il est, dans certains cas, nécessaire d avoir recours à la base pour pouvoir en formuler la définition. 12 Comment définir chaleureusement sans l exemple d un des verbes avec lequel cet adverbe apparaît préférentiellement, comme applaudir? On peut par conséquent qualifier la collocation de «relation orientée». 13 Dans une combinaison libre, par contre, chaque mot est autosémantique. C est la hiérarchie entre les éléments d une collocation qui différencie la collocation de la locution. La locution n a pas de base, ce qui veut dire qu aucun de ses constituants n est utilisé comme autosémantique. À la différence de la locution, la collocation est transparente. Le sens d une collocation peut être déduit de la signification de ses éléments, il est compositionnel. 14 Bien que transparente, la collocation n est cependant pas prédictible, c est-à-dire qu on ne saura pas la former si on ne l a pas encore rencontrée ; elle est idiomatique. 15 L idiomaticité repose dans le collocatif, car la base garde dans la collocation son sens usuel, elle est toujours transparente. Certains spécialistes sont pourtant d avis que la réception des collocations peut poser problème et remettent en cause leur transparence. 16 En effet, la 9 Hausmann 1994, p.148. Parmi les spécialistes francophones, c est le terme de collocatif qui semble s être imposé. 10 Hausmann 1999a, p Alonso Ramos 2003, p.47 : «[Pour la base] il s agit d un choix lexical contrôlé SÉMANTIQUEMENT. [Le collocatif est sélectionné] pour exprimer un sens donné mais nécessairement sous le contrôle d une autre UL déjà choisie auparavant.» 12 Lors de la production de textes, la base sert de point de départ. Dans la situation de l apprentissage d une langue, il arrive qu on prenne comme point de départ le collocatif et qu on cherche ses partenaires possibles, ce qui revient à créer son champ collocationnel. (Pour ce dernier terme, voir chapitre 2.4) C est ce que Hausmann 1984, p.403, appelle «semasiologische Kollokationsarbeit». 13 Hausmann 1996, p.40. Coseriu 1967, p.296, avait déjà employé le terme de «relation orientée». 14 Hausmann 1989b, p On parle aussi d idiosyncrasie. 16 par exemple Koike 2001, pp , Castillo Carballo 1998, pp

13 transparence d une collocation est relative et dépend entre autres de la proximité des langues en question, de leurs ressemblances. Pourtant, qu une collocation ne soit pas comprise ou soit mal interprétée est, en réalité, souvent dû au fait que le collocatif soit mal connu, s il s agit par exemple d un adverbe rare. Ce qui est vrai c est que le degré de transparence varie selon la collocation 17 et que la transparence ne peut pas toujours servir de critère pour différencier les collocations des locutions. Dans les collocations suivantes, le sens du collocatif (que nous avons souligné ci-dessous) pourrait ne pas être évident pour un étranger dont la langue maternelle n emploie pas la même métaphore: un chaud partisan percer le secret rompre le silence briser des chaussures (du point de vue du germanophone, qui dit Schuhe einlaufen) une colère noire 18 une peur bleue 19 Ce n est donc pas tellement la transparence qui caractérise la collocation mais le fait que le choix du collocatif ne soit pas entièrement libre. Il existe par conséquent des cas limite entre collocation et locution ; établir une différence peut être délicat. Herbst 20 explique cela par le fait que les limites de la transparence et de l opacité sont floues et il relativise donc le concept de nonprédictibilité en faisant remarquer qu on parle de non-prédictibilité d une collocation parce qu on considère deux mots comme synonymes. Le fait qu un de ces mots qu on dit synonymes devienne le collocatif d un mot et que l autre soit inhabituel, ne semble alors pas pouvoir s expliquer par le sémantisme et passe pour un phénomène d usage typique. Or, la prédictibilité d une combinaison dépend du sens qu on attribue à ses constituants ; ceci est à un certain degré aléatoire et peut varier de locuteur à locuteur : ce qui semble opaque à l un, peut paraître transparent à l autre. On atteindrait ici, selon Herbst, les limites de l analyse sémantique. 17 cf. par exemple Burger 1998, p.50, pour qui le sens des collocations est plus ou moins compositionnel, ou Sabban 2003, p.63, qui oppose la collocation compositionnelle tourner les yeux sur qn à la collocation métaphorique porter son regard sur quelqu un, dont le sens serait seulement compositionnel dans la mesure où cet emploi du collocatif existe avec d autres substantifs, par exemple dans porter son attention sur qn. 18 exemple de Tutin / Grossmann 2002, p.4 19 exemple de Alonso Ramos 2001, p Herbst 1996, p

14 Que les critères de définition de la collocation soient flous dans certains cas ne peut être nié, mais cela ne nous semble pas justifier qu on remette en question l existence de la collocation et la différence entre la collocation et la locution. Dans la plupart des cas, elle est claire : du moment qu il y a dans une combinaison de mots une base qui est employée dans son sens habituel et que celle-ci est la base sémantique, il ne s agit pas d une locution. Les cas périphériques sont à accepter, comme dans tous les phénomènes de gradation. Pour les combinaisons entre un adjectif et un adverbe, le problème de la différenciation entre collocation et locution ne se pose pas étant donné qu il n existe pas de locution formée uniquement d un adjectif et d un adverbe. On peut classer les collocations selon les catégories grammaticales de leurs constituants. Sur les types grammaticaux de collocations existants il n y a pas unanimité parmi les spécialistes. 21 Hausmann 22 retient les types suivants (La base est écrite en caractères gras ; l ordre des mots peut varier) : Exemple : nom + adjectif (1) pluie torrentielle nom sujet + verbe (2) le silence règne verbe + nom objet (3) prendre une décision nom + préposition + nom (4) une bouffée de chaleur 23 verbe + préposition + nom (5) mettre quelque chose en doute verbe + adverbe (6) applaudir chaleureusement adjectif + adverbe (7) grièvement blessé Tableau 1 : Typologie des collocations d après Hausmann Selon Hausmann, l attribution de la base peut être problématique pour les types 4 et Si dans le type 4 le premier nom sert de quantificateur, comme dans bouffée de chaleur, alors il remplit la fonction du collocatif et le deuxième nom, celui de la base. Dans une collocation du type une faim de loup 25, c est au contraire le premier nom qui est la base et le deuxième, le collocatif, car le syntagme de loup prend le rôle de quantificateur. Pour le type 5, l attribution est plus difficile : certes le nom représente l élément sémantique principal puisque le verbe reçoit sa signification dans cette 21 Scherfer Voir par exemple Hausmann 1999a, p Hausmann 1996, p Hausmann 1999a, p Cette collocation fait partie des comparaisons phraséologiques, que nous traiterons au chapitre

15 collocation par le nom, mais en même temps c est le verbe qui détermine la catégorie grammaticale de l ensemble. Cette classification des collocations a été complétée par des types plus rares : Tutin / Grossmann connaissent en plus la catégorie adjectif + préposition + substantif (ivre de colère). 26 Dans ses travaux récents 27, Hausmann y a ajouté des catégories périphériques où la répartition des fonctions base et collocatif est inversée face à la répartition usuelle : dans Bauklötze staunen, nur Bahnhof verstehen et Stein und Bein schwören, c est le verbe qui prend le rôle de la base et le nom, celui du collocatif. Les exemples cités pour le type 4 ont montré que la répartition des fonctions base et collocatif n était pas liée à l ordre des mots. Tutin / Grossmann citent l exemple vert de peur, dans lequel le substantif remplit la fonction de base sans se situer en tête du syntagme. 28 Les différentes catégories grammaticales formant des collocations peuvent être remplacées par des syntagmes remplissant la même fonction. Les possibilités sont très variées. Ainsi Tutin / Grossmann constatent que le collocatif d un adjectif n est pas toujours un adverbe mais peut être un syntagme à fonction adverbiale : - un syntagme prépositionnel, par exemple comme une barrique en tant que collocatif de saoul, - un second adjectif, par exemple mort comme collocatif de ivre, - un infinitif introduit par une préposition, par exemple à manger du foin en tant que collocatif de bête. 29 Comme il ressort de la typologie de Hausmann, une collocation peut constituer à elle seule un groupe syntaxique (type 1), être intégrée à un groupe syntaxique (type 7 dans un groupe nominal) ou combiner deux groupes syntaxiques (type 2) Tutin / Grossmann 2002, p.7 27 Hausmann 2004, pp Tutin / Grossmann 2002, p.7 29 Tutin / Grossmann 2002, p.7. Nous reviendrons sur ce sujet au chapitre Bergenholtz / Tarp 1994, p

16 La typologie de Hausmann est acceptée par de nombreux linguistes et métalexicographes de différentes langues. 31 D autres spécialistes, tels que Benson, Benson et Ilson, ont présenté des typologies qui incluent les constructions dans les collocations. 32 Du point de vue didactique surtout, il nous semble plus clair de ne pas confondre les collocations et les constructions. Tutin / Grossmann proposent en plus de classer les collocations selon l idiosyncrasie et l idiomaticité du collocatif. Ils font la différence entre les collocations opaques, les collocations transparentes et les collocations régulières Dans les collocations opaques, le collocatif est démotivé, la collocation est imprédictible et son sens est difficilement décodable (exemple : peur bleue, nuit blanche). - Les collocations transparentes sont cependant facilement compréhensibles, mais elles sont aussi imprédictibles (exemple : la préférence de grièvement blessé à?gravement blessé 34 ). - Les collocations régulières ont un sens déductible et semblent prédictibles, mais les règles d association, qui sont des règles sémantiques déduites a posteriori, sont parfois complexes (exemple : «L épithète affreux tend à avoir un sens intensif en cooccurrence avec la plupart des noms de sentiment de polarité négative, mais pas avec tous [ ]» 35 : on peut dire une affreuse tristesse, un désespoir affreux, mais pas *un abattement affreux). La collocation a été présentée ci-dessus comme étant toujours formée de deux éléments. C est surtout grâce au traitement automatique de grands corpus que la plupart des chercheurs en sont arrivés à abandonner l idée du caractère 31 tels que Zöfgen, Herbst, Bahns, Heid, Cowie. Le Oxford Collocations Dictionary y ajoute uniquement les types verbe + verbe et quantificateur + nom (qui entre dans la catégorie 4 de Hausmann). Egea 1979, pp , défend pour l espagnol l existence du type adverbe simple +adverbe en - mente. Siepmann 2002, p.256, relève des collocations françaises entre deux adverbes simples comme loin derrière, encore souvent. 32 Comme Benson / Benson / Ilson ou encore Scherfer 2002, pp , qui différencie deux catégories de collocations en raison de leur fonctionnement syntaxique : 1) Kopf-Modifizierer-Konstruktionen: l un des éléments n a que la fonction de modifier l autre (il est appelé la «tête») 2) Kopf-Ergänzungs-Konstruktionen: un élément est le complément de l autre ; il s agit là de valence. 33 Nous résumons ici Tutin / Grossmann 2003, p.8 34 Gravement blessé existe aussi mais beaucoup plus rarement. 35 Grossmann / Tutin 2003, p.16 16

17 forcément binaire d une collocation. Le groupe de recherche de Stuttgart autour de Heid a forgé le terme de «Tripel», triple, auquel on doit ajouter celui de «Quadrupel», quadruple, etc. 36 Siepmann 37 souligne à juste titre que la recherche ne doit pas seulement relever les collocations en les isolant, mais aussi étudier leur emploi dans la phrase, ce qui a été trop longtemps négligé. Il s agit de déterminer les restrictions d emploi d une collocation donnée ou les contextes dans lesquels elle apparaît de préférence. Siepmann cite l exemple de pas follement gai qui n apparaîtrait qu à la forme négative. 38 Pour relever ce type de restrictions, il faut traiter de nombreux contextes tirés de corpus différents. 39 Un tel travail n a pas encore été entrepris pour le français, mais le projet de «Collocations» Cologne-Nancy 40 devrait livrer de tels résultats pour les noms. Au chapitre 2.2.4, nous tenterons d entreprendre une telle analyse contextuelle pour un nombre réduit de collocations adjectifadverbe (CAA). 41 Une collocation peut aussi être employée métaphoriquement et devenir une locution 42 : serrer les dents est une collocation quand elle décrit l action physique ; elle devient une locution quand elle est employée dans le sens de supporter quelque chose, être courageux. Une bouffée d oxygène est, selon le contexte, une collocation médicale ou une locution avec le sens d un soulagement rapide et limité. Prendre un coup au sens physique est une collocation ; au sens figuré de faire une mauvaise expérience, c est une locution. Den Gürtel enger schnallen est une collocation dans le sens de serrer la ceinture, une locution dans le sens de réduire ses dépenses. 36 même idée chez Siepmann 2002, Schafroth Siepmann 2002 et Siepmann 2002, p.247 ; cf. aussi Schafroth Le traitement de grands corpus implique le risque qu on se perde dans la masse des cooccurrences et qu on en déduise que les collocations ne peuvent pas être représentées dans un dictionnaire papier, comme le prétend Schafroth 2003, p.410. Nous sommes pourtant d avis qu il est possible de déterminer parmi la masse des cooccurrences celles dont l apprenant aura vraisemblablement besoin. L orientation aux besoins de l apprenant permet de limiter le nombre de collocations à enregistrer dans un dictionnaire, car il ne s agit pas de refléter tout ce qui est possible dans une langue mais de fournir à l apprenant des moyens pour s exprimer. 40 Voir chapitre Par la suite, pour parler de collocation adjectif-adverbe nous emploierons l abréviation CAA. 42 Cf. Koike 2001, p.36 17

18 Une collocation peut se combiner soit avec une autre collocation, soit avec une locution. collocation + collocation : tenir un discours passionné (tenir un discours + un discours passionné) commettre une grave erreur (commettre une erreur + une grave erreur) prendre des mesures draconiennes (prendre des mesures + des mesures draconiennes) essuyer un échec cuisant (essuyer un échec + un échec cuisant) avoir une peur bleue (avoir peur + une peur bleue) 43 collocation + locution : Hausmann 44 donne les exemples suivants : conversation à bâtons rompus porter à bout de bras Ce qui justifie de parler de collocation c est que conversation et porter sont utilisés dans leur sens habituel, comme des bases. En suivant le concept de collocation de Hausmann, nous rejetons le concept de collocation fondé uniquement sur la statistique Ces deux derniers exemples sont tirés de Tutin / Grossmann 2002, p.4 44 Hausmann 1999a, p.134 et 129. Pour d autres chercheurs, il s agit de locutions semiidiomatiques. 45 C est ce que Herbst 1996, p. 381, appelle le «statiscally oriented approach» en l opposant au «significance oriented approach» (p.385). Dans un article récent, Siepmann 2002 défend par contre l approche statistique comme étant plus fiable que toute approche sémantique. Selon lui, précisément la différenciation entre collocations et combinaisons libres ne serait pas claire dans la théorie de Hausmann. L introspection serait moins fiable que le critère de la fréquence. On peut relever certaines confusions dans l article de Siepmann. Il ne fait pas la différence entre les locutions et les collocations ni entre les locutions codées et les locutions non codées, car il prétend que les locutions seraient plus variables que cela ne ressortirait de leur présentation dans la lexicographie. Nous sommes d avis qu il existe certes des variantes occasionnelles des locutions, mais que cela n empêche pas de déterminer une forme codée de chaque locution. Siepmann n envisage pas non plus la différence entre les collocations et les combinaisons libres (co-créations). L exemple de Hausmann une bouffée de verve, que cite Siepmann, est bien une collocation puisqu il s agit d un phénomène qui se produit en forme d attaque. Bouffée sert donc de collocatif. L autre exemple, une plante verte, n est pas une combinaison libre, contrairement à ce que prétend Siepmann, puisque l adjectif vert n est pas applicable à toute plante de couleur verte, mais sert ici à classer un type de plantes, les «Topfplanzen». Plante constitue la base transparente. 18

19 La fréquence ne peut pas constituer le critère caractérisant les collocations, car il arrive qu une collocation soit disponible sans être fréquente. 46 À l inverse, une combinaison libre peut être très fréquente à cause de la réalité extralinguistique, par exemple acheter du pain. De même, certaines restrictions dans les combinaisons possibles ne sont pas de caractère linguistique, mais sont dues à la réalité extralinguistique. Coseriu avait déjà insisté sur la différence entre les restrictions purement linguistiques et les restrictions extralinguistiques. 47 Herbst donne un exemple où une combinaison impossible devient usuelle pour des raisons extralinguistiques : en Allemagne, il est possible d entendre parler de lila Kuh, la vache violette, depuis que les publicités de la marque Milka l ont inventée. 48 Les restrictions n étaient donc pas d ordre linguistique, mais tout simplement dues à l inexistence d un tel animal même dans la fiction. Malgré le nombre de publications sur les collocations, nous ne disposons pas de critères qui permettent d opposer clairement les collocations aux combinaisons libres. 49 Qu il ne puisse pas y en avoir tient à ce qu il s agit d un phénomène de transition : It is perfectly obvious that this area of linguistic description is a classic example of gradience. Any attempt to define collocation in this narrow sense [= définition de Hausmann] can thus only be aiming at defining a kind of prototype of collocation, recognizing the gradience character of the distinction between collocation and free combination. 50 Ceci amène Klotz 51 à considérer la différenciation entre les collocations et les combinaisons libres comme impraticable et à préférer les appeler toutes des collocations avec différents degrés de restriction. 46 Hausmann 1985, p.124 : «Viele Kollokationen sind nicht frequent, aber dennoch verfügbar.» Schafroth 2003, p.405, met en doute l importance de combinaisons qui n apparaîtraient même pas dans un très vaste corpus. 47 Coseriu 1967 Cette idée se trouve aussi chez Herbst 1996, p.384: «[ ] wouldn t it be true to say that the fact that certain words co-occur must be attributed to certain facts of the world together with the way this world is conceptualised in language?» 48 Herbst 1996, p Ce constat a souvent été fait, cf. par exemple Kohn 1992, p.369, Fontenelle 1998, Scherfer 2001, Nesselhauf Herbst 1996, p.385. Cowie 1978, p.133, l avait déjà reconnu. La même idée se trouve chez Bahns 1996, p Klotz 2000, p.99 19

20 D après Hausmann, Zöfgen et Kornelius 52, qu il ne soit pas possible d établir une différence absolue entre collocation et combinaison libre n est pas grave dans l optique de l apprentissage d une langue étrangère et de la lexicographie : pour l apprenant toute combinaison libre qui diffère du fonctionnement de sa langue maternelle mériterait d être mentionnée dans un dictionnaire. Cela vaut d autant plus que l utilisateur a tendance à déduire qu une collocation qui ne figure pas dans le dictionnaire n est pas acceptable. La lexicographie didactique et contrastive a donc besoin d un concept de collocation relativement large. En résumé, dans l objectif lexicographique-didactique on pourrait définir la collocation de la façon suivante, en faisant abstraction des cas périphériques : 1. une collocation est une combinaison de mots usuelle qui est préférée à d autres combinaisons qui seraient possibles d après le système. Cette combinaison n est donc pas prédictible mais elle est transparente. 2. La collocation a un caractère binaire : elle est composée d un élément autosémantique (la base) et d un élément synsémantique (le collocatif), dont le choix se fait en dépendance du premier. Cela ne signifie pas que la collocation soit toujours constituée de deux mots, chaque constituant pouvant être remplacé par un syntagme. 3. La relation entre les constituants est hiérarchique. 4. La préférence dans le choix du collocatif ne peut pas être expliquée sémantiquement. Il s agit d une convention à l intérieur de la communauté linguistique. Le locuteur, en utilisant la collocation, ne la compose pas librement mais la reproduit de mémoire. 5. La collocation est usuelle mais pas forcément fréquente. Ce qui compte, c est qu elle soit disponible. 6. Ce qui différencie la collocation de la locution c est qu elle est transparente, c est-à-dire que son sens est compositionnel ou partiellement compositionnel. Ce qui la différencie de la combinaison libre, c est que la combinaison libre est composée d éléments autosémantiques, alors que dans la collocation il y a toujours un élément synsémantique. Dans une approche contrastive, on peut considérer comme collocation de la L2 toute combinaison de mots transparente avec un constituant autosémantique et un constituant synsémantique dont le choix ne correspond pas à celui qui est fait dans la L1 de l apprenant. 52 Hausmann 1989b, p.1013, Zöfgen 1994, pp , Kornelius 1995, p

21 1.2 Histoire du terme de collocation 53 Il faut faire la différence entre l histoire du concept de collocation et l histoire du terme de collocation, car soit le terme de collocation est utilisé pour désigner un autre phénomène, soit les collocations dans notre sens portent un autre nom. Le concept de collocation tel que nous venons de le présenter remonte à Charles Bally 54, qui avait déjà remarqué l existence des collocations dans son Traité de stylistique française de 1909, «amorce d une théorie» 55 des collocations, les qualifiant de «groupements usuels» ou «séries phraséologiques» : Il y a série ou groupement usuel lorsque les éléments du groupe conservent leur autonomie, tout en laissant voir une affinité évidente qui les rapproche, de sorte que l ensemble présente des contours arrêtés et donne l impression du < déjà-vu >. 56 C est par le biais de l enseignement du français comme langue étrangère que Bally en est arrivé à ce concept. L histoire montre d ailleurs que c est surtout dans cette optique et celle de la lexicographie didactique que le concept de collocation a intéressé les linguistes. 57 En France, le concept comme d ailleurs la phraséologie en général a mis longtemps à s imposer. Certes G. Gross inclut les collocations dans son concept de figement, mais il ne les sépare pas des autres unités figées. 58 Clas et Gross les traitent sous l étiquette de «classes d objets». 59 Les collocations françaises ont d abord été étudiées par des linguistes étrangers, comme Mel'čuk et Hausmann, dans le domaine de la linguistique appliquée et de la (méta)lexicographie, avant de s établir comme concept aux yeux des linguistes francophones dans les années : elles ne sont aujourd hui plus seulement un objet d étude de la linguistique appliquée mais de la linguistique générale Nous nous appuyons sur Zöfgen 1994, Bahns 1996, Corpas Pastor 1996, Klare 1998 et González Rey Selon Smadja 1989, p.163, le concept remonterait à celui des relations lexicales de Saussure (1949). 55 Hausmann 1979, p Bally 1951, p de Mel'čuk, Cowie, Hausmann jusqu à Binon et al. 58 Gross Clas / Gross 1997, ce qui correspond aux fonctions lexicales de Mel čuk. 60 Cf. par exemple les contributions dans Béjoint / Thoiron 1992 ou dans Grossmann / Tutin Pour plus d informations sur ce sujet voir González Rey Grossmann / Tutin 2003, p.5 21

22 Certains spécialistes 62 considèrent comme un précurseur du concept de collocation le germaniste Porzig, qui traite, dans son article Wesenhafte Bedeutungsbeziehungen 63, les relations syntagmatiques du point de vue sémantique. Il ne traite que des relations d implication entre les mots sans établir de différence entre les raisons extralinguistiques et linguistiques qui empêchent ou favorisent une combinaison. En partant de l article de Porzig, Coseriu crée le terme de solidarités lexicales 64 pour parler des implications syntagmatiques entre les mots. Il fait la différence entre les solidarités unilatérales, ce qui signifie qu un mot détermine un autre d un point de vue interne (mordre implique le mot dents), et les solidarités multilatérales, ce qui signifie qu un mot en détermine un autre d un point de vue externe, par un rapport d affinité, de sélection ou d implication. 65 Les solidarités unilatérales sont un sous-groupe des collocations. C est pourquoi nous ne considérons ni Porzig ni Coseriu comme précurseurs directs du concept de collocation que nous suivons. L histoire du concept de collocation a été fortement marquée par l école du contextualisme britannique. 66 Le créateur du terme de collocation est John Rupert Firth, qui l a employé pour désigner des cooccurrences de mots. Firth a déjà fait la différence entre les collocations usuelles et les collocations générales, ce qui permettrait de le rapprocher de notre concept. Il n a jamais explicité sa définition du terme de collocation. Les élèves de Firth, les néo-firthiens, ont alors concrétisé ou même reformulé le concept. Pour Halliday 67, toutes les cooccurrences dépassant un certain taux de fréquence entrent dans la catégorie des collocations. Sinclair et Jones 68 parlent de collocation quand le nombre de cooccurrences de deux lexèmes dans un corpus dépasse la fréquence attendue, compte tenu de la fréquence de chaque élément. 62 tels que Bahns 1987, Klare 1998, p.238, et Seelbach 2002, p Porzig 1934, pp Coseriu 1967, pp González Rey 2002, p Nous suivons ici en partie Herbst M. A. K. Halliday (1966), Lexis at a Linguistic Level. In: C. E. Bazell et. al., In Memory of J. R. Firth. London, pp S. Jones / J. Sinclair (1974), English lexical collocations. A study in computational linguistics. Cahiers de lexicologie 24/25, pp

23 Ce concept de collocation diffère tant de celui de Hausmann qu on peut parler de deux courants dans la recherche sur les collocations. Les mérites respectifs de ces deux courants peuvent être résumés ainsi 69 : - Le contextualisme britannique, en particulier Sinclair, a mis au centre de la recherche le corpus et a développé des outils statistiques permettant le relèvement automatisé de collocations. Même si ces outils ne suffisent pas à relever toutes les collocations et s ils retiennent un grand nombre de combinaisons libres et même de fausses cooccurrences, c est-à-dire de mots qui ne sont pas en relation, ils sont sans aucun doute indispensables pour pouvoir traiter un corpus de taille importante. Cependant, comme nous l avons déjà constaté, la fréquence ne peut pas être le seul critère de définition. - En ce qui concerne les recherches effectuées par Hausmann depuis les années 70 Steyer constate 70 : Sein Verdienst ist es vor allem, linguistisch systematische Vorstellungen zu Kollokationen gleichzeitig immer in Hinblick auf praktische Bedürfnisse entwickelt zu haben. Für unsere Zwecke [= für Lexikographie und automatische Übersetzung] erscheint vor allem die Klärung des Verhältnisses zwischen freien Wortverbindungen und Kollokationen fundamental zu sein. [Son mérite est surtout d avoir développé des concepts linguistiquement systématiques à propos des collocations tout en visant toujours les besoins pratiques. Pour nos besoins [= la lexicographie et la traduction automatique] c est avant tout la différence entre les combinaisons libres et les collocations qui est fondamentale.] Le premier dictionnaire de collocations conçu d après un concept qui se rapproche de celui de Hausmann 71 est le dictionnaire de collocations anglais Combinatory Dictionary of English de Benson, Benson et Ilson de 1986, connu sous le nom de BBI. Leur concept est plus large que celui de Hausmann, car ils y incluent les constructions, qu ils appellent collocations grammaticales. Ce sont les collocations lexicales qui correspondent à ce que nous appelons les collocations. Une différence importante est que la collocation n est pas pour ces auteurs une relation hiérarchique, mais que les éléments sont des partenaires égaux. 69 Voir Steyer 1998, p Steyer 1998, p Nous expliquerons au chapitre 3.1 ce que nous entendons par un tel dictionnaire de collocations. 23

24 Nous retrouvons la perspective sémantique, qui manque dans le concept du contextualisme britannique, chez Igor Mel'čuk, dont les travaux sont issus de la tradition phraséologique russe. Avec les linguistes Apresyan et Zolkovsky, Mel'čuk a développé en 1969 la Théorie Sens-Texte (Meaning-Texte Theory), présentée dans l article Semantics and lexicography : Towards a new type of unilingual dictionary. 72 Le but était de créer des dictionnaires monolingues qui permettraient aux apprenants de générer des textes à partir du sens. Une équipe de l université de Montréal a élaboré sous la direction de Mel'čuk un tel dictionnaire pour le français, le Dictionnaire explicatif et combinatoire du français contemporain, DEC, dont seuls quatre tomes ont été publiés jusqu à présent. Le nombre d articles est encore restreint. La macrostructure est constituée uniquement de bases, appelées mots clés. Pour chaque mot clé, les fonctions lexicales sont indiquées. Les fonctions lexicales sont des sens abstraits, assez généraux pour être universellement applicables à tous les mots clés, qui servent à décrire sémantiquement la cooccurrence de mots. Selon la base chaque fonction lexicale connaît une certaine réalisation. Cette dépendance, appelée paramétricité 73, correspond à la relation orientée de Hausmann. Depuis les années 90, Mel'čuk a remplacé le terme de cooccurrence lexicale restreinte par celui de collocation. Il définit ainsi la collocation : Collocation (= locution semi-figée) L expression AB ayant le sens (S) est appelée une collocation si et seulement si les trois conditions suivantes sont simultanément remplies : 1. S A ; A est sélectionné par le locuteur de façon régulière et non contrainte ; 3. B n est pas sélectionné de façon régulière et non contrainte, mais en fonction de A et du sens (S ) à exprimer. 75 Comme Hausmann, Mel'čuk considère que la base est analysable et que le sens du collocatif dépend de la collocation. 76 L exemple le plus souvent cité pour expliquer les fonctions lexicales (parce que facilement compréhensible et généralement applicable) est celui de la fonction 72 Cf. Klare 1998, p Pöll 1996, p ce qui signifie : le sens inclut le sens du constituant A 75 Mel'čuk 2003, p Heid 1992, p

25 lexicale MAGN, qui exprime l intensité. Selon la base, cette fonction est réalisée différemment, par exemple par un adjectif ou un adverbe : MAGN (applaudir) = chaleureusement MAGN (pluie) = torrentielle MAGN (reprocher) = durement MAGN (reproche) = sérieux, grave, lourd 77 MAGN (admiration) = grande, vive, profonde, immense, sans borne MAGN (admirer) = beaucoup, énormément, profondément MAGN (colère) = forte, grande, terrible, épouvantable, sauvage, folle ; aveugle ; insurmontable ; incroyable, indescriptible, sans nom ; hystérique Le dernier exemple montre bien certains inconvénients du dictionnaire : on confond des combinaisons occasionnelles (parfois même surprenantes) avec les collocations. Sont regroupés dans la catégorie MAGN, donc comme intensificateurs, des mots qui expriment en même temps d autres nuances sans que celles-ci soient expliquées. La Théorie Sens-Texte a exercé jusqu à nos jours une grande influence sur la recherche collocationnelle. Elle sert de fondement à de nombreux projets de modélisation des collocations, que nous présenterons au chapitre 3.1. La perspective sémantique se retrouve également chez le linguiste et lexicographe britannique Anthony P. Cowie 78, qui ne suit pas le concept statistique. Selon lui, les collocations seraient situées sur une échelle qui va des «open collocations» au «restricted collocations», c est-à-dire des collocations à très vaste champ collocationnel (avec un grand nombre de partenaires possibles) à celles qui ne se combinent qu avec un seul mot. Cowie considère aussi les collocations comme des relations orientées. C est grâce à lui que le plus récent dictionnaire de collocations de l anglais, le Oxford 77 Les exemples reprocher et reproche sont tirés de Dostie / Mel'čuk / Polguère 1992, pp.189 et 191, les autres du DEC. 78 Cf. Cowie

26 Collocations Dictionary for students of English, est conçu sur un concept de collocation qui fait la différence entre base et collocatif. En résumé, la situation actuelle de la recherche en matière de collocations se divise en deux courants opposés : This leaves us with two rivalling aproaches one where the significance of the combination is seen purely on the basis of frequency counts and one where the significance is seen in such term as unpredictability of the combination on semantic grounds. 79 La «significance oriented approach», l approche sémantique, a été marquée principalement par Bally, Mel'čuk, Cowie, Hausmann et, plus récemment, Heid et Blumenthal - pour ne nommer que les chercheurs les plus importants, la «statistically oriented approach», l approche statistique, par Firth, les néofirthiens et la linguistique informatique. L approche sémantique s est développée dans le contexte de la lexicographie didactique et de l apprentissage des langues étrangères, et dans ce contexte elle est, sans aucun doute, plus utile que l approche statistique. C est pourquoi elle est aussi appelée approche lexicographique-didactique. 80 L approche statistique a joué et joue toujours un rôle dominant dans la linguistique et la lexicographie anglaise, qui est avant tout britannique, et s est donc répandue grâce à l importance de l anglais. La plupart des chercheurs en linguistique informatique, domaine principalement anglophone, ont repris ce concept de collocation 81, qui se prête d ailleurs plus au recensement automatique de collocations. Mais grâce au Oxford Collocations Dictionary for students of English le concept statistique n a pas encore triomphé du concept sémantique. Il serait grand temps de différencier ces deux approches, comme le propose Hausmann, par l emploi de termes différents (tels que cooccurrences fréquentes vs. collocations) pour désigner leur objet d étude Herbst 1996, p Klotz 2000, p Selon Heid 1994, p.226. Heid lui-même fait exception parmi les linguistes informaticiens en suivant le concept de Hausmann. 82 Hausmann 2004, p

27 1.3 Importance des collocations pour l apprentissage d une langue étrangère La maîtrise d une langue étrangère ne se limite pas à la connaissance des mots. Apprendre un mot isolé n a de sens que dans le cas des autosémantiques. Quant aux synsémantiques, il est indispensable de connaître leur emploi syntagmatique, c est-à-dire d apprendre les constructions et les collocations. 83 Sinon l apprenant produira des textes non-idiomatiques en transposant les schémas de sa langue maternelle dans la langue d apprentissage ou en combinant les mots librement sans être conscient des restrictions, comme l avait déjà constaté Bally: Les étrangers construisent des séries [= collocations] incorrectes [ ] parce qu ils s imaginent que les mots d un groupe ont une existence indépendante et peuvent être remplacés par leurs synonymes [ ]. 84 Un siècle plus tard, cette idée survit encore chez de nombreux apprenants. Les collocations sont encore loin d être acceptées comme importantes et de jouer un rôle dans la didactique du français, alors que la didactique de l anglais a plus évolué sur ce plan. La phraséologie moderne devrait avoir sa place dans la formation des enseignants du français. Cependant la notion de collocation n est toujours pas transmise comme fondamentale dans les cours de base de linguistique. Le matériel pédagogique proposant des exercices de collocations est pratiquement inexistant pour le français, alors que Bally avait publié un bel éventail d exercices de collocations dans le deuxième tome de son Traité de stylistique française. 85 Il existe nettement plus de matériel d exercices pour les locutions. Celles-ci posent pourtant uniquement un problème de réception et non pas de production de textes et sont donc secondaires pour l apprenant. Pour l enseignant, lui aussi, les collocations représentent une difficulté, car les textes d élèves contiennent souvent des combinaisons dont il doit juger 83 On continue pourtant à publier des listes de vocabulaire d apprentissage (du type «Grundwortschatz» ou «Aufbauwortschatz») dans lesquelles on présente souvent des adjectifs et des adverbes hors contexte. Des exceptions positives sont Lalana Lac Gesprächswortschatz Französisch, München 1997 et Gesprächswortschatz Spanisch, München 1995, qui contiennent un nombre considérable de collocations (dont des collocations verbe-adverbe), ou encore le Dictionnaire d apprentissage du français des affaires de Binon et al., qui sera présenté au chapitre Bally 1951, p Pour l anglais il existe du matériel explicatif pour les enseignants, comme par exemple Lewis

28 l acceptabilité. 86 Seule la recherche dans un dictionnaire de collocations ou dans un corpus électronique pourrait aider l enseignant à trancher ces questions. Nous ne disposons pas de recherches sur l aptitude des apprenants du français en matière de collocations, alors qu il y en a plusieurs pour l anglais langue étrangère. Nous partons du fait que les résultats obtenus pour l anglais valent aussi pour d autres langues étrangères. Les lacunes sont même certainement plus grandes pour le français, car le niveau atteint par les apprenants avancés allemands en français reste en général plus bas que celui atteint en anglais étant donné la place de l anglais dans les systèmes scolaires allemands. Toutes ces études en arrivent à la même conclusion : la compétence en matière de collocations est tout à fait insuffisante. Des fautes sont faites en raison de traductions littérales, c est-à-dire de transfert. Nesselhauf, en particulier, insiste sur le fait que le transfert de la langue maternelle est plus important qu on ne l avait cru jusqu à présent. 87 Nous pensons que le transfert s effectue aussi de la première langue étrangère aux autres langues apprises et ainsi de suite, surtout si les langues sont proches, comme c est le cas des langues romanes. Un constat intéressant que fait Nesselhauf est que ce ne sont pas tellement les collocatifs à fortes restrictions qui conduisent à faire des fautes, mais les collocatifs qui ont relativement peu de restrictions. 88 Elle explique cela par le fait que les collocatifs à fortes restrictions sont plus mémorisés comme unités et ne sont donc pas combinés librement. Les fortes restrictions attirent, à notre avis, tout simplement plus l attention des apprenants, des enseignants et des lexicographes. Les graves lacunes dans le domaine des collocations chez les étudiants spécialisés en langues montrent l absence de conscience pour ce problème. 89 Du point de vue didactique, les collocations peuvent être considérées au premier abord comme gênantes : d une part, leur caractère arbitraire déroge à la volonté didactique de présenter la structure de la langue à enseigner comme claire et régulière. D autre part, la mémorisation de produits préfabriqués pourrait déplaire à ceux qui préconisent la créativité des apprenants dans l apprentissage d une langue. 86 Bahns 1987, p Nesselhauf 2003, p Nesselhauf parle de collocations à fortes restrictions. Dans la logique de la relation orientée, nous préférons parler de collocatifs à fortes restrictions. 89 Zöfgen Voir aussi chapitre

29 Or, les collocations représentent une aide mnémotechnique, car il est plus facile de retenir un mot si l on sait le mettre en relation avec d autres mots déjà connus. 90 Du point de vue stylistique, on pourrait objecter que les collocations, en particulier les collocations adjectif-adverbe, sont le produit de modes, de conventions, que ce sont des clichés répandus et maintenus en vie avant tout par les médias. Le locuteur désireux de bien s exprimer les éviterait dans la mesure du possible : En fait, l'emploi abusif de ces groupements banals est un des signes les plus évidents de l'absence d'originalité. Plus l'empreinte du style est forte, moins on y surprend de ces tours que tout le monde a lus ou entendus, tandis qu'ils pullulent dans la littérature de bas étage ; la prose des journaux en est farcie. Le véritable littérateur tend à renouveler les séries, comme il renouvelle les images [...] 91 Cela peut être valable en partie pour le locuteur natif : celui-ci est assez souverain dans sa langue maternelle pour se permettre des extravagances linguistiques, même si nous savons aujourd hui que le locuteur natif en parlant ne combine pas librement les mots. Quant à l apprenant étranger, il est dans une toute autre situation : il a intérêt à connaître ce qui est usuel. Il n a pas vocation de créer. Son premier objectif est de s exprimer sans fautes et de façon idiomatique. On pourrait aussi répondre avec Howarth : [ ] the expression of fresh or individual ideas does not entail the generation of novel word-combinations from scratch ; originality of thought is not incompatible with familiarity of expression. 92 Pour pouvoir apprécier l originalité stylistique il faut même au contraire connaître ce qui est usuel dans la langue, connaître les collocations. Comme le dit Hausmann 93, le dictionnaire de collocations n est donc pas un nouveau «dictionnaire des idées reçues» Cf. Bleyhl 1995, p Bally 1951, p.74, série (phraséologique) correspond à collocation 92 Howarth 1998, p Hausmann 1979, p Nous voudrions signaler que le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert contient la CAA hermétiquement fermée (s.v. FERMÉ : «Toujours précédé de hermétiquement.») et quelques comparaisons phraséologiques (s.v. DUR : «dur comme du fer», s.v. FORT : «fort comme un Turc, un bœuf, un cheval, comme Hercule»). Les CAA n avaient donc pas échappé à cet observateur de la langue. 29

