SENSIBILITÉ RELATIVE DU SAPIN PECTINE ET DE L'ÉPICÉA COMMUN AUX COUPS DE VENT

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1 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE 637 SENSIBILITÉ RELATIVE DU SAPIN PECTINE ET DE L'ÉPICÉA COMMUN AUX COUPS DE VENT PAR H. POLGE Station de Recherches forestières - Nancy Il est généralement admis que l'épicéa, en raison de son enracinement traçant, résiste moins bien que le sapin aux coups de vent générateurs de. Or, des observations faites à l'occasion des très nombreux qui se sont produits en dans la forêt domaniale de Gérardmer paraissent infirmer d'une façon suffisamment nette cette opinion pour mériter, semble-t-il, d'être signalées. 1) Statistique des Ces observations ont porté sur la ité des de l'année pour l'ensemble des huit séries précomptables de la forêt. Elles se trouvent résumées dans le tableau suivant : Séries Contenaice de bois inventoriés Sapin pectine des 5* Taux des 58 p/r au inventorié de bois inventoriés Epicéa commun des Taux en Proportion Epicéa/ Sapin Matériel en % Chablis en % 1ère , ,2 19,8 3ème , ,7 11,1 4ème , ,08 12,5 11,5 7ème , ,4 17,7 8ème , ,04 54,8 40,7 9ème , ,79 25, ème , ,62 25,7 6,9 11ème , , ,2 I Totaux , ,24 30,4 16,4

2 638 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE Il ressort de ce tableau que, non seulement pour l'ensemble des séries précomptées, mais aussi pour chacune d'elles prises isolément (sauf la 9 e ), le taux des, par rapport au matériel, est plus élevé pour le sapin que pour l'épicéa, ce qui se traduit différemment en disant que la proportion du nombre d'épicéas, par rapport à celui des sapins, est plus grande pour le matériel que pour les. La différence de sensibilité des deux essences est même très significative puisque, pour l'ensemble de la forêt, le taux des pour le sapin est plus du double de celui de l'épicéa. 2) Examen critique de ces statistiques A. Considérations relatives à la forêt. La forêt domaniale de Gérardmer fournit une base d'étude particulièrement favorable, pour les raisons suivantes: Localisation de l'épicéa dans le»massif rorestier de Gérardmer. (Cliché 3 e section). a) Il s'agit d'un massif de grande étendue dont les comptages récents ( ) permettent de connaître d'une façon précise et détaillée les inventaires actuels pour les deux essences intéressées, sapin-épicéa. b) Axée sur une vallée principale Est-Ouest, et sur une vallée secondaire Nord-Ouest - Sud-Est, la forêt domaniale de Gérardmer

3 SENSIBILITÉ RELATIVE DU SAPIN PECTINE ET DE L'ÉPICÉA 639 comprend des versants à toutes les expositions, échelonnés sur une gamme très étendue