30 2. La collocation adjectif-adverbe Nous préférons au terme de collocation adverbe-adjectif, qui reflèterait l ordre syntaxique typique des éléments, celui de collocation adjectif-adverbe parce qu il souligne l importance de la base adjectivale et la hiérarchie existant entre les deux éléments. 2.1 Approche sémantique Dans le groupe adjectival, tout adjectif (à part l adjectif relationnel 95 ) peut être accompagné d un adverbe qui le modifie. La suite adverbe-adjectif ne constitue évidemment pas toujours une collocation, problème sur lequel nous reviendrons au chapitre Dans le chapitre présent, nous voulons formuler des hypothèses sur les catégories d adverbes qui forment des CAA ; ces hypothèses sont le résultat de nos recherches faites à l aide des corpus qui seront présentés au chapitre Auparavant nous tenons à préciser quelques notions Participe passé ou adjectif? Parmi les collocations que nous avons retenues, beaucoup sont formées avec un participe passé adjectivé. 96 Établir une différence entre participe passé et adjectif est bien difficile. S agit-il dans l apposition de la phrase L usine, sérieusement endommagée par l explosion, devra être arrachée et entièrement reconstruite d un participe adjectivé ou d une phrase passive inachevée elliptique? Les critères pour pouvoir parler d un adjectif sont entre autres les suivants : - La copule être peut être remplacée par une autre copule devant un adjectif exprimant une propriété inhérente ou transitoire, ce qui est exclu pour une forme verbale. - L adjectif est gradable à l aide d adverbes tels que trop, peu, assez, qui ne fonctionnent pas avec des formes verbales. - L adjectif se combine, le cas échéant, avec des préfixes négatifs propres au radical adjectival sauf dans l emploi qualificatif du type c est très/typiquement français 96 D après Riegel 1985, p.184, ce sont les participes passés des verbes transitifs directs qui peuvent être adjectivés et surtout ceux des verbes «causatifs-résultatifs». 97 Cf. Riegel / Pellat / Rioul 1994, pp

31 Malgré ces critères, on n arrive pas à marquer une limite claire entre le participe passé et l adjectif. Il semble pour autant justifié «[d ]admettre un continuum entre les deux valeurs [ ]» 98, d autant plus qu il n y a pas de différence de sens. Par conséquent les limites entre les types de collocations verbe-adverbe et adjectif-adverbe sont, elles aussi, fluctuantes. Certaines collocations que nous traiterons parmi les collocations adjectif-adverbe pourraient être interprétées comme des collocations verbe-adverbe, mais ce n est pas un critère à prendre en considération dans le but de l amélioration du traitement lexicographique de l adverbe, que nous poursuivons ici. Dans le recensement automatique de la fréquence des CAA la différence n est pas toujours possible entre des formes verbales (comme le passé composé) et des participes adjectivés Les adverbes simples Les adverbes simples ou primaires, c est-à-dire non dérivés, n entrent pas dans notre analyse, car ils ne semblent pas former de collocations dans le sens du terme que nous avons retenu. Ceci est dû au fait que la plupart des adverbes simples (les adverbes de lieu, de temps 100, de relation logique et ceux qu on appelle les adverbes de phrase) ont la fonction de modifier la proposition entière dans laquelle ils apparaissent. En suivant la terminologie de Guimier, nous utiliserons le terme d adverbe exophrastique 101 pour tout adverbe se rapportant à l énoncé entier. 102 Dans la CAA, par contre, l adverbe est modificateur de l adjectif. Il y a certes des adverbes simples qui déterminent un adjectif ce sont les intensificateurs ou adverbes d intensité (par exemple très, bien, peu, assez), 98 Noailly 1999, p Voir chapitre Togeby 1984, p Guimier 1996, p.103: «[ ] l adverbe est dit exophrastique lorsqu il est le signe d une idée regardante portée par l énonciateur sur tout ou partie de son énoncé. A ce titre, l adverbe exophrastique, extra-prédicatif par nature, est un élément extérieur à l énoncé et ne participe pas à la construction du contenu propositionnel. Il joue lui-même le rôle d une proposition, réduite à un mot (d où l appellation d adverbe-phrase qui a été proposée), qui commente de l extérieur une phrase ou un syntagme.» (typographie conforme à l original) 102 Un adverbe en ment peut évidemment aussi avoir un emploi exophrastique, par exemple l adverbe de manière naturellement dans «Naturellement, il n a pas cédé.». Il n est pas toujours facile de différencier l emploi exophrastique et l emploi endophrastique d un adverbe étant donné que beaucoup d adverbes exophrastiques peuvent figurer dans différentes positions de la phrase : leur place privilégiée est la tête de phrase, mais ils apparaissent aussi à l intérieur de la phrase, donc aussi antéposés à l adjectif, et à la fin de la phrase. Voir chapitre

32 mais ces intensificateurs-là connaissent si peu de restrictions d emploi avec un adjectif qu on ne peut pas parler de collocations. 103 En conséquence, seuls les adverbes dérivés en ment feront l objet de notre analyse. Les adjectifs convertis en adverbes sans suffixation n entrent pas non plus dans notre analyse, car un adjectif converti détermine normalement un verbe (exemple : parler fort, payer cher) et non pas un adjectif à part les exceptions comme grand ouvert ou court vêtu, qui peuvent être considérées comme des composés Catégories d adverbes formant une collocation avec un adjectif Contrairement aux adverbes simples, les adverbes en ment forment une classe ouverte, qui s agrandit continuellement, ce qui empêche une analyse exhaustive. Avant de donner une classification sémantique des adverbes formant des CAA, il faut s arrêter sur le problème de toute classification de ce type. À part les différentes classifications des grammaires, il existe un très grand nombre de travaux monographiques sur les adverbes en ment proposant toujours de nouvelles classifications. Nølke 1990 donne un aperçu sur les travaux de classification de l adverbe (adverbes en ment et adverbes simples) jusqu en Pour les travaux parus après cette date, nous renvoyons le lecteur aux bibliographies de Guimier 1996 et Molinier / Levrier Il existe tout de même certaines restrictions qu il faut connaître. Ainsi Noailly 1999, p.56, fait remarquer qu il existe dans le cas de peu une contrainte dépendant du sémantisme de l adjectif : «Peu n est convenable que devant des adjectifs «positifs» et devient insolite devant ceux qui, par eux-mêmes, dénotent une évaluation défavorable.» Mais il n y a pas d affinité entre cet adverbe et un certain adjectif qui permettrait de parler de collocation. 104 Hummel 2000, pp.379s. Il serait d ailleurs intéressant d analyser les collocations formées d un verbe et d un adjectif converti. 105 Voici quelques travaux fondamentaux (cités aussi dans notre bibliographie à la fin de ce travail): le travail pionnier de 1941 de Nilsson-Ehle, Les adverbes en ment compléments d un verbe en français moderne, qui est la première véritable tentative de description sémantique, le récent travail de Molinier et Levrier de 2000, Grammaire des adverbes. Description des formes en ment. et celui de Gumier de 1996, Les adverbes du français. Le cas des adverbes en ment. Les travaux suivants ne figurent pas tous dans notre bibliographie : O. Mørdrup (1976), Une analyse non-transformationnelle des adverbes en ment. Copenhague 32

33 La majorité des classifications, surtout celles qu on trouve dans les grammaires, n échappent pas aux critères sémantiques pour déterminer l appartenance d un adverbe à une certaine catégorie. «Le critère du sens est [pourtant] trop flou pour qu on parvienne à un consensus sur le nombre de classes [ ]» 106 Le nombre et la variété des critères de classement nécessaires (critères syntaxiques, sémantiques, fonctionnels, pragmatiques etc.) est un indice de la complexité du problème. Puisqu il n y a pas de critère objectif, il est impossible de se mettre d accord sur le nombre de classes. À cela s ajoute que beaucoup d adverbes ont plusieurs fonctionnements. L adverbe reste toujours, malgré la quantité de publications, le «cauchemar des linguistes». 107 C est déjà la définition de la catégorie de l adverbe, «catégorie résiduelle» 108, qui est problématique. L objectif de ce travail n est pas d opter pour une des typologies existantes à l exclusion des autres ni d en proposer une nouvelle. Nous aurons recours à différentes catégories 109 tout en sachant que les limites entre elles sont floues. Dans les CAA que nous avons relevées dans les corpus, l adverbe remplit les fonctions suivantes: il sert à - indiquer l intensité ou le degré - décrire la manière dont l action (exprimée par le participe adjectivé) est/ a été accomplie - indiquer le domaine ou le point de vue à partir duquel la qualification adjectivale est valable - donner une précision temporelle. Il va de soi que les adverbes de phrases, qui sont des modificateurs non pas de l adjectif, mais de la phrase entière, en sont exclus. 110 S. Schlyter (1977), La place des adverbes en ment. Analyse syntaxique et sémantique dans le cadre de la grammaire-générative transformationnelle. Konstanz J. Hansén 1982 M. Nøjgaard (1992, 93, 95), Les adverbes français. Essais de description fonctionnelle. Copenhague Sans citer les innombrables articles sur ce sujet. 106 Guimier 1991, p Feuillet 1991, p Riegel / Pellat / Rioul 1994, p Nous combinerons des catégories traditionnelles (telles qu on les trouve dans les grammaires, par exemple Grevisse 1993) avec certaines catégories de Guimier 1996 et de Molinier / Levrier Les problèmes de délimitation seront traités au chapitre

34 On obtient alors les catégories suivantes : - adverbe d intensité - adverbe de manière - adverbe de domaine - adverbe exprimant une référence temporelle. Notons qu un adverbe peut remplir plusieurs fonctions selon le contexte. Par la suite, nous examinerons chacune de ces fonctions de l adverbe afin de vérifier si ces adverbes forment vraiment des collocations avec des adjectifs ou uniquement des combinaisons libres. Ensuite nous commenterons la syntaxe de la CAA Adverbe de manière Dans une CAA, l adverbe peut exprimer la façon dont une action est accomplie. L action, elle, est exprimée par un participe passé adjectivé ou un adjectif. Selon Nøjgaard, un adverbe de manière déterminait à l origine uniquement un participe passé. Guimier résume ainsi son argumentation 111 : Au départ, un participe passé, élément verbal par nature, peut être déterminé par un adverbe de manière [ ] Le participe passé devenu adjectif garde une certaine valeur verbale, en particulier en fonction attribut et en apposition. De ce fait, il peut toujours être caractérisé en termes de manière par un adverbe [ ] La décatégorisation du participe se poursuivant, il en vient à assumer une fonction pleinement adjectivale. Mais cet adjectif est construit sur une racine verbale, et l adverbe en ment qui l accompagne continue à être interprété comme un adverbe de manière [ ] L étape suivante est celle au cours de laquelle l adverbe, par analogie, va porter sur un adjectif qui n est pas formé sur une racine verbale, mais dont «la racine comporte une idée de transitivité» (Nøjgaard), une idée de procès [ ] 112 Ci-dessous, quelques exemples de collocations formées avec un adverbe de manière : pauvrement vêtu joliment décoré coquettement meublé vivement débattu 111 Guimier 1996, pp Guimier 1996, p. 21. Dans la langue littéraire, il serait même fréquent qu un adverbe de manière détermine tout adjectif indépendamment du sémantisme de celui-ci. Guimier donne l exemple une chambrette sobrement moderne. 34

35 injustement accusé bassement intéressé Même si la substitution par un adverbe synonyme ou sémantiquement apparenté n est pas exclue, il y a des préférences Adverbe d intensité On range traditionnellement dans une seule catégorie tous les adverbes qui expriment l intensité alors qu il y a recoupement entre les catégories adverbe de manière et adverbe d intensité. Certains adverbes ont, selon le contexte, soit la fonction d adverbe de manière, soit celle d adverbe d intensité. D autres adverbes étaient à l origine des adverbes de manière et sont devenus des adverbes d intensité (hautement, par exemple, n est plus qu adverbe d intensité). Les adverbes en ment sont particulièrement aptes à remplir la fonction d intensificateur parce qu ils sont, par rapport aux adverbes simples, relativement longs, lourds et voyants. Tout adverbe d intensité peut soit renforcer le sens de l adjectif, soit l atténuer. Les premiers sont appelés intensificateurs, les seconds atténuateurs. Un sous-classement de la catégorie des adverbes d intensité est donc utile, d autant plus que la plupart des adverbes formant des CAA entrent dans cette catégorie. Molinier / Levrier, qui préfèrent au terme d adverbe d intensité celui d adverbe de manière quantifieur, retiennent en fonction des propriétés syntaxiques les sous-classes suivantes parmi ces adverbes: adverbes intensifs eux-même différenciés en deux groupes: o intensifs-quantitatifs o intensifs-appréciatifs - adverbes de complétude - adverbes d extension qualitative. Précisons ces catégories par des exemples de CAA : Intensifs-quantitatifs : Les adverbes intensifs-quantitatifs ont une valeur purement intensive en combinaison avec un adjectif. (Avec un verbe ils peuvent aussi prendre une 113 Molinier / Levrier 2000, pp

36 fonction quantitative, l adverbe étant alors en distribution complémentaire avec un complément d objet direct. 114 ) Il s agit d adverbes tels que considérablement, énormément, hautement, puissamment, autrement, nettement (à part les adverbes du registre familier que nous excluons de notre analyse). Des CAA avec adverbe intensif-quantitatif sont par exemple : hautement spécialisé supérieurement intelligent sensiblement touché hautement concentré (CHIMIE) faiblement éclairé puissamment armé Synchroniquement les adverbes intensifs-quantitatifs constituent des adverbes intensifs «purs», sans autres connotations, si on les compare aux intensifsappréciatifs. Intensifs-appréciatifs : Par ce terme, qui remonte à Bally 115, Molinier / Levrier entendent les adverbes qui indiquent en contexte adjectival en même temps le haut degré et une appréciation, positive ou négative, comme merveilleusement, terriblement ou affreusement. Dans une collocation formée avec un adverbe intensif-appréciatif, l adverbe est employé dans un sens métaphorique, alors que l adjectif a son sens habituel. L intensité de la qualité exprimée par l adjectif est ressentie comme tellement forte que le locuteur la caractérise par un adverbe de manière : horriblement laid signifie à l origine tellement laid que c est horrible. 116 Par l usage, l adverbe peut perdre cette fonction appréciative et ne plus servir que d intensificateur. 117 Contrairement à ce qu on prétend souvent, la CAA n est donc pas toujours équivalente à la paraphrase consécutive. 114 Molinier / Levrier 2000, p Molinier / Levrier renvoient à la Linguistique générale et française de Bally, p.236. Dans le deuxième volume du Traité de stylistique française, Bally 1951, p.150, constate déjà que «les adjectifs et adverbes formant des séries d intensité ont généralement la valeur d images affectives [ ]» 116 Voir aussi Blank 1997, p.185: «Die Metaphorik besteht darin, daß das auszudrückende Gefühl [oder Eigenschaft] als so intensiv empfunden wird, daß es nur durch als analog empfundene starke negative Qualitäten versprachlicht werden kann.» [La métaphore consiste en ce que le sentiment [ou la qualité] qu on veut exprimer est ressenti de façon tellement intensive qu on a forcément recours à des qualités qu on ressent comme aussi négatives.] 117 Nous reviendrons sur ce procès de délexicalisation au chapitre

37 Ces adverbes forment un continuum avec les adverbes de manière. Exemples : horriblement laid follement amoureux admirablement belle mortellement ennuyeux gravement malade fortement impressionné fortement industrialisé grièvement blessé profondément déçu profondément reconnaissant violemment opposé Pour cette catégorie, et uniquement pour celle-ci, Molinier / Levrier constatent un figement des combinaisons adverbe-adjectif. 118 Adverbes de complétude : Les adverbes de complétude sont les adverbes avec lesquels on peut répondre à la question «X est-il tout à fait [ADJECTIF]?» : «X est partiellement / entièrement / [ADJECTIF]». Molinier / Levrier énumèrent les exemples suivants : absolument, complètement, partiellement, intégralement, totalement, pratiquement. 119 Nos recherches n ont abouti qu à une liste limitée de CAA avec adverbe de complétude. On peut même se demander s il ne s agit pas de combinaisons libres, car tout adjectif gradable peut se combiner avec un adverbe de complétude. Ce qui permettrait peut-être de parler de collocations, c est que certaines combinaisons sont très habituelles, qu il y a donc des préférences pour certains adverbes. Exemples : entièrement satisfait absolument indispensable parfaitement heureux Molinier / Levrier 2000, p Molinier / Levrier 2000, p Quant à la redondance sémantique de ces collocations, voir ci-dessous. 37

38 Adverbes d extension qualitative : Les adverbes d extension qualitative expriment à quel point la propriété décrite par l adjectif existe chez l individu ou l objet en question : «[ils] statuent sur le mode d existence d une propriété dans un individu ou un objet ou sur l adéquation de cette propriété à cet individu ou cet objet.» 121 En font partie réellement, fondamentalement, purement, vraiment, aucunement, nullement 122. Ces adverbes ne forment, à notre avis, pas de collocations parce qu il n y a pas de restrictions. Si l on considère l ensemble de la catégorie des adverbes d intensité, on constate qu il existe de nombreux adverbes en ment intensificateurs alors qu on ne trouve qu un petit nombre d atténuateurs (légèrement, doucement ou faiblement). 123 La langue parlée, en particulier, fait preuve d une très grande productivité en adverbes d intensité exprimant le haut degré. Ils sont souvent éphémères parce qu ils s affaiblissent rapidement. Il y a de véritables modes dans le domaine des adverbes d intensité. Exemples : affreusement, bigrement, bougrement, carrément, chiennement, diablement, divinement, drôlement, extrêmement, fichtrement, follement, foutrement, furieusement, grandement, horriblement, incroyablement, infiniment, joliment, méchamment, richement, rudement, sacrément, salement, terriblement, vachement. Cette richesse de la langue est due au fait que les locuteurs sont constamment à la recherche de moyens d expressivité par des mots évocateurs et frappants. Pas beaucoup plus informatifs que les formes grammaticalisées prévues à cet effet, [les adverbes en ment] ont un volume syllabique bien plus important, et dans une prose massive, présentent «l avantage» de gonfler le groupe dans lequel ils s insèrent [ ] 124 Dans la langue parlée, le renouvellement est constant, les locuteurs évitent justement ce qui est usuel. Au lieu de collocations en tant que formes standard durables il y a plutôt des modes changeant rapidement. Dans la langue littéraire, les libertés sont grandes, car ce type d adverbes prend une fonction appellative ou d originalité. 121 Molinier / Levrier 2000, p Molinier / Levrier 2000, p Guimier 1996, p Noailly 1999, p.56 38

39 Quant au français de registre neutre, les exemples de combinaisons adjectifadverbe que nous avons donnés dans ce chapitre prouvent qu il y a des préférences dans le choix d un adverbe d intensité. Certaines combinaisons sont plus usuelles que d autres, ce qui permet de parler de collocations. Notre observation est que ce sont surtout les adverbes intensifs-appréciatifs et, plus rarement, les intensifs-quantitatifs qui forment des collocations. L apprenant devrait connaître l adverbe d intensité collocatif d un adjectif donné dans le registre neutre. Certaines collocations formées avec un adverbe d intensité sont d une redondance étonnante : l adverbe collocatif, qui n a à l origine pas de fonction intensive, a des sèmes communs avec l adjectif comme dans les collocations absolument indispensable, parfaitement heureux, diamétralement opposé, directement impliqué, strictement interdit. Ces adjectifs impliquent déjà l idée d absolu. Lorenz traite ce phénomène pour l anglais sous le nom de Semantic Feature Copying 125. L intensificateur n apporte pas d information nouvelle, répète en partie le sens de l adjectif en le renforçant et serait, dans cette fonction de renforcement, plus puissant qu un adverbe purement intensif. La cohésion serait très forte dans ces collocations redondantes. D après Lorenz, les apprenants utilisent particulièrement peu ce type de collocations si l on compare avec l emploi qu en font des locuteurs natifs dans des rédactions. 126 Nous avons pu confirmer la fréquence de ce type de collocations dans la langue journalistique de nos corpus. À côté du Semantic Feature Copying, Lorenz connaît aussi l existence du «negatively copying» 127 où un adverbe en ly prend la fonction d atténuateur par le fait qu il a des sèmes qui contredisent en partie ceux de l adjectif, phénomène plus rare. Exemple : loosely structured, sparsely industrialised, cautiously optimistic, technically possible, theoretically possible. Pour le français on pourrait penser à vaguement ressemblant, techniquement possible ou théoriquement possible. Puisque l intensification a toujours la fonction de mettre en relief l élément auquel elle se rapporte, elle se trouve forcément en position rhématique. L intensification apparaît donc principalement en position attributive. Selon Lorenz, lors de la rédaction de textes, les apprenants auraient cependant tendance à placer des intensificateurs en position thématique, c est-à-dire de 125 Lorenz 1999, p.120. Lorenz reprend le terme de Semantic Feature Copying de Bublitz 1996, qui l emploie pour décrire des combinaisons entre substantifs et adjectifs. 126 Lorenz 1999, p Lorenz 1999, pp

40 surcharger le thème phénomène qu on n observerait pas chez les natifs, sauf chez les plus jeunes. 128 Les apprenants commettent cette faute même à un niveau avancé. Il resterait à vérifier si le même phénomène se répète chez les apprenants du français. Il faut reconnaître que dans la langue journalistique le fait de charger le thème d information n est pas rare, le but étant dans ce cas de comprimer l information au maximum Adverbe de domaine La fonction d un «adverbe de domaine» 129, parfois appelé «adverbe de point de vue» 130, peut être paraphrasée par des locutions prépositionnelles telles que du point de vue de + SUBSTANTIF, en ce qui concerne + SUBSTANTIF, sur le plan de + SUBSTANTIF ou en matière de + SUBSTANTIF. Ces adverbes expriment le point de vue à partir duquel, ou bien le domaine par rapport auquel la qualification établie par l adjectif est valable. «Les adverbes de point de vue ont pour effet de restreindre la validité de l énoncé à un champ référentiel particulier. Ce sont à proprement parler des adverbes de cadrage notionnel.» 131 Cette restriction est évidente dans une phrase comme la suivante : «Économiquement, cette mesure a porté ses fruits. Sur le plan social, elle a été néfaste.» Les adverbes de domaine forment des combinaisons usuelles avec des adjectifs qualificatifs ou participes passés : statistiquement représentatif statistiquement significatif politiquement correct 132 moralement douteux mentalement retardé 128 Lorenz 1999, pp.200ss., et Lorenz 1998, p.62. Lorenz 1999, p.204, donne les exemples suivants (le thème surchargé est écrit en gras): A highly specified and specialised training for journalists is for that reason one demand./ A really visible reason for the emancipated woman being alive is the high rate of unmarried or divorced women./ A very difficult question is whether one should have a hero at all, as I don t think that there is any person in the whole, wide world to whom one should look up admiringly. 129 Guimier 1996, p Molinier / Levrier 2000 emploient ce terme-ci. 131 Guimier 1996, pp , (typographie conforme à l original) 132 Cette CAA a donné lieu à de nombreuses créations allusives telles que historiquement / religieusement / économiquement correct. 40

41 psychologiquement mûr mathématiquement correct économiquement supérieur, développé sexuellement actif génétiquement prédisposé, modifié grammaticalement correct Les adverbes sont toujours dérivés d adjectifs relationnels. On pourrait parler d «adverbes relationnels». En principe, tous les adverbes représentant un domaine, une matière, un point de vue peuvent servir de collocatif à un adjectif qualificatif, ce qui rend cette catégorie très grande et très productive. Les restrictions sont de nature extralinguistique. Comme un adverbe relationnel n a normalement pas de synonyme, il n y a qu un seul collocatif possible. Ce n est donc pas l adjectif, la base, qui détermine le choix de l adverbe. En outre, les adverbes de domaine seraient, d après Guimier, plutôt exophrastiques. 133 Les conditions pour parler de collocations ne seraient pas remplies. Il s agirait de combinaisons libres. Pour l apprenant, par contre, il est utile de savoir que souvent la combinaison entre un adverbe relationnel et un adjectif est en raison de sa densité préférable à une phrase prépositionnelle, surtout dans les langues de spécialités, comme le montre clairement la liste d exemples chez Molinier / Levrier. 134 En outre, il n est pas en mesure de prédire les restrictions qui existent dans la formation de combinaison avec adverbe de domaine : un apprenant germanophone aurait par exemple tendance à former *physiquement handicapé, la langue allemande étant plus productrice en adverbes de domaine. Il est donc justifié que ces combinaisons usuelles soient retenues dans les dictionnaires. C est probablement la raison pour laquelle les combinaisons de ce type sont enregistrées comme collocations dans le Oxford Collocations Dictionnary 135. Nous les traiterons aussi comme des collocations dans notre analyse des dictionnaires Adverbe exprimant une référence temporelle L adverbe exprimant une référence temporelle modifie normalement la proposition entière, ce qui explique pourquoi nous n avons pas réussi à relever beaucoup de CAA formées avec ces adverbes. 133 Guimier 1996, pp.11-12, considère l adverbe dans de telles combinaisons comme «commentaire de l énonciateur». Au sujet des particularités syntaxiques voir chapitre Cf. chapitre Au sujet de ce dictionnaire voir chapitre

42 Il existe néanmoins des collocations entre des adverbes temporels en ment et des participes passés adjectivés (régulièrement contrôlé, momentanément fermé). Ces adverbes marquent une précision temporelle, la fréquence ou la durée de l action, qui, elle, est exprimée par le participe. Certains ont en même temps la fonction d adverbes de manière. Le choix du collocatif se fait en fonction de la base. Qu il y ait restriction dans le choix du collocatif est bien visible dans les exemples des adverbes français et allemands exprimant le passé récent : récemment débarqué (article, produit) récemment lancé *fraîchement lancé fraîchement moulu fraîchement repeint fraîchement débarqué, élu, moulu, cueilli (film) nouvellement / récemment sorti *fraîchement sorti frisch verheiratet frisch verliebt frisch gestrichen frisch gewaschen frisch rasiert frisch gepresster Orangensaft frisch gemahlener Kaffee frisch gebacken:frisch gebackenes Brot (par métaphore) frisch gebackener Ehemann frisch gekürt *neu gekürt Dans tous ces exemples, on préfère frisch à eben, gerade, neu neu gewählter Präsident * frisch gewählt eben / gerade eingetroffen? frisch eingetroffen L emploi de fraîchement et frisch peut s expliquer sémantiquement dans les cas où l adverbe exprime en même temps le passé récent et le fait que le produit soit frais : le café fraîchement moulu est un café qui vient d être moulu et qui est encore tout frais. Étant donné que l emploi de fraîchement au lieu d un autre adverbe (comme récemment ou nouvellement) n est pas prévisible, on peut parler de collocations. 42

43 2.1.4 Délexicalisation Parmi les adverbes formant des CAA, on constate différents degrés de délexicalisation. Plus un adverbe est délexicalisé, moins il connaît de restrictions dans les cooccurrences. Les adverbes simples sont entièrement délexicalisés ; ils sont devenus des mots grammaticaux : très remonte à trans, «au-delà», et était donc à l origine métaphorique dans son emploi comme intensificateur, comme d ailleurs l allemand sehr, du moyen allemand sere, qui signifiait «douloureux». 136 Les adverbes d intensité (du type horriblement) et les adverbes de manière employés comme adverbes temporels (du type fraîchement) subissent un procès de délexicalisation. Le sens originaire de ces types d adverbe est toujours présent, mais uniquement à l arrière-plan, dans les sèmes POSITIF ou NÉGATIF. La délexicalisation peut aller si loin que l adverbe n est plus qu intensificateur. Voyons l exemple de deux adverbes qui n ont pas le même degré de délexicalisation: terriblement et horriblement. L adverbe terriblement est, à notre avis, plus délexicalisé que horriblement et connaît par conséquent moins de restrictions dans les cooccurrences. C est pourquoi terriblement se combine plus fréquemment avec un adjectif désignant une qualification positive que horriblement, qui garde encore la notion négative: terriblement bon : 1760 occurrences horriblement bon : 80 occ. terriblement beau : 322 occ. horriblement beau : 39 occ. terriblement intelligent : 98 occ. horriblement intelligent : 0 occ. Tableau 2 : nombre d occurrences des combinaisons dans le corpus (date de la recherche : mars 2001) La délexicalisation entraîne un affaiblissement de l expressivité de l adverbe. C est la raison pour laquelle les locuteurs en particulier les journalistes et les publicitaires, qui cherchent à attirer l attention de leurs lecteurs sont continuellement en quête de nouveaux moyens plus expressifs. 137 Le domaine de l intensification est particulièrement «exposé» au renouvellement en raison du caractère éphémère de ces moyens de langues. Les adverbes en ment en tant que groupe ouvert se prêtent bien à l innovation. 136 Blank 1997, p Lorenz 1999, pp

44 2.1.5 Un cas particulier : les adjectifs en -able, -ible, -uble Peut-on parler de collocations dans le cas des combinaisons entre un adjectif en -able, -ible, -uble et un adverbe? Le champ collocationnel de ces adjectifs se réduit principalement à facilement, difficilement et à tous les mots sémantiquement apparentés à ceux-ci, tels que aisément, bien, mal, très ou assez : facilement / aisément contrôlable difficilement compréhensible difficilement acceptable difficilement imaginable facilement repérable / lisible facilement soluble et aux adverbes de domaine : moralement irréprochable grammaticalement acceptable scientifiquement valable (à part les quelques combinaisons telles que parfaitement visible, largement comparable). Ces restrictions s expliquent par le sémantisme des adjectifs en able, -ible, -uble. 138 Parmi ceux-ci, les adjectifs qui sont dérivés d un verbe transitif ont un sens passif-potentiel et peuvent être paraphrasés par «qui peut être + [participe passé du verbe]» ou expriment une obligation «qui doit être + [participe passé du verbe]» ou encore la nuance «qui mérite d être + [participe passé du verbe]». Les adjectifs dérivés d un verbe intransitif n ont pas le sens passif. Le nom déterminé par l adjectif est alors le sujet de la paraphrase : «qui peut + [verbe]» «qui [verbe]» «qui est de nature à [verbe]» Il y a encore des adjectifs dont le sens s est effacé et qui sont devenus des adjectifs qualificatifs : passable, remarquable. 139 Les restrictions dans les combinaisons sont dues au sémantisme des adjectifs en able, ible, uble et elles sont pour autant prédictibles. En outre, il est difficile de parler de collocations puisqu il n y a pas vraiment de choix entre des presque-synonymes: facilement, par exemple, a comme seul synonyme aisément. En raison de leur statut particulier nous avons préféré les exclure de notre analyse de dictionnaire. 138 Cf. par exemple Thiele 1993, pp Cf. par exemple Wandruszka 1976, p

45 2.2 Approche syntaxique Place de la collocation adjectif-adverbe dans la phrase La CAA peut remplir dans la phrase différentes fonctions : - la CAA est attribut dans une phrase comme Il est gravement malade. Sa place est alors fixée. - dans la fonction d épithète, la CAA est toujours placée après le nom si elle contient un adverbe en ment, alors qu une combinaison entre un adverbe d intensité non dérivé et un adjectif peut être antéposée au nom : un visage remarquablement beau (*un remarquablement beau visage) vs un très beau visage. Guimier explique cette postposition par le fait que l adjectif antéposé à un substantif «fusionne» avec celui-ci et que l adverbe «[ ] ne trouve donc pas place dans le syntagme, car l adjectif, absorbé par le nom, perd toute autonomie syntaxique.» Cela vaut certes pour les adjectifs classifiants, mais n explique pas pourquoi dans le cas de l antéposition emphatique, la détermination par un adverbe n est plus possible : une importante question une particulièrement importante question. Nous supposons qu un tel groupe adjectival est tout simplement trop long pour être placé avant l information centrale que représente le substantif. Combettes et Tomassone ont trouvé quelques exceptions à cette règle de postposition : le groupe adjectival, bien que contenant un adverbe d intensité en ment, est antéposé au nom dans: «Une [ ] fichtrement / drôlement / salement / vachement jolie fille.» 141 Ces exemples relèvent d un emploi emphatique de la langue parlée familière. La liberté se limite, à notre avis, à ce registre. - finalement, la CAA apparaît aussi en apposition. Dans cette fonction elle est relativement mobile pouvant être postposée au mot auquel elle se rapporte ou se trouver en tête de phrase si le groupe auquel elle se rapporte est le sujet. «Cette petite ville de province, tristement célèbre, tardera à reprendre une vie normale.» «Tristement célèbre, cette petite ville de province, tardera à reprendre une vie normale.» 140 Guimier 1996, p Combettes / Tomassone 1978, p.63, exemples que Guimier 1996, p.15, juge peu naturels. 45

46 «La SBC, visiblement inquiète de l ampleur de la controverse» Syntaxe interne de la collocation adjectif-adverbe Par syntaxe interne de la CAA nous entendons toutes les règles de la position de l adverbe par rapport à l adjectif. La fonction de la CAA dans la phrase n a apparemment pas d influence sur la syntaxe interne de celle-ci. 143 L adverbe est le plus souvent antéposé à l adjectif 144, sans que cela soit obligatoire. Certains adverbes peuvent être postposés à l adjectif, notamment les adverbes de domaine et les adverbes exprimant une référence temporelle. Les adverbes d intensité, par contre, et les adverbes de manière peuvent uniquement être antéposés à l adjectif. Nous voulons illustrer ce point par quelques exemples : adverbe d intensité: gravement malade / *malade gravement adverbe de manière : tristement célèbre / *célèbre tristement La postposition des adverbes d intensité n est pas complètement exclue, mais l adverbe forme alors forcément un mot phonétique propre. Pour les catégories suivantes la postposition est tout à fait possible : adverbe de domaine : financièrement dépendant / dépendant financièrement économiquement supérieur / supérieur économiquement adverbe de référence temporelle : (un magasin) momentanément fermé / (un magasin) fermé momentanément La différence entre ces deux positions consiste en ce que l élément postposé a une fonction rhématique : l adverbe postposé à l adjectif a plus de poids que lorsqu il est antéposé, ce qui explique qu il forme alors à lui seul un mot phonétique. 145 L adverbe de domaine peut se trouver détaché en tête de phrase ou à la fin de la phrase ; selon Guimier, il serait «[ ] préférentiellement antéposé à l énoncé 142 exemple cité par Guimier 1996, p Cf. Combettes / Tomassone 1978, p Noailly 1999, p D après Wunderli 1990, p.38, un adverbe postposé forme un mot phonétique, alors qu antéposé il est intégré au mot phonétique du ou des mots de son entourage. Plus l adverbe a de syllabes, plus la probabilité à former un propre mot phonétique est grande. 46

47 [ ]». 146 En tant qu apposition on peut l insérer entre le verbe et l adjectif en le séparant par des virgules, donc comme mot phonétique propre. D après Guimier les positions suivantes sont possibles sans modification du sens: Statistiquement, ces différences n en sont pas moins significatives. Ces différences, statistiquement, n en sont pas moins significatives. Ces différences n en sont pas moins, statistiquement, significatives. Ces différences n en sont pas moins significatives, statistiquement. 147 Cette particularité syntaxique soutient notre hypothèse que l adverbe de domaine ne forme pas une unité avec l adjectif de la même façon que les autres types d adverbe Adverbe exophrastique antéposé à l adjectif Un adverbe antéposé à l adjectif n est pas toujours endophrastique avec portée sur l adjectif, mais il peut aussi modifier la phrase entière. C est le cas des adverbes «exophrastiques à valeur métalinguistique» 148 et des adverbes exprimant une évaluation de la part du locuteur qui porte sur la phrase entière : Elle est probablement fâchée peut être transformé en Probablement, elle est fâchée. Antoine est visiblement timide peut être transformé en Visiblement, Antoine est timide ou Antoine est timide et cela est visible. 149 Dans cette fonction, l adverbe n est pas lié à l adjectif. C est pourquoi il peut aussi apparaître en position initiale contrairement aux adverbes endophrastiques. Des adverbes endophrastiques sont par exemple les adverbes de manière intensificateurs et les adverbes de manière ; ils ne peuvent pas être déplacés en tête de phrase 150 : *Terriblement, les prix ont augmenté. *Confortablement il est installé. 146 Guimier 1996, p.142 (typographie conforme à l original) 147 Guimier 1996, p Guimier 1996, p. 17. Des adverbes métalinguistiques sont par exemple purement, strictement, principalement. 149 Ce dernier exemple chez Noailly 1999, p. 55. À première vue, cela semble être un adverbe de manière. Il porterait cependant «[ ] plutôt sur l ensemble de la prédication [ ] que sur l adjectif, contrairement à ce que [son] placement habituel pourrait laisser croire.» 150 Combettes / Tomassone 1978, p.58 47

48 *Joliment c est installé. La portée de l adverbe est parfois difficile à déterminer. Guimier donne un exemple d ambiguïté (tiré d une critique de film) : «Voilà un film dramatiquement captivant.» 151 On peut soit interpréter l adverbe comme adverbe de domaine («captivant sur le plan dramatique»), soit comme adverbe de manière («un film dont le caractère captivant est dramatique, pénible»). En résumé, notre analyse syntaxique a montré qu il faut envisager deux positions (adverbe-adjectif et adjectif-adverbe) pour les CAA avec adverbes de domaine et pour celles avec adverbes de référence temporelle et qu il faut tenir compte du fait que la suite adverbe-adjectif ne forme pas toujours un groupe syntaxique, ce qui complique le relèvement automatique des collocations. Comme ce n est pas l objet de notre étude, nous n entrerons pas dans les détails des règles syntaxiques des adverbes en ment Préférences d emploi Le caractère binaire des collocations adjectif-adverbe ne doit pas faire oublier qu une CAA en tant qu unité peut connaître des restrictions ou, du moins, des préférences d emploi dans la phrase. Siepmann plaide, à juste titre, pour l analyse du contexte d une collocation. 152 Dans la présente étude, notre objectif principal est de relever des CAA afin de démontrer leur importance et d analyser leur traitement dans la lexicographie, ce qui amène à les isoler. Ne disposant pas des outils informatiques nécessaires à l analyse des particularités d emploi de chaque collocation, nous voulons tout de même tenter de voir pour un nombre limité de CAA sans procéder à un examen approfondi, s il est possible de détecter des préférences d emploi importantes pour l apprenant, qui mériteraient donc d être signalées dans un article de dictionnaire. Pour cela nous avons analysé 50 contextes minimaux des occurrences de 20 CAA 153 dans un corpus journalistique afin de relever les préférences d emploi. Les observations sont donc loin d être statistiquement représentatives mais peuvent être un indice sur l emploi d une CAA. Il faut aussi souligner que, le corpus étant composé uniquement de textes journalistiques, les préférences sont valables pour cette norme-là. 151 Guimier 1996, p. 18, où l on trouve d autres exemples. 152 Selon Siepmann 2002, p.250, il s agit de déterminer les conditions d emploi syntaxiques, sémantiques et pragmatiques. 153 Les 50 contextes ont été pris au hasard. Pour le choix des CAA voir

49 Il est important de faire la différence entre les restrictions d emploi qui sont vraiment celles de la collocation en tant qu unité et celles qui existent pour la base ou pour le collocatif indépendamment de la collocation. Dans les exemples suivants, les restrictions d emploi ne relèvent pas de la collocation mais du collocatif : si la combinaison désastreusement mauvais ne s applique pas à un aliment, cela est dû à désastreux qui entre par exemple en cooccurrence avec un nom abstrait comme un résultat, mais ne sert pas à décrire la mauvaise qualité d un aliment. De même astronomiquement grand se combine avec une somme d argent et non pas avec un bâtiment parce que l adjectif astronomique est utilisé pour parler de sommes d argent. Nous avons considéré comme préférence d emploi le fait qu une CAA apparaisse préférentiellement à la forme négative, comme épithète d un nom, en position attributive après le verbe être (plus rarement devenir ou rester) ou en apposition, ce qui ne représente qu une petite partie des préférences d emploi possibles. La recherche a été effectuée dans le corpus électronique Europresse au Nous donnerons des informations détaillées sur ce corpus au chapitre Nous avons toujours lancé une recherche pour l adjectif au masculin singulier dans l ensemble des journaux et dans les archives entières. La recherche date de mars Le corpus s agrandissant régulièrement, les résultats ne sont valables que pour cette date. absolument faux : Cette CAA apparaît surtout dans l expression C est absolument faux. ou Il est absolument faux de + INFINITIF. Sur 50 occurrences : Il est absolument faux de / C est absolument faux! : 30 position attributive : 20 épithète d un nom : 0 forme négative : 0 absolument nécessaire : Cette CAA apparaît surtout dans Il est absolument nécessaire de + INFINITIF. Sur 50 occurrences : Il est absolument nécessaire de : 44 position attributive : 4 épithète d un nom : 2 forme négative : 0 49

50 diamétralement opposé : Cette CAA est surtout employée en épithète. Sur 50 occurrences : épithète d un nom : 35 position attributive : 13 en apposition : 2 (Contrairement à ce qu on pourrait attendre en raison du sémantisme de l adjectif, une recherche pour le pluriel ne change pas le résultat de façon significative.) étroitement lié : Cette CAA est surtout employée en position attributive. Sur 50 occurrences : position attributive ( + à qc) : 35 épithète d un nom : 11 en apposition : 4 Le sujet est dans la plupart des cas une chose et rarement un être humain. fraîchement arrivé : Cette CAA est uniquement employée en apposition (antéposée ou postposée) se référant toujours à un être humain. Sur 50 occurrences : en apposition : 50 fraîchement élu : Cette CAA est employée surtout en apposition (antéposée ou postposée). Sur 50 occurrences : en apposition : 42 épithète d un nom : 8 globalement positif : La collocation apparaît surtout comme épithète d un nom. Les noms qui forment le plus souvent une cooccurrence sont bilan et, plus rarement, résultat. Sur 50 occurrences : épithète d un nom : 38 position attributive : 12 Il est globalement positif que : 0 hautement qualifié : La collocation est toujours épithète d un nom. 50

51 Sur 50 occurrences : épithète d un nom : 50 La CAA entre en cooccurrence surtout avec personnel, salarié(s) ou un nom de métier. hautement spécialisé : Cette collocation apparaît uniquement en épithète sans qu il semble y avoir de préférence quant au nom. Sur 50 occurrences : épithète : 50 parfaitement heureux : Cette collocation se trouve le plus souvent en position attributive. Sur 50 occurrences : position attributive : 40 en apposition : 4 épithète d un nom : 6 politiquement correct : La collocation est surtout employée dans sa forme substantivée le politiquement correct. Sur 50 occurrences : substantivé : 36 épithète d un nom : 3 position attributive : 10 forme négative : 1 profondément enraciné : Cette CAA n a pas d emploi préférentiel manifeste. Sur 50 occurrences : épithète d un nom : 25 position attributive : 18 en apposition : 5 comme CVA : 2 profondément vexé : Cette collocation apparaît de façon assez équilibrée soit en CVA, soit en CAA. Sur 50 occurrences : CVA : 20 en apposition : 15 position attributive : 9 51

52 épithète : 0 [se dire] : 6 savamment dosé : Dans le corpus journalistique, on rencontre cette collocation dans un emploi figuré, le plus souvent comme épithète. Elle entre en collocation par exemple avec cocktail (fig.) ou mélange (fig.). Sur 50 occurrences : épithète d un nom : 47 CVA : 3 strictement confidentiel : Cette CAA est surtout employée comme épithète, par exemple de document, entretien, renseignement. Sur 50 occurrences : Epithète d un nom : 35 position attributive : 15 strictement interdit : La CAA est surtout utilisée en position attributive, notamment dans l expression impersonnelle Il est strictement interdit de. Sur 50 occurrences : position attributive : 44 CVA : 2 épithète d un nom : 2 en apposition : 2 strictement personnel : La collocation est le plus souvent employée comme épithète. Sur 50 occurrences : épithète d un nom : 46 position attributive : 4 tristement célèbre : Cette CAA se trouve surtout comme épithète. L antéposition au nom est fréquente (ce qui va à l encontre des règles du chapitre 2.2.2). Sur 50 occurrences : épithète d un nom : 41 position attributive : 6 en apposition : 3 52

53 universellement connu : Il n y a pas d emploi préférentiel manifeste. La collocation se réfère surtout à des êtres humains, mais peut aussi se référer à des choses. Sur 50 occurrences : épithète d un nom : 28 position attributive : 15 en apposition : 7 visiblement ému : La CAA apparaît le plus souvent en apposition. Sur 50 occurrences : en apposition : 46 position attributive : 4 épithète d un nom : 0 Il est en effet possible de détecter certains emplois préférentiels, même s il faut se garder de surestimer l importance de ces préférences puisqu il s agit uniquement de textes journalistiques. Les articles de journaux sont souvent conçus d après des schémas fixes, les clichés n y sont pas rares. Les CAA en tant qu unités connaissent peu de restrictions ou préférences d emploi. Le traitement d une grande quantité de contextes serait nécessaire pour confirmer cette hypothèse, ce qui dépasserait le cadre de notre étude, mais mériterait une étude particulière. Notre impression est que pour les CAA il n y a pas autant de préférences d emploi que pour d autres types de collocations. 53

54 2.3 Base et collocatif dans la collocation adjectif-adverbe Nous avons jusqu à présent supposé que l adjectif prenait toujours le rôle de la base et l adverbe celui du collocatif. Zöfgen 154 met en garde contre le fait de rattacher la fonction d un mot en tant que base ou collocatif à sa catégorie grammaticale. Pour le type des CAA, par contre, c est, d après nos observations, toujours l adverbe qui prend la fonction du collocatif et l adjectif celle de la base. L adverbe précise l information donnée par l adjectif. Cela vaut pour toutes les catégories que nous avons analysées à l exclusion des combinaisons formées avec un adverbe de domaine. Si l on considère les combinaisons avec adverbes de domaine comme des CAA, il faut admettre que l importance de l adverbe y est relativement grande et dépasse celle d une simple précision puisqu il indique le domaine de référence. L adverbe de domaine est plus essentiel dans la CAA que ne l est l adverbe d intensité. 2.4 Degré de cohésion des collocations adjectif-adverbe Le fait qu il existe des CAA n est jamais mis en doute dans les travaux métalexicographiques sur les collocations. 155 Pourtant la cohésion n est pas aussi forte que pour les autres types de collocations. Une collocation substantifverbe est souvent obligatoire (composer un numéro de téléphone, prendre la parole). Il est indispensable de la connaître puisque l emploi d un autre verbe serait une faute. Pour les CAA, le locuteur a, en général, le choix entre plusieurs adverbes sémantiquement apparentés pour exprimer la même idée : intimement lié ou étroitement lié sérieusement endommagé, sévèrement endommagé ou fortement endommagé Il peut aussi avoir recours aux adverbes simples (très lié, très endommagé). Affirmer l existence des CAA se justifie tout de même puisqu on peut partir du principe que tous les types de collocations ne disposent pas du même degré de cohésion entre base et collocatif Zöfgen 1994, p.164, en parlant des collocations non-binaires 155 Voir chapitre Kornelius 1995, p.159, critique le fait que le choix des collocations présentées dans les articles théoriques sur les collocations donnerait une fausse idée des collocations, car les auteurs prendraient souvent des collocations avec fortes restrictions, alors qu une forte restriction n est 54

55 Parmi les CAA elles-mêmes, il y a aussi différents degrés de cohésion. La cohésion atteint son maximum dans les collocations dont le collocatif ne peut pas se combiner avec une autre base, comme grièvement 157. La cohésion est cependant très faible quand le «champ collocationnel» d un des deux constituants est très vaste, en d autres termes, quand il n y a que peu de restrictions d emploi. 158 Mais même si certains collocatifs sont liés à un grand nombre de bases, il serait faux d en déduire que leur emploi est libre. Ainsi profondément ou hautement ont un très vaste champ collocationnel, mais ne peuvent pas être appliqués à n importe quelle base : * profondément habitué * hautement intéressé On peut déduire de la liberté de placement des adverbes de manière, de domaine et de temps que la cohésion entre ces types d adverbe et l adjectif est moins forte qu entre l adverbe d intensité et l adjectif. pas une condition pour parler de collocations, mais ne vaut que pour une petite partie des collocations : «Als Belege werden [ ] oft einseitig solche Beispiele gewählt, die eine sehr ausgeprägte Form der Affinität belegen, wenn sich ein Kollokator nur zu einer Basis stellt und wenn die Basis zum Bestandteil der Definition des Kollokators wird. Dies hat zur Folge, daß eine eher schüttere Beispiellage die einschlägigen Artikel der Kollokationsforschung bestimmt. Wenige sichere Beispiele als Ausdruck des kleinsten gemeinsamen Nenners vergesellschaften sich in Gruppen [...]. Dies rückt die Kollokationen in Grenznähe zu festen idiomatischen Wendungen. Die Mehrzahl der affinen Wortzweierkombinationen ist jedoch nicht in diesem Grenzbereich anzusiedeln.» 157 D après les indications dans le Petit Robert (s.v. grièvement), cet adverbe pourrait se combiner avec des atteintes physiques, comme brûlé. 158 Hausmann 1996, p.45 Hausmann 1996, pp.45-46, définit ainsi ce terme: «Plusieurs collocatifs synonymiques ou antonymiques, hyponymiques ou hypéronymiques se partagent la même base [...] ; plusieurs bases se partagent le même collocatif [...] ou les mêmes collocatifs [...].» Ce terme de champ collocationnel n est pas utilisé par tous les linguistes. Zöfgen 1994, p.161, préfère celui de «Kollokationsradius», rayon collocationnel. Bahns 1997, pp.59-60, fait la différence entre un champ collocationnel et une chaîne collocationnelle. Un champ collocationnel présente un mot donné dans des collocations de différentes structures grammaticales ; une chaîne collocationnelle réunit les collocations avec une même structure grammaticale du mot en question. D après cette définition, les CAA dans lesquelles peut apparaître un mot donné formeraient une chaîne collocationnelle puisqu il ne s agit que d une seule structure grammaticale. 55

56 2.5 Formes concurrentes des collocations adjectif-adverbe Une autre question qui se pose est celle de savoir si les CAA sont vraiment d un emploi fréquent dans la langue écrite courante sans marque stylistique particulière. Leur emploi est en effet limité par le fait que l adverbe en ment est souvent en concurrence avec une locution prépositionnelle et la CAA avec un syntagme nominal. Stylistiquement ceux-ci seront préférables étant donné que les adverbes en ment passent plutôt pour lourds, même s il faut reconnaître que leur valeur stylistique «[ ] a été assez différemment appréciée.» 159 D après Nilssohn-Ehle, «du point de vue euphonique, ils ont été l objet de critiques qui constatent leur lourdeur et la monotonie qui résulte de leur emploi fréquent [ ]». 160 Selon d autres chercheurs, l adverbe en ment aurait vécu des hauts et des bas dans l histoire : «[ ] selon les modes et les époques, on exploite ou censure la créativité autorisée par ce processus de formation. Tantôt on met en avant la richesse et la souplesse de cette forme, qui autorise toutes sortes d effets littéraires [ ] ; tantôt on condamne la lourdeur de ces adverbes.» 161 Si l adverbe en -ment lui-même passe déjà pour lourd, la CAA, groupe adjectival assez «chargé», l est encore plus. Quels moyens linguistiques y a-t-il qui remplissent la même fonction qu une CAA et qui sont peut-être même préférables dans certains contextes? a) Les phrases prépositionnelles comme du point de vue + [substantif], en matière de + [substantif], sur le plan + [adjectif] peuvent substituer un adverbe de domaine. Son comportement est moralement irréprochable. Sur le plan moral, son comportement est irréprochable. Son comportement est, sur le plan moral, irréprochable. Son comportement est irréprochable sur le plan moral. b) Une collocation substantif adjectif (CSA) peut remplacer une CAA : agréablement surpris une agréable surprise / surprise agréable Au lieu de «Il est agréablement surpris» on peut dire «Cela a été une surprise agréable pour lui». 159 Nilssohn-Ehle 1941, p Nilssohn-Ehle 1941, p Danjou-Flaux / Gary-Prieur 1982, p.7 56

57 Il y a souvent des correspondances entre CAA et CSA. Nous entendons par correspondance le fait que l affinité qui lie les constituants d une collocation ne soit pas limitée à une seule forme syntaxique, mais puisse apparaître dans plusieurs. Certains chercheurs expliquent le phénomène des correspondances par le fait que la relation collocationnelle existe au niveau des lexèmes, par exemple /grav/ et /blεs/. 162 Autrement dit, la relation collocationnelle survit, dans les cas de correspondance, aux procès de dérivation. Pour l apprenant la difficulté consiste en ce qu il ne peut pas présupposer une correspondance. 163 Voyons des exemples de correspondances de CSA avec des CAA et des cas de non-correspondance : gravement malade une maladie grave *un malade grave, mais un grand malade follement amoureux un amour fou vivement intéressé un vif intérêt diamétralement opposé *une opposition diamétrale grièvement blessé une blessure grave (non pasgravement blessé) un grand blessé ou un blessé grave 164 hautement qualifié une haute qualification hautement sensible [technique] haute sensibilité amplement mérité *ample mérite (victoire, applaudissement) De même, il est fréquent qu une collocation substantif-adjectif corresponde à une collocation verbe-adverbe : désir ardent désirer ardemment On peut aussi considérer les correspondances entre les CAA et les collocations verbe-adverbe comme de simples variations syntaxiques : mortellement blessé blesser mortellement chaudement recommandé recommander chaudement. Pourtant même cette correspondance n existe pas toujours. Ainsi les CAA avec hautement ne semblent pas être transformables en CVA : hautement ne se combinerait pas avec des verbes mais avec des participes passés adjectivés : hautement qualifié *se qualifier hautement hautement spécialisé *se spécialiser hautement. 162 Koike 2001, p.142, citant Mitchell 1971 et Aguilar-Amat Cf. Cowie 1978, pp.132s., Klotz 2000, p.73, García-Page 2001, pp Voir Mel'čuk 1997, p.45 57

58 Dans une étude comparative de l anglais et du français limitée au domaine de la langue médicale, Maniez a constaté qu en anglais on employait plus de CAA. Le français aurait plus souvent recours aux CSA, comme par exemple dans partially sighted (un) mal voyant physically handicapped (un) handicapé physique 165 angiographically proven démontré par l angiographie skeletally immature patients les sujets au squelette immature 166 to be legally responsible for sth avoir la responsabilité légale de qch 167 Sans disposer de données statistiques, nous avons observé que l allemand, pas seulement dans les langues de spécialités mais dans la langue générale, était plus producteur de CAA que le français, qui souvent n a pas de CAA disponible, mais uniquement une CSA : unheilbar krank (un) malade incurable chronisch krank (un) malade chronique geistig / körperlich behindert (un) handicapé physique / mental c) Les adverbes d intensité sont en concurrence avec les préfixes augmentatifs qui marquent une intensité forte, tels que archi-, extra-, super-, méga-, ou excessive, tels que hyper-, ultra-, sur-. L emploi de ces préfixes est un phénomène particulièrement productif actuellement 168 : archiconnu, archiplein, archifaux, extra-fin, extra-fort, extra-léger, hypersensible, hypernerveux, hypertendu, hypersympa, hypercritique, supergrand, superintelligent, ultra-conservateur, ultra-léger, ultra-moderne. 169 Comme pour les adverbes d intensité le choix du préfixe peut dépendre du sémantisme de l adjectif : ainsi extra- et super- se combinent avec des adjectifs qui décrivent des qualités positives, alors que hyper- et archi- ne connaissent pas de restrictions. 170 Les préfixes servent particulièrement à l intensification dans la langue parlée et dans les langues de spécialités. 165 Maniez 2002, p Maniez 2002, p Maniez 2002, pp Noailly 1999, p L orthographe n est pas stabilisée : on trouve la même suite tantôt avec trait d union, tantôt en un mot, parfois même en deux mots. (Noailly 1999, p.58) 170 Noailly 1999, p.39 58

59 La même fonction est remplie par le superlatif absolu en issime 171, qui exprime le très haut degré ou encore, dans la langue parlée, par la simple répétition de l adjectif (il est riche riche riche). d) Un adjectif peut aussi être intensifié par une comparaison imagée plus ou moins transparente. La comparaison se fait avec un substantif qui est placé dans une phrase prépositionnelle introduite en général par comme. 172 Certaines de ces comparaisons relèvent de la langue familière, d autres ne sont pas marquées. 173 À la fonction d intensification peut s ajouter celle d appréciation positive ou négative. Nous appellerons ces comparaisons des comparaisons phraséologiques en suivant la terminologie allemande («Vergleichsphrasem» 174 ou «phraseologischer Vergleich» 175 ). bête comme ses pieds 176 (se rapportant à une personne) bête comme chou (se rapportant à une chose, souvent un exercice) ennuyeux comme la pluie mince comme un fil maigre comme un clou maigre comme un chat de gouttière 177 fort comme un Turc Les constructions consécutives ont une fonction comparable ; elles peuvent remplacer une CAA avec adverbe d intensité : ennuyeux à mourir => mortellement ennuyeux triste à pleurer 178 fou à lier 179 plein à craquer. 171 Noailly 1999, p.39, à propos du suffixe issime: «[ ] on observe [ ] une sorte de ressurection du suffixe issimo.» 172 Ces comparaisons peuvent aussi se rapporter à un verbe : travailler comme un nègre. 173 Grossmann / Tutin 2003, p Burger 1998, p Busse Szende 1999, p Stein 2001, p Szende 1999, p ces deux exemples chez Riegel / Pellat / Rioul 1994, p

60 Alors que certains chercheurs 180 considèrent uniquement les comparaisons transparentes comme des collocations et les comparaisons opaques comme des locutions, il s agit pour Szende, Tutin / Grossmann et Hausmann 181 de collocations, car on y retrouve la structure binaire avec une base transparente et un collocatif dans un emploi particulier, plus ou moins opaque. 182 Les collocatifs de comparaison peuvent s appliquer à d autres catégories grammaticales, par exemple aux substantifs. Certains ne s appliquent qu à une seule base (comme un pot => sourd ; de loup => faim 183 ), [d] autres gravitent autour d un nombre restreint de mots de base : moral d acier, nerfs d acier ; santé de fer, tempérament de fer, volonté de fer [ ] D autres collocatifs encore sont polyvalents, puisqu il existe un grand nombre de compléments (à mort, à pleurer, comme un diable [ ]), qui, ayant une distribution beaucoup plus large, fonctionnent comme des intensificateurs quasi «généralistes» [ ] 184 Stein a démontré que ces expressions représentaient 3% du vocabulaire d un corpus journalistique. 185 Tutin / Grossmann, qui ont essayé de détecter des régularités dans la formation des collocations imagées, retiennent les types suivants : - les syntagmes binominaux en de exprimant la collection et la quantification (tels que une avalanche de questions) - les syntagmes binominaux en de prenant la fonction d appréciatifs mélioratifs ou péjoratifs (tels que une santé de fer) - les comparaisons en comme ou de à fonction d intensifs (telles que malin comme un singe, malade comme un chien). 186 Les comparaisons phraséologiques avaient déjà été prises en compte dans le Dictionnaire explicatif et combinatoire de Mel'čuk et al. et le seront aussi dans le Lexique actif du français de Mel'čuk / Polguère, mais uniquement les 180 par exemple Burger 1998, p Hausmann 2004, p En allemand, ces comparaisons phraséologiques correspondent souvent à des adjectifs composés (tels que strohdumm, steinreich, fuchsteufelswild), d où se pose un problème de rangement : En général, on ne les trouve pas à l article-base puisque celle-ci constitue le deuxième élément du mot. 183 Szende 1999, p Szende 1999, p Stein 2001 : 3% sur mots du Nouvel Observateur 186 Tutin / Grossmann 2002, p.10 60

61 comparaisons phraséologiques avec base verbale et pas celles avec base adjectivale. e) Il existe aussi des locutions adverbiales qui servent à renforcer l adjectif auquel elles se rapportent comme par exemple comme tout, des mieux, des plus. 187 Avec cette liste ouverte nous avons voulu démontrer que les CAA avaient une forte concurrence, ce qui peut limiter leur emploi. Une analyse plus détaillée sur les préférences de l une ou l autre expression serait nécessaire. 187 Riegel / Pellat / Rioul 1994, p

62 2.6 Approche contrastive Divergences entre le français et l allemand en matière de CAA Le titre de ce chapitre pose un problème de terminologie, car pour l allemand le terme de collocation adjectif-adverbe est problématique. Bien qu il soit habituel dans les grammaires - en particulier de l allemand langue étrangère - de qualifier d adverbes les adjectifs dans un emploi syntaxique adverbial, cela est contestable parce qu il n y a plus en allemand moderne de marque morphologique qui différencie cet adverbe de l adjectif attributif. L adjectif employé adverbialement est invariable 188, il ne prend pas de morphème supplémentaire, contrairement au français: Diese Nachricht ist erfreulich. (1) eine erfreulich hohe Besucherzahl (2) On peut donc parler dans les deux cas d adjectif si on ne tient pas compte de la fonction syntaxique. 189 Sinon on qualifiera erfreulich dans l exemple (2) d adjectif-adverbe ou d adjectif adverbialisé. Par la suite nous utiliserons, pour des raisons de simplicité, le terme de collocation adjectif-adverbe (CAA) pour les deux langues. Pour l enseignement d une langue étrangère, il est indispensable d opposer les collocations et non pas seulement les mots isolés, c est-à-dire les adverbes et les adjectifs séparément, comme cela est pourtant souvent fait dans la lexicographie bilingue. Alors que pour les bases on peut trouver des équivalences générales entre deux langues, l équivalent d un collocatif (d un adverbe) peut varier selon le contexte dans lequel il apparaît. Il s agit par conséquent de connaître l équivalent de la collocation entière, non pas du collocatif. C est pourquoi Hausmann souligne qu il faut une «phraséologie contrastive» au lieu d une lexicologie contrastive. 190 La phraséologie contrastive est aussi incontournable pour la traduction automatique, car il est nécessaire que les unités soient 188 Eisenberg 1999, pp , insiste cependant sur le fait qu il faut faire la différence entre «unflektiert», c est-à-dire pas décliné, mais qui pourrait être décliné, et «unflektierbar», c est-àdire qui ne peut pas être décliné. Cette différence est nécessaire parce que l adjectif attributif n est pas non plus variable. Le critère d invariabilité mènerait donc aussi à le qualifier d adverbe. 189 Dans la grammaire Duden, 449, de tels cas sont considérés comme des adjectifs. 190 Hausmann 1995, p.19 62

63 reconnues comme telles et mises en relation avec les unités correspondantes de la langue cible. 191 La présentation contrastive rend évidentes les différences entre deux langues et montre que ce n est pas par la traduction mot à mot des collocations de la langue maternelle que l apprenant parviendra à produire des collocations dans la langue étrangère. L idiomaticité qui repose sur le choix d un certain collocatif adverbial est manifeste lorsqu on compare l allemand et le français. Nous opposerons ci-dessous des collocations avec adverbe d intensité en partant de la perspective de l allemand. Le lecteur constatera que même l emploi d adverbes relativement généraux n est pas parallèle. Il y a rarement une équivalence totale. On peut parler d équivalence zéro quand pour une collocation de la langue de départ il n y a pas d équivalent idiomatique dans la langue cible et que, pour la traduire, il faut avoir recours à une paraphrase (voir ci-dessous l exemple de frisch gebacken(es Brot)). Les traductions données ci-dessous ne sont qu une des traductions possibles selon le contexte dans lequel la CAA apparaîtrait. Les CAA allemandes sont tirées de Duden 2 «Das Stilwörterbuch der deutschen Sprache» 192 ; leur fréquence a été vérifiée dans le corpus COSMAS de l IDS, Institut für deutsche Sprache, de Mannheim. 193 L orthographe suit les règles de Cf. Seelbach 1991, p Au sujet du Duden 2 voir chapitre Pour prouver l usualité des CAA allemandes, nous nous sommes servie du plus grand corpus de la langue allemande, le corpus électronique del IDS, l Institut für Deutsche Sprache de Mannheim, qui met à la disposition du public environ 1211 millions de mots (du total de 1903 millions) à l aide du système COSMAS II (qui a remplacé COSMAS I en mars 2003). En plus du nombre d occurrences d une collocation, le système indique le nombre total d occurrences du collocatif et de la base, ce qui permet d évaluer la fréquence de la collocation. On peut consulter le contexte de l occurrence. Ce corpus est constitué principalement de textes journalistiques, mais aussi de textes littéraires, scientifiques et de divulgation scientifique. Il est difficile de trouver grâce à lui le collocatif encore inconnu d une base donnée, car comme résultat d une telle recherche on obtient aussi un grand nombre de combinaisons libres et même de fausses combinaisons, c est-à-dire des mots qui ne sont pas en relation. C est pourquoi nous avons tiré nos collocations du Duden 2 et uniquement vérifié leur usualité dans COSMAS. Pour plus d informations, consultez la rubrique «Textkorpora des IDS» sur le site de l IDS ( 194 Orthographe d après Duden 1 «Die deutschen Rechtschreibung» (2000). À ce sujet, voir chapitre

64 stark : Dans les collocations suivantes, il serait faux de traduire stark par fortement. stark erkältet *fortement enrhumé très enrhumé (équivalence zéro puisqu il n y a pas d adverbe idiomatique) stark bewacht stark betrunken sous haute surveillance soûl (ivre mort est familier, alors que la CAA allemande est neutre) stark alkoholisiert : in stark alkoholisiertem Zustand en parlant d une personne serait traduit par avec / ayant un fort taux d alcoolémie. Fortement alcoolisé se dit plutôt d une boisson et correspond en allemand à stark alkoholisch. schwer: L adverbe allemand a différents équivalents en français : schwer verletzt grièvement blessé schwer krank gravement malade schwer bewaffnet armé jusqu aux dents puissamment armé 195 schwer beeindruckt profondément impressionné Il existe aussi zutiefst beeindruckt avec la même image de profondeur que dans la CAA française. schwer behindert lourdement handicapé schwer enttäuscht profondément déçu schwer verdaulich lourd à digérer schwer verständlich difficilement compréhensible ou difficile à comprendre schwer getroffen sérieusement atteint schwer beschädigt sérieusement endommagé On constate cependant une équivalence entre schwer et lourdement dans le sens concret de poids: schwer beladen = lourdement chargé hoch: hoch ne peut pas être traduit par hautement dans les cas suivants: hocherfreut ravi, enchanté 195 Cette collocation, qui s applique à des personnes et à des objets (par exemple : véhicule blindé puissamment armé), se trouve dans le Petit Robert et le Robert-CLE et assez fréquemment dans le corpus Europresse. 64

65 hochkompliziert hochintelligent hochkonzentriert hoch dosiert hoch verschuldet hochbegabt höchst erstaunt höchst erfreulich höchst wahrscheinlich höchst kompliziert Des équivalences existent pourtant: hoch qualifiziert hoch spezialisiert extrêmement compliqué supérieurement intelligent (CHIMIE) fortement concentré très concentré (personne) à haute dose criblé / couvert de dettes surdoué très surpris réjouissant très probable extrêmement compliqué hautement qualifié hautement spécialisé schwach: Alors qu il existe des correspondances, il n y a pas d équivalence totale entre schwach et faiblement dans les CAA: schwach besucht peu fréquenté schwach vertreten = faiblement représenté schwach beleuchtet = faiblement éclairé Si déjà la traduction de ces adverbes d intensité généraux peut poser problème, cela vaut d autant plus pour les adverbes qui ont un emploi plus restreint, comme c est le cas dans les exemples suivants : frei zugänglich libre d accès frei verfügbar à la libre disposition (de) allgemein bekannt *généralement connu bien, universellement connu bitter enttäuscht *amèrement déçu profondément déçu bitter nötig *amèrement nécessaire absolument nécessaire (es ist) bitterkalt (il fait) un froid glacial dicht besiedelt fortement peuplé frisch verliebt - frisch gebacken(es Brot) *fraîchement cuit du pain frais / qui sort du four frisch gestrichen peinture fraîche eng befreundet très ami(s), étroitement/très lié, ami intime, bon ami heiß begehrt (très) courtisé, (très) convoité fest verspochen promis ; fam. promis juré streng geheim (absolument) secret 65

66 streng bewacht dringend nötig unbedingt erforderlich weit fortgeschritten fest verwurzelt bunt gemischt völlig klar glücklich verheiratet unheilbar krank unsagbar schön hochgradig ansteckend surveillé de prés, très surveillé absolument nécessaire, urgent et nécessaire absolument nécessaire très avancé, bien avancé profondément ancré très varié, mélangé parfaitement clair heureux en ménage (*heureusement marié puisque heureusement est un adverbe exophrastique qui signifie «zum Glück») On préfère le groupe nominal un malade incurable très beau fortement contagieux En résumé, même s il existe des correspondances, il n y a jamais une équivalence totale entre un adverbe allemand et un adverbe français en ce qui concerne leurs bases possibles. Les différences sont nettement plus fréquentes que les équivalences Particularité de l allemand Arrêtons-nous brièvement sur une particularité de la langue allemande : il est possible de souder le collocatif et la base, c est-à-dire de les écrire en un mot, ce qui pourrait être interprété comme un indice du fait que des collocations très usuelles finissent par se transformer en une unité, en un composé 196 : hocherfreut : hoch- = collocatif -erfreut = base schwerbehindert (terme juridique): schwer- = collocatif -behindert = base 197 Cette faculté engendre un problème d orthographe, le problème de la «Getrennt- und Zusammenschreibung», la difficulté de savoir quand il faut écrire en un mot une CAA avec adverbe d intensité. Les dictionnaires diffèrent sur l application des règles. 196 Cette explication sous-entend qu une combinaison de mots devient une collocation à cause d un emploi fréquent. 197 Contrairement au terme technique schwerbehindert, schwer behindert s écrit en deux mots dans le sens d «empêché, bloqué» parce qu on peut le mettre au superlatif. 66

67 Si on tient compte des dernières rectifications, la règle de la nouvelle orthographe allemande traitant ce sujet 198 peut se résumer ainsi : une combinaison entre deux adjectifs ou entre un adjectif et un participe est écrite en deux mots si l adverbe peut être mis au comparatif ou au superlatif, sinon la combinaison s écrit en un mot : schwer verständlich puisqu il est possible de dire schwerer / am schwersten verständlich, dünn besiedelt puisqu il y a dünner / am dünnsten besiedelt, mais seulement tiefernst parce que *tiefer ernst n existe pas. Les rédacteurs du Duden 1 admettent qu il peut y avoir des doutes puisqu ils acceptent pour certaines combinaisons les deux variantes, par exemple dans le cas des combinaisons avec hoch, : on y trouve les variantes hoch begabt et hochbegabt, hochgebildet et hoch gebildet, alors que seul hochintelligent (toujours en un mot) est accepté. Les raisons de ce traitement inégal ne sont pas claires. La langue allemande a perdu de nombreux adjectifs, qui sont devenus des collocations. Ainsi les adjectifs suivants pour ne nommer que quelques exemples - ont été décomposés et s écrivent à présent en deux mots : blutstillend, lebendgebärend, alleinerziehend, alleinseligmachend, schwerkrank, engbefreundet, dünnbesiedelt, frischgebacken, hochkompliziert Sans vouloir entrer ici dans les difficultés de la «Getrennt- und Zusammenschreibung», nous voulons juste souligner que cette transformation ne correspond pas à l évolution naturelle de la langue et ne représente pas non plus une facilitation des règles en raison des nombreuses exceptions qui existent. La lexicographie allemande n a pas lutté contre cette transformation artificielle mais a commencé à enregistrer les anciens composés comme collocations. L endroit où cette collocation est enregistrée varie selon le dictionnaire qu on consulte, comme nous le montrerons aux chapitres et Par conséquent, un utilisateur qui consulterait un dictionnaire allemand-français pour trouver l équivalent d une CAA allemande ne saurait pas où la chercher : à l article du composé (qui suit forcément celui du collocatif), à l article du collocatif ou à celui de la base si les deux éléments sont écrits séparément. Certains dictionnaires lemmatisent en plus les éléments des composés. Pour une CAA avec le collocatif schwer, l utilisateur pourrait songer à chercher dans les articles suivants : schwer, schwerbepackt (article du composé), schwer- (article de l élément du composé) ou bepackt (article de la base). 198 Duden 1 Die deutsche Rechtschreibung, p.47, K62 67

68 En outre, les dictionnaires divergent parfois dans l application des règles : par exemple tief greifend dans le Duden 1, mais tiefgreifend dans le Pons Großwörterbuch Französisch (2004). Dans notre corpus de l IDS la majorité des textes suivent les règles de l ancienne orthographe, mais les plus récents, la nouvelle. Deux variantes d une collocation sont donc possibles. En matière de collocations, la «Zusammenschreibung» a l avantage que les lexicographes semblent enregistrer plus souvent un composé qu une collocation. 2.7 Approche didactique Collocations et lexique mental Il y a unanimité parmi les chercheurs sur le point que non seulement les mots isolés mais encore les relations syntagmatiques d un mot, donc aussi les collocations sont enregistrées dans le lexique mental. 199 Il existe cependant différentes hypothèses sur la façon dont les collocations seraient enregistrées dans le lexique mental du locuteur natif. La première hypothèse est que la collocation n est pas enregistrée telle quelle, mais chaque constituant pour soi. Il existerait par contre un lien entre la base et le collocatif, le collocational link, un des nombreux liens par lesquels un mot est relié à d autres mots (mots du même champ sémantique, synonymes, antonymes, hyponymes etc.). Selon la seconde hypothèse, la collocation serait enregistrée comme unité en plus de la base et du collocatif. Cela signifierait qu il y a toujours trois enregistrements. Dans le lexique mental du locuteur bilingue, la base en L1 et la base correspondante en L2 sont probablement reliées (par exemple blessé et verletzt). Entre les collocatifs des deux langues il pourrait aussi y avoir un lien, ou alors uniquement entre le collocatif et la base de la même langue. Comme la recherche dans ce domaine n a, jusqu à présent, pas dépassé le stade des hypothèses et qu elle n est actuellement pas en mesure de le faire, nous ne pouvons pas en tirer de conclusions pour l enseignement des collocations Nous suivons ici Bahns 1997, pp Bahns 1997, p

69 2.7.2 Collocations et enseignement du vocabulaire L importance du vocabulaire dans l apprentissage des langues étrangères a été particulièrement reconnue à partir des années 80 du siècle passé. Avant cela, c était la grammaire qui était au centre de l enseignement. La recherche sur les collocations a montré à quel point il est important de ne pas se limiter aux mots isolés. Les mots nouveaux sont plus facilement mémorisés s ils sont présentés avec les mots auxquels on les associe naturellement, c est-à-dire que l apprentissage du vocabulaire doit se faire en champs notionnels. Malheureusement le concept de collocation est trop souvent encore ignoré dans l enseignement du français. Le constat a souvent été fait que les apprenants avancés disposaient d un grand vocabulaire, mais ne parvenaient pas à utiliser correctement les mots, qu ils faisaient des progrès en grammaire, élargissaient leur «vocabulaire» (autrement dit le nombre de mots qu ils connaissent), mais ne progressaient pas en ce qui concerne la connaissance de la norme d usage. 201 Les fautes commises par les apprenants sont d une part des interférences de la langue maternelle à la langue étrangère, d autre part des généralisations et donc simplifications : ils font un emploi exagéré de mots généraux peu précis. 202 Pourquoi même les apprenants avancés ont-ils tant de mal à faire des progrès en ce qui concerne la connaissance des collocations? L apprentissage des collocations en langue maternelle (L1) se fait naturellement alors qu en langue étrangère (L2 ou L3 etc.) il demande de grands efforts, ce qui s explique par les différences fondamentales entre l apprentissage de L1 et de L En ce qui concerne la réception (l input), la différence consiste en ce que l enfant apprenant sa langue maternelle n analyserait pas les collocations rencontrées mais les mémoriserait en tant qu unités (même sans les avoir comprises). Cependant l apprenant adulte aurait tendance à décomposer automatiquement les collocations en éléments pour les analyser et ne les retiendrait donc pas comme unités. L attention de l apprenant serait centrée sur le sens, la forme passant inaperçue. Lors de la production, l apprenant adulte chercherait séparément des équivalents pour la base et le collocatif et formerait une combinaison à son gré. Blank 2001, pp , présente un modèle par lequel il tente d expliquer la façon dont l information linguistique et encyclopédique pourrait être enregistrée. 201 Nous nous orientons au Lexical Approach de Lewis Möhlen 1985 p résumé chez Pöll 1996, pp

70 L apprentissage des collocations en langue étrangère doit être systématique. À la lecture, les collocations passent inaperçues puisque leur décodage ne pose pas de problème en raison de leur transparence. L apprenant doit avoir été sensibilisé aux collocations, il doit connaître cette notion et être conscient de l importance du phénomène. 204 Pour mémoriser les collocations il faut faire des exercices spéciaux, dont nous donnons quelques exemples. - Relever des collocations dans le texte qu on traite en cours. Vérifier leur usualité dans un dictionnaire - c est là que le dictionnaire de collocations fait défaut - ou dans un corpus facilement accessible comme Europresse ou simplement avec un moteur de recherche dans Internet, ces corpus ayant l avantage d être gratuits et accessibles pour tous par Internet. Les apprenants doivent s habituer à détecter les combinaisons de mots qu ils n auraient pas su former spontanément, à regarder un texte sous l aspect combinatoire. - Établir pour un sujet donné un vocabulaire thématique. Il faut éviter de se concentrer sur les substantifs, mais en indiquer aussi les collocatifs sans lesquels ils sont inutilisables. Un champ lexical ne doit pas se composer que de mots isolés mais inclure aussi des collocations ; le terme allemand «Wortfeld» est malencontreux. 205 Pour cela les élèves devraient chercher eux-mêmes dans les dictionnaires. Les résultats devront être complétés par l enseignant puisque les collocations sont souvent introuvables dans les dictionnaires, comme nous le verrons au chapitre 3. - Établir le champ collocationnel de mots nouveaux. Ceci est intéressant autant pour des bases que pour des collocatifs. Pour le collocatif cela est même essentiel, car le sens d un mot synsémantique ne se révèle que dans les contextes. Berger propose que les élèves élaborent un dictionnaire syntagmatique personnalisé dans lequel ils noteraient au fur et à mesure les collocations qu ils rencontrent. 206 Afin de rendre la présentation des collocations systématique, Berger conseille d utiliser certaines fonctions lexicales de la Théorie Sens-Texte. - Dans une approche contrastive, faire chercher pour une collocation de la langue étrangère l équivalent en langue maternelle (situation de la version) 204 C est à cette conclusion, qu il ne suffit pas de lire des textes pour mémoriser des collocations, qu en arrivent Bahns / Sibilis 1992 après avoir fait deux tests avec des apprenants de l anglais. Cf. aussi Bahns 1997, p Cf. Sabban 2003, p.67, qui présente un champ collocationnel («Kollokationsfeld») pour les collocations visuelles du type «Verb + œil/yeux/regard» 206 Berger

71 ou pour une collocation de la langue maternelle l équivalent en langue étrangère (situation du thème ou de la production libre). Le précurseur de la théorie collocationnelle, Charles Bally, avait présenté dans le deuxième volume du Traité de stylistique française des exercices de collocations. Les exercices sont, en général, des textes dans lesquels les collocatifs ont été effacés. Ceux-ci se trouvent tous en bloc à la fin du texte. À l apprenant d attribuer à chaque phrase le collocatif correspondant. Ce qui est intéressant dans notre objectif c est que Bally avait conçu des exercices pour des collocations d intensité : substantif + adjectif intensificateur, verbe + adverbe intensificateur. 207 Bien que les CAA n y apparaissent pas, Bally avait déjà reconnu l importance des collocations avec adverbe intensificateur. Depuis cela, c est surtout pour l anglais que des exercices de collocations ont été proposés. Bahns 208 envisage deux modèles d exercices de collocations : 1.) «Zuordnungsübung»: Les deux constituants d une collocation sont indiqués parmi plusieurs mots en désordre. Il s agit de relier la base et le collocatif qui vont ensemble. 2.) «Suchübung», exercice de recherche ou consultation : seule la base est indiquée dans un texte ou contexte minimal avec des blancs. L apprenant doit trouver le collocatif correspondant soit de mémoire soit à l aide d un dictionnaire. Il existe plusieurs variantes de chaque modèle ) «Zuordnungsübung» : - On présente une liste des collocatifs et une liste de bases. L apprenant doit relier le collocatif et la base qui vont ensemble. Il n y a toujours qu une seule collocation possible pour chaque collocatif et chaque base. Exemple avec des CAA : blessé maladivement ennuyeux à mourir malade éperdument jaloux grièvement amoureux gravement 207 Bally 1909 ( ), volume II, pp.43ss. ( 35-40) 208 Bahns 1997, p Voir López Barrios

72 - Pour une phrase donnée, il s agit de détecter le deuxième constituant d une collocation parmi les deux ou trois solutions proposées. Cela est possible autant avec le collocatif qu avec la base. Exemple : Il a été (grièvement / profondément / gravement) blessé. Elle est (mortellement / gravement / éperdument) amoureuse. - Afin de rendre cet exercice plus difficile on peut proposer les solutions de toutes les phrases en bloc (au début ou à la fin de l exercice). L apprenant doit alors en plus attribuer les solutions aux bonnes phrases. C est le type d exercice que Bally avait présenté. 2.) «Suchübung» : - Il est certainement indispensable d apprendre aux élèves à se servir d un dictionnaire de collocations par des exercices de recherche, comme ceux qu on trouve dans le dictionnaire de collocations Oxford. Le but est de faire comprendre à l apprenant quelles aides lui offre le dictionnaire de collocations et à quel endroit il trouve l information qu il cherche. - Quels collocatifs peuvent se combiner avec une base donnée? L apprenant consultera un dictionnaire de collocations, un corpus ou connaîtra les solutions parce qu il a déjà appris ces collocations. - Il existe encore les exercices de correction : des collocations fausses sont indiquées (ce sera le collocatif qui sera faux). À l apprenant de les corriger, de remplacer le constituant faux par le bon, soit à l aide du dictionnaire, soit de mémoire. Nous voyons ici le danger que l apprenant mémorise la faute. Les avis des spécialistes divergent sur la question de savoir s il faut insister sur le caractère idiosyncrasique des combinaisons de mots en enseignant les collocations dès le début de l apprentissage d une langue ou à partir d un niveau intermédiaire. Nous sommes d avis qu il serait décourageant pour le débutant de se rendre compte à quel point les langues sont différentes en ce qui concerne les collocations. Le premier objectif du débutant est d apprendre le vocabulaire de base, les mots essentiels, avec lesquels beaucoup de combinaisons libres sont possibles. 210 Il va sans dire que même le débutant aura besoin très vite des 210 C est la position de Hartenstein 1992, pp.70-71, à propos de l enseignement du russe comme langue étrangère : «Die Tücke, die die Lexemkollokationen in sich bergen, macht sich nicht unbedingt in der Anfangsphase des Russischunterrichts bemerkbar, da der Grundwortschatz viele Einheiten umfaßt, die frei kombinierbar sind [ ] In fortgeschrittenen Stadien des Unterrichts indes, wo es u.a. darum geht, die Ausdrucksfähigkeit zu präzisieren und zu differenzieren, erweist sich das Wissen um Einzelwortäquivalenzen häufig nicht mehr als ausreichend. Die Möglichkeiten eines positiven Transfers bilden hier die Ausnahme [...] Darüber hinaus sind Umschreibungsversuche mit Hilfe freier Wortverbindungen oft zu ungenau [...]» 72

73 collocations les plus fréquentes ou essentielles à certains actes de communication. À ce stade-là, c est à l enseignant de sélectionner les collocations indispensables pour l apprenant. Quant à l apprenant plus avancé, il ne faut pas qu il commette la faute de continuer à apprendre essentiellement des substantifs sans leurs collocatifs. Sinon il ne pourra tout simplement pas s exprimer, communiquer, ce qui est l objectif principal de l enseignement de langue. Le concept de collocation aide à structurer l enseignement du vocabulaire puisqu il permet de relier les mots entre eux, de travailler systématiquement et donc d éviter de se perdre dans l océan des mots. Il serait grand temps de créer le matériel pédagogique pour l apprentissage systématique des collocations françaises. Est-il recommandable d enseigner en matière de collocations seulement les divergences entre les langues, ce qui représenterait un grand gain de temps et d énergie? Bahns 211 préconise cette méthode. D après Zöfgen 212, il est psychologiquement important de pouvoir s appuyer sur les équivalences. Hausmann 213 soutient que les équivalences doivent aussi être introduites dans l enseignement, car une fois que l apprenant est conscient de l existence des collocations, il serait «déstabilisé» et n oserait plus transposer directement de sa langue maternelle à la langue étrangère. À notre avis, c est la ressemblance des langues en question qui détermine s il est possible de se concentrer sur les divergences. Ainsi on pourra recommander à un francophone qui apprend l espagnol de partir du principe que le transfert des schémas collocationnels est possible et qu il ne doit apprendre que les divergences. Entre le français et l allemand cela n est pas réalisable dans la même mesure. Il peut y avoir une équivalence uniquement partielle avec des différences minimales qui pourraient échapper à l attention de l apprenant. Zöfgen 214 donne [La difficulté des collocations lexicales n est pas forcément visible dans la première phase de l apprentissage du russe, car le vocabulaire de base contient beaucoup d unités qui se combinent librement [ ] À un niveau avancé cependant, où il s agit entre autres d apprendre à s exprimer de façon précise et différenciée, il ne suffit plus de connaître les équivalences entre mots isolés. Il est rare que le transfert soit possible. De plus, les paraphrases avec des mots qui se combinent librement sont souvent trop imprécises.] Binon / Verlinde / Selva 2001, p.47, plaident pour l enseignement des collocations dès le début. 211 Bahns 1993a 212 Zöfgen 2001, p Hausmann 2003, p Zöfgen 2001, p

74 l exemple de la collocation allemande seinen Zorn herunterschlucken qui correspond à ravaler sa colère et pas à *avaler sa colère. Quelles collocations faut-il enseigner? Malheureusement il n y a pas de réponse qui soit toujours valable. La sélection des collocations à apprendre doit se faire en fonction du groupe d apprenants particulier auquel l enseignant a affaire et des objectifs de ce groupe. C est à l enseignant de juger de l utilité d une collocation. Alors que pour Hausmann et la majorité des spécialistes le choix du collocatif est idiosyncrasique et donc imprévisible pour l apprenant, d autres 215 cherchent à détecter les règles sémantiques selon lesquelles les collocations seraient formées et pourraient non seulement être expliquées, mais déduites. Ainsi Scherfer, pour citer un exemple récent, a essayé de formuler des règles qui permettraient de prévoir les partenaires possibles et surtout d exclure ceux qui sont impossibles. Il formule ses règles à partir de verbes en vue des substantifs avec lesquels ils forment des collocations et il part donc du collocatif, ce qui va à l encontre de l importance primordiale de la base dans notre concept ; comme les champs collocationnels des bases sont trop vastes, c est en effet le seul moyen de parvenir à des règles. Scherfer espère pouvoir appliquer ce système aux autres types de collocations. La finalité didactique de telles entreprises ne peut pas être atteinte pour les raisons suivantes : - il n est pas toujours possible de trouver une explication sémantique aux restrictions syntagmatiques. Dans le cas des CAA, une explication sémantique est souvent difficile. L arbitraire semble au contraire régner. Comment expliquer qu on dise fortement intéressé et non pas hautement ou profondément? Il est à la rigueur possible de formuler des règles très générales du type : l adverbe X se combine avec des adjectifs qui ont le sème POSITIF. Une explication a posteriori comme la suivante de Grossmann / Tutin pour expliquer l emploi de profond avec les sentiments n est pas utilisable dans l enseignement, ce que ne prétendent 215 Le projet Cologne-Nancy (cf. chapitre 3.1) a entre autres comme but de formuler des règles de collocations. De même Hartenstein 1996, Scherfer 2001 ou encore Grossmann / Tutin (à paraître), qui constatent : «[ ] nous pensons que non seulement des régularités sont observables, mais qu elles sont explicables et même partiellement prédictibles. Nous réfutons donc le point de vue «anomaliste», les collocations étant souvent considérées comme des associations arbitraires.» 74

75 d ailleurs pas les auteurs: «[ ] la profondeur associée à certains noms d émotion s appuie sur une métaphore du fond (vs. la surface) [ ]» étant donné que les règles ne peuvent être formulées que pour les collocations qu on a relevées, l exhaustivité est impossible. - pour formuler des règles généralement valables qui respecteraient aussi les exceptions, il faudrait les rendre tellement complexes qu elles ne seraient plus mémorisables ni applicables par l apprenant. Il semble alors plus facile de mémoriser les différentes collocations, comme le fait le locuteur natif, qu un grand nombre de règles complexes. Dès qu on simplifie une règle, on risque de pousser l apprenant à faire des fautes. Bahns est d avis que de telles règles de collocations comme les prévoit Scherfer pousseraient au transfert, à l interférence et favoriseraient ainsi les fautes. 217 Ce qui nous semble plus utile que des règles de collocations, c est de systématiser l apprentissage des collocations en introduisant une collocation avec ses dérivés, comme cela a été fait dans les dictionnaires DAFA et DAFLES. 218 Ainsi il faudrait apprendre en même temps la CSA un désir ardent et la CVA désirer ardemment Importance des collocations adjectif-adverbe Les exemples donnés sous ont montré que les divergences entre l allemand et le français en matière de choix du collocatif étaient importantes. Quelles sont les conclusions que l on peut en tirer pour l apprentissage de ces langues? Il faudrait développer chez l apprenant la conscience des différences qui existent entre les collocatifs de ces deux langues. L adverbe n attire pas l attention des apprenants, qui ont tendance à transposer les schémas collocationnels de leur langue maternelle sur la langue étrangère. Certes, une faute dans le choix du collocatif adverbial n empêche normalement pas la compréhension de l énoncé, mais elle démasque son auteur en tant qu apprenant étranger. Un locuteur natif dirait probablement que l expression produite n est pas idiomatique. Ce qui n est pas idiomatique frappe, ne passe justement pas 216 Grossmann / Tutin 2003, p Bahns 1997, p Voir chapitre

76 inaperçu contrairement à l usuel et, ce qui est plus grave, n est parfois pas acceptable. Plus que d autres types de collocations, les CAA relèvent d un haut niveau chez l apprenant. Il est vrai qu on peut très souvent se tirer d affaire par l emploi d un «adverbe passe-partout», c est-à-dire d un adverbe qui ne forme pas de collocations, mais qui a un très grand champ collocationnel. 219 Au débutant qui risque de commettre des fautes on peut conseiller de les utiliser. Les apprenants avancés, par contre, les étudiants qui doivent rédiger des mémoires, des dissertations ou tout autre travail universitaire, sans parler des professionnels du français, devraient connaître activement un certain nombre de CAA afin d atteindre un niveau stylistique supérieur et de s exprimer de façon plus précise. Différentes études faites pour l anglais 220 ont démontré que même les apprenants avancés avaient de grandes lacunes en matière d adverbes. Les études les plus récentes et les plus importantes dans notre objectif sont celles de Granger et de Lorenz, toutes les deux effectuées dans le contexte de l élaboration du International Corpus of Learner English, ICLE. 221 Granger a analysé l emploi dans la langue écrite de collocations formées d un adverbe en ly et d un adjectif par des apprenants avancés de langue maternelle française. En le comparant à l emploi qu en font des locuteurs natifs, Granger en vient à la conclusion que les apprenants étrangers utilisent nettement moins de CAA, que leur choix d adverbes est beaucoup plus limité et que des adverbes peu spécifiques tels que totally ou completely sont suremployés. 222 Granger démontre aussi que les apprenants ne savent pas différencier les collocations des combinaisons peu spécifiques. Les CAA, fortement négligées jusqu à présent, devraient donc être prises davantage en considération dans l enseignement et déjà lors de l élaboration du matériel pédagogique. 219 Nous entendons par adverbes passe-partout des adverbes simples, tels que très ou peu. Certains adverbes en ment sont devenus des «adverbes passe-partout»: par exemple les adverbes de degré extrêmement, totalement, complètement. 220 par exemple Granger 1998, Howarth 1996 et 1998, Bahns 1997, Lorenz Granger 1998, Lorenz Granger constate aussi que les apprenants font moins de combinaisons créatives. Nous sommes d avis que cela est normal et constitue bel et bien la différence entre apprenants et locuteurs natifs. 76

77 Lorenz s intéresse à la façon dont les apprenants réalisent la fonction d intensification d adjectifs en incluant dans son analyse tous les types d adverbes sans se limiter aux adverbes en ly. Il démontre que dans ce domaine les différences entre des textes rédigés par des locuteurs natifs et ceux rédigés par des apprenants (de langue maternelle allemande) sont moins dues aux structures grammaticales qu à l idiomaticité. Lorenz constate en outre que les apprenants font un emploi exagéré d intensificateurs très fréquents et généraux. Ses résultats confirment ceux de Granger. Une observation intéressante est que les apprenants auraient tendance à exagérer l emphase, ce que Lorenz explique par le fait qu ils chercheraient à compenser le manque de précision des adjectifs qu ils emploient parce qu ils ne connaissent pas le terme précis Lorenz 1999, p

78 2.8 Les CAA et les langues de spécialités Que les adverbes occupent en terminologie une «place accessoire» 224 par rapport aux noms et aux adjectifs est évident. Néanmoins l adverbe joue dans les langues de spécialités un rôle plus important qu on ne pourrait le croire. D après Molinier / Levrier, les langues de spécialités seraient même particulièrement productives en adverbes en ment. Ces auteurs ont réuni un recueil important des adverbes en ment usuels dans la langue contemporaine et critiquent que même les plus grands dictionnaires du français (le Grand Larousse, le Grand Robert et le TLF) donneraient une fausse image de l usualité et de la productivité de la dérivation d adverbes en ment en n enregistrant qu une petite partie de ceux qui circulent dans la langue contemporaine. Molinier / Levrier donnent comme exemple de cette richesse des langues de spécialités le champ disciplinaire de la linguistique (Les adverbes du deuxième paragraphe ne seraient pas retenus dans les dictionnaires) : adjectivement, adverbialement, flexionnellement, grammaticalement, intransitivement, langagièrement, linguistiquement, métaphoriquement, métonymiquement, morphologiquement, nominalement, philologiquement, phonétiquement, phonologiquement, proleptiquement, sémantiquement, substantivement, syllabiquement, transitivement contextuellement, déictiquement, dérivationnellement, dialectiquement, distributionnellement, éthnolinguistiquement, factitivement, hypocoristiquement, idiomatiquement, métalinguistiquement, paradigmatiquement, phonémiquement, récursivement, syntaxiquement, transformationnellement. 225 De ces exemples on peut déduire que ce sont principalement les adverbes de domaine et les adverbes de manière qui sont employés dans les langues de spécialités. Notre propre analyse nous amène à formuler l hypothèse que non seulement les adverbes en ment, mais les CAA avec de tels adverbes sont présentes dans les langues de spécialités, reprises et propagées par les médias. Cette hypothèse est confirmée par les résultats des études entreprises pour deux autres langues : Maniez a démontré que le schéma collocationnel adverbe- 224 Maniez 2002, p Molinier / Levrier 2000, p

79 adjectif était fréquent dans l anglais médical. Même s il soutient qu en français ce schéma serait moins productif (comme d ailleurs la dérivation d adverbes en ment serait moins productive que celle d adverbes en ly), il aurait aussi sa place dans le français médical. 226 Pour l espagnol, Gräfe 227, analysant la fréquence des groupes adverbiaux, constate (sans envisager le concept de collocation) que la fréquence de la suite adverbe-adjectif est particulièrement élevée dans les textes journalistiques et publicitaires si on les compare aux textes littéraires. Cette fréquence s explique, à notre avis, en partie par le fait que la langue journalistique, en particulier, propage des moyens linguistiques des langues de spécialités. La richesse collocative des langues de spécialités s explique par le fait qu une telle langue a continuellement besoin d exprimer de nouveaux concepts. Des CAA relevant de langues de spécialités sont par exemple civilement responsable fortement dilué / concentré, hautement concentré faiblement / fortement alcoolisé génétiquement modifié sexuellement transmissible cliniquement mort cliniquement grave 228 testé cliniquement statistiquement représentatif / faible hautement concurrentiel (secteur, marché, ) strictement confidentiel (document) juridiquement contraignant / validé formulaire dûment rempli marié civilement / religieusement légalement reconnu corporation légalement constituée (public) légalement majeur (logiciel etc.) correctement installé (produit, animal) potentiellement dangereux / toxique 229 (produit) potentiellement cancérigène 226 Maniez 2001 et Gräfe exemple de Maniez 2002, p exemple de Maniez 2002, p.5 79

80 Les conventions sont particulièrement fortes dans les textes rédigés en langues de spécialités et s étendent à l organisation des différents types de texte. Les collocations ne sont qu un des éléments dans lesquels se manifeste cette standardisation ; leur emploi est souvent lié au genre textuel. 230 Contrairement aux textes littéraires, les textes informatifs ne sont pas des essais de style par lesquels leur auteur veut briller. Les textes informatifs contiennent par nature plus de stéréotypes, de formules toutes faites que les textes dans lesquels une certaine originalité est recherchée. Alors qu une collocation de la langue générale est une convention à l intérieur d une communauté linguistique, une collocation technique est une convention au sein d un groupe de spécialistes, ce qui restreint la validité de la collocation technique. Pour L Homme / Bertrand les collocations techniques ne seraient pas des collocations au sens propre du terme : [ ] many lexemes defined as co-occurrents can combine with groups of semantically-related terms [ ] A given co-occurrent selects a group of terms which belong to a semantic class. Thus specialized lexical combinations cannot be defined as true collocations which comprise two lexemes that combine to form a unique combination with a specific meaning. 231 L Homme / Bertrand ne semblent considérer comme collocations que les combinaisons de mots à champ collocationnel très restreint. Qu un collocatif ou une base se combine avec plusieurs mots sémantiquement proches (leur exemple est piloter+ aéronef / avion / hydravion) ne constitue pas, à notre avis, une raison de ne pas parler de collocations. La régularité n est pas non plus typique des langues de spécialités, mais des champs sémantiques concrets, comme le font remarquer Tutin / Grossmann : [ ] les régularités sémantiques entre base et collocatif semblent relativement systématiques dans certains domaines de l expérience, bien structurés, comme c est souvent le cas en langue de spécialité. Dans les domaines abstraits, on relève davantage d idiosyncrasie, et le partage entre combinaisons libres et collocations semble nettement plus délicat Cf. Rothkegel 1994, p L Homme / Bertrand 2000, p Tutin / Grossman 2002, p.14 80

81 Les collocations des langues de spécialités ont fait l objet, surtout depuis les années 90, d études dans plusieurs langues, dont le français Des travaux traitants les collocations techniques du français sont par exemple : Béjoint, H. /Thoiron, P Bertrand, C. (1999), Étude comparative de combinaisons lexicales spécialisées dans deux domaines de spécialité : collocations lexicales et collocations conceptuelles en aéronautique et en philosophie. Montréal Gréciano 1997 et suivants Heid 1994 et suivants ; Heid / Freibott 1991 Cohen, B. (1986), Lexique de cooccurrents Bourse et conjoncture économique. Montréal Heid, U Heid, U. / Freibott, G Laporte, I. / L Homme, M.-C. (1997), Recensement et consignation des combinaisons lexicales en langue de spécialité : exemple d application dans le domaine de la pharmacologie cardiovasculaire. Terminologies nouvelles 16, pp L Homme, M.-C. (1995), Processing Word Combinations in Existing Termbanks. Terminology 2 (1), pp L Homme, M.-C. (2003), Les combinaisons lexicales spécialisées (CLS). Description lexicographique et intégration aux banques de terminologie. In : Grossmann, F. / Tutin, A. (2003), Les collocations. Analyse et traitement. Amsterdam, pp L Homme / Bertrand

82 Pour un aperçu détaillé sur les recherches en langues de spécialités nous renvoyons le lecteur à González Rey. 234 Puisque de nombreux domaines de spécialités pénètrent dans le langage général et avec eux, de nombreuses collocations, l étude de ces collocations techniques est une partie essentielle de la phraséologie de la langue générale. Burger préconise que la phraséologie doit aussi traiter les collocations des langues de spécialités, alors qu elles en sont souvent exclues. 235 La langue journalistique connaît aussi ses propres stéréotypes : violemment opposé applaudir chaleureusement visiblement ému Le langage publicitaire présente cette ambiguïté que, tout en recherchant l originalité et l expressivité, ce qui favorise les créations inusuelles, il fourmille de stéréotypes langagiers. Voyons quelques exemples allemands : strahlend weiße Zähne, porentief rein, aprilfrisch Schneider 1998 et 2003 Thoiron, P. / Béjoint, H. (1989), Pour un index évolutif et cumulatif de cooccurrents en langue techno-scientifique sectorielle. Meta 34 (4), pp Béjoint, H. /Thoiron, P González Rey 2002, pp.92ss. 235 Burger 1998, pp

83 3. La collocation adjectif-adverbe dans trois dictionnaires monolingues français et leur version électronique 3.1 Rôle marginal dans la métalexicographie et la lexicographie Les travaux linguistiques et métalexicographiques sur les collocations accordent peu de place au type des collocations adjectif-adverbe. Bien que mentionné dans les typologies grammaticales de collocations 236, il ne fait pas l objet d études particulières. La fréquence et le degré de cohésion justifient sans aucun doute que les autres types, substantif-verbe, substantif-adjectif ou verbe-adverbe, soient analysés plus en détail, mais pas qu on néglige les CAA. Or l existence et l importance des CAA avaient déjà été reconnues par le précurseur de la théorie des collocations, Charles Bally. 237 Dans son Traité de stylistique française, il avait expliqué le concept de collocation 238 à partir de l exemple grièvement blessé 239 et avait reconnu l existence des «séries d intensité», c est-à-dire des collocations formées avec un adverbe d intensité et un verbe ou un adjectif. 240 Le couple grièvement blessé et gravement malade est devenu l exemple classique pour les CAA, alors que nous sommes confrontés ici à un problème particulier : grièvement a un emploi très restreint, blessé étant une des rares bases possibles. Il s agit donc d un adverbe à champ collocationnel particulièrement restreint. Nous démontrerons ci-dessous que les CAA sont aussi sous-représentées dans la lexicographie monolingue française. Même si ce n est pas l objet de ce travail, nous voudrions signaler ici qu aucune grammaire ne mentionne, à notre connaissance, l existence des collocations. Il n existe pas non plus, pour le français, d ouvrage de référence où ce type de collocations soit retenu, puisqu il n y a toujours pas de dictionnaire de collocations complet, alors que le dictionnaire de collocations n est pas une invention de notre temps, les dictionnaires du «mot juste» ayant une longue tradition. 241 Nous entendons par dictionnaire de collocations un dictionnaire 236 Pour le français, en dehors de celle de Hausmann que nous avons présentée, cf. Zöfgen 1994, p.162, Kohn 1992, p. 369, Klare 1998, pp , González Rey 2002, p.91 (citant Hausmann), Siepmann 2002, p.256, Scherfer 2002, p Cf. chapitre Dans la terminologie de Bally ce sont les séries (phraséologiques). 239 Bally , 83, p Bally , 84, pp dont Hausmann 1979 et 1989b retrace l histoire pour le français 83

84 spécialisé dans l enregistrement des collocations d une langue. D après Hausmann, la macrostructure doit se composer uniquement de bases puisque ce dictionnaire sert à l encodage. Un dictionnaire de collocations est en général monolingue mais peut aussi être bilingue. Il existe pour l anglais, depuis plusieurs années, différents dictionnaires de collocations, dont nous voulons brièvement présenter les plus importants. Le Benson Benson Ilson, BBI, 242 dont la première édition date de 1986, est un dictionnaire de collocations qui inclut aussi les collocations grammaticales, c est-à-dire les constructions. Alors que le principe de base-collocatif n est pas nommé dans l introduction, il a été respecté, car les collocations lexicales ne sont rangées qu aux articles-bases. 243 Mais ce rangement systématique est rendu confus par le fait que les collocations grammaticales sont aussi enregistrées. Du point de vue didactique cette confusion des deux concepts, collocations et constructions, est un inconvénient. Le LTP Dictionary of Selected Collocations est un ouvrage qui réunit deux travaux publiés en Pologne, Selected English Collocations (1982) et English Adverbial Collocations (1991) de Christian Douglas Kozłowska et Halina Dzierzanowska. La macrostructure n est constituée que de bases. Dans ces deux dictionnaires, un certain nombre de CAA a été enregistré. La moitié du LTP est même consacrée aux collocations formées avec un adverbe, soit des CVA, soit des CAA. La structure des articles de ces dictionnaires laisse à désirer, car il s agit en fait simplement de listes des collocatifs possibles sans aucune explication sur l emploi ni le sens de ceux-ci. Dans le LTP, les collocatifs ne sont même pas regroupés par sens, comme c est le cas dans le BBI, mais uniquement rangés d après l ordre alphabétique. Nous reviendrons sur ce sujet au chapitre 5. Le Oxford Collocations Dictionary for students of English, OCD, paru en 2002, très bel exemple d un dictionnaire de collocations, constitue une riche source de CAA. Le principe de base-collocatif y a été strictement respecté : la macrostructure est constituée uniquement de bases (environ 9000 noms, verbes et adjectifs), la microstructure uniquement de collocatifs. Ainsi on indique dans les articles de verbes seulement les collocatifs adverbiaux, les collocations substantif-verbe sont rangées aux articles des substantifs. 242 Benson / Benson / Ilson 1986 première édition, 1997 édition révisée 243 Dans d autres travaux les auteurs se réfèrent explicitement aux concepts de base et collocatif de Hausmann, cf. Benson 1985 et

85 La structure des articles est très claire : les articles traitant les lemmes polysémiques sont divisés en plusieurs sous-entrées pour les différents sens, chaque collocatif est indiqué au sens du lemme correspondant. Dans chaque sous-entrée, les collocatifs sont d abord rangés par catégories grammaticales, ensuite les mots sémantiquement apparentés sont regroupés. Klotz critique le fait que les différences de sens entre les collocatifs ne soient pas indiquées. 244 Certaines collocations sont suivies d une phrase-exemple. Les auteurs ont opté pour l introduction de collocatifs peu restreints (comme very, quite, rather, really) afin de présenter le champ collocationnel complet d une base : «The aim was to give the full range of collocations from the fairly weak [ ], through the medium-strength [ ] to the strongest and most restricted.» 245 Contrairement aux deux autres dictionnaires de collocations, le OCD est basé sur un corpus électronique, dont le British National Corpus constitue la plus grande partie. Pour en revenir à la lexicographie française, le seul dictionnaire spécialisé en collocations qui existe pour le français langue générale est le Langenscheidts Kontextwörterbuch de Ilgenfritz, Stephan-Gabinel et Schneider. Ce dictionnaire de collocations bilingue français-allemand, centré sur le substantif, ne retient pas les CAA. La macrostructure se compose de bases, des substantifs, pour lesquelles sont indiqués environ collocatifs verbaux et adjectivaux accompagnés des équivalents allemands. La différence entre base et collocatif y a donc été respectée. Un certain nombre de locutions s est glissé parmi les collocations. Il est aussi regrettable que les collocations substantif-(préposition)-substantif aient été exclues. 246 Bien qu incomplet, ce dictionnaire représentait une première étape dans la lexicographie des collocations. Il est d autant plus déplorable qu il n ait pas été réédité. 247 Comme son nom l indique, le Dictionnaire explicatif et combinatoire du français contemporain, DEC, de Mel'čuk et collaborateurs, que nous avons présenté au chapitre 1.2, n est pas un dictionnaire spécialisé en collocations, il inclut aussi les définitions et les constructions. On n y trouve pratiquement pas 244 Klotz 2003, p Oxford Collocations Dictionary for students of English 2002, p.viii 246 Pour une analyse critique de ce dictionnaire voir Zöfgen 1994, pp.310ss. 247 La compilation de phrases-exemples de Zimmer 1990 porte aussi le sous-titre «Kontextwörterbuch». Il ne s agit pourtant pas d un dictionnaire de collocations. 85

86 de CAA 248, car les adjectifs y jouent un rôle marginal (15 adjectifs étant lemmatisés) : dans les quatre tomes, ce n est que pour sept adjectifs que les adverbes correspondants ont été indiqués. Il s agit uniquement d adverbes d intensité, donc de la réalisation de la fonction MAGN. Les adverbes indiqués sont souvent très généraux et ne connaissent que peu de restrictions d emploi 249 : MAGN (fatigué) = très 250 MAGN (brûlé) = complètement, totalement 251 MAGN (changé) = bien, complètement, totalement 252 MAGN (cuit) = très, peu 253 La fonction de tels articles d adjectifs est probablement plus de définir les sens de l adjectif et d en donner les synonymes et antonymes que d en fournir les collocatifs. Un inconvénient du DEC est qu il présente plusieurs collocatifs sans donner des informations qui permettraient à l usager d en comprendre les nuances. Ainsi on trouve, à l article malade, les collocatifs sérieusement, gravement et dangereusement sans indication sur les différences d usualité, qui sont pourtant importantes dans ce cas ; gravement, en tant que collocatif typique, devrait avoir une place privilégiée. Dans le même article, les rédacteurs ont indiqué le marquage diasystématique des collocations non standard : «litt. profondément ; fam. comme une bête, pop. comme un chien, fam. à mourir, pop. à crever» Ce dictionnaire a été critiqué, d une part, parce qu on y trouvait aussi des combinaisons libres, d autre part, pour la surcharge métatextuelle peu transparente que représentent les fonctions lexicales : 254 les fonctions lexicales alourdissent les articles du dictionnaire et les rendent illisibles en raison de leur manque de transparence pour le public non initié au système, pour qui il n a d ailleurs pas été conçu. C est pourquoi Mel'čuk et Polguère élaborent actuellement avec des collaborateurs le Lexique actif du français (LAF), qui sera en quelque sorte une version complétée et commercialisable du Dictionnaire explicatif et combinatoire et qui est confectionnée à partir d une base de données lexicographique, DiCo, construite parallèlement. 255 Le Lexique 248 Voir aussi chapitre L importance des CAA a pourtant été reconnue par Mel'čuk 1997, p Mel'čuk et al. 1992, tome 3, p Mel'čuk et al. 1999, tome 4, pp Mel'čuk et al. 1999, tome 4, pp Mel'čuk et al. 1999, tome 4, pp Hausmann 1999a, p Polguère

87 actif paraîtra vers 2005 en format livre et en version électronique. Dans le Lexique actif les fonctions lexicales sont verbalisées dans une métalangue facilement compréhensible, mais qui a l inconvénient d allonger les articles. 256 Par rapport au DEC, c est plus la fonction combinatoire que la fonction explicative qui est au centre du dictionnaire. 257 La macrostructure, qui sera assez limitée, est constituée principalement de noms, mais regroupe aussi certains verbes et adjectifs. 258 Le traitement d un plus grand nombre d adjectifs et de verbes serait souhaitable. L importance des adverbes en tant que collocatifs y a été reconnue, car dans les articles de verbes ceux-ci sont présentés avec des collocatifs adverbiaux, par exemple : applaudir => avec enthousiasme, beaucoup, bruyamment, chaleureusement, fort, vivement < des deux mains < à tout rompre ; très < extrêmement [ ], mollement, du bout des doigts désirer => ardemment, avec force, de tout cœur, du fond de [possessif] âme, vivement, violemment [ ] regretter => amèrement, cruellement, grandement, profondément, vivement < infiniment 259 En raison de sa macrostructure limitée le Lexique actif ne sera, du moins pas dans sa première édition, le correspondant français du Oxford Collocations Dictionary mais présentera pour les mots enregistrés un traitement des collocations qui peut servir de modèle. Contrairement au Oxford Collocations Dictionary, le Lexique actif reste, tel est notre impression, un dictionnaire dont la lecture demande des connaissances linguistiques. Nous reviendrons sur ce dictionnaire au chapitre 5. Pour une langue de spécialité, le français des affaires, il existe déjà un dictionnaire qui contient entre autres beaucoup d informations collocationnelles : le Dictionnaire d apprentissage du français des affaires, DAFA, de Binon, Verlinde, Van Dyck et Bertels, paru en C est un dictionnaire de définition, d apprentissage et de production. Le DAFA est semimultilingue : la macrostructure se compose de lemmes avec leurs traductions dans cinq langues (allemand, anglais, espagnol, italien et néerlandais) et des renvois aux articles où ces lemmes sont traités en détails. En outre, le DAFA dispose d index qui guident l usager du mot de sa langue 256 Cf. l exemple chez Polguère Polguère 2000, p D après les informations que Monsieur Polguère a eu l amabilité de nous fournir. 259 Informations enregistrées dans la banque de données DiCo et qui devraient être incluses dans le LAF dictionnaire papier. 87

88 maternelle à l article français correspondant ou vice versa, ce qui permet de retrouver des mots à partir de la langue maternelle. L accès au DAFA peut donc se faire soit directement par le français, la langue cible, soit par la langue maternelle de l utilisateur. Parmi les lemmes, il y a aussi des collocatifs, pour lesquels on donne, si nécessaire, la base dans cette langue afin de désambiguïser le sens du collocatif. Le même ajout de bases est fait dans les index. La vraie information collocationnelle, par contre, n est enregistrée qu aux articles-bases, c est-à-dire que la différence entre base et collocatif a été respectée dans ce dictionnaire : des collocations substantif-verbe, substantifsubstantif et substantif-adjectif ont été enregistrées pour de nombreuses bases, regroupées dans 135 articles thématiques qui traitent des familles de mots. Qu on n y trouve pas de CAA se justifie dans la mesure où celles-ci sont secondaires dans la langue de l économie. Les collocations ont été relevées dans un corpus de 25 millions de mots. 260 D après Hausmann, il s agit de la meilleure description de collocations qui ait été faite dans un dictionnaire. 261 En effet, la description des collocations est très détaillée. Chaque collocation est mise en rapport avec la définition correspondante du lemme : les collocations sont rangées d abord d après la morphosyntaxe, ensuite d après le sens qu y prend le lemme. La fonction d un collocatif est toujours expliquée : ici les auteurs se sont inspirés des fonctions lexicales du DEC de Mel'čuk et al., en les simplifiant et en se limitant aux plus importantes. Les fonctions d un collocatif adjectival sont par exemple type de [lemme], caractérisation de [lemme], localisation de [lemme], niveau de [lemme] ou mesure de [lemme]. Les collocatifs adjectivaux qui accompagnent le lemme (qui est toujours un nom) sont suivis d une traduction. Les possibles sujets et objets du lemme sont introduits dans une sorte de «jeu de rôle» 262 sous la rubrique intitulée «Qui fait quoi?». Comme dans le DEC, les sujets et objets sont représentés par les lettres X,Y et Z. Les collocatifs verbaux sont mis en relation avec les sujets et les objets. Certaines relations entre les collocations sont exprimées par des signes, comme par exemple >< pour «sens opposé» ou les signes < et > pour indiquer qu une collocation est moins ou plus forte qu une seconde Binon / Verlinde Hausmann 2003, p Hausmann 2003, p Bogaards 2002, p

89 Les collocations sont présentées dans des tableaux avec les collocations dérivées ; une case vide rend visible l inexistence d une collocation dérivée. Exemples : s.v. commerce (p.115) un commerçant ouvrir un ~ l ouverture d un ~ un commerçant monter un ~ - un commerçant gérer un ~ la gestion d un ~ s.v. commande (p.111) X passer une ~ - un représentant placer une ~ (de/pour le placement d une ~ Z) (à Y) X confirmer une ~ la confirmation d une ~ Le DAFA l emporte dans sa précision de l information collocationnelle sur les dictionnaires de collocations de l anglais. Par la présentation thématique des collocations dans les 135 articles de mots de famille les auteurs espèrent faciliter la mémorisation de celles-ci. Par conséquent, on a affaire à une «organisation à la fois conceptuelle, linguistique et sémasiologique.» 264 Le DAFA est remarquablement riche en contextes : la majorité des collocations sont accompagnées d une phrase-exemple. À part cela, ce dictionnaire offre d autres informations importantes, telles que la fréquence du lemme ou les variantes nationales des termes, que nous ne présentons pas ici parce qu elles ne nous intéressent pas dans le contexte des collocations. 265 Le DAFA est un excellent outil d apprentissage (même d auto-apprentissage) du français des affaires pas seulement pour les étrangers mais aussi pour les francophones ; l importance des collocations y a été pleinement reconnue par les auteurs. La version électronique du DAFA, en accès libre au est très commode à utiliser. Ce groupe d auteurs est en train d élaborer un dictionnaire de collocations de la langue générale, le Dictionnaire d apprentissage du français langue étrangère ou seconde, DAFLES, conçu dès le départ comme dictionnaire en ligne. Une version d essai a déjà été mise en ligne au selon les propos des auteurs recueillis par Gevaert 2001, p Cf. pour ces informations par exemple Bogaards 2002 ou Hausmann

90 Multifonctionnel et multilingue, tout comme le DAFA, il [=le DAFLES] tente de regrouper plusieurs types de dictionnaires en un seul dictionnaire en ligne : dictionnaire explicatif et thématique/analogique, dictionnaire des combinaisons de mots, des synonymes, des antonymes, des fréquences, d usage et de traduction et thésaurus. 266 Une nomenclature de mots est prévue. Ce dictionnaire est confectionné sur la base d un corpus journalistique d environ 80 millions de mots. L organisation de la microstructure est semblable à celle du DAFA. Pour une présentation systématique des collocations, les auteurs ont, ici aussi, utilisé, en les simplifiant, un certain nombre de fonctions lexicales de la Théorie Sens- Text, les plus productives et les plus utiles pour l apprenant. 267 Ce qui est surprenant c est que sous la rubrique «Collocations Fonctions lexicales» ont aussi été enregistrées des locutions. Le Dictionnaire des cooccurrences de Beauchesne est un dictionnaire de collocations dont la macrostructure est constituée uniquement de substantifs (environ ), pour lesquels on indique les collocatifs verbaux et adjectivaux. Le principe de base et collocatif y a donc été respecté, mais les CCA n y sont pas retenues. 268 Il existe, à part ces dictionnaires de collocations, des dictionnaires généraux, d apprentissage ou syntagmatiques, c est-à-dire pas spécialisés en collocations, qui contiennent des informations sur les CAA sans que celles-ci aient été au centre de l intérêt des rédacteurs. Un dictionnaire riche en collocations et même en CAA est par exemple le Dictionnaire combinatoire du français de Zinglé et Brobeck-Zinglé paru en 2003 en version livre et électronique. Il s agit d un dictionnaire de définition dont le but est de permettre aux utilisateurs de «[ ] vérifier rapidement le sens d un mot en fonction des unités phraséologiques dans lesquelles il apparaît habituellement.» 269 Pour lemmes, unités phraséologiques (qui correspondent dans notre terminologie aux locutions et aux collocations) ont été enregistrées, accompagnées d une «paraphrase explicative» (qui se réduit souvent à l indication d un synonyme). Bien que le concept de collocation n ait 266 Binon / Verlinde / Selva. 2001, p Cf. Verlinde / Selva / Binon 2003, p Comme nous n avons pas pu consulter ce dictionnaire, nous ne pouvons pas porter de jugement sur la conception de la microstructure. 269 Zinglé 2003, p.iii 90

91 pas été envisagé, ce dictionnaire élaboré par le traitement informatique de textes en contient un nombre important. Chaque unité phraséologique est enregistrée aux articles de tous ses constituants, c est-à-dire dans le cas des collocations à l article-base et à l article-collocatif. La structure des articles et la présentation typographique n ont pas été suffisamment élaborées ; les unités phraséologiques sont rangées par ordre alphabétique indépendamment de leur morphosyntaxe, ce qui fait que dans les articles riches en informations l usager aura du mal à trouver rapidement l information qu il cherche. 270 En outre, il y a parmi les lemmes et parmi les collocations retenues des lacunes surprenantes : la CAA grièvement blessé n est pas enregistrée, car grièvement manque à la macrostructure, ainsi que les adverbes durement, personnellement, purement, violemment. Il est aussi étonnant que dans un dictionnaire élaboré sur la bases de corpus électroniques, on trouve comme seule collocation avec hautement la collocation verbe-adverbe déclarer hautement que mais pas hautement qualifié ou spécialisé. Le dictionnaire d apprentissage de Picoche et Rolland, le Dictionnaire du français usuel, DFU, paru en dictionnaire papier et CD-ROM, est d abord un dictionnaire de définition d usage scolaire. 271 La macrostructure de 442 lemmes hyperfréquents se limite aux mots utiles à l apprenant francophone ou étranger. Autour de ces 442 lemmes, mots ont été regroupés par relation de synonymie, antonymie, dérivation ou syntagmatique. On y trouve une collection relativement grande de locutions et collocations ces dernières souvent rangées à l article-base, sans que le concept de collocation ait été pris en compte. 272 Exemple : s.v. malade : malade comme une bête / comme un chien / à crever gravement malade ; sérieusement malade ; très / bien malade Pour l apprenant étranger les différences entre ces intensificateurs auraient dû être expliquées. Avec le CD-ROM le repérage ciblé de collocations encore inconnues n est pas possible ou supposerait un grand travail de tri, car les collocations ne sont pas balisées spécialement. Le DFU renseigne sur les collocations, mais de façon 270 N ayant pas pu consulter la version électronique de ce dictionnaire, nous ne pouvons pas dire si elle compense les défauts de présentation par le système de recherche mais c est assez vraisemblable. 271 Picoche / Rolland d après les informations de la «présentation du dictionnaire» et de l «aide» 91

92 plutôt hasardeuse. Il n est donc pas vrai qu «[en] quelques clics, vous trouverez tous les emplois d un mot qui vous intéresse [ ]». 273 En dehors des dictionnaires de collocations présentés ci-dessus, plusieurs équipes de chercheurs travaillent actuellement à l élaboration de dictionnaires de collocations ou à la modélisation des collocations. Au projet de recherche Cologne-Nancy «Collocations» collaborent du côté allemand l Institut de romanistique de l université de Cologne sous la direction de Blumenthal, du côté français l Atilf de Nancy. Le but était au départ d élaborer un dictionnaire de constructions et de collocations uniquement des noms français, mais il a dû être réduit aux collocations que forment les noms dans les compléments circonstanciels. 274 Le concept de collocation est large : «L œuvre informera sur le comportement combinatoire (syntaxe et sémantique) des lemmes analysés» 275, ce que Blumenthal appelle le «profil combinatoire» 276 d un mot. L un des objectifs du projet est «[ ] de formuler des hypothèses sur les raisons pour lesquelles certaines combinaisons sont possibles, d autres non [ ]». 277 Un autre groupe de recherche sur les collocations françaises est celui de l université de Grenoble autour de Grossmann et Tutin. 278 Ces chercheurs ont pour but de décrire les régularités syntaxiques et sémantiques dans la formation des collocations pour des domaines sémantiques limités, comme celui des adjectifs qui intensifient les noms de joie. 279 Le Centre de Recherche en Terminologie et en Traduction (CRTT) de l université de Lyon sous la direction de Thoiron travaille sur les collocations en langues de spécialités en comparant le français par exemple à l anglais Cf. la «Présentation du dictionnaire» 274 Selon Blumenthal, les éditions Le Robert prévoient de publier un dictionnaires des collocations du nom. (d après les informations données aux «1 res journées allemandes des dictionnaires», Klingenberg, juin 2004). 275 Cf. le site de Blumenthal à l université de Cologne : Blumenthal 2002, p Blumenthal 2002, p Pour plus d informations, consultez les sites de Grossmann et Tutin : www. u-grenoble3.fr/tutin/collocations Grossmann / Tutin (à paraître) 280 Voir chapitre

93 Un projet de l institut IDS, Institut für Deutsche Sprache de Mannheim, dirigé par Teubert, devait présenter un dictionnaire des collocations adjectif-substantif français-allemand tirées de textes juridiques. 281 À ce propos, il nous semble opportun de parler brièvement de la situation en recherche de collocations pour la langue allemande : pour l allemand il n y pas non plus de dictionnaire de collocations qui fasse la différence entre base et collocatif, c est-à-dire qui ait un rangement systématique. 282 Dans sa Phraséologie du français, González Rey fait la synthèse de la recherche collocationnelle actuelle du français. Pour plus d informations, nous renvoyons le lecteur à cet ouvrage d après les informations données sur le site officiel : À notre connaissance, cet ouvrage n a pas été publié. 282 Le Duden 2 Stilwörterbuch regroupe certes des collocations (à côté des locutions et des combinaisons libres), mais ne les range pas de façon systématique tantôt au collocatif, tantôt à la base, tantôt aux deux endroits. Le concept de collocation n y a pas été envisagé. La recherche germanophone sur les collocations est encore jeune. L IDS a développé un système de repérage de collocations pour son corpus COSMAS, qui permet de relever les collocations d un mot donné grâce à des donnés statistiques, mais qui retient aussi beaucoup de fausses combinaisons. Les résultats doivent donc toujours être triés manuellement. Cet institut travaille aussi à l élaboration d Elexiko, un dictionnaire électronique de l allemand qui contiendrait aussi des collocations et duquel un dictionnaire de collocations devrait pouvoir être extrait. Le groupe de recherche «Usuelle Kookkurrenzen» autour de Steyer s occupe des collocations en les incluant dans le concept plus large des cooccurrences usuelles. Pour plus d informations, consultez : Une équipe de l IDS a élaboré un dictionnaire de collocations allemand contenant environ collocations substantif-adjectifs. Teubert W. / Kervio-Berthou V., Deutsches Kollokationswörterbuch, 399 Adjektive mit ihren Begleitsubstantiven. De Gruyter Verlag. (Parution annoncée) La différence entre base et collocatif n a pas été prise en compte, car la macrostructure est constituée d adjectifs pour lesquels on indique les substantifs. Le dictionnaire de l université de Leipzig, disponible au suit le concept statistique de collocation et permet de trouver uniquement les collocatifs adjectivaux d un substantif et les collocatifs verbaux d un substantif. Les résultats de ces recherches ne sont pas toujours satisfaisants. Le projet «Kollokationen im Wörterbuch» de la Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften ne fait pas de recherche, contrairement à son nom, dans le domaine des collocations, mais dans celui des locutions. 283 González Rey

94 En résumé, les CAA, elles, ne sont prises en compte dans aucun des ces projets, ne sont enregistrées dans aucun des dictionnaires de collocations en nombre satisfaisant et, ne figurant pas non plus dans les grammaires du français, ne sont retenues nulle part de façon systématique. 284 L apprenant ne dispose d aucun ouvrage de référence pour s informer sur les CAA. Que les CAA soient peu considérées s explique par le fait que l adverbe luimême est plutôt négligé dans la lexicographie. Traditionnellement, les dictionnaires traitent l adverbe en ment de façon minimaliste. Dans les dictionnaires monolingues, la microstructure de l article d un adverbe en -ment se réduit souvent à une simple paraphrase du type «avec + SUBSTANTIF» ou «de façon / de manière + ADJECTIF» sauf s il s agit d un adverbe qui peut avoir différents emplois syntaxiques. Cette paraphrase n est pas plus informative que l indication de la catégorie grammaticale ni qu un renvoi à l article de l adjectif duquel l adverbe en question est dérivé. Ce type d information ne sert ni au locuteur natif, pour qui cela est évident grâce à la transparence de la formation, ni à l apprenant étranger qui, s il sait se servir d un dictionnaire monolingue, devrait avoir ce minimum de compétence en analyse des mots. Il s agit donc d une convention lexicographique qui devrait être revue. Ce constat peut conduire à ne pas lemmatiser les adverbes en ment dont la base adjectivale fait partie de la macrostructure et qui n ont pas de particularités dans leur emploi. C est ce qui a été fait dans le dictionnaire Robert-CLE 285. Pourtant la lemmatisation se justifie par le fait que l existence d un adverbe n est pas toujours assurée et que l apprenant doit pouvoir la vérifier dans le dictionnaire, surtout dans un dictionnaire d apprentissage. Que faire alors pour arranger la microstructure des articles des adverbes en -ment? Les adverbes en ment sont des mots sémiotaxiquement nonautonomes. 286 Hausmann 287 propose de présenter ces mots sémiotaxiquement non-autonomes d abord dans un contexte et d en donner seulement ensuite la définition, qui ne s explique que par ce contexte. La définition ne développe son utilité que grâce à la contextualisation. 288 Un moyen d enrichir la microstructure 284 Dans le cadre du CRTT de l université de Lyon, Maniez s est occupé des CAA de la langue anglaise dans le domaine de la médecine. Cf. chapitre Voir chapitre sauf dans leur fonction exophrastique 287 Hausmann1999b, pp ibid.: «Eliminating all defining of dependent words and senses in the articles of these words may seem to many too revolutionary a method to adopt in learners dictionaries. But even in this case semiotaxis leads to a fundamental principle which is far from being realized in all cases. This 94

95 des articles des adverbes en -ment est d y introduire les emplois fréquents, en particulier les collocations. L utilisateur du dictionnaire pourrait se faire une idée des contextes dans lesquels l adverbe peut être employé. 3.2 Procédé d analyse Procédé de l analyse dictionnairique Le but de notre analyse dictionnairique est de montrer de quels outils facilement accessibles dispose l apprenant du français pour s informer sur les collocations et à quel point ces outils sont faciles à utiliser. Nous avons analysé la représentation des CAA dans trois dictionnaires monolingues généraux en choisissant différents types de dictionnaires : le dictionnaire d apprentissage le plus récent, le Dictionnaire du français Apprentissage et Référence, le Nouveau Petit Robert en tant que dictionnaire extensif et outil indispensable pour tout apprenant avancé, et le Trésor de la Langue Française, le plus grand dictionnaire du français. Le Petit Robert et le Trésor de la Langue Française existant aussi en version électronique, nous avons inclus celles-ci dans notre analyse afin d évaluer si les systèmes de recherche électroniques facilitaient la recherche de collocations. Chacun de ces dictionnaires est conçu autant comme dictionnaire actif que comme dictionnaire passif. Les consulter pour obtenir des informations sur des collocations est donc légitime. Pour évaluer l utilité d un dictionnaire monolingue en matière de collocations, il faut partir des besoins de l usager, c est-à-dire envisager les situations dans lesquelles l apprenant étranger consultera ce dictionnaire pour s informer sur des collocations. L enregistrement d une collocation dans un dictionnaire général monolingue est-il utile à l article de la base ou à celui du collocatif? La réponse varie selon la situation de consultation : situation A : l apprenant est en train de produire un texte en français (langue étrangère) et voudrait modifier un adjectif par un adverbe idiomatique pour exprimer une idée. Puisqu il ne connaît que la base de cette collocation en langue cible, ce n est qu à l article-base que l enregistrement de cette collocation est utile pour lui. principle means that in the case of non-autonomous words and senses definition must come after the context and not before. The context must be placed left of the definition and not right.» 95

96 situation B : l apprenant est en train de produire un texte en français (langue étrangère) et voudrait modifier un adjectif par un adverbe idiomatique pour exprimer une idée. Il ne connaît pas seulement la base de cette collocation en langue cible, mais il a aussi une ou plusieurs suppositions quant au collocatif, qu il cherche à confirmer. Il pourrait donc vérifier à l article-base, mais aussi à l article du ou des collocatifs supposés. L article-base est le seul endroit sûr, car l apprenant peut se tromper quant au collocatif, alors qu il est normalement certain de connaître la base. La consultation du dictionnaire à l article d un collocatif supposé implique toujours le risque que la recherche ne mène à rien si l apprenant n a pas deviné le bon collocatif. Ainsi l utilisateur trouvera l intensificateur de jaloux uniquement s il consulte l article de la base, alors qu en consultant les articles des collocatifs supposés mais faux, comme par exemple gravement, fortement ou sérieusement, il n obtiendra pas d information. Il est exclu que les lexicographes prévoient aux articles des «faux collocatifs» des renvois au collocatif correct. Pour cela il faudrait que les dictionnaires monolingues soient conçus pour les apprenants d une seule langue maternelle et que les lexicographes devinent les fausses combinaisons qui pourraient s imposer à l esprit de l apprenant, sans parler de l alourdissement des articles que cela entraînerait. Il est donc plus «économique» de chercher une collocation systématiquement à l article de la base, que de consulter, l un après l autre, les articles des collocatifs supposés. Pour l encodage, les usagers devraient prendre l habitude de chercher les collocatifs inconnus, dans le dictionnaire monolingue, systématiquement aux articles des bases. En conséquence, dans un dictionnaire monolingue limité à la production, un dictionnaire actif, il suffirait de lemmatiser la collocation à l article-base. (Nous y reviendrons au chapitre 5 qui traitera des dictionnaires de collocations.) Or, les dictionnaires généraux monolingues, dont nous nous occupons ici, sont conçus autant comme dictionnaire d encodage que de décodage. Puisque le décodage de certaines collocations peut être difficile, c est-à-dire le décodage des collocatifs, il faut aussi prévoir cette troisième situation : situation C : l apprenant remarque une CAA en L2 lors de sa lecture et veut s assurer du sens de celle-ci. Dans les dictionnaires généraux monolingues, les collocations sont souvent enregistrées à l article du collocatif. Comme ce sera plutôt le sens du collocatif qui posera problème, il est probable que l apprenant consulte dans la situation de décodage l article du collocatif. Puisque les deux constituants de la collocation sont connus et que l apprenant peut chercher aux deux articles, si nécessaire, cette situation de décodage ne pose pas de problème et peut être exclue de nos considérations. 96

97 La lemmatisation d une collocation se justifierait à l article-collocatif parce que c est à cet endroit-là que l apprenant cherchera intuitivement puisque le collocatif est le mot qui pose problème. Mais ayant les deux constituants devant soi, il peut aussi consulter l article-base. En résumé, les situations A et B, situations d encodage, devraient avoir été prévues lors de l élaboration des dictionnaires qui doivent servir entre autres à la production. La conséquence est que les CAA devraient être enregistrées principalement à l article de la base. Qu elles soient retenues à l article du collocatif peut être utile pour le décodage, mais n est pas indispensable ; c est un «luxe» qu un dictionnaire général sur papier ne peut pas se permettre. Lors de l évaluation d un dictionnaire il faut tenir compte du fait que le bon endroit de l enregistrement d une collocation est décisif, plus encore que le nombre total de CAA enregistrées. Nous approfondirons les problèmes du rangement d une collocation au chapitre Élaboration d un recueil de CAA Pour pouvoir évaluer le traitement des CAA dans nos dictionnaires, nous avons établi une liste de 100 collocations. À défaut d une source de CAA, nous avons dû élaborer notre propre corpus de CAA. 289 Afin d avoir des collocations représentatives, nous nous sommes orientée dans notre choix sur la liste des adjectifs du Dictionnaire du français langue étrangère, Niveau Ce dictionnaire nous a semblé approprié parce qu il dépasse le vocabulaire du français fondamental tout en se limitant à des mots utiles pour l apprenant avancé. Nous en avons retenu des adjectifs courants et d emploi général, en prenant soin de les relever dans presque toutes les lettres de l alphabet, afin de pouvoir juger les dictionnaires entiers et non seulement une tranche dans l alphabet, qui aurait pu être particulièrement bien ou mal traitée par un rédacteur. Pour ces adjectifs, nous avons tantôt relevé dans Le Monde sur CD-ROM des collocations trouvées dans la masse des occurrences, tantôt cherché à confirmer l existence et la fréquence de collocations que des locuteurs natifs 291 nous indiquaient, tout en sachant que l intuition que peut avoir un locuteur natif ne correspond pas toujours à la réalité linguistique. 289 L analyse aurait évidemment été plus objective si nous avions pu avoir recours à des CAA d un dictionnaire de collocations, comme le préconise Zöfgen 1994, p DFLE 1, pp Nous avons interrogé cinq locuteurs natifs. 97

98 Comme les locuteurs trouvent plus facilement une base pour un collocatif donné que l inverse, nous avons aussi dû leur donner des adverbes comme point de départ. Pour la recherche de CAA dans le corpus il est aussi plus facile de prendre comme point de départ les adverbes, leur emploi étant plus restreint que celui des adjectifs. Nous avons donc en plus lancé de telles recherches pour les collocatifs en nous inspirant pour le choix des adverbes du sémantisme de ceux qui apparaissent dans les dictionnaires de collocations pour l anglais. 292 La combinaison de ces différentes méthodes nous a permis de découvrir un nombre assez important de CAA. Pour ne pas nous limiter à un seul journal, nous avons de plus vérifié la fréquence des CAA dans le corpus Europresse. 293 Au moment de déterminer parmi toutes les CAA trouvées les 100 qui devaient être recherchées dans les dictionnaires, nous nous sommes orientée aux besoins d un apprenant avancé, c est-à-dire que nous avons choisi celles dont un étudiant de français pourrait avoir besoin pour rédiger un mémoire, une rédaction ou une lettre officielle. Il s agit donc d un français écrit soigné, mais courant, les CAA trop recherchées ayant été évitées. Aux CAA fréquentes dans les médias nous avons ajouté quelques CAA utiles pour exprimer des sentiments et décrire des personnes 294, instruments indispensables pour le thème et la production libre, et quelques collocations qui relèvent à l origine des langues de spécialités, mais qui sont passées à la langue courante. Le français familier a été exclu de cette liste Présentation des corpus Ne disposant pas pour le français de corpus préstructuré, autrement dit d un corpus dans lequel des catégories linguistiques sont balisées spécialement et ainsi facilement repérables, nous avons eu recours à deux corpus journalistiques qui ne sont pas conçus pour la recherche linguistique mais comme des archives. L avantage d un corpus non structuré est que l on évite l appauvrissement des résultats qui peut résulter du fait que des collocations échappent à ce filtre. L inconvénient est, par contre, qu un grand travail de tri est nécessaire pour détecter les collocations parmi les résultats. 292 Ceci implique le danger d avoir retenu des collocations influencées par l anglais, des anglicismes. 293 L opinion générale est que la langue d un seul journal est insuffisante comme corpus. Or Blumenthal / Bernard (à paraître) en arrivent, après de nombreux tests comparatifs, à la conclusion que les collocations ne diffèrent pas d un journal à l autre et que la variété des types d articles qu englobe un journal comme Le Monde est suffisante. 294 Ce concept d utilité correspond à celui du Oxford Collocations Dictionary, p.viii. 98

99 Le Monde sur CD-ROM Le CD-ROM Le Monde qui nous a servi de corpus contient l intégralité des articles du Monde du 1 er avril 1997 au 31 mars 1999 en dehors des annonces publicitaires. Nous avons utilisé ce corpus pour vérifier l existence et l usualité des CAA que nous avaient indiquées des locuteurs natifs ou que nous avions rencontrées dans nos lectures. Une collocation donnée est facilement repérable dans le corpus du Monde sur CD-ROM puisqu il suffit d indiquer la collocation dans la fiche de recherche (File => Full Text). Comme l adverbe et l adjectif d une collocation se suivent normalement, le système de recherche trouve la collocation et en présente les occurrences. En outre, nous nous sommes servie du corpus pour y chercher les collocatifs encore inconnus de certains adjectifs ou, inversement, les bases inconnues de certains adverbes. Lorsqu on part d un seul mot, on est obligé de trier la masse des occurrences avant de trouver des CAA, ce que nous avons fait pour un certain nombre d adverbes et d adjectifs. Puisque ce corpus n est pas destiné à servir à des recherches linguistiques, il n y a pas de catégories linguistiques telles que «collocation» ou «expression idiomatique». EUROPRESSE Europresse est un corpus formé d un très grand nombre de «journaux, de publications spécialisées, d agences de presse et de transcriptions d émissions télévisées et radiophoniques» francophones et anglophones. Ce corpus est en fait destiné à la vente d articles récents ou à servir d archive pour les abonnés. Europresse rassemble les articles des principaux journaux et magazines francophones d Europe sans les annonces publicitaires tels que Le Figaro, Le Monde, Le Monde Diplomatique, Libération, L Express, Le Point, AFP Économique, AFP Général, AFP International, L Humanité, La Croix, Le Soir (Belgique) ou Le Temps (Suisse) 295 et représente donc un corpus nettement plus varié et plus important que Le Monde sur CD-ROM et inclut au moins en partie la langue parlée. Les archives englobent, suivant le journal, 2 à 5 années, allant pour certains jusqu à 21 années. 296 Le corpus est disponible sur le site Internet et, pour les besoins de notre recherche linguistique, il est libre d accès à condition qu on ne veuille pas consulter les textes entiers (et représente donc un outil pratique pour 295 Pour plus de détails, consultez la rubrique «sources» sur le site Que le corpus contienne aussi des journaux anglophones ne pose pas de problème pour la recherche des CAA : il ne peut pas y avoir de confusion entre les deux langues dans le cas des adverbes et des adjectifs puisqu ils varient suffisamment d une langue à l autre. 99

100 les enseignants!). Il suffit de cliquer sur le bouton «Accès au panier d achat sans abonnement» sur la page d accueil pour accéder au moteur de recherche. Nous avons ensuite procédé à la «recherche simple». Sans abonnement on ne peut consulter que les contextes minimaux présentés pour chaque occurrence, à savoir une douzaine de mots avant et une autre douzaine après la collocation. Le nombre d occurrences de chaque CAA est indiqué. Le corpus est dynamique puisqu il s agrandit régulièrement. La recherche que nous avons effectuée remonte à mars 2003 et représente donc l état du corpus à cette date. L usager doit déterminer la période de temps que le moteur de recherche doit prendre en compte. Pour une plus grande validité nous avons toujours lancé des recherches dans «toutes les archives». Il est en outre possible d effectuer un choix parmi les sources proposées, c està-dire de limiter la recherche à un ou plusieurs journaux précis, donc éventuellement à un domaine spécial et une langue de spécialité. Nous n avons pas restreint le corpus mais indiqué «toutes les sources». Ensuite, il suffit de donner comme «mots de texte» les deux constituants de la CAA. Le moteur de recherche respecte strictement l ordre des mots. On n obtiendra pas les phrases où l ordre serait inversé (si on indique financièrement indépendant, le système ne trouvera pas indépendant financièrement). Le système de recherche fait aussi la différence entre le pluriel et le singulier et entre le féminin et le masculin de l adjectif. Pour obtenir les occurrences de ces formes, il faut lancer des recherches à part. Il ne connaît aucun signe diacritique français. À priori, le résultat pourrait être faussé puisqu il pourrait aussi contenir au lieu des participes d autres formes verbales. Mais comme un adverbe en ment est postposé à la forme verbale au présent, une confusion est exclue : largement représenté vs (ceci) représente largement ( ). (La confusion du participe passé adjectivé et d une forme au passé composé est inévitable : (il est) grièvement blessé) vs (il a) grièvement blessé qn) 100

101 Le nombre d occurrences est moins fiable que celui du Monde sur CD-ROM, car il arrive assez fréquemment qu une même occurrence soit comptée plusieurs fois. Pour cette raison on ne saurait renoncer à l utilisation du CD-ROM Le Monde. Le corpus Europresse nous a surtout servi à confirmer l usualité des CAA. Il faut tenir compte du fait que les deux corpus ne reflètent qu une partie de l usage moderne puisqu ils ne sont constitués que de textes journalistiques. Il est évident qu un corpus plus varié, incluant plus de langue parlée et de la prose littéraire, avec un moteur de recherche capable de relever spécialement les collocations, serait nécessaire pour le repérage systématique de CAA, par exemple pour un dictionnaire de collocations. Le caractère aléatoire de cette liste de CAA ne peut pas être nié, mais il fallait un «tertium comparationis» pour l analyse des dictionnaires afin de pouvoir dépasser leur choix trop limité en CAA. Étant donné le néant existant en matière de CAA, ceci est un premier pas dans leur analyse. L évaluation des dictionnaires n a donc qu une valeur d indice : le fait qu une CAA de notre liste ne soit pas enregistrée dans un dictionnaire ne doit pas être surévalué. Avec un corpus de 100 collocations nous pensons tout de même avoir une base assez importante pour porter un jugement sur le traitement des CAA dans un dictionnaire. 101

102 3.3 Liste des collocations adjectif-adverbe cherchées dans les dictionnaires Pour les 100 CAA suivantes nous avons vérifié si elles étaient enregistrées dans les dictionnaires monolingues. Nous les présentons d abord rangées à partir des collocatifs dans l ordre alphabétique, ensuite rangées à partir des bases 297 : absolument faux absolument indispensable absolument nécessaire agréablement surpris chaudement disputé chaudement recommandé chaudement vêtu civilement responsable collectivement responsable confortablement installé cruellement touché dangereusement blessé désagréablement surpris diamétralement opposé directement impliqué durement éprouvé durement réprimé durement touché élégamment vêtu entièrement responsable éperdument amoureux 297 Molinier / Levrier 2000 présentent, sans avoir envisagé le concept de collocation, une liste de phrases-exemples dans laquelle on retrouvera un nombre important de nos collocations. Nous soulignons à cet endroit que notre liste avait été élaborée en 2001 sans connaissance de cet ouvrage. Nous interprétons ce recoupement comme une confirmation de l usualité de ces CAA. 102

103 essentiellement différent étroitement lié faiblement éclairé farouchement opposé fermement décidé fermement opposé financièrement dépendant financièrement indépendant foncièrement différent fondamentalement opposé fortement épicé fortement impressionné fortement industrialisé fortement intéressé fortement peuplé fraîchement arrivé fraîchement débarqué fraîchement élu fraîchement moulu fraîchement repeint génétiquement modifié globalement positif gravement endommagé gravement malade grièvement blessé hautement industrialisé hautement qualifié hautement spécialisé intimement lié 103

104 largement représenté légèrement blessé légèrement vêtu maladivement jaloux mentalement retardé mondialement connu mortellement blessé parfaitement heureux parfaitement intégré pauvrement vêtu pénalement responsable pleinement satisfait politiquement correct profondément attaché profondément choquant profondément choqué profondément convaincu profondément déçu profondément différent profondément enraciné profondément étonné profondément reconnaissant profondément touché profondément vexé remarquablement beau / belle remarquablement intelligent richement dotée rigoureusement défini rigoureusement déterminé 104

105 rigoureusement interdit savamment combiné savamment dosé sensiblement touché sérieusement endommagé sérieusement éprouvé sérieusement malade sexuellement transmissible sobrement vêtu solidement enraciné statistiquement représentatif strictement confidentiel strictement interdit strictement personnel supérieurement intelligent tristement célèbre unanimement reconnu universellement connu violemment opposé visiblement ému 298 vivement intéressé Tableau 3 : Liste des CAA, rangées d après les collocatifs 298 D après Hansén 1982, p.93, cet adverbe serait principalement un adverbe de phrase, mais aurait «[ ] tendance à prendre la fonction d adverbe d intensité quand il détermine un adjectif ou un participe passé détachés.» Même dans ce cas, Hansén le considère encore comme adverbe de phrase. 105

106 CAA rangées à partir des bases dans l ordre alphabétique: amoureux : éperdument arrivé : fraîchement attaché : profondément beau / belle : remarquablement blessé : dangereusement blessé : grièvement blessé : légèrement blessé : mortellement célèbre : tristement choquant : profondément choqué : profondément combiné : savamment confidentiel : strictement connu : mondialement connu : universellement convaincu : profondément correct : politiquement débarqué : fraîchement décidé : fermement déçu : profondément défini : rigoureusement dépendant : financièrement déterminé : rigoureusement différent : essentiellement différent : foncièrement différent : profondément disputé : chaudement dosé : savamment 106

107 dotée : richement éclairé : faiblement élu : fraîchement ému : visiblement 299 endommagé : gravement endommagé : sérieusement enraciné : profondément enraciné : solidement épicé : fortement éprouvé : durement éprouvé : sérieusement étonné : profondément faux : absolument heureux : parfaitement impliqué : directement impressionné : fortement indépendant : financièrement indispensable : absolument industrialisé : fortement industrialisé : hautement installé : confortablement intégré : parfaitement intelligent : remarquablement intelligent : supérieurement interdit : rigoureusement interdit : strictement intéressé : fortement 299 Cf. annotation précédente 107

108 intéressé : vivement jaloux : maladivement lié : étroitement lié : intimement malade : gravement malade : sérieusement modifié : génétiquement moulu : fraîchement nécessaire : absolument opposé : diamétralement opposé : farouchement opposé : fermement opposé : fondamentalement opposé : violemment personnel : strictement peuplé : fortement positif : globalement qualifié : hautement recommandé : chaudement reconnaissant : profondément reconnu : unanimement repeint : fraîchement représentatif : statistiquement représenté : largement réprimé : durement responsable : civilement responsable : collectivement responsable : entièrement responsable : pénalement 108

109 retardé : mentalement satisfait : pleinement spécialisé : hautement surpris : agréablement surpris : désagréablement touché : cruellement touché : durement touché : profondément touché : sensiblement transmissible : sexuellement vêtu : chaudement vêtu : élégamment vêtu : légèrement vêtu : pauvrement vêtu : sobrement vexé : profondément Tableau 4 : Liste des CAA, rangées d après les bases 3.4 Problèmes lexicographiques concernant les collocations dans un dictionnaire monolingue Dans ce chapitre, nous aborderons les problèmes les plus importants qui se posent au lexicographe pour le traitement des collocations dans un dictionnaire monolingue général. Il faut auparavant nous interroger sur l emploi réel que font les apprenants des dictionnaires monolingues. Différentes études 300 ont démontré que les apprenants préféraient consulter un dictionnaire bilingue plutôt qu un dictionnaire monolingue indépendamment de la tâche à remplir. Ceci vaut pour 300 Pour l anglais, l enquête de Atkins / Varantola 1998, réalisée pour EURALEX et AILA, est particulièrement fiable puisque 1000 apprenants de différentes langues maternelles ont été interrogés. Heath / Herbst 1984 Pour le français, Schafroth

110 tous les niveaux, même si les apprenants avancés ont plus souvent recours au monolingue que les débutants. Un autre résultat est que les apprenants connaissent très mal leurs dictionnaires et n ont, pour la plupart, jamais appris à s en servir en classe. Galisson parle même d «analphabétisme lexicographique» à propos des élèves en France. 301 Herbst a démontré que de nombreuses fautes commises par les apprenants dans des travaux rédigés à la maison auraient pu être évitées par la consultation d un dictionnaire (bilingue ou monolingue). 302 Souvent les apprenants ne savent même pas quels types d informations leur offre leur dictionnaire en dehors des définitions. 303 Nous ne pouvons que répéter le plaidoyer de Heath / Herbst 304 : apprendre aux élèves à se servir de leur dictionnaire devrait faire partie de tout enseignement de langue, même de celui de la langue maternelle et devrait être prescrit dans les programmes scolaires. Sinon les qualités du meilleur dictionnaire ne seront ni reconnues ni utilisées, alors que celui-ci constitue un outil dont l apprenant devrait se servir tout au long de sa vie. Les apprenants avancés, les étudiants de langue, devraient comprendre le rôle primordial du dictionnaire monolingue par rapport au bilingue, qui par sa présentation contrastive risque en permanence de tomber dans la simplification. C est pourquoi nous accorderons plus de place aux dictionnaires monolingues Recensement des collocations Une des difficultés pour le recensement des collocations est que le lexicographe natif, qui est normalement celui d un dictionnaire monolingue, ne ressent pas intuitivement ce qui est une collocation puisque l idiomatique est pour lui évident. Même s il est sensibilisé au problème des collocations, beaucoup lui échapperont. Le caractère idiomatique d une collocation n apparaît souvent que par la comparaison avec une autre langue. L équipe de lexicographes devrait se composer de locuteurs natifs et de locuteurs étrangers, car les locuteurs natifs sont en mesure de juger ce qui est usuel, les étrangers de relever ce qui diverge de leur propre langue Galisson 1987, p Herbst D après Nesi 2000, les apprenants consulteraient le dictionnaire principalement pour le décodage d un mot. 304 Heath / Herbst Hausmann 1979, p

111 L idéal serait de disposer d un corpus vaste, dont on ferait une évaluation statistique automatisée. Ensuite, les résultats devraient être triés, complétés et appréciés par les lexicographes, comme cela a été fait pour le Oxford Collocations Dictionary. Une autre difficulté est que, comme les collocations sont un phénomène de transition, il n est pas toujours possible de faire la différence entre une collocation et une combinaison libre et de déterminer ce qui doit être retenu dans le dictionnaire. Nous avons déjà constaté que, du moment qu une combinaison n est pas évidente pour l apprenant parce qu elle diverge de sa langue maternelle, elle mérite d être mentionnée dans un dictionnaire de production : plus les langues sont éloignées, plus il y aura de divergences dans les collocations. Le dictionnaire monolingue idéal serait destiné aux apprenants d une seule langue maternelle. Dans la réalité lexicographique, les dictionnaires monolingues sont conçus pour le plus grand nombre d utilisateurs possible et donc indépendamment d une langue cible, ce qui interdit toute sélection ciblée des collocations. On pourrait croire que les collocatifs à vaste champ collocationnel n ont pas besoin de figurer dans les dictionnaires. Comme il a été démontré que les fautes étaient aussi fréquentes dans le choix des collocatifs qui connaissent peu de restrictions, ces collocations doivent aussi être retenues dans les dictionnaires. Dans les dictionnaires qui ont été conçus sans connaissance du concept de collocation, on trouve cependant - à la rigueur - les collocatifs à champ collocationnel fortement réduit. La conséquence de ces deux derniers points est que le lexicographe doit tenter de présenter le maximum de collocations Lemmatisation des collocations Nous avons constaté au chapitre que pour la production de textes il suffisait de lemmatiser une collocation à l article de la base, mais qu il pouvait être utile pour la compréhension d une collocation de la lemmatiser à l article du collocatif. La lemmatisation à cet endroit se justifie surtout pour une autre raison : la dépendance sémiotaxique du collocatif, qui est un mot sémiotaxiquement non autonome, rend obligatoire le recours aux bases potentielles pour définir le sens de celui-ci. Lors de la rédaction de l article sur un mot sémiotaxiquement 111

112 dépendant, le lexicographe a presque automatiquement recours à la base. En revanche, on peut définir une base sans employer son ou ses collocatifs. Ceci explique d après Hausmann pourquoi on trouve dans les dictionnaires les collocations principalement aux articles des collocatifs. Prenons l exemple d un adverbe : il est quasiment impossible de définir de façon adéquate l adverbe durement sans le placer dans un contexte. Hausmann avait déjà mis en doute, il y a longtemps, le fait que tous les mots se prêtaient à être définis. 306 Il est évident que les collocatifs ne s y prêtent pas dans la même mesure que les bases. La définition d un collocatif n a de sens que si elle est accompagnée de contextualisations, de collocations. «[ ] dans ce cas, l information primaire n est pas de définir le mot JETER [comme exemple d un collocatif] dans le contexte cité, mais de fournir le ou les syntagmes dans lesquels le mot JETER fonctionne dans la langue française.» 307 La conclusion à laquelle arrive Hausmann est que les collocations doivent être enregistrées aux articles des bases et qu à l article des collocatifs un renvoi aux bases correspondantes est suffisant. Alonso Ramos, qui s est aussi penchée sur le même problème, suit la même ligne que Hausmann mais considère qu il faut différencier selon le collocatif. 308 Ceux-ci auraient différents degrés d autonomie sémantique. Certains collocatifs auraient un si bas degré d autonomie sémantique que de créer une propre entrée ou sous-entrée pour le sens dans cette collocation ne serait pas utile. Il suffirait dans de ces cas-là de les traiter à l article de la base correspondante. Comme exemple Alonso Ramos donne l adjectif espagnol solo avec le sens de sans lait qu il ne prendrait que dans la collocation café solo, ou l adjectif azul qui ne signifierait gras que dans la collocation pescado azul. Le sens de ces deux adjectifs ne devrait être expliqué que dans les articles des bases. D autres degrés d autonomie sémantique permettraient de définir au moins approximativement le sens des collocatifs, bien que cette définition reste toujours vague si elle n est pas accompagnée des bases correspondantes. La raison en est que le sens d un collocatif interagit avec celui de la base. Appliquant cela à nos collocatifs adverbiaux on pourrait donner l exemple de la définition des adverbes à fonction d intensificateur (farouchement, durement, fermement, fortement, vivement) dont la définition hors contexte se limiterait à INTENSE ou les adverbes exprimant une référence temporelle (fraîchement) dont la définition hors contexte serait QUI VIENT D ÊTRE. 306 Hausmann 1991, p Hausmann 1991, p Alonso Ramos

113 Une conséquence pourrait être de tenter de rassembler aux articles des collocatifs toutes les bases potentielles. Selon Alonso Ramos, il n est pas possible de rendre compte complètement de la combinatoire d un collocatif «[ ] parce que les collocatifs sont sélectionnés lexicalement par leurs actants et non librement par leur sens» 309, sans parler de la difficulté de rassembler toutes les bases. La deuxième possibilité serait de chercher la composante sémantique commune aux bases d un collocatif, ce qui n est pas réalisable et n aiderait d ailleurs pas l apprenant moyen. Alonso Ramos, dont les réflexions concernent un dictionnaire de collocations, défend que le traitement des collocatifs doit être fait aux articles des bases. Savoir s il faut en plus traiter la collocation à l article du collocatif cela dépendrait du degré d autonomie sémantique de chaque collocatif. Alonso Ramos donne pour cela les critères suivants : 1. [si le collocatif] a d autres acceptions comme UL libre et que la cooccurrence comme collocatif est (quasi)-unique comme (pescado) azul ou (luna) llena, nous proposons de ne pas lui donner le statut d UL à part entière et donc pas d article lexicographique ; 2. s il n a pas d autres acceptions comme UL libre, comme cometer commettre, et même si la cooccurrence est unique comme bisiesto bissextile, on n a pas le choix : il faut lui assigner un article lexicographique ; 3. s il est très peu déterminé sémantiquement et de cooccurrence unique comme (miedo) cerval, pas d article ; 4. s il est déterminé sémantiquement et que sa cooccurrence est multiple comme sentir (miedo peur / alegría joie / pena peine etc.) ou gran (ignorancia ignorance / esfuerzo effort / ruido bruit ), il peut être utile de lui assigner un article lexicographique pour indiquer certaines généralisations de son comportement comme collocatif. 310 Quelles en sont les conséquences pour la lemmatisation des CAA dans le dictionnaire général monolingue? Dans ce type de dictionnaire, les collocations doivent être enregistrées à l article-base ; à l article du collocatif il devrait y avoir pour les collocations un renvoi à l article-base. (Pour les CAA, nous considérons les cas du type azul ou solo comme périphériques étant donné que la plupart de nos collocatifs adverbiaux ont un sens qu ils prennent dans 309 Alonso Ramos 2003, p Alonso Ramos 2003, pp

114 plusieurs CAA. Même un collocatif aussi restreint que grièvement peut se combiner avec plusieurs bases (blessé, atteint ou brûlé.) 311 Quelle que soit la politique de rangement des collocations appliquée dans un dictionnaire général monolingue, il faut qu elle soit facile à mémoriser et bien expliquée dans la préface ou les notes d usage de façon que l utilisateur qui ne connaît pas le concept de collocation puisse quand même trouver l information collocationnelle. (Dans le cas idéal elle vaudrait pour tous les dictionnaires.) On pourrait prendre comme exemple le rangement des collocations (lexicales) dans le dictionnaire de collocations anglais BBI ou dans le Oxford Collocations Dictionary. Un schéma semblable, facilement compréhensible et sans prétention linguistique, permettrait même à un usager qui ne saurait pas déterminer la base de trouver une collocation dans le dictionnaire : collocation formée d un substantif et d un verbe => s.v. substantif collocation formée d un substantif et d un adjectif => s.v. substantif collocation formée de deux substantifs => s.v. substantif porteur du sens collocation formée d un verbe et d un adverbe => s.v. verbe collocation formée d un adjectif et d un adverbe => s.v. adjectif Nous démontrerons que la réalité lexicographique est cependant très chaotique. À part le problème de place dans les dictionnaires papier, l exhaustivité n est de toute façon pas possible en matière de collocations : il existe trop de collocations disponibles dans une langue. Les dictionnaires généraux en format livre sont donc dès le départ dépassés. Pour le format livre, le dictionnaire doit être spécialisé en collocations. 312 Les dictionnaires généraux sur support électronique, eux, sont capables d assumer cette masse d informations. Nous avons déjà signalé que les CAA étaient d une utilité moins primordiale pour la production de textes que d autres types de collocations. Cela justifie qu elles ne figurent pas dans tous les dictionnaires. C est pourquoi nous n analyserons pas de dictionnaires fortement sélectifs avec moins de entrées (nombre d entrées du dictionnaire Robert-CLE). Un dictionnaire de poche n a ni la place, ni le besoin de retenir les CAA alors qu il doit retenir des collocations substantif-verbe et substantif-adjectif. 311 D après les indications du Petit Robert s.v. grièvement. Cf. chapitre Nous reviendrons sur le sujet de la conception d un dictionnaire de collocations au chapitre

115 Pour pouvoir enregistrer le maximum de collocations, un dictionnaire général devrait être hypertextuel-interactif et permettre en plus la consultation d un corpus intégré. Si l exhaustivité n est pas possible, il faut quand même qu il ressorte clairement de l article si le mot entre en cooccurrence avec un nombre limité de partenaires ou non : Comme l ont montré Cowie et al. (1983 : XVI), l une des principales difficultés dans l indication des collocations est de donner au lecteur une idée du degré d ouverture possible des collocations proposées : la liste des collocants est-elle complète et limitative, ou bien n est-elle qu une indication à partir de laquelle le lecteur peut extrapoler? 313 La seule solution, bien que peu satisfaisante, semble être de donner une indication du type «etc. / et autres» afin de montrer qu il s agit d une liste ouverte Présentation de la collocation dans l article Le lexicographe doit aussi déterminer la place de la collocation dans l article. Les collocations peuvent apparaître à différents endroits : - dans le sous-paragraphe du sens du lemme dans lequel celui-ci est utilisé dans la collocation, ce qui est appelé le «traitement intégré», - dans un paragraphe spécial pour les collocations à la fin d un article, ce qu on qualifie de «traitement non-intégré». 314 Les collocations y sont regroupées indépendamment du sens dans lequel le lemme y est employé. Dans un tel paragraphe le rangement peut s effectuer d abord selon la catégorie grammaticale du partenaire du lemme, ensuite par ordre alphabétique, ce que Hausmann appelle le principe «catégorielalphabétique» On parle de «traitement partiellement intégré» quand toutes les collocations qui peuvent être attribuées à un sens du lemme sont rangées dans ce sous-paragraphe, et que celles qui ne sont pas attribuables sont placées dans un paragraphe spécial. 313 Béjoint / Thoiron 1992, pp (Cowie, Anthony P. et al. (1983), Oxford Dictionary of Current Idiomatic English. Volume 2. Oxford: OUP) 314 Hausmann / Werner 1991, p Hausmann 1988, p.142, décrivant le rangement des unités phraséologiques dans les dictionnaires bilingues Van Dale. 115

116 Si le concept de collocation est méconnu, logiquement, une collocation devrait être rangée en tant que syntagme usuel sous la rubrique «exemples» (Demonstrationsteil). Cela est problématique, car les collocations sont plus que de simples exemples ; elles sont essentielles puisqu elles constituent une information lexicographique supplémentaire. Il n est pas rare que le deuxième constituant d une collocation surgisse dans la définition (Explikationsteil), surtout dans la définition d un collocatif, pour les raisons données. 316 Les collocations devraient en tout cas être clairement différenciées - par la typographie - des exemples forgés. Dans la présentation, il devrait toujours y avoir une différence nette entre ce qui est usuel et idiomatique et ce qui est seulement possible, car le danger est grand que l usager déduise d une phraseexemple des restrictions d emploi qui n existent pas. Dans les dictionnaires généraux monolingues du français à l exception du TLF, on ne trouve cependant pas de présentation explicite 317 des collocations ; le plus souvent elles sont insérées parmi les exemples. À l article-collocatif la collocation joue aussi un rôle dans le dictionnaire monolingue général : en raison de la dépendance sémiotaxique du collocatif la définition de celui-ci devrait toujours être donnée après une contextualisation, car souvent la définition d un mot sémiotaxiquement non-autonome n est compréhensible qu une fois que le mot a été présenté dans un contexte adéquat et elle varie selon le contexte. 318 Les collocations, qui sont des contextes usuels, pourraient donc précéder la définition. Cela n est en général pas respecté dans les dictionnaires. En outre, il peut être important d indiquer les collocations entières au lieu de simplement énumérer les collocatifs («reduzierte Kollokationsangabe»), car l apprenant pourrait avoir des doutes sur l ordre des mots dans certaines collocations : l adjectif collocatif d un nom est-il antéposé ou postposé? L adverbe est-il postposé ou antéposé au verbe? Pour des raisons de place, on renonce pourtant dans la plupart des dictionnaires à indiquer la collocation entière («vollständige Kollokationsangabe»). Les collocations en tant qu information essentielle doivent être facilement repérables pour que l utilisateur qui est à la recherche d une collocation n ait pas à lire tout l article avant de la trouver. Elles doivent donc être rendues visibles par une typographie spéciale ou par un symbole (comme ) introduisant le bloc des collocations dans un article. L idéal serait qu elles 316 Cf. Zöfgen 1994, pp.126 et Nous appelons présentation explicite ce que Zöfgen 1994, p.173, qualifie de «direkte Belegung». 318 Hausmann 1997a, p

117 soient imprimées en couleur, ce qui est certes trop coûteux pour le dictionnaire papier mais réalisable dans le dictionnaire électronique. Malheureusement la présentation typographique laisse encore à désirer dans beaucoup de dictionnaires, comme nous le verrons par exemple pour le Nouveau Petit Robert ou le dictionnaire espagnol de Moliner. 3.5 Les collocations adjectif-adverbe dans le Dictionnaire du français Apprentissage et Référence (Robert-CLE) Les maisons d édition Le Robert et CLE International ont essayé de combler la lacune actuelle en dictionnaires d apprentissage monolingues, correspondant aux fameux learner s dictionaries de l anglais, par le Dictionnaire du français Apprentissage et Référence 319 de Ce dictionnaire, rédigé sous la direction de Josette Rey-Debove, est conçu pour des apprenants du français langue étrangère «[...] qui ont des savoirs exprimés dans une autre langue [...]» 320, mais ne vise pas des apprenants d une langue maternelle particulière, comme le montre le nombre de langues dans la liste des faux amis. Il va sans dire que si un public de langue maternelle allemande avait été ciblé, cela aurait permis de traiter de façon contrastive les problèmes spécifiques qui surgissent lors de l apprentissage du français, par exemple celui des collocations. Au niveau de la macrostructure, les auteurs ont voulu retenir, «[...] les mots courants de la conversation et de la presse. Les termes techniques et scientifiques des professionnels ont été écartés.» 321 Le dictionnaire devrait pour autant contenir des CAA, surtout s il est destiné à servir à la production de texte à un niveau avancé, mais la forte sélectivité (20000 entrées) a pour conséquence un choix limité en adverbes et adjectifs Le terme de collocation dans le Robert-CLE Le terme de collocation est employé dans la préface sans être expliqué et ne figure pas non plus à la macrostructure de ce dictionnaire. On lit dans la préface que l une des fonctions des exemples, qui sont toujours des phrases entières forgées par les rédacteurs, est de fournir «les collocations essentielles» Nous l appellerons le Robert-CLE. 320 Robert-CLE, p.vii 321 Robert-CLE, p.vii 322 Robert-CLE, p.xi 117

118 D autres indications dans la préface laissent supposer que les collocations se trouvent aussi sous la rubrique «expressions et locutions figées», pour laquelle on cite comme exemple la collocation faire peur. 323 La définition des «expressions et locutions figées» correspond à celle des locutions dans notre sens, mais les collocations en font aussi partie puisqu il est question d «expressions et locutions» transparentes. Bref, ce dictionnaire n accorde pas au concept de collocation la place qu il mérite Présentation typographique Il n est par conséquent pas possible d identifier les collocations par la typographie : si elles font partie de la catégorie «expressions et locutions figées», elles sont écrites en petites majuscules, en tant qu exemples, en italique. En plus du problème de marquage, la place dans l article n est pas toujours la même. Il arrive que les collocations soient cachées parmi des exemples occasionnels sans qu on puisse les différencier de ceux-ci. Le nombre des CAA retenu est trop modeste pour un dictionnaire d apprentissage. Ce manque remonte à une sélection au niveau de la macrostructure, qui nous semble problématique : les auteurs du Robert-CLE n ont pas enregistré les adverbes en -ment transparents à partir de l adjectif duquel ils sont dérivés. Fondamentalement, par exemple, ne fait pas partie de la macrostructure puisque la base adjectivale fondamental figure dans ce dictionnaire. L idée des auteurs a sans doute été que l usager peut s expliquer le sens de cet adverbe à partir de l adjectif. Le Robert-CLE n indique que les adverbes en ment dont le sens attesté n est pas prédictible à partir des sens attestés de l adjectif formellement correspondant. Malgré la transparence, l apprenant a besoin de savoir si un adverbe en -ment peut être dérivé sans restrictions de l adjectif. Un dictionnaire d apprentissage devrait donc retenir plus d adverbes. C est donc plus le décodage que l encodage qui a été au centre de l intérêt des rédacteurs. Mais même pour le décodage, de nombreux adverbes mériteraient d y être introduits parce que leur sens n est pas toujours aussi facile à déduire de l adjectif que ne le pense le lexicographe natif. 323 Robert-CLE, p. IX 118

119 3.5.3 Représentation des collocations de la liste du chapitre 3.3 Pour chaque collocation de la liste du chapitre 3.3, nous avons vérifié à l article de la base et à l article du collocatif si elle y figurait. En tant que dictionnaire d apprentissage le Robert-CLE devrait être riche en collocations, mais à cause de la forte sélectivité beaucoup de participes passés adjectivés n ont pas été lemmatisés. Dans ces cas-là, nous avons vérifié à l article du verbe correspondant. Quand la collocation y figurait, nous l avons comptée comme retenue sous la base, en indiquant dans le tableau CVA pour une collocation verbe-adverbe. 324 Tableau 5 : Représentation des CAA dans le Robert-CLE légende : + s.v. base : la collocation figure à l article-base - s.v. base : la collocation ne figure pas à l article-base + s.v. collocatif : la collocation figure à l article-collocatif - s.v. collocatif : la collocation ne figure pas à l article-collocatif CVA : on ne trouve pas la collocation adjectif-adverbe, mais la collocation formée de l adverbe et du verbe correspondant p.p. pas lemmatisé : le participe passé adjectivé n a pas sa propre adresse, on trouve uniquement le verbe comme entrée collocatif pas lemmatisé : le collocatif ne fait pas partie de la macrostructure de ce dictionnaire s.v. base absolument faux - + absolument indispensable - - absolument nécessaire - - agréablement surpris + + chaudement disputé - (p.p. pas lemmatisé) - chaudement recommandé + (p.p. pas lemmatisé, - mais CVA) chaudement vêtu + - civilement responsable - - collectivement responsable - - confortablement installé + (p.p. pas lemmatisé, mais CVA) 324 À propos des limites floues entre CAA et CVA, voir chapitre s.v. collocatif +

120 s.v. base s.v. collocatif cruellement touché - (p.p. pas lemmatisé) - dangereusement blessé - - désagréablement surpris - + diamétralement opposé - + directement impliqué - (p.p. pas lemmatisé) + durement éprouvé + (p.p. pas lemmatisé, + mais CVA) durement réprimé + (p.p. pas lemmatisé, - mais CVA) durement touché - - élégamment vêtu - - entièrement responsable - + éperdument amoureux + + essentiellement différent - - étroitement lié - + faiblement éclairé - + farouchement opposé - + fermement décidé - + fermement opposé - + financièrement dépendant - - financièrement indépendant - - foncièrement différent - - fondamentalement opposé - - fortement épicé - - fortement impressionné - (p.p. pas lemmatisé) - fortement industrialisé - (p.p. pas lemmatisé) - fortement intéressé - - fortement peuplé - - fraîchement arrivé - (p.p. pas lemmatisé) + 120

121 s.v. base fraîchement débarqué - (p.p. pas lemmatisé) - fraîchement élu - - fraîchement moulu - - fraîchement repeint - (p.p. pas lemmatisé) + s.v. collocatif génétiquement modifié - (p.p. pas lemmatisé) - (collocatif pas lemmatisé) globalement positif - + gravement endommagé - (p.p. pas lemmatisé) - gravement malade + - grièvement blessé + + hautement industrialisé - (p.p. pas lemmatisé) - hautement qualifié - (p.p. pas lemmatisé) + hautement spécialisé - (p.p. pas lemmatisé) - intimement lié - + largement représenté - (p.p. pas lemmatisé) - légèrement blessé - + légèrement vêtu - - maladivement jaloux - - mentalement retardé - (p.p. pas lemmatisé) + mondialement connu - + mortellement blessé - + parfaitement heureux - - parfaitement intégré - (p.p. pas lemmatisé) - pauvrement vêtu - + pénalement responsable - - (collocatif pas lemmatisé) pleinement satisfait - + politiquement correct + + profondément attaché

122 s.v. base profondément choquant - - profondément choqué - (p.p. pas lemmatisé) - profondément convaincu - - profondément déçu - - profondément différent - + profondément enraciné - - profondément étonné - - profondément reconnaissant - - profondément touché - (p.p. pas lemmatisé) - profondément vexé - - remarquablement beau/belle - - remarquablement intelligent - + richement dotée - (p.p. pas lemmatisé) - rigoureusement défini - - rigoureusement déterminé - - rigoureusement interdit - + savamment combiné - (p.p. pas lemmatisé) - savamment dosé - (p.p. pas lemmatisé) - sensiblement touché - - sérieusement endommagé - (p.p. pas lemmatisé) - sérieusement éprouvé - (p.p. pas lemmatisé) - sérieusement malade - + sexuellement transmissible + + sobrement vêtu - - solidement enraciné - - s.v. collocatif statistiquement représentatif - - (collocatif pas lemmatisé) strictement confidentiel

123 s.v. base strictement interdit - - strictement personnel - - s.v. collocatif supérieurement intelligent - - (collocatif pas lemmatisé) tristement célèbre - + unanimement reconnu - (p.p. pas lemmatisé) - universellement connu - + violemment opposé - - visiblement ému - - vivement intéressé - - Tableau 5 : Représentation des CAA dans le Robert-Clé 4% des collocations de notre liste sont enregistrées uniquement à l article-base, 28% uniquement à l article-collocatif, 6% à la fois à l article-base et à l articlecollocatif. La majorité, 62% de nos collocations, ne figure pas du tout dans ce dictionnaire. Notre test ne peut avoir qu une valeur indicative quant au contenu de ce dictionnaire en CAA. Néanmoins on peut en déduire qu elles sont sousreprésentées, ce qui s explique en partie par le fait que certains adverbes (6% de notre liste 325 ) ne font pas partie de la macrostructure pour les raisons données cidessus, le rangement à l article du collocatif étant alors impossible. Que les CAA n aient, pour la plupart, pas été retenues aux articles des adjectifs, à l endroit utile, est une faute habituelle en lexicographie. Un nombre important de participes adjectivés (26% de notre liste 326 ) n ont pas non plus été lemmatisés, ce qui fait que la collocation n a pas sa place. Nous avons dans ce cas-là vérifié si la CAA n était pas enregistrée à l article du verbe correspondant (ce qui n était le cas que pour 4 participes adjectivés de notre liste). La plus grande partie des collocations est introuvable, puisque celles-ci figurent à l article-collocatif. Ce problème de la répartition entre article-base et article- 325 Notre liste contient 61 adverbes différents dont 4 n ont pas été lemmatisés, ce qui correspond à 6%. 326 Notre liste contient 70 participes ou adjectifs différents dont 18 ne sont pas lemmatisés, ce qui correspond à 26%. Nous avons compté comme enregistrées les collocations qui se trouvent à l article du verbe correspondant (comme CVA). 123

124 collocatif a pourtant déjà été traité dans différents travaux et cela, depuis plusieurs années. 327 Le fait qu il y ait des collocations qu on ne trouve qu à l article de la base, d autres, qu on ne trouve qu à l article du collocatif et encore d autres, autant à l article-base qu à l article-collocatif, prouve qu il n y a pas de politique conséquente pour le rangement des collocations, mais que l arbitraire règne. En résumé, le Robert-CLE n offre pas suffisamment de CAA, alors que même avec cette forte sélectivité il serait possible d en présenter d avantage. 3.6 Les collocations adjectif-adverbe dans le Petit Robert Ouvrage de référence autant pour les francophones que pour les étrangers, le Petit Robert 328 devrait enregistrer les collocations les plus importantes. Cependant les collocations n ont manifestement pas été au centre de l intérêt des rédacteurs. Ceci se justifie en ce sens qu elles sont évidentes pour le locuteur natif, qui est l utilisateur visé en premier lieu par les auteurs, mais il est indéniable que même celui-ci peut ressentir le besoin de voir confirmer son intuition ou de reconstituer une collocation dont il ne se souvient plus Le terme de collocation dans le Petit Robert La maison d édition Le Robert n attache pas d importance particulière aux collocations, comme nous l avons déjà observé pour le Robert-CLE. Le terme est certes nommé dans la préface, mais il est accompagné d une explication imprécise : «mots qui apparaissent souvent en même temps». 329 Cette définition du terme, qui ne connaît que la fréquence comme critère, ne permet pas de faire la différence entre les collocations et les combinaisons fréquentes pour des raisons extralinguistiques. Étant donné que c est le seul endroit dans le PR où le sujet des collocations soit abordé, il n est pas possible d en dire plus sur leur définition. Les collocations sont aussi incluses dans la catégorie «exemple». D après les indications dans la préface, les exemples sont forgés par les rédacteurs 330, mais 327 Hausmann 1979 ou 1989b, p.1010, et depuis dans de nombreux travaux de différents auteurs. 328 abrégé PR par la suite. L édition citée est celle de Dans l édition de 2003 nous n avons pas constaté de changements quant au traitement des collocations. 329 Petit Robert, p.x 330 Petit Robert, p. XII 124

125 sont en même temps décrits comme des «stéréotypes» 331, ce qu on peut interpréter comme des collocations Présentation typographique La typographie ne permet pas d identifier les collocations dans la masse des exemples forgés par les rédacteurs puisqu ils sont tous écrits en italique. L utilisateur étranger ne sera pas en mesure de faire la différence entre un exemple construit par le lexicographe et une collocation. Certes, il n est pas rare que les exemples forgés soient des collocations, car celles-ci s imposent à l esprit du lexicographe qui cherche un exemple d emploi, mais l usager étranger ne pourra pas faire la différence entre ce qui est usuel et ce qui est seulement une combinaison possible. Les locutions, elles, sont reconnaissables grâce à l abréviation LOC qui les précède Représentation des collocations de la liste du chapitre 3.3 Le procédé a été le même que pour le Robert-CLE. Pour les CAA qui ne figuraient ni à l article-base ni à l article-collocatif, nous avons en plus lancé une recherche dans le Petit Robert électronique afin de voir si le système de recherche permettait de retrouver une CAA (dont on connaît les deux constituants) cachée quelque part dans le dictionnaire. La version électronique sera présentée au chapitre Tableau 6 : Représentation des CAA dans le Petit Robert légende : + s.v. base : la collocation figure à l article-base - s.v. base : la collocation ne figure pas à l article-base + s.v. collocatif : la collocation figure à l article-collocatif - s.v. collocatif : la collocation ne figure pas à l article-collocatif CVA : on ne trouve pas la collocation adjectif-adverbe, mais la collocation formée de l adverbe et du verbe correspondant dans citation : la collocation n est pas présentée séparément, mais apparaît dans une citation 331 Petit Robert, p.xvii 125

126 absolument faux - + absolument indispensable + + s.v. base s.v. collocatif PR électronique absolument nécessaire (dans 2 définitions) agréablement surpris + + chaudement disputé - - chaudement recommandé + + chaudement vêtu - + civilement responsable + + collectivement responsable confortablement installé + CVA + cruellement touché + - dangereusement blessé désagréablement surpris + + diamétralement opposé + + directement impliqué durement éprouvé + + durement réprimé durement touché élégamment vêtu - + entièrement responsable - + éperdument amoureux + (dans citation) + essentiellement différent + + (dans citation) étroitement lié + + faiblement éclairé farouchement opposé - + CVA fermement décidé - + fermement opposé

127 s.v. base s.v. collocatif PR électronique financièrement dépendant financièrement indépendant (dans définition) foncièrement différent (dans définition) fondamentalement - + opposé fortement épicé - + (dans citation) fortement impressionné - + fortement industrialisé fortement intéressé - + fortement peuplé fraîchement arrivé fraîchement débarqué - (s.v. d : frais ~) + fraîchement élu fraîchement moulu + (dans citation) + fraîchement repeint génétiquement modifié + + globalement positif - + gravement endommagé gravement malade + + grièvement blessé - + hautement industrialisé hautement qualifié - + hautement spécialisé intimement lié - + largement représenté légèrement blessé - + légèrement vêtu - + maladivement jaloux

128 s.v. base s.v. collocatif PR électronique mentalement retardé mondialement connu - + mortellement blessé - + (dans citation) parfaitement heureux - + parfaitement intégré pauvrement vêtu - + pénalement responsable + + pleinement satisfait - + politiquement correct + - profondément attaché profondément choquant profondément choqué profondément convaincu - + profondément déçu profondément différent - + profondément enraciné - + profondément étonné profondément reconnaissant profondément touché + + profondément vexé - + remarquablement - + beau/belle remarquablement intelligent richement dotée rigoureusement défini rigoureusement déterminé rigoureusement interdit

129 s.v. base s.v. collocatif PR électronique savamment combiné savamment dosé + CVA - sensiblement touché sérieusement endommagé sérieusement éprouvé sérieusement malade + - sexuellement + + transmissible sobrement vêtu solidement enraciné + (dans citation) - statistiquement représentatif strictement confidentiel - + strictement interdit strictement personnel + (dans citation) + supérieurement + + intelligent tristement célèbre + + unanimement reconnu universellement connu violemment opposé + - visiblement ému vivement intéressé Tableau 6 : Représentation des CAA dans le Nouveau Petit Robert 6% des CAA de notre liste sont rangées uniquement à l article-base, 31% uniquement à l article-collocatif, ce qui montre clairement que le rangement a été effectué sans tenir compte de l utilisateur. Le fait que cette faute n ait pas été commise avec régularité est bien la preuve qu il n y a pas de politique suivie à ce sujet. 129

130 20% des collocations se trouvent autant à l article-base qu à l article-collocatif. Il est surprenant que 43% des collocations ne soient pas retenues dans le PR. Vu l extension de ce dictionnaire les CAA pourraient y être mieux représentées. Une redistribution automatique des CAA retenues à l article du collocatif permettrait déjà d enrichir considérablement le dictionnaire, même s il faudrait encore en introduire de nouvelles. 3.7 Les collocations adjectif-adverbe dans le Petit Robert électronique Particularité des dictionnaires électroniques On qualifie actuellement de dictionnaire électronique des outils très différents qui vont des petites machines à traduire portables, des «hand-held electronic dictionaries» (des dictionnaires sur support électronique en format poche), des dictionnaires sur CD-ROM ou en ligne aux systèmes de génération automatique de langue (appliquées en traitement automatique du langage). 332 Dans notre étude, un dictionnaire électronique est un ouvrage de référence qui est publié sous forme numérique sur un support électronique (en général sur un CD-ROM, sur un serveur dans Internet ou sur la mémoire d un «hand held dictionary»). Pour y avoir accès, l utilisateur a besoin d un outil électronique. 333 Dans ce travail nous analyserons des dictionnaires sur CD-ROM ou accessibles par Internet. Comme le développement en lexicographie informatique est très rapide, nos observations ne reflètent que l état des choses jusqu à la première moitié de l année Dans notre objectif, la principale différence entre un dictionnaire papier et un dictionnaire électronique consiste dans la forme de recherche. 334 Dans le dictionnaire papier, l usager est contraint de chercher une unité phraséologique dans les articles de ses constituants. Il se peut qu il doive 332 Heid 1997, p Cf. Engelberg / Lemnitzer 2001, p D autres avantages seraient à nommer : la facilité d actualiser le dictionnaire, de le relier à d autres dictionnaires ou au traitement de texte, les hyperliens qui facilitent la lecture puisque toute l information n est pas présentée à la fois ou encore le fait qu il soit possible de retrouver le lemme à partir d une forme conjuguée ou malgré une faute d orthographe grâce à la fonction de tolérance orthographique. 130

131 chercher à plusieurs endroits avant de trouver l information sur une unité phraséologique. Le dictionnaire électronique a l avantage qu on puisse chercher la collocation ou la locution entières et que la recherche puisse être étendue au texte intégral. 335 Ceci est intéressant, en particulier, pour les collocations, qui sont le plus souvent introuvables dans le dictionnaire papier, si on ne connaît pas le collocatif, parce qu elles sont cachées à l article du collocatif. Dans un dictionnaire électronique, elles sont accessibles grâce au système de recherche. En outre, le problème de la place n existe plus dans les dictionnaires électroniques. Le lexicographe n est donc plus obligé d abréger, de compacter l information (ce qui est le cas dans le dictionnaire papier et rend la lecture plus difficile, obligeant l utilisateur à reconstituer mentalement le message entier), ni de se limiter au plus important. Il peut proposer autant de contextes qu il veut. Grâce à l hypertexte une grande quantité d informations ne gêne pas la lecture, car il est possible d adapter l affichage de l information aux besoins de l utilisateur, selon sa langue maternelle, par exemple. L usager peut quasiment organiser sa lecture : Es ist gerade die Stärke von Hypertextsoftware, aus ein und demselben Datenpool die Informationen herauszugreifen und in geeigneter Weise zu präsentieren, die für einen Nutzungskontext typischerweise relevant sind. Dadurch wird es möglich, lexikographische Beschreibungen an den Informationsbedarf anzupassen, der für eine gegebene Nutzungssituation typisch ist. Statt der statischen Wörterbuchartikel im Printwörterbuch, in denen alle potenziell interessanten Informationen auf engstem Raum komprimiert sind, bekommt ein Nutzer eines digitalen Hypertext- Wörterbuchs Wörterbuchartikel on demand mit den Angaben zusammengestellt, die für die aktuelle Wörterbuchbenutzungssituation relevant sind. 336 [L avantage du logiciel hyptertextuel est qu il peut extraire d une seule banque de données et présenter de façon adéquate les informations qui sont typiquement importantes pour un contexte de consultation. Ainsi il est possible d adapter la description lexicographique au besoin d information typique d une situation de consultation donnée. L utilisateur d un dictionnaire numérique hypertextuel obtient des articles «on demand» avec les 335 Cela ne vaut pas pour les dictionnaires dits électroniques qui sont de simples copies du dictionnaire papier et qui ne permettent une recherche que parmi les lemmes. Ces CD-ROM sont assez répandus sur le marché. 336 Storrer 2001, p Petelenz 2001, p.219, met tout de même en garde contre le danger d une trop forte hypertextualisation qui entraîne le risque que l usager ne voit pas certaines informations utiles. 131

132 informations importantes pour cette situation de consultation particulière, alors que dans les articles statiques d un dictionnaire papier toutes les informations potentiellement intéressantes sont comprimées dans un espace réduit.] Quant aux informations syntagmatiques, on pourrait donner des contextes uniquement à celui qui veut les consulter, c est-à-dire ne pas les intégrer au premier plan. Les dictionnaires électroniques du français dont nous disposons aujourd hui sont encore loin d exploiter les possibilités de l hypertexte et du multimédia et ils sont encore trop proches du dictionnaire papier. Puisque la place n est pas limitée, le dictionnaire général sur support électronique peut inclure assez d informations sur les collocations pour remplir la fonction d un dictionnaire de collocations. C est en effet le cas de certains dictionnaires électroniques monolingues de l anglais. Nous verrons dans quelle mesure cela vaut pour ceux du français. Dans le dictionnaire électronique, une collocation (ou une locution) pourrait avoir sa propre entrée avec des informations sur l emploi et les marques diasystématiques. Le problème de savoir à quel endroit ranger une collocation ne se pose plus. 337 Les systèmes de recherche devraient toujours donner accès à la collocation, qu on parte de la base ou du collocatif, ce qui suppose que la collocation soit balisée comme telle. La recherche à l aide d opérateurs logiques dans le texte intégral permet de retrouver une collocation sans qu on en connaisse le collocatif. Il suffit de reconstituer les éléments décisifs de la définition, c est-à-dire de lancer une recherche onomasiologique. Quelqu un qui chercherait le correspondant de Schuhe einlaufen peut trouver cette collocation, briser des chaussures, même si elle est rangée uniquement sous le collocatif en formulant une recherche avec les éléments suivants : rendre ET confortable ET chaussures. Un système de recherche différencié compense les défauts du rangement dans le dictionnaire et permet même de trouver une collocation à partir du sens. Des études ont démontré que la recherche dans un dictionnaire électronique pesait moins aux utilisateurs que la consultation d un dictionnaire livre. 338 La fréquence de consultation augmenterait donc. Il faut tout de même reconnaître 337 Cf. Petelenz 2001, p Cf. Engelberg / Lemnitzer 2001, p

133 que la recherche spécialisée, qui est celle qui permet de rechercher les collocations de façon ciblée, n est pas toujours facile pour l usager et demande au moins une phase d adaptation. Par la suite, nous analyserons les dictionnaires électroniques uniquement sous l aspect du traitement des collocations sans porter de jugement sur d autres aspects Traitement des collocations adjectif-adverbe dans le Petit Robert électronique Depuis 1996 la maison Robert offre, en parallèle à l ouvrage en format livre, le Petit Robert sur CD-ROM, qui a différents avantages par rapport à la version livre. Un défaut du PR dictionnaire papier est sa mauvaise présentation typographique. La version électronique est plus lisible grâce aux espaces supplémentaires et aux différentes couleurs qui ont été utilisées. Le CD-ROM offre en plus des fonctions telles que la recherche à partir de la prononciation, la recherche avec tolérance orthographique, c est-à-dire qui prend en compte des fautes, ou la recherche de citations pour un auteur particulier. Nous n entrerons pas dans les détails de ces fonctions, certes très utiles, mais sans rapport avec les CAA. Ce qui nous intéresse ici est uniquement de savoir en quoi la version électronique est utile pour la recherche de CAA. Le Petit Robert électronique peut tout d abord servir à vérifier l existence et l emploi d une CAA donnée, c est-à-dire servir de corpus, car il permet de lancer des recherches dans le texte du dictionnaire : il suffit de lancer une «recherche par critères» (Recherche => Recherche par critères) dans le «texte intégral» en indiquant les deux constituants de la CAA avec l opérateur logique ET, prévu pour la recherche de groupes de mots, et en précisant si la recherche doit s effectuer dans tout l article ou uniquement dans les «exemples et expressions». Le système peut inclure dans sa recherche, si on le veut, le féminin, le pluriel et les formes verbales, ce qui permettrait par exemple de trouver lors de la recherche d une CAA la collocation verbe-adverbe correspondante. Si on limite la recherche aux «exemples et expressions», on ne trouvera pas assez de CAA. En revanche, la recherche «dans tout l article» nous livre les occurrences de deux mots dans un même article mais sans qu ils soient forcément en relation entre eux. Il faudrait trier les résultats avant d y trouver peut-être des collocations. 133

134 Exemple : gravement ET malade : tous les articles dans lesquels les deux mots apparaissent sans être forcément en relation. Dans le cas des collocations compactées, le système ne reconnaît comme unité que les mots qui se suivent immédiatement. En accord avec Hausmann 339, nous entendons par collocation compactée le fait de présenter plusieurs collocations qui ont un élément en commun (la base ou le collocatif) en n écrivant cet élément commun qu une seule fois : exemple : grièvement atteint, brûlé à l article grièvement. Grièvement atteint est reconnu comme unité par le système de recherche, mais pas grièvement brûlé, introuvable en tant qu unité. Il s agit ici d un problème de balisage qui gêne la recherche des CAA. Quand on cherche par contre le collocatif approprié d une base donnée, ce qui est le cas le plus vraisemblable, la situation est plus compliquée. Le Petit Robert électronique ne dispose pas d un système pour trouver le partenaire d une base, comme c est le cas pour le TLFI. Il ne connaît pas de catégorie collocation, unité phraséologique ou syntagme. On peut seulement chercher parmi toutes les occurrences de la base, c est-à-dire dans le texte intégral, ce qui entraîne un travail de tri plus ou moins important selon la fréquence de l adjectif dans le texte intégral. On obtient aussi comme occurrences les articles où le mot en question apparaît dans les définitions, dans les citations ou comme synonyme ou antonyme. Pour limiter le travail de tri il est possible de chercher uniquement dans les «expressions et exemples» dans lesquels ce mot apparaît. On ne trouve pas spécialement des collocations, mais aussi des locutions et des combinaisons libres. Pour les CAA les résultats ne sont pas satisfaisants, moins que pour d autres types de collocations. Une catégorie collocations balisée comme telle serait indispensable. 339 Hausmann 1996, p

135 La recherche onomasiologique d une collocation c est-à-dire une recherche où l on indiquerait par exemple très malade pour trouver gravement malade - n est pas réalisable dans le Petit Robert électronique parce qu il n est pas possible de limiter la recherche à la catégorie «définition». On serait encore une fois obligé de chercher dans le texte intégral. D ailleurs les CAA ne sont en général pas suivies d une paraphrase et ne peuvent donc pas être trouvées de cette façon. Pour les CAA, le Petit Robert électronique ne peut en aucun cas remplacer un dictionnaire de collocations. Comme le montre le tableau 6 du chapitre 3.6.3, le nombre de CAA contenues dans le texte intégral n est tout simplement pas assez important : 43% de nos CAA n y sont pas retenues. Pour que ce dictionnaire permette à l utilisateur de trouver un collocatif encore inconnu, il faudrait réorganiser la structure des articles et créer plus de catégories différentes. Les catégories «exemples» et «expressions» devraient absolument être séparées ; la catégorie «expressions» devrait être remplacée par les catégories «collocations» et «locutions (idiomatiques)»,différenciées par le balisage. Cela n empêche pas que, sur d autres plans, le Petit Robert électronique soit un dictionnaire très riche et utile pour l apprenant. 135

136 3.8 Les collocations adjectif-adverbe dans le Trésor de la Langue Française (dictionnaire papier) Après avoir constaté une certaine insuffisance du dictionnaire d apprentissage et du dictionnaire extensif, nous passons à l étude du plus grand dictionnaire de la langue française, le Trésor de la Langue Française (TLF), qui compte dans ses 16 tomes mots, définitions et exemples. 340 La version informatisée du TLF met à notre disposition des moyens de recherche bien plus efficaces que la recherche manuelle. Nous examinerons ci-dessous les avantages de la requête électronique, mais commencerons par l étude du dictionnaire papier afin d avoir une comparaison plus juste avec les autres dictionnaires papier Le terme de collocation dans le TLF Le terme de collocation n entre pas dans la terminologie du TLF ; c est le concept de syntagme ou syntagme-type qui correspond à celui de collocation. 341 Ce terme de syntagme n est malheureusement pas expliqué clairement. 342 Dans la préface du tome 7, Paul Imbs introduit le terme de syntagme-type : Par les syntagmes types suivant immédiatement la définition, il s agissait de montrer de quelles associations minimales usuelles, et donc réellement et fréquemment attestées dans notre documentation, était capable tel mot pris dans telle acception ; parfois un énoncé réduit, mais dépassant le simple syntagme binaire, et de ce fait exactement référencé, attestait des expansions également usuelles, et donnait ainsi un tableau sommaire de la phraséologie la plus commune des mots, cette phraséologie pouvant d ailleurs en cas de surabondance d usances typées être complétée dans les sous-rubriques SYNT(agmes) et PARAD(igmes). De tels énoncés [ ] étaient à nos yeux un échantillonnage pertinent des réalisations les plus fréquentes et stylistiquement les plus banales, mais à coup sûr les plus conformes aux exigences de sémanticité et de grammaticalité de la langue selon les informations données au Hausmann 1996, p Voir aussi les définitions des types d objets sur le site du TLFI où syntagme est défini comme «expression ou locution». 343 TLF, tome 7, p.ix 136

137 Les syntagmes ne sont pas des exemples fabriqués par les lexicographes; ce sont des occurrences attestées dont les références ne sont pas indiquées et qui ont été réduites à leurs éléments constitutifs. 344 Comme un corpus de 180 millions d unités-mots, FRANTEXT, est à la base du dictionnaire, les collocations en tant que combinaisons fréquentes y ont souvent trouvé leur place, même si elles ne sont pas différenciées clairement des combinaisons libres. De façon générale, les collocations, qui relèvent de l encodage, n étaient pas au centre de l intérêt des rédacteurs du TLF dont la finalité est le décodage. 345 Le constat qu avait fait Hausmann à propos du TLF pour les collocations est valable pour la catégorie des CAA, comme nous le démontrerons ci-dessous : - les collocations se trouvent la plupart du temps à l article du collocatif de nombreuses collocations ne sont pas marquées comme syntagmes et se trouvent cachées à différents endroits : dans les définitions, les citations ou dans l information synonymique et antonymique. 347 Les collocations qui ne sont pas signalées comme telles ne sont pas d une grande aide à l utilisateur étranger, qui ne peut pas les différencier des combinaisons non spécifiques Présentation typographique Le TLF est le seul de nos dictionnaires monolingues qui ait une présentation explicite des collocations/syntagmes. Les syntagmes sont reconnaissables à ce qu ils sont écrits en italique. Si le lemme apparaît dans de nombreux syntagmes, ceux-ci sont rassemblés dans un paragraphe spécial introduit par l abréviation SYNT. et sont donc facilement repérables. Il est regrettable que les articles concernant les adverbes et les adjectifs ne disposent pas toujours d un bloc syntagmatique ; dans les articles d adverbes ils sont même plutôt rares. Pour l encodage, il serait souhaitable qu il y ait à chaque article d adjectif, c est-àdire à l article-base, un bloc syntagmatique avec les collocations possibles. Une présentation qui pourrait servir de modèle est celle dans l article de l adverbe sainement (même s il s agit d un collocatif): on y trouve l indication syntagmatique «sainement + adjectif ou participe passé» et l exemple sainement conformiste. Cette combinaison tirée d une citation n est certes pas 344 Cf. Goosse 1994, p Cf. Faucher 1996, p Hausmann 1994, p. 148, et 1996, p Hausmann 1996, pp

138 intéressante puisqu elle est inhabituelle. Mais pourquoi ne pas présenter de cette manière les collocations dans les articles-bases? Les collocations adjectif-adverbe dans les tomes 14 et 15 Par notre analyse des tomes 14 et 15 nous avons pu confirmer pour les CAA le constat de Hausmann selon lequel les collocations se trouvaient surtout à l article-collocatif, à savoir aux articles des adverbes en ment. Même les articles des collocatifs n en contiennent qu un nombre réduit: dans le tome 14, environ 24 CAA, le tome 15, environ 35 collocations. 348 (Le lemme est souligné.) tome 14 : puissamment armé (dans citation) universellement, unanimement reconnu (femme) remarquablement belle (travail) remarquablement effectué moralement responsable civilement, entièrement responsable (dans exemple) richement marié (dans citation), brodé, habillé, vêtu, meublé, décoré, (contrée) ~ pourvue, (tableau) ~ coloré rigoureusement vrai, exact, authentique, identique, semblable, indispensable, nécessaire rudement éprouvé tome 15 : savamment calculé, combiné, composé, concerté, dosé, noué, ordonné sérieusement alarmé, ébranlé, ému, éprouvé, inquiet, atteint, malade sévèrement critiqué, interdit, réglementé, réprimé, jugé, atteint, blessé;habillé ~ sobrement vêtu solidement cloué, serré, fermé (exemple : fenêtre) etc. solidement installé, établi, ancré strictement proportionnel (dans citation), confidentiel, personnel, scientifique supérieurement doué, intelligent 348 Les limites entre une collocation et une combinaison libre étant floues, nous ne pouvons pas donner de chiffres exacts. 138

139 Nous n avons compté ni les combinaisons entre un adverbe et un adjectif en able, -ible, -uble qui expriment une possibilité, pour les raisons exposées au chapitre 2.1.5, ni celles que nous considérons comme des combinaisons libres. Nous avons aussi exclu le français strictement technique ainsi que le français marqué comme vieilli dans le TLFI. L inégalité dans le traitement des adverbes est frappante. Pour richement, rigoureusement, savamment, sérieusement, sévèrement ou strictement on trouve toute une liste de bases, alors que pour radicalement, scrupuleusement, sèchement, sensiblement ou simplement on n en trouve aucune. 3.9 Les collocations adjectif-adverbe dans le Trésor de la Langue Française informatisé Le Trésor de la Langue Française informatisé (TLFI) est libre d accès en ligne sur Internet au Après avoir vu les manques du TLF en matière de CAA, notre objectif est de montrer, premièrement, en quoi la version informatisée est supérieure à celui-ci dans l état actuel du processus d informatisation, deuxièmement, ce qui pourrait être amélioré. Comme nous sommes convaincue qu une minorité des apprenants utilise jusqu à présent le TLFI, nous nous permettons de présenter son système de recherche plus en détail Système de recherche du TLFI Comme le TLFI est régulièrement mis à jour, les résultats que nous présentons ne sont valables que pour le stade de l informatisation auquel il se trouvait en Le TLFI peut être une source de renseignement sur les CAA si on utilise le système de recherche appelé «recherche assistée». On y trouve le formulaire de recherche reproduit ci-dessous. Il n est pas intéressant de formuler des requêtes où l on indique l un des deux constituants comme vedette, car cela revient au même que de consulter le dictionnaire papier à cette adresse et ne mène pas directement à la collocation cherchée. Le système de la recherche assistée permet d établir le champ collocationnel d un adverbe ou d un adjectif. Pour cela il suffit de spécifier dans le formulaire de la «recherche assistée» la base ou le collocatif comme «contenu 1» en 139

140 précisant comme «type d objet» SYNTAGME. D après les explications disponibles sur le site, les types d objet SYNTAGME DÉFINI, SYNTAGME ENCHAÎNÉ et PARAGRAPHE SYNTAGME sont des sous-catégories de SYNTAGME. Il n est donc pas nécessaire de lancer de recherches spéciales pour ces types d objet. Comme résultat d une telle «recherche assistée» on obtiendra tous les articles dans lesquels le mot apparaît dans un syntagme : les syntagmes qui sont intégrés à un paragraphe typographique SYNTAGME et ceux qui apparaissent comme SYNTAGMES ENCHAÎNÉS, c est-à-dire après une définition et non pas dans un paragraphe à part. On aura ainsi accès aux collocations qui se trouvent aux articles de la base et du collocatif ou (plus rarement) d autres mots. L inconvénient est que pour trouver une certaine collocation (par exemple l intensificateur d un adjectif), l usager devra éventuellement faire un travail de tri décourageant, car tous les types de collocations/syntagmes y sont indiqués. Exemple : pour la recherche des syntagmes contenant triste on obtient 163 occurrences, pour la même recherche avec grand Ce type de recherche serait facilité s il était possible de restreindre la recherche à des catégories grammaticales (par exemple adjectif-adverbe). 140

141 La recherche sans type d objet demande un tel travail de tri qu elle ne peut pas être faite pour un grand nombre de mots ou de collocations ; grâce à elle l utilisateur trouverait pourtant des collocations cachées dans le dictionnaire papier et pourrait créer des concordances. Lorsque la collocation est déjà connue et que l utilisateur veut simplement vérifier si c est vraiment une collocation, il est possible de formuler une recherche assistée en indiquant le collocatif comme «contenu 1» et la base comme «contenu 2» (ou inversement), tout en spécifiant comme type d objet SYNTAGME. On obtiendra les articles où la collocation est balisée comme syntagme. Le TLFI sert alors de corpus préstructuré. Contrairement au Petit Robert électronique, une recherche onomasiologique est possible dans le TLFI. Il suffit de choisir comme type d objet DÉFINITION et d indiquer comme «contenu 1» et «contenu 2» les éléments caractéristiques de la définition : par exemple comme «contenu 1» se tuer, comme «contenu 2» volontairement pour trouver le verbe se suicider. Pour les CAA, la recherche onomasiologique ne fonctionne pas pour deux raisons : d une part, peu de CAA sont retenues, d autre part, celles qui sont retenues ne sont, en raison de leur transparence, normalement pas suivies d une définition grâce à laquelle on pourrait les retrouver. Les collocations compactées, que nous avons déjà commentées pour le Petit Robert électronique, sont repérables avec le système de recherche du TLFI si on indique l un des constituants comme «contenu 1», l autre comme «contenu 2». Il ne faut pas commettre la faute d indiquer la collocation entière comme «contenu 1», car le système ne repère alors pas les collocations compactées à l exception de celles dont le collocatif et la base se suivent immédiatement. L usager ne peut pourtant pas savoir qu il ne doit pas indiquer la collocation entière comme un seul «contenu». Dans ce sens-là, l ancienne version était plus claire, car le «contenu» s appelait «mot». L usager peut encore limiter la recherche d une collocation aux citations en spécifiant comme type d objet EXEMPLE. En conclusion, les outils du TLFI pour la recherche de collocations sont relativement performants, mais la version informatisée ne remplace quand même pas un dictionnaire de collocations. Il faut aussi reconnaître que l utilisation de la recherche assistée n est pas facile pour l apprenant, les définitions des différents types d objets n étant pas claires. Une bonne introduction détaillée fait défaut. Bref, la manipulation du système de recherche 142

142 dépasse de loin ce qu on peut attendre de l apprenant qui veut juste s informer sur une collocation. On pourrait, bien sûr, encore préciser la requête : s il était possible d indiquer le nombre des constituants qui doivent former le syntagme recherché (c est-à-dire deux dans le cas des CAA) et la catégorie grammaticale du deuxième constituant de la collocation qu on cherche. Exemple : type d objet : syntagme 2 contenus : «contenu 1» : malade «contenu 2» : [catégorie grammaticale : adverbe] La recherche de CAA serait très puissante si on pouvait donner une précision sur la fonction ou le sémantisme du mot inconnu, comme par exemple «intensificateur», ce qui correspondrait aux fonctions lexicales de la Théorie Sens-Text. Il va sans dire que de telles fonctions sont difficilement réalisables Représentation des collocations de la liste du chapitre 3.3 De façon générale, sans considérer les CAA de la liste du chapitre 3.3, on peut constater que peu d adjectifs sont présentés avec leurs collocatifs adverbiaux. On trouve certes des syntagmes adverbe-adjectif, mais beaucoup semblent moins être des collocations que des combinaisons libres ou des créations inhabituelles littéraires. Ainsi le TLFI relève : effroyablement compliqué hideusement laid souverainement ridicule souverainement déplaisant (qui se trouve exceptionnellement s.v. base!) souverainement aimable fâcheusement impressionné À l inverse, des collocations fréquentes dans les médias ne figurent pas dans ce dictionnaire, ce que nous montrerons à l aide de notre liste. Le caractère peu courant de nombreuses combinaisons s explique probablement par le fait que 80% des textes du corpus du TLF, FRANTEXTE, sont littéraires contre seulement 20% de textes techniques. 350 Dans un texte littéraire, les combinaisons adjectif-adverbe sont souvent volontairement inusuelles, 350 Cf. TLF, tome 1, p.xxiii 143

143 originales, parfois même des contre-créations. Ce ne sont pas ces combinaisonslà qu un apprenant étranger doit apprendre. 351 Une partie des CAA retenues est formée d adverbes qui ont un champ collocationnel tellement vaste qu ils peuvent se combiner avec pratiquement n importe quel adjectif. Il est dommage que justement les collocations à plus fortes restrictions soient sous-représentées. Venons-en à présent aux CAA de notre liste. Pour avoir un résultat fiable sur la représentation de ces CAA dans le TLFI, il aurait fallu lancer pour chaque collocation une recherche sans type d objet en indiquant PARAGRAPHE QUELCONQUE (en donnant les constituants de la CAA comme «contenu 1» et «contenu 2»). 352 L étendue de ces recherches aurait dépassé le cadre de ce travail, car il aurait fallu repérer les CAA dans la masse des fausses occurrences, c est-à-dire des articles où les deux mots apparaissent sans être en relation. Pourtant seule cette recherche pourrait livrer la totalité des occurrences des CAA dans le TLFI, à savoir aussi celles qui ne sont pas balisées comme syntagmes. Le procédé a été le suivant : dans un premier temps, nous avons cherché les collocations à l aide d une recherche assistée avec type d objet SYNTAGME et les deux constituants de la collocation comme «contenu 1» et «contenu 2». Pour les raisons données ci-dessus nous n avons obtenu que relativement peu de résultats, uniquement les CAA qui sont balisées comme syntagme. Nous avons donc consulté en ligne les articles du collocatif et de la base, c est-à-dire lancé une recherche assistée où nous indiquions la base ou le collocatif comme vedette. Cette dernière consultation nous a fait découvrir certaines collocations cachées dans les définitions ou les citations de ces articles, qui n étaient pour autant pas balisées comme syntagme, mais elle n offre aucun avantage par rapport à la consultation du dictionnaire papier. Tableau 7 : Représentation des CAA dans le TLFI légende : + s.v. base : la collocation figure à l article-base - s.v. base : la collocation ne figure pas à l article-base 351 Paul Imbs (TLF, tome 1, p.xxiii) insiste cependant sur le fait que «[ ] les énoncés émanant d un grand nombre d œuvres ont des chances de se neutraliser [ ] et de révéler aux rédacteurs [ ] cette langue moyenne [qui est celle que recherche l utilisateur étranger en particulier]». 352 On obtient certes les cas où les deux constituants se suivent immédiatement si on indique la collocation entière comme «contenu 1», mais les collocations compactées séparées par un ou plusieurs mots échappent à une telle recherche. 144

144 + s.v. collocatif : la collocation figure à l article-collocatif - s.v. collocatif : la collocation ne figure pas à l article-collocatif CVA : on ne trouve pas la collocation adjectif-adverbe, mais la collocation formée de l adverbe et du verbe correspondant dans citation : la collocation n est pas présentée isolée, mais apparaît dans une citation SYNT : la collocation est balisée comme syntagme, c est-à-dire présentée explicitement comme telle et repérable dans une requête dans la version informatisée. Si elle apparaît dans un autre article du TLFI que celui de la base ou du collocatif, nous indiquons le lemme pas SYNT : la collocation n est pas balisée comme syntagme s.v. base s.v. collocatif balisage absolument faux - - pas SYNT absolument indispensable - + (dans pas SYNT citation) absolument nécessaire - - pas SYNT agréablement surpris - + (dans pas SYNT citation) chaudement disputé - - pas SYNT chaudement recommandé - + pas SYNT chaudement vêtu - + SYNT civilement responsable + + SYNT collectivement responsable - + SYNT confortablement installé + (CVA) - pas SYNT cruellement touché - - pas SYNT dangereusement blessé - + SYNT désagréablement surpris - + (dans pas SYNT citation) diamétralement opposé - + (dans 3 SYNT s.v. axile citations) 353 directement impliqué - - pas SYNT durement éprouvé - + pas SYNT 353 Il est symptomatique qu à l article-base la collocation n apparaisse pas alors qu elle est retenue trois fois à l article-collocatif dans des citations. 145

145 s.v. base s.v. collocatif balisage durement réprimé - - pas SYNT durement touché - + (CVA) pas SYNT élégamment vêtu - + (CVA) pas SYNT entièrement responsable - - pas SYNT éperdument amoureux + + (dans SYNT citation) essentiellement différent - - pas SYNT étroitement lié - + (dans pas SYNT citation) faiblement éclairé - - pas SYNT farouchement opposé - - pas SYNT fermement décidé - - pas SYNT fermement opposé - - pas SYNT financièrement dépendant - - pas SYNT financièrement indépendant - - pas SYNT foncièrement différent - - pas SYNT fondamentalement opposé - + pas SYNT fortement épicé + (dans + SYNT citation) fortement impressionné - - pas SYNT fortement industrialisé + (s.v. verbe, + pas SYNT p.p. pas lemmatisé) fortement intéressé - + pas SYNT fortement peuplé - + pas SYNT fraîchement arrivé - + pas SYNT fraîchement débarqué - + pas SYNT fraîchement élu - + SYNT fraîchement moulu - + SYNT 146

146 s.v. base s.v. collocatif balisage fraîchement repeint - + (s.v. pas SYNT peint) 354 génétiquement modifié pas SYNT globalement positif + - SYNT gravement endommagé - - pas SYNT gravement malade - + SYNT grièvement blessé - + SYNT hautement industrialisé - - pas SYNT hautement qualifié - + pas SYNT hautement spécialisé + + SYNT intimement lié - + (CVA dans pas SYNT citation) largement représenté - - pas SYNT légèrement blessé - - pas SYNT légèrement vêtu - + SYNT maladivement jaloux - - pas SYNT mentalement retardé - - pas SYNT mondialement connu - + pas SYNT (mondialemen t célèbre) 356 mortellement blessé - - pas SYNT parfaitement heureux - + pas SYNT parfaitement intégré - - pas SYNT pauvrement vêtu - - pas SYNT pénalement responsable - + SYNT pleinement satisfait - + pas SYNT 354 Nous comptons la collocation comme retenue étant donné la ressemblance de la collocation enregistrée avec celle de notre liste. 355 Cette lacune prouve que le TLFI n est pas suffisamment mis à jour, car, d après les indications dans le PR, OGM, terme qui est à l origine de cette CAA, remonte à Nous comptons la collocation comme retenue étant donné la ressemblance de la collocation enregistrée avec celle de notre liste. 147

147 s.v. base s.v. collocatif balisage politiquement correct - - pas SYNT profondément attaché - + SYNT profondément choquant - - pas SYNT profondément choqué - - pas SYNT profondément convaincu - + pas SYNT profondément déçu + + SYNT profondément différent - + SYNT profondément enraciné - + pas SYNT profondément étonné - + pas SYNT profondément reconnaissant - + pas SYNT profondément touché - + pas SYNT profondément vexé - + pas SYNT remarquablement beau/belle - + SYNT (féminin) remarquablement intelligent + - pas SYNT richement dotée + (CVA) + SYNT rigoureusement défini + - SYNT rigoureusement déterminé + - SYNT rigoureusement interdit - - pas SYNT savamment combiné - + pas SYNT savamment dosé + + SYNT sensiblement touché - - pas SYNT sérieusement endommagé - - pas SYNT sérieusement éprouvé - + pas SYNT sérieusement malade - + SYNT sexuellement transmissible + + pas SYNT sobrement vêtu - + SYNT solidement enraciné - - pas SYNT statistiquement représentatif - - pas SYNT 148

148 s.v. base s.v. collocatif balisage strictement confidentiel - + SYNT strictement interdit - - pas SYNT strictement personnel + + SYNT supérieurement intelligent - + SYNT tristement célèbre + - pas SYNT unanimement reconnu + - pas SYNT universellement connu - + pas SYNT violemment opposé - - pas SYNT visiblement ému - - pas SYNT vivement intéressé - - pas SYNT Tableau 7 : Représentation des CAA dans le Trésor de la Langue Française informatisé Vu l important volume de ce dictionnaire et le fait que la phraséologie y joue un grand rôle, on s attendrait à ce que plus de CAA y soient enregistrées et balisées comme telles. Certaines CAA, bien que balisées comme syntagmes, n apparaissent que dans une citation. (Dans le tableau 7, on les reconnaît au commentaire «dans citation».) Nous les avons comptées comme figurant à l article en question, bien que cela soit problématique pour l utilisateur étranger, qui ne sait pas si une combinaison entre un adverbe et un adjectif dans une citation littéraire est vraiment usuelle dans la langue courante. 38% de nos collocations ne sont pas représentées dans le TLFI, pourcentage assez important. Seules 7% des collocations de notre liste sont retenues uniquement à l articlebase. 45% figurent uniquement à l article-collocatif, ce qui fait qu elles sont introuvables dans le dictionnaire papier. Le TLF-livre n est donc pas une source suffisante de CAA. La version informatisée, elle, permet de trouver les CAA cachées aux articlescollocatif à condition qu elles aient été balisées comme syntagmes. Ceci n est le cas que dans 28% de nos collocations. Ce repérage suppose le travail de tri duquel nous avons parlé. Nous avons indiqué «pas SYNT» dans la troisième colonne du tableau 7, quand la collocation n était pas balisée comme syntagme et ne pouvait donc pas être repérée par une recherche assistée avec type d objet syntagme. Cela signifie 149

149 que même pour vérifier l existence d une collocation donnée le TLFI est moins utile qu on ne pourrait le penser. 10% des collocations se trouvent aussi bien à l article de la base qu à l article du collocatif. Nous voulons souligner à cet endroit la richesse du TLF en ce qui concerne les autres types de collocations (substantif-adjectif ou substantif-verbe). Le lecteur ne devrait pas tirer des résultats de notre analyse spéciale de fausses conclusions sur la richesse phraséologique du TLF. Dans certains articles, on trouve de longues listes de syntagmes. Le problème principal du dictionnaire papier est celui du rangement Récupération des collocations Nous avons vu que le TLF et le TLFI ne rendaient accessible à l usager qu une petite partie des CAA qu ils contiennent. Il est certes possible de découvrir des collocations par les recherches démontrées, mais cela demande un travail assez important. Pour le dictionnaire papier, les manques sont graves. Des propositions ont été faites pour la récupération des collocations à travers la version informatisée. 357 Il s agirait tout d abord de redistribuer à l article-base les collocations qui se trouvent à l article-collocatif. Cette réorganisation ne peut pas être totalement automatisée Recherches supplémentaires avec le TLFI En commençant cette étude nous avons utilisé le système du TLFI pour des recherches détaillées sur les CAA afin de profiter de ce qu il présente les syntagmes comme des unités. Notre objectif a été de découvrir le plus grand nombre possible de CAA pour avoir une base solide pour l approche théorique. En annexe, le lecteur trouvera une liste des adjectifs du Dictionnaire du français langue étrangère, Niveau avec les CAA ou les combinaisons adjectifadverbe qu indique le TLFI. Nous avons recherché uniquement les syntagmes. Les collocations qui se trouvent dans des citations ou définitions et qui n ont pas été balisées comme telles n ont pas été retenues. Pour certains adjectifs le nombre d occurrences était trop élevé pour que nous les prenions en considération (plus de 100 occurrences). 357 Cf. Hausmann 1996, p.40, Forkl 1996, pp DFLE 1, pp

150 Le tableau montre clairement que ce n est que la minorité des adjectifs qui est présentée dans le TLFI avec collocatifs adverbiaux. Les rares combinaisons entre un adverbe et un adjectif qu on y trouve sont souvent formées avec des adverbes d emploi très peu restreint (par exemple étrangement), ce qui ne justifie pas leur recensement Comparaison des dictionnaires monolingues Nous voulons à présent comparer ces dictionnaires monolingues quant au traitement des CAA. Évidemment ces dictionnaires divergent très fortement en ce qui concerne le nombre d entrées et leurs objectifs. Il est aussi problématique de comparer des dictionnaires papier et des dictionnaires électroniques. Par la comparaison nous voulons uniquement montrer dans lequel de ces ouvrages de référence l utilisateur a intérêt à chercher une collocation. Le Petit Robert électronique n a pas été pris en compte ici puisqu il ne permet pas la recherche de collocations en tant que catégorie, ni le TLF (dictionnaire papier) puisque nous n y avons pas recherché les 100 CAA. Tels sont les résultats du traitement des 100 CAA dans les différents dictionnaires : dictionnaire s.v. base s.v. s.v. 2 s.v. 0 Robert-CLE 4% 28% collocatif 6% 62% PR 6% 31% 20% 43% TLFI 7% 45% 10% 38% Tableau 8 : Tableau contrastif des dictionnaires analysés 359 Le Robert-CLE qui n a qu un tiers des entrées du PR ( face à ) n a pourtant que 19% de plus de «lacunes», c est-à-dire de CAA non enregistrées, que le PR. Le pourcentage des CAA à l article-base, à l emplacement idéal, est presque aussi élevé. Si l on oppose le PR au TLFI, on a la surprise de voir que le pourcentage des «lacunes» est comparable, de même que celui des CAA retenues à l articlebase. Le TLFI contient uniquement plus de CAA à l article-collocatif, endroit peu utile dans le livre. 359 En raison de la relativité du concept de collocation, il serait possible de compter parmi les collocations des combinaisons que nous considérons comme des combinaisons libres. Les chiffres n ont pour autant qu une valeur approximative. En matière de collocations, des chiffres exacts ne sont pas possibles. 151

151 Puisque notre corpus de CAA n a pas pu être élaboré sur des bases statistiques solides, nous voulons donner moins d importance aux lacunes qu aux CAA enregistrées à l endroit utile pour l apprenant. Si on calcule le pourcentage des enregistrements utiles, à savoir de l enregistrement à l article-base et de l enregistrement autant à l article-base qu à l article-collocatif (bien que celui-ci soit peu économique dans un dictionnaire papier) par rapport au total des CAA enregistrées dans chaque dictionnaire, on obtient les résultats suivants : dans le Robert-CLE ce sont 26,3% des CAA enregistrées qui se trouvent aux endroits utiles, dans le Petit Robert ce sont 45,6% des CAA enregistrées, et dans le TLFI 27,4% des CAA enregistrées. 152

152 Dans cette optique-là, le Petit Robert l emporte très nettement sur les deux autres dictionnaires papier. Quant au Trésor de la Langue Française, le résultat varie : le dictionnaire papier obtient un mauvais résultat, car ici uniquement les CAA rangées aux articles-bases servent à l utilisateur, alors que dans la version informatisée, les CAA enregistrées à l article-collocatif sont accessibles à condition d être balisées comme syntagmes. On pourrait améliorer le rendement du TLFI en balisant plus de collocations comme syntagmes. Si on compare l utilité du Petit Robert électronique et du TLFI sur le plan de la recherche de CAA, il est clair que le TLFI l emporte sur le Robert. Le système de recherche du TLFI permet en principe de trouver le deuxième élément d une collocation grâce au type d objet SYNTAGME à condition qu elle soit balisée comme SYNTAGME. C est-à-dire qu il existe une catégorie spéciale pour les collocations. Dans le Petit Robert électronique, par contre, les éléments phraséologiques ne sont pas différenciés par le balisage des exemples, donc des combinaisons libres. La collocation n existe pas comme catégorie. Sur ce plan, le Petit Robert électronique n est pas plus utile qu un corpus non préstructuré. Si on tient compte de la taille de ces dictionnaires, le PR arrive à un résultat assez satisfaisant, tout en ayant le gros défaut de ne pas différencier typographiquement les collocations d autres catégories telles que les exemples. Le TLF et surtout le TLFI ne répondent pas en matière de collocations aux attentes malgré le volume et l importance lexicographique générale de ce dictionnaire. Il faut cependant souligner que le TLFI est le seul de nos 153

153 dictionnaires à avoir une catégorie spéciale pour les collocations, ce qui facilite le repérage électronique. Nous ne pouvons que répéter que, en raison de la relativité du concept de collocation et du caractère hasardeux de notre liste de CAA, les chiffres ne peuvent que servir d indices. Tous comptes faits, la représentation des CAA devrait être améliorée dans ces dictionnaires, car la plupart des CAA enregistrées dans ces dictionnaires sont introuvables pour celui qui ne connaît pas la collocation entière puisqu elles sont rangées à l article du collocatif. Il serait indispensable de les replacer à l article de la base. À cet endroit, nous voulons rappeler que le Dictionnaire du français contemporain de Dubois, Lagane et al. était un dictionnaire très riche en collocations, plus que le Petit Robert, même s il avait aussi l inconvénient de les ranger le plus souvent à l article du collocatif, comme l a démontré Hausmann. 360 Nous avons pu établir par des tests qu en matière de CAA même le DFC n était pas supérieur aux autres dictionnaires. Il est néanmoins déplorable que cet ouvrage si utile pour l apprenant étranger ne soit plus réédité. En outre le Robert méthodique, pour lequel nous avons procédé à plusieurs tests, ne s est pas révélé plus satisfaisant. 360 Hausmann Jean Dubois / René Lagane / Georges Niobey / Didier Casalis / Jacqueline Casalis / Henri Meschonnic, Dictionnaire du français contemporain. Paris : Larousse 1971, paru en Allemagne chez Langenscheidt. 154

154 4. La CAA dans le dictionnaire bilingue 4.1 Problèmes lexicographiques concernant les collocations dans un dictionnaire bilingue Un dictionnaire bilingue qui prévoit les deux directions, de langue A à langue B et de langue B à langue A, est appelé biscopal dans la terminologie de Hausmann / Werner 361. Il se compose de deux parties. Chacune de ces parties peut être monodirectionnelle ou bidirectionnelle. On entend par dictionnaire monodirectionnel un dictionnaire qui ne s adresse qu aux locuteurs maternels d une des deux langues en question, alors que le dictionnaire bidirectionnel s adresse aux locuteurs natifs des deux communautés linguistiques. Chaque partie du dictionnaire peut encore être conçue soit comme dictionnaire actif, soit comme dictionnaire passif. Un dictionnaire actif sert à l encodage en langue étrangère : c est soit un dictionnaire de production libre, soit un dictionnaire de thème (c est-à-dire pour traduire de la langue maternelle en langue étrangère). Le dictionnaire passif sert à la réception de textes dans la langue étrangère : c est un dictionnaire de lecture ou de version (c est-à-dire pour traduire de la langue étrangère en langue maternelle). 362 Selon la fonction que remplit un dictionnaire bilingue, on peut établir les catégories suivantes pour la paire de langues A et B 363 : langue maternelle A langue de départ A dictionnaire actif langue cible b langue de départ B dictionnaire passif langue cible A Tableau 9 : Catégories des dictionnaires bilingues langue maternelle B dictionnaire passif dictionnaire actif L idéal serait qu il existe quatre dictionnaires différents pour les situations d utilisation possibles. 364 Dans le cas du dictionnaire papier, cette spécialisation permettrait d alléger la microstructure, ce qui la rendrait plus lisible puisqu elle 361 Hausmann / Werner Nous suivons ci-dessous l argumentation de ces auteurs. 362 Nous envisageons ici uniquement les situations de production ou réception de textes écrits, la consultation de dictionnaires étant plus vraisemblable dans ce cas que lors de la production orale. 363 Cf. Hausmann / Werner Mugdan 1992, discutant les travaux de Ščerba, réclame pour la production libre en L2 un dictionnaire monolingue explicatif spécialement conçu pour les apprenants d une L1 particulière. 155

155 se limiterait à l information utile pour l usager d une seule langue maternelle dans une certaine situation de consultation. Ainsi une collocation, en raison de sa transparence, n a pas besoin d être retenue dans un dictionnaire passif, mais doit se trouver dans le dictionnaire actif. Un dictionnaire actif doit contenir en L2 tout ce qui n est pas prédictible pour l apprenant étranger, alors qu il n a pas besoin d enregistrer les mots rares. Ceux-ci doivent cependant se trouver dans le dictionnaire passif, car ils posent problème lors de la réception. En revanche, le dictionnaire passif peut réduire l information sur la L1 au strictement nécessaire puisque l usager est compétent dans sa langue maternelle. La réalité est que les dictionnaires bilingues ne sont pas spécialisés, mais sont à la fois des dictionnaires actifs et passifs pour les deux communautés linguistiques. Un tel dictionnaire bidirectionnel et bifonctionnel doit donc réunir toutes les informations nécessaires pour toutes les situations de consultation des deux communautés linguistiques. La conséquence est la suivante : Bidirektionale Wörterbuchteile können entweder ihren Zielen nicht voll gerecht werden oder müssen wesentlich umfangreicher und komplexer strukturiert (besonders auf der mikrostrukturellen Ebene) ausfallen als monodirektionale. 365 [Les parties de dictionnaires bidirectionnelles ne peuvent pas remplir complètement leur fonction à moins d être nettement plus longues et constituées d une structure plus complexe (surtout au niveau de la microstructure) que les dictionnaires monodirectionnels.] Pour des raisons de rentabilité les maisons d éditions conçoivent, en général, les dictionnaires bilingues de façon à ce qu ils puissent servir comme bidirectionnels autant aux apprenants de l une des langues qu aux apprenants de l autre (dans notre cas, autant aux germanophones apprenant le français qu aux francophones apprenant l allemand). Nous avons donc à faire à des dictionnaires bidirectionnels actifs et passifs en même temps. Quant à la recherche d une CAA dans un tel dictionnaire, il faut prévoir les cas suivants : L apprenant germanophone veut traduire une CAA allemande. Il ne connaît pas l équivalent français de la CAA entière, mais normalement celui de la base. Il peut donc chercher aux endroits suivants : - sous la base française (adjectif, par exemple malade) 365 Mugdan 1992, p

156 - sous la base allemande (adjectif, par exemple krank) - sous le collocatif allemand (adverbe, par exemple schwer) Dans la situation de la production libre, l apprenant n a pas toujours en tête le collocatif de sa langue maternelle. L enregistrement d une CAA à l article-base est donc doublement important. L apprenant francophone qui veut traduire une CAA française en allemand ou produire une CAA allemande est en mesure de chercher aux endroits suivants : - sous la base allemande (adjectif, par exemple krank) - sous la base française (adjectif, par exemple malade) - sous le collocatif français (adverbe, par exemple gravement) Contrairement au cas du dictionnaire monolingue, il est utile que les collocations soient aussi retenues aux articles-collocatif (de la L1 de chaque utilisateur, donc dans le dictionnaire bidirectionnel aux articles collocatifs des deux langues). Surtout si l apprenant tombe sur une collocation dans l exercice du thème et qu il a besoin de l équivalent dans la langue étrangère, il cherchera probablement à l article du collocatif de sa langue maternelle puisque c est la traduction de ce mot-là qui pose problème. Il faudrait aussi envisager le cas où un apprenant part d un adverbe L2 qu il a rencontré et cherche à s informer sur son champ collocationnel, à savoir sur les bases possibles. Cette situation est fréquente dans l apprentissage d une langue étrangère, du moins à un niveau avancé. L apprenant se sert alors du dictionnaire bilingue comme d un dictionnaire d apprentissage. Pour cette situation-là, la collocation devrait être enregistrée à l article du collocatif. Un dictionnaire bidirectionnel tel que nous l avons décrit devrait donc retenir une CAA à quatre endroits (c est-à-dire à tous les endroits possibles) : aux articles-base des deux langues et aux articles-collocatif des deux langues ou au moins établir un système de renvois qui guiderait l utilisateur à l endroit où cette collocation est enregistrée. Ensuite, la question se pose de savoir s il est nécessaire de donner l équivalent d une CAA dans l autre langue. Dans le dictionnaire bidirectionnel actif et passif les équivalents sont nécessaires dans les deux parties du dictionnaire puisqu il faut prévoir les équivalents pour l encodage en L2 des apprenants des deux langues maternelles. 366 Nous voulons montrer cela par l exemple de la collocation fortement impressionné : dans la partie français-allemand, l équivalent schwer beeindruckt n est pas nécessaire pour l utilisateur de langue maternelle 366 Cf. Hausmann / Werner 1991, p

157 allemande, car la collocation française est transparente et il est en mesure de trouver l équivalent allemand grâce à sa compétence de locuteur natif. Pour la production en français, l équivalent allemand n est pas non plus nécessaire pour ce même utilisateur, qui comprendra facilement que fortement prend dans cette collocation la fonction d adverbe d intensité. Cependant l équivalent allemand doit apparaître à cet endroit du dictionnaire pour l utilisateur de langue maternelle française, pour qui cette partie du dictionnaire prend la fonction de dictionnaire actif dans la langue étrangère. Bref, le prix de cette polyfonctionnalité du dictionnaire est une microstructure lourde. Un dictionnaire bilingue hypertextuel pourrait cependant parfaitement assumer les fonctions du dictionnaire bidirectionnel, car il est possible d adapter l affichage de l information aux besoins individuels de l utilisateur. 367 Nous avons supposé ci-dessous qu il y a toujours un équivalent d une CAA dans l autre langue. 368 Quand cela n est pas le cas, «[ ] le lexicographe n a d autre choix que de donner un équivalent explicatif, qui en clarifie le sens.» 369 Il faudrait montrer par la typographie si l équivalent est une collocation, une combinaison libre ou une glose. Dans les dictionnaires bilingues, le traitement des collocations est bien souvent trop peu systématique : on trouve fréquemment différents équivalents pour une seule collocation selon l endroit où celle-ci est enregistrée. À une époque où les dictionnaires sont élaborés avec ordinateur, cette faute pourrait être évitée facilement. Nous ne pouvons que répéter que le dictionnaire de collocations (qu il soit monolingue ou bilingue) est le seul dictionnaire papier qui pourrait présenter suffisamment de collocations sans atteindre un volume exagéré. On peut donc se demander si le dictionnaire bilingue est en mesure de contenir des collocations. Un argument pour la représentation des collocations est que, comme l ont prouvé différentes études 370, le dictionnaire bilingue est toujours, malgré ses manques, l outil préféré par les apprenants d une langue étrangère. 367 Voir aussi Petelenz Nous ne pouvons pas entrer ici dans la discussion du problème complexe de l équivalence entre les signes linguistiques de deux langues. 369 Roberts 1996, p Atkins / Varantola 1998, Heath / Herbst 1985, Schafroth

158 L attrait «magique» du bilingue est de faire croire qu à un mot de la langue étrangère correspond un mot de la langue maternelle, donc qu il y a toujours une solution simple pour passer d une langue à une autre. Même quand l apprenant sait que la notion d équivalence est réductrice et ne règle pas les problèmes de traduction, il se convainc qu à défaut d une équivalence exacte, il pourra se contenter d une équivalence approximative, au début de son apprentissage au moins, et qu il sera toujours temps, par la suite, de remplacer l outil trop rustique par un outil plus adéquat. [ ] En bref, il «croit» en la vertu d un bilingue qui ne le déroutera pas, qui ne le plongera pas, sans bouée de sauvetage, dans le monde inquiétant de la langue étrangère. 371 Comme le dictionnaire bilingue est consulté autant pour la réception que pour la production en langue étrangère, les collocations devraient y être représentées. Face au dictionnaire monolingue le bilingue a un grand avantage: il est automatiquement centré sur une paire de langue, ce qui permet de traiter les collocations de façon contrastive et de mettre en garde contre des fautes fréquemment faites par les apprenants de la langue maternelle en question. Il est possible de s adapter aux besoins des apprenants de ces deux langues et de lemmatiser uniquement les collocations qui pourraient poser problème en raison de leur idiosyncrasie. Une telle mesure d économie, peut-être nécessaire dans les dictionnaires papier, devrait en tout cas être expliquée dans la préface. 372 D une façon générale, on peut dire que les dictionnaires bilingues françaisallemand négligent le phénomène des collocations. L information collocationnelle est le plus souvent cachée dans les exemples. Selon Herbst / Klotz, dans les dictionnaires bilingues les exemples remplissent une fonction qui dépasse nettement celle de l illustration : les exemples servent souvent à restreindre la validité de l équivalence entre le lemme et sa traduction offerte ou à livrer des collocations qui n ont pas encore été présentées dans l article. 373 Les prétendus exemples fournissent donc, dans le bilingue, une information essentielle et supplémentaire, alors que dans le dictionnaire monolingue ils serviraient surtout à illustrer ou à rendre compréhensible la définition. 371 Galisson 1987, p Selon Nesselhauf 2003, les collocations qui se correspondent en L1 et L2 provoquent également des fautes, ce qui exigerait de les retenir aussi dans les dictionnaires. Le danger est d ailleurs que le fait qu une collocation ne soit pas retenue dans l article laisse supposer qu elle n existe pas. 373 Herbst / Klotz 2003, p

159 Modèle de la présentation de collocations dans un dictionnaire bilingue Comme il s agit d un dictionnaire bilingue, l enregistrement de collocations à l article du collocatif (ici, de collocations substantif-adjectif à l article de l adjectif) est légitime. L article d un adjectif français pourrait être conçu de la façon suivante : [Lemme] : [équivalent] [ autres types d informations ] [catégorie grammaticale du collocatif] [collocatifs synonymes] [équivalent de la collocation entière ou du collocatif] [catégorie grammaticale de la base] Exemple : blessé : adj. verletzt [autres informations] COLL. :+ ADV [grièvement, gravement, dangereusement ~]: schwer contr. [légèrement ~]: leicht COLL. :+ SUBST. On peut envisager de ranger les collocations sous une propre rubrique «collocations» par exemple à la fin de chaque article où l on réunirait toutes les collocations possibles (traitement non-intégré, comme le fait le TLF) ou de les présenter dans la sous-entrée du sens correspondant (traitement intégré). Nous avons choisi ici la présentation compactée avec ~ en raison de la place limitée dans un dictionnaire papier. Pour une version électronique il serait souhaitable de présenter les collocations entières pour les deux langues : COLL. : + ADV [grièvement blessé, gravement blessé, dangereusement blessé]: schwer verletzt contr. [légèrement blessé] : leicht verletzt L article d un adverbe pourrait être conçu de la façon suivante : sérieusement : adv. [autres informations] COLL. :+ VERBE... COLL. :+ ADJ [malade]: schwer krank [endommagé] : schwer beschädigt... profondément : adv. [autres informations] COLL. :+ VERBE COLL. :+ ADJ [attaché]: fest verbunden [déçu]: zutiefst / schwer enttäuscht [vexé] : schwer beleidigt

160 schwer : adv. [autres informations] COLL. : + VERBE COLL. :+ ADJ [verletzt]: grièvement blessé; [krank]: gravement malade; [enttäuscht]: profondément déçu... Comme l équivalent d un adverbe dépend de la collocation dans laquelle il apparaît, il est recommandable de ne présenter son équivalent qu après la collocation. Un article d adverbe qui propose uniquement des traductions isolées sans contextes en langue de départ - comme on en trouve dans certains dictionnaires bilingues n est d aucune aide pour l apprenant et prend donc inutilement de la place C est le défaut de nombreux dictionnaires bilingues fortement sélectifs, dans lesquels on ne trouve plus que les traductions possibles, mais pas les phrases-exemples à partir desquelles elles avaient été élaborées (le but étant de gagner de la place). Sans leur contexte ces traductions ne sont pas transparentes pour l utilisateur. Exemple : Dictionnaire compact français allemand, allemand français. Larousse s.v. schwer, adverbe, on donne six traductions différentes en n indiquant qu une fois la base correspondante : schwer adv. 1. [stark an Gewicht] lourdement -2. [stark] fortement -3. [schlimm] gravement -4. [schwierig] difficilement -5. [arbeiten] dur, durement -6. [schlecht, kaum] difficilement; ~ hören entendre mal Il serait utile d indiquer dans la langue cible des bases possibles : par exemple pour 1 [beladen] chargé (lourdement ~), pour 2 [beschädigt] endommagé (fortement ~) etc. 161

161 4.2 Les dictionnaires Pons Le Pons Großwörterbuch Französisch (1996) Le terme de collocation dans le PGW-F 1996 Le Pons Großwörterbuch Französisch-Deutsch, Deutsch-Französisch (PGW-F 1996) est l exemple d un dictionnaire bidirectionnel actif et passif. L édition analysée ici est celle de 1996 ; la réédition de 1999 est identique en ce qui concerne le traitement des collocations. D après les indications sur la jaquette, le nombre d entrées du dictionnaire s élève à environ Il s agit d un dictionnaire bidirectionnel qui est destiné aux apprenants des deux langues, car il est aussi diffusé en France (par Larousse sous le titre de Harrap's Universal Dictionnaire Allemand-Français / Français-Allemand). Au printemps 2004, la maison d édition a remplacé ce dictionnaire par un nouveau dictionnaire du même titre, Pons Großwörterbuch Französisch- Deutsch, Deutsch-Französisch (PGW-F 2004) avec entrées et expressions. Comme nous avions déjà terminé l analyse des dictionnaires, nous nous sommes contentée d ajouter une courte analyse comparative du nouveau Pons de 2004, qui suivra celle du Pons de Le terme de collocation apparaît dans les «notes explicatives» au début du dictionnaire (PGW-F 1996) sous le point 4.5. La différence n est pas faite entre base et collocatif, les deux éléments sont appelés collocateurs / Kollokatoren. Les «collocateurs» sont traités comme simple aide pour la bonne traduction du lemme, «[b]alises de différenciation sémantique guidant l utilisateur à la bonne traduction» 375, ce qui ne correspond pas à leur importance fondamentale dans la communication. Un utilisateur qui ne connaît pas le concept de collocation aura une fausse idée de ce que sont les collocations. À cet endroit des notes explicatives, on présente à l utilisateur les possibles «collocateurs» (dont les CAA) qu il trouvera dans la microstructure du dictionnaire : - «compléments d objet ou compléments directs ou indirects d un verbe ou d une construction» - «substantifs typiques fréquemment associés à l adjectif en question» 375 PGW-F 1996, p.xvii-xviii 162

162 - «adjectifs et verbes typiques fréquemment associés à l adverbe en question» 376, ce qui correspondrait dans la terminologie utilisée dans ce travail à - collocation substantif-verbe - collocation substantif-adjectif - collocation verbe-adverbe et collocation adjectif-adverbe. Il ressort de ces explications que la différence de statut entre les bases et les collocatifs n a pas été envisagée et que les bases ont été rangées systématiquement aux articles des collocatifs, puisque les substantifs sont indiqués aux articles des verbes et des adjectifs etc. Ceci n est pas faux dans le dictionnaire bilingue à condition qu une collocation soit enregistrée pour chaque utilisateur à l article du collocatif de sa langue maternelle. L enregistrement à l article-base (base de la L1 ou de la L2) aurait l avantage que l utilisateur qui, dans la production libre, n a pas forcément le collocatif de sa L1 en tête puisse quand même avoir accès à la collocation. La définition du terme de collocation du PGW-F 1996, «[mots] typiques fréquemment associés au [mot] en question» 377, est comparable à celle que nous avons utilisée dans ce travail si l on entend par typique une affinité entre ces mots. Les composés sont aussi considérés comme des collocations dans le PGW-F Du point de vue linguistique, la définition devrait être plus précise, même si elle a l avantage d être compréhensible pour le non-linguiste. Dans les «notes explicatives», on trouve deux exemples de CAA. Ces CAA sont rangées dans les articles des adverbes, où l on indique des bases correspondantes, indice que les CAA, elles aussi, ont plutôt été rangées à l article-collocatif. Contrairement aux locutions, les collocations n ont pas de propre paragraphe dans les articles, elles y sont intégrées et ne sont pas présentées d après un ordre fixe. Les locutions sont rangées dans les articles d après les catégories grammaticales de leurs autres constituants. Un tel rangement serait souhaitable pour les collocations Présentation typographique Les collocations sont typographiquement reconnaissables : la collocation de la langue de départ est écrite en italique et précède la traduction du lemme. Ainsi les collocations se différencient des exemples, qui sont imprimés en italique 376 Il s agit d une erreur d imprimerie. Dans le texte original on trouve «adjectifs et verbes typiques fréquemment associés au verbe en question». PGW- F 1996, pp.xvii-xviii 377 PGW-F 1996, p.xviii 163

163 demi-gras, et des locutions, qui sont écrites en demi-gras et se trouvent dans le bloc phraséologique annoncé par une flèche. L équivalent d une collocation en langue cible n est pas relevé par la typographie. Les collocations seraient plus facilement repérables si elles étaient écrites sur un fond de couleur (comme c est le cas pour les locutions dont le premier constituant est imprimé sur un fond gris). Il est aussi regrettable que les exemples, qui ne sont que des contextes potentiels mais pas forcément typiques, soient plus soulignés par la typographie (en caractères demi-gras) que les collocations Traitement des CAA Dans le PGW-F 1996 le traitement des collocations n est pas conséquent : elles n apparaissent pas uniquement comme collocations mais aussi souvent dans les exemples ou même dans le bloc phraséologique, réservé aux locutions. Avant de trouver une certaine collocation il faut souvent recourir à de longues listes de «collocateurs» (collocatifs ou bases), car les «collocateurs» ne sont pas rangés d après la morphosyntaxe mais uniquement d après le sens que prend le lemme en cooccurrence avec eux. L article d un adjectif allemand, par exemple, est divisé d abord en deux parties (introduites par des chiffres romains) pour les deux catégories grammaticales qu il peut adopter, son emploi comme adjectif et son emploi comme adverbe. Ensuite, chaque partie est subdivisée d après les différents sens que prend le lemme selon le «collocateur» (base ou collocatif) avec lequel il se combine. C est d abord le sens du lemme qui détermine le rangement des «collocateurs» et ensuite l ordre alphabétique de ceux-ci ; les «collocateurs» apparaissent quasiment dans le «désordre» morphosyntaxique et sémantique, comme à l article tief où les bases verbales, adjectivales et participiales apparaissent mélangées : s.v. tief : [ ] II.5 : [...] bedauern, bewegt; [...] bedrückt, betrübt, empfunden, erschüttert, traurig. Il est compréhensible que les «collocateurs» n aient pas été traduits, car dans un dictionnaire papier la place est limitée. Les traductions auraient pourtant été utiles, car l apprenant ne saura pas toujours trouver l équivalent d une base ou d un collocatif en L2 et sera donc obligé de consulter une deuxième fois le dictionnaire. Le fait qu il y ait des préférences dans le choix de mots synonymes ou presque-synonymes n est pas pris en considération. 164

164 Exemple : s.v. tief sous la rubrique II.5, on présente à l utilisateur les bases suivantes : bedauern, bewegt vivement ; bedrückt, betrübt, empfunden, erschüttert, traurig profondément. Il est peu vraisemblable que l utilisateur qui veut produire un texte en L2 connaisse l équivalent L2 de tous ces verbes et adjectifs. Dans notre analyse, nous nous limitons à la perspective de l apprenant germanophone. Pour des CAA allemandes, relevées dans le corpus électronique allemand COSMAS 378, nous avons cherché une traduction française comme le ferait un utilisateur ; c est-à-dire que nous avons cherché aux articles de la base allemande, du collocatif allemand et de la base française. CAA allemande s.v. base allemande s.v. collocatif allemand tödlich beleidigt - part. pas lemmatisé s.v. inf.: + (à mort) dünn besiedelt - + s.v. dünnbesiedelt : peu peuplé schwer beeindruckt part. pas lemmatisé s.v. inf. : s.v. base française part. pas lemmatisé s.v. inf. : part. pas lemmatisé s.v. inf. : - schwer enttäuscht s.v.inf.:- frisch verliebt schwer krank - + (CVA) - frisch verheiratet (jeune(s) marié(s)) stark erkältet +: très +: très pas lemmatisé s.v. inf. : - weit fortgeschritten - +: bien - schwer bewaffnet - + (solidement armé 379 ) hoch verschuldet pas lemmatisé s.v. inf. : - schwer verletzt part. pas lemmatisé + s.v. hochverschuldet: surendetté + (CVA) - endetté: - - (on trouve grand blessé, blessé grave) 378 Cf. chapitre La CAA solidement armé est, dans nos corpus, nettement moins fréquente que armé jusqu aux dents. Le choix de cette CAA est donc problématique, d autant plus qu elle est plutôt utilisée au sens figuré («préparé» : «gewappnet»).

165 s.v. inf. : - blessé, blessé grave) streng vertraulich Tableau 10 : Représentation des CAA allemandes dans le PGW-F 1996 Sur nos 13 CAA, 2 sont enregistrées à l article de la base allemande, 8 à l article du collocatif allemand (en comptant une CAA comme enregistrées si la CVA correspondante est retenue) et 2 à l article de la base française. Les collocations allemandes semblent donc être surtout retenues à l article du collocatif allemand. Ces exemples ne sont pas assez nombreux pour en tirer une conclusion définitive. De plus, il n y a pas toujours une équivalence entre les deux langues. 380 C est pourquoi nous avons effectué des recherches supplémentaires en consultant tous les articles des bases et collocatifs de notre liste chapitre 3.3 afin d y relever toutes les CAA du PGW-F La recherche à l article du collocatif français a été faite pour découvrir d éventuelles richesses cachées du PGW-F 1996 en matière de CAA, même si elle ne était pas faite par un utilisateur germanophone dans la situation de l encodage. Le tableau 11 montre toutes les CAA enregistrées aux articles-collocatif. Si des collocations verbe-adverbe sont enregistrées en plus, cela est indiqué dans la colonne de droite. Il nous a semblé opportun de signaler l enregistrement de CVA puisque les limites entre les catégories CAA et CVA sont floues. s.v. collocatif CAA enregistrées CVA enregistrées absolument - - agréablement - - chaudement disputé + civilement - - collectivement - - confortablement - + cruellement Une CAA dans la langue de départ peut avoir comme équivalent un seul mot ou une paraphrase: sehr hungrig correspond à affamé, qui exprime en soi l idée de haut degré, alors que hungrig signifie qui a faim. 166

166 s.v. collocatif CAA enregistrées CVA enregistrées dangereusement blessé - désagréablement - - diamétralement - - responsable, affecté, contraire, - directement contradictoire, opposé durement - - élégamment - + entièrement - - éperdument - - essentiellement - - étroitement logé, lié, uni + attiré, alcoolisé, minéralisé, + faiblement touché, menacé farouchement hostile - fermement décidé + financièrement - - foncièrement - - fondamentalement constitué, opposé, faux - fortement - + fraîchement cueilli, labouré, arrivé, accueilli - génétiquement - - globalement - + gravement menacé, malade, coupable - grièvement - - hautement industrialisé, qualifié - intimement convaincu, persuadé, lié - largement répandu, suffisant + légèrement armé, blessé, handicapé, sourd + maladivement - - mentalement - - mondialement - - mortellement ennuyeux - 167

167 s.v. collocatif CAA enregistrées CVA enregistrées clair, égal, heureux, exact, idiot, - parfaitement ridicule pauvrement meublé, vêtu, éclairé, logé - pénalement sanctionné - pleinement - - politiquement - - choqué, ému, touché, vexé, - profondément convaincu, différent remarquablement beau, docile, doué, intelligent + richement décoré, vêtu, meublé, doté + rigoureusement exact, interdit, authentique, vrai + savamment costumé - sensiblement - - sérieusement touché, blessé - sexuellement - - sobrement - + solidement attaché, installé + statistiquement - - interdit, pareil, confidentiel, + strictement personnel, réservé à, parlant, vêtu, supérieurement - - tristement vrai, célèbre + unanimement convaincu + universellement - - violemment - + visiblement fatigué, inquiet, heureux - vivement - + Tableau 11 : CAA retenues aux articles des adverbes dans le PGW-F 1996 Le tableau 12 contient les CAA qu on trouve à l article de la base française. En raison des limites floues entre l adjectif et le participe passé, nous avons aussi 168

168 consulté l article du verbe correspondant dans le cas des adjectifs dérivés de verbes. base CAA enregistrée s.v. base CVA s.v. inf. amoureux - - arrivé pas lemmatisé - attaché - - beau - blessé - célèbre tristement choquant - - choqué pas lemmatisé - combiné pas lemmatisé - confidentiel - connu - convaincu - - correct - débarqué fraîchement, frais - décidé - - déçu - - défini - - dépendant - - déterminé - - différent - - disputé pas lemmatisé - dosé pas lemmatisé - doté - richement éclairé - - élu - - ému - - endommagé pas lemmatisé - enraciné pas lemmatisé - épicé - - éprouvé

169 base CAA enregistrée s.v. base CVA s.v. inf. étonné - - faux - heureux - impliqué pas lemmatisé - impressionné pas lemmatisé - indépendant - indispensable - industrialisé pas lemmatisé - installé - commodément intégré - - intelligent - interdit formellement - intéressé - vivement jaloux - lié - étroitement, profondément malade - modifié pas lemmatisé - moulu - - nécessaire - opposé diamétralement - personnel - peuplé - - positif - qualifié hautement - recommandé pas lemmatisé - reconnaissant - reconnu - - repeint pas lemmatisé - représentatif - représenté pas lemmatisé - réprimé pas lemmatisé - responsable - 170

170 base CAA enregistrée s.v. base CVA s.v. inf. retardé - (retardé mental) satisfait - - spécialisé - - surpris pas lemmatisé - touché pas lemmatisé - transmissible - vêtu chaudement, légèrement chaudement vexé pas lemmatisé - Tableau 12 : CAA retenues aux articles des adjectifs ou participes passés dans le PGW- F 1996 L apprenant germanophone n a pratiquement aucune chance de trouver l équivalent d une CAA allemande s il la cherche à l article de la base allemande ou à l article de la base française. À l article de la base allemande on indique quelquefois des adverbes passe-partout comme très. Aux articles des 61 collocatifs français nous avons pu relever 87 CAA. À cet endroit les CAA sont peu utiles pour l apprenant étranger. Si le choix du collocatif est idiosyncrasique, l utilisateur ne peut pas trouver la CAA à l article-collocatif. (Il est par exemple peu probable qu en partant de schwer beschädigt l utilisateur ait l idée de consulter l article sérieusement où il trouverait sérieusement endommagé.) L utilisateur est aussi en mesure de consulter l article de la base française correspondant à la base allemande, même si l équivalence n est pas toujours donnée. On ne trouve que 8 CAA pour les 70 bases adjectivales analysées (et 6 à l article du verbe correspondant). Le système de renvois entre articles d adverbes et articles d adjectifs n est pas assez développé. On pourrait pourtant gagner de la place en ne lemmatisant qu une seule fois une collocation dans chaque partie du dictionnaire. Le Pons Großwörterbuch Französisch ne contient pas assez de CAA pour servir à la production de textes en langue étrangère. Un tel dictionnaire ne peut bien entendu pas remplir les fonctions d un dictionnaire de collocations, mais devrait tout de même en inclure davantage pour répondre à la fonction de dictionnaire de production en langue étrangère. On en vient donc au constat de Galisson que le bilingue est avant tout un «dictionnaire de dépannage» : [ ] le saucissonnage des données (leur lamellisation, leur atomisation même), qui constitue la force du dictionnaire de dépannage, devient sa faiblesse lorsqu il s adresse à des apprenants de langue étrangère, qui 171

171 ont besoin de dépasser le stade de l information en miettes, pour structurer leurs connaissances et se construire un savoir cohérent [et pour ceux qui doivent produire des textes en langue étrangère] Le nouveau Pons Großwörterbuch Französisch (2004) Pour les raisons exposées ci-dessus, il ne nous a plus été possible de procéder à une analyse détaillée du nouveau Pons Großwörterbuch Französisch, paru au printemps 2004, mais nous le comparerons brièvement au Pons Großwörterbuch de Ce nouveau Pons Großwörterbuch Französisch (PGW-F 2004) aurait été conçu sur la base du Pons Handwörterbuch, c est-à-dire indépendamment du Pons Großwörterbuch de 1996, ce que les ressemblances entre ces deux dictionnaires semblent contredire. D après ce qui ressort des notes explicatives du dictionnaire, le PGW-F 2004 n accorde pas plus de place aux collocations. Le terme de collocation passe même encore plus à l arrière-plan, car les collocations sont qualifiées d «indicateurs». 382 Ces indicateurs, qui ne sont appelés collocations qu à un seul endroit des notes explicatives, sont définis de façon peu précise : «[ ] on entend par cela en termes simples des mots qui s associent fréquemment à l entrée et qui sont souvent utilisés avec elle.» 383 On aurait pu ajouter à cette définition le mot typiquement, qui d ailleurs est nommé dans les explications qui suivent. La présentation typographique des collocations n a pas été améliorée par rapport au PGW-F 1996 : les «collocateurs» sont écrits en italique et n ont pas de propre paragraphe. Dans les notes explicatives, on présente les types de collocations suivants : - «sujets typiques de verbe ou d une locution verbale» - «compléments d objet direct typiques du verbe» - «substantifs typiques de l adjectif» - «adjectifs et verbes typiques de l adverbe» - «compléments du nom typiques des substantifs», ce qui correspond dans notre terminologie aux types de collocation suivants : - nom sujet + verbe (rangé s.v. collocatif) - nom objet + verbe (rangé s.v. collocatif) 381 Galisson 1987, p Pons Großwörterbuch Französisch 2004, p.x 383 Pons Großwörterbuch Französisch 2004, p.x 172

172 - nom + adjectif (rangé s.v. collocatif) - adjectif + adverbe et verbe + adverbe (rangé s.v. collocatif) - nom + nom. Pour avoir un indice du traitement des CAA dans ce dictionnaire nous y avons recherché les mêmes 13 CAA allemandes que dans le PGW-F CAA allemande s.v. base allemande s.v. collocatif allemand s.v. base française tödlich beleidigt - + (CVA) part. pas lemmatisé s.v. inf. : - dünn besiedelt + + (avec renvoi de l ancienne orthographe au collocatif) schwer beeindruckt pas lemmatisé s.v. inf. : - - (mais on trouve tief beeindruckt avec l équivalent très impressionné) (peuplé est présente avec l équivalent dicht bevölkert) pas lemmatisé s.v. inf. : - schwer enttäuscht - + (CVA) part. pas lemmatisé s.v. inf.: - frisch verliebt schwer krank + + (double enregistrement: renvoi du composé à la base et enregistrement de la CVA) frisch verheiratet (le(s) jeune(s) marié(s)) stark erkältet weit fortgeschritten - + (bien) - schwer bewaffnet hoch verschuldet + (solidement armé 384 ) pas lemmatisé s.v. inf. : - + (double enregistrement: renvoi du composé à la base et enregistrement à l article-collocatif) + (s.v. hochverschuldet: surendetté) 384 Nous avons commenté le choix de cette CAA au chapitre

173 surendetté) schwer verletzt pas lemmatisé + (CVA) - s.v. inf. : + streng vertraulich + - (strictement est - certes indiqué mais sans contexte, ce qui ne permet pas à l usager allemand de faire le lien avec la CAA) Tableau 13 : Représentation des CAA allemandes dans le PGW-F Sur nos 13 CAA, 6 sont enregistrées à l article de la base allemande, 9 à l article du collocatif allemand (si on compte une CAA comme enregistrée dans les cas où la CVA correspondante est retenue) et 2 à l article de la base française. En ce qui concerne le traitement des CAA et leur présentation, le PGW-F 2004 ne semble pas, d après ce test, différer fondamentalement du PGW-F La réforme de l orthographe de 1996 a cependant entraîné certains changements dans la pratique lexicographique. Le dictionnaire n a pas renoncé aux anciens composés qui n existent plus depuis cette réforme. Il les inclut toujours dans la macrostructure mais uniquement en tant que renvois à l article où est enregistrée la collocation (soit l article de la base, soit à celui du collocatif). L ancien composé hochempfindlich apparaît dans la macrostructure comme renvoi à l article de la base empfindlich. Il en est de même pour l adjectif hochentwickelt. Ainsi grâce à la réforme de l orthographe, on trouve plus souvent les CAA à l article-base qu auparavent. Cependant le manque de systématique est toujours le même. La CAA dünn besiedelt n est pas traitée à l article de la base mais à celui du collocatif Le Pons Lexiface professional Französisch Cinq ans après son concurrent Langenscheidt, la maison d édition Klett a lancé en 2001 une série de dictionnaires bilingues sur CD-ROM pour l anglais, le français, l espagnol et l italien sous le nom de Pons Lexiface professional. Le dictionnaire sur CD-ROM français-allemand, allemand-français avec ses entrées et expressions sert principalement à fournir l équivalent d un mot dans l autre langue. Un très grand inconvénient est qu il n est pas possible de «lire» dans le dictionnaire un article après l autre, c est-à-dire qu il n y a pas 174

174 de présentation linéaire. 385 Dans le domaine de la syntagmatique, le dictionnaire n est pas une aide puisqu on ne peut pas procéder à des recherches complexes. Les collocations qui sont enregistrées dans ce dictionnaire sont introuvables parce que le système de recherche ne trouve que les lemmes et les sous-lemmes et que la recherche ne peut pas être étendue au texte intégral. Il n est pas possible de rechercher un groupe de mots. L avantage du Lexiface professional est qu il propose la fonction Pop-Up, c està-dire que, dans Internet ou dans les traitements de textes, il suffit de pointer avec le curseur sur un mot pour qu il en propose une traduction ; il accompagne dans la lecture d un texte. Ce dictionnaire sert donc à l usager qui ne cherche qu une proposition rapide pour un problème de traduction mais pas à l apprenant avancé qui a besoin d informations syntagmatiques détaillées. 4.3 Les dictionnaires Langenscheidt L autre grand éditeur de dictionnaires en Allemagne, Langenscheidt, avait fait un pas décisif dans la lexicographie des collocations avec la publication du Kontextwörterbuch, que nous avons présenté. De cet éditeur nous allons à présent tester un dictionnaire scolaire, un dictionnaire extensif, sa version électronique et un dictionnaire actif quant au traitement des CAA. Les collocations devraient bien y être représentées, car Langenscheidt insiste dans son catalogue publicitaire sur l utilité de ces ouvrages pour l encodage en langue étrangère Le Langenscheidt Power Wörterbuch Französisch Nous avons analysé la nouvelle version du Langenscheidt Power Wörterbuch Französisch (LPW-F) de Bien qu il s agisse d un dictionnaire sélectif avec une macrostructure d environ lemmes et expressions, le Power Wörterbuch devrait retenir des collocations puisque c est un dictionnaire d apprentissage. Il est bilingue et, - ce qui est rare sur le marché des dictionnaires bilingues -, monodirectionnel, destiné uniquement aux apprenants de langue maternelle allemande. Il est conçu pour l usage scolaire et, explicitement, autant pour la réception que pour la production en langue étrangère. 385 Zöfgen 2002, p

175 Étant donnée la monodirectionnalité, un traitement ciblé des collocations serait possible. D après l introduction, les collocations y ont été retenues. 386 Nous avons analysé le traitement des CAA à l aide de la même liste de CAA allemandes que pour le dictionnaire PONS. Pour ces CAA il n y a pas toujours en français une CAA correspondante, ce qui nous a permis de voir comment étaient traités les cas d équivalence zéro. Nous avons limité notre recherche aux articles de la base et du collocatif allemand, endroits auxquels un élève allemand chercherait vraisemblablement; la recherche à l article de la base étrangère est peu probable à ce niveau. CAA allemande s.v. base allemande s.v. collocatif allemand tödlich beleidigt - + dünn besiedelt ni part. ni inf. lemmatisés + schwer beeindruckt part. pas lemmatisé - s.v. inf.: + (CVA : stark beeindrucken) schwer enttäuscht part. pas lemmatisé + s.v. inf. - frisch verliebt - - (mais beaucoup de CAA avec frisch) schwer krank + + frisch verheiratet - - (mais beaucoup de CAA avec frisch) stark erkältet part. pas lemmatisé - s.v. inf.: - weit fortgeschritten - - schwer bewaffnet - - inf. pas lemmatisé hoch verschuldet part. pas lemmatisé - schwer verletzt s.v. inf. : - part. pas lemmatisé s.v. inf.: + (et tödlich verletzt : mort dans un accident) streng vertraulich - + Tableau 14 : Représentation des CAA allemandes dans le LPW-F + (grièvement blessé comme équivalent de schwer verwundet) 386 Power Wörterbuch Französisch, p

176 À l article de la base allemande, on trouve pour 3 de nos 13 CAA allemandes un équivalent. À l article du collocatif allemand, on trouve un équivalent pour 5 de nos 13 CAA. Si on prend aussi en compte les autres CAA qui sont enregistrées aux articles des collocatifs, on arrive à la conclusion qu il y a une nette tendance à ranger les collocations à l article du collocatif. Dans un dictionnaire monodirectionnel le traitement des CAA devrait être plus détaillé Le Langenscheidt Handwörterbuch Französisch Le Langensscheidt Handwörterbuch Französisch (LHW-F) paru en 2000 est conçu comme dictionnaire actif et passif bidirectionnel. Il regroupe environ lemmes et expressions et contient, d après l introduction aussi des collocations. 387 Le terme de collocation n est pas expliqué dans la préface. Les collocations sont seulement nommées, à côté des locutions, comme un des éléments de la catégorie «mehrgliedrige Ausdrücke» (unités polylexicales), dont l usager apprend dans la préface qu elles ne sont enregistrées, pour des raisons de place, qu une seule fois dans le dictionnaire (c est-à-dire une seule fois dans chaque partie du dictionnaire). Aucune différence n est faite entre la base et le collocatif ; le rangement serait effectué «le plus souvent» (manque de systématique déplorable) d après le principe suivant : une expression qui contient un ou plusieurs substantifs se trouve à l article du premier substantif, une combinaison entre un substantif et un adjectif, à l article de l adjectif etc. La structure des articles, elle, est aussi organisée d après un schéma fixe pour les unités polylexicales : lemme + adjectif lemme + substantif substantif + lemme substantif + verbe. À l intérieur de chacune de ces catégories grammaticales, les combinaisons sont rangées d après l ordre alphabétique. Dans les articles des adverbes et des adjectifs, le système de rangement des combinaisons est donc le suivant : 387 Langenscheidt Handwörterbuch Französisch, p.11 Dans le catalogue Sprachen lernen 2004 de ce même éditeur, nous lisons: «zahlreiche Kollokationen, Beispiele, Grammatik- u.a. Erläuterungen für die stets korrekte Verwendung eines Wortes» [typographie conforme à l orginal]. 177

177 adverbe : [ ] collocations avec adjectif [ ] collocations avec verbe adjectif : [ ] collocations avec substantif D après les indications données dans la préface, les collocations avec adverbes ne sont pas prévues aux articles traitant des adjectifs. Nous verrons que les CAA sont, en effet, retenues surtout aux articles des adverbes, donc aux articlescollocatif. Voyons le traitement des 13 CAA allemandes. CAA allemande s.v. base allemande s.v. collocatif s.v. base française allemand tödlich beleidigt - + (CVA: jn tödlich beleidigen: offenser, blesser qn part. pas lemmatisé s.v.inf. : - mortellement) dünn besiedelt part. pas lemmatisé + (peu peuplé) + s.v. inf.: + (avoir une population dense) schwer beeindruckt part. pas lemmatisé s.v. inf.: - - part. pas lemmatisé s.v.inf.: - schwer enttäuscht part. pas lemmatisé + - frisch verliebt s.v. inf.: - - (mais unsterblich, bis über beide Ohren verliebt sein: être éperdument amoureux de qn) (mais de nombreuses CAA avec frisch) schwer krank frisch verheiratet (s.v. subst.: les jeunes mariés) stark erkältet part. pas lemmatisé - - s.v. inf.: - weit fortgeschritten (bien avancé pour la saison) schwer bewaffnet part. pas lemmatisé - - s.v. inf.: - hoch verschuldet schwer verletzt adj. pas lemmatisé, mais s.v. inf. : + - (mais CVA schwer verwunden) streng vertraulich Tableau 15 : Représentation des CAA allemandes dans le LHW-F - - (s.v. subst.: grand blessé, blessé grave, blessé léger)

178 D après nos tests, le traitement des CAA dans le Handwörterbuch est pratiquement identique à celui du Power Wörterbuch. Ce dernier a certainement été élaboré sur la base du Handwörterbuch. À l article de la base allemande, on trouve pour 4 de nos 13 CAA allemandes un équivalent. À l article du collocatif allemand, on trouve pour 5 de nos 13 CAA allemandes un équivalent. À l article de la base française, on trouve pour 3 de nos 13 CAA un équivalent. Vu la taille du dictionnaire, le résultat est assez décevant. Nous ne répétons pas les recherches détaillées que nous avions faites pour le PONS et considérons ces résultats comme indices du traitement des CAA dans le dictionnaire Le Langenscheidt e-handwörterbuch Französisch La publicité de la version électronique du Handwörterbuch Französisch, le e- Handwörterbuch Französisch (LeHW-F), se base sur les avantages du système de recherche entre autres pour les unités polylexicales. 388 Les collocations devraient donc y être facilement repérables. Nous allons vérifier si cela est vraiment le cas. D abord l usager a le choix entre l allemand ou l anglais comme métalangue. Il est dommage que le français ne soit pas prévu, car pour les apprenants avancés l utilisation du système français serait un exercice supplémentaire qui permettrait d apprendre le vocabulaire de l ordinateur. Comme dans tous les dictionnaires électroniques Langenscheidt, il existe deux types de recherche : - la recherche simple («Schnellsuche»), qui ne nous intéresse pas dans notre contexte parce qu elle sert à la recherche d un mot et non pas d un groupe de mots, - la recherche avancée («Profisuche»). Celle-ci permet de limiter la recherche à l une des deux parties du dictionnaire (dictionnaire allemand-français ou dictionnaire français-allemand), à la macrostructure, aux expressions («Phrasen») ou de l étendre au contraire au texte intégral. L utilisateur a aussi l option d utiliser des opérateurs logiques : a&b : «a ou b», c est-à-dire que les deux éléments recherchés doivent apparaître dans le résultat. a b : «a ou b», c est-à-dire que l un des deux éléments doit être inclus dans le résultat. 388 Cf. le catalogue Sprachen lernen 2004 du même éditeur: «vielfältige Suchoptionen mit Erkennen von Mehrwortbegriffen und Wendungen». 179

179 a! b : «a mais pas b», c est-à-dire que l élément b (celui qui suit l opérateur) est exclu du résultat. Il est en outre possible de déterminer le nombre de mots qui peuvent séparer les éléments recherchés. Ce qui est pratique, c est que les résultats sont présentés dans une liste rangée par ordre alphabétique qui apparaît dans la fenêtre de gauche. Dans la fenêtre de droite apparaît l article sur lequel on clique. Les mots recherchés sont facilement repérables grâce aux couleurs. En outre, il est possible de mettre en marche la tolérance orthographique en cas de doutes. Il y a encore d autres options dans la «recherche assistée» sur lesquelles nous ne voulons pas nous pencher. Ce qui nous intéresse ici, c est en quoi celle-ci est utile pour trouver des collocations. Si on part d une collocation donnée dans une des deux langues du dictionnaire, on obtient facilement son équivalent dans l autre langue. schwer & krank dans «Phrasen» : on obtient une liste de résultats parmi lesquels on trouve les articles de gravement et de malade où la collocation française est enregistrée. Les collocations cachées à l article du collocatif de L2 sont ainsi rendues accessibles. Un grand inconvénient est que, pour vérifier une collocation L2, les deux mots doivent être tapés dans le bon ordre, c est-à-dire exactement dans l ordre dans lequel la collocation est retenue dans le dictionnaire. 389 Ceci est problématique pour les collocations dont l ordre peut varier, comme par exemple dans les collocations avec adverbe de domaine telles que financièrement dépendant ou dépendant financièrement. D ailleurs l utilisateur habitué à manier des opérateurs logiques ne s attendra pas à une telle restriction. Les collocations ne sont pas toujours marquées comme expressions («Phrasen»). Pour récupérer les collocations qui se trouvent dans les exemples ou définitions, il faut lancer la recherche dans le texte intégral. L inconvénient est qu on obtient comme résultats aussi les articles dans lesquels les deux mots apparaissent sans être en relation. Si on part d un mot isolé et qu on cherche les possibles partenaires collocationnels, il faut indiquer ce mot en choisissant la recherche dans les expressions («Phrasen»). 389 Cf. le manuel du e-handwörterbuch (fichier Handbuch.doc), p

180 Comme résultats on obtient toutes les collocations balisées comme «Phrasen». Le travail de tri reste en général limité, car le dictionnaire ne contient qu un nombre limité d expressions (collocations et locutions). Quelqu un qui chercherait l équivalent de eng befreundet peut lancer une recherche avancée («Profisuche» dans les deux parties du dictionnaire) pour befreundet dans la rubrique («Phrasen») et obtiendra alors 4 articles (ami, intime, lier, allemand intim) dans lesquels il trouvera des équivalents de cette CAA. (Il est dommage que les nuances entre être intime, être très liés et être très amis ne soient pas expliquées.). S il lance la même recherche uniquement pour la base befreundet, il sera renvoyé à 13 articles (ami, copain, grand, intime, intimement, lier, befreunden, befreundet, dick, eng befreundet, fest, intim, miteinander). La CAA allemande a donc même sa propre entrée, bien que l équivalent intimement lié qu on y trouve soit moins adéquat que très ami, qui manque ici. Même si la collocation n avait pas sa propre entrée, le travail de tri serait tout de même limité. La recherche de CAA est donc réalisable dans le e-handwörterbuch. La version électronique avec sa recherche ciblée permet de surmonter les défauts de rangement du dictionnaire papier. Le e-handwörterbuch est un dictionnaire relativement riche en collocations, mais il y manque des collocations très fréquentes. 181

181 Comme le dictionnaire contient un nombre insuffisant de CAA, il ne peut pas remplacer le dictionnaire de collocations, mais représente tout de même un bon outil pour l apprenant débutant ou l apprenant avancé Le Langenscheidt Collins Aktiv-Wörterbuch Französisch Au printemps 2004, cette maison d édition a lancé un nouveau dictionnaire bilingue, le Langenscheidt Collins Aktiv-Wörterbuch Französisch ( entrées et expressions). Comme l indiquent le titre et les indications dans la préface, ce dictionnaire devrait être particulièrement utile pour l encodage en L2. Les tests que nous avons effectués montrent que les CAA n y sont pas mieux représentées et que le traitement des collocations ne correspond pas à ce qu on attend d un dictionnaire actif. Sur nos 13 CAA, 1 est traitée à l article de la base allemande, 6 sont traitées à l article du collocatif allemand, 2 à l article de la base française. CAA allemande s.v. base allemande s.v. collocatif s.v. base française allemand tödlich beleidigt - - part. pas lemmatisé s.v.inf. : - dünn besiedelt part. pas lemmatisé + + (peu peuplé) s.v. inf.: - schwer beeindruckt part. pas lemmatisé s.v. inf.: - - (mais d autres CAA) part. pas lemmatisé s.v.inf.: - schwer enttäuscht part. pas lemmatisé - - s.v. inf.: - frisch verliebt schwer krank frisch verheiratet (les jeunes mariés) stark erkältet weit fortgeschritten - + (très avancé) - schwer bewaffnet hoch verschuldet schwer verletzt adj. pas lemmatisé, + - s.v. inf. : - streng vertraulich Tableau 16 : Représentation des CAA allemandes dans le Langenscheidt Collins Aktiv- Wörterbuch 182

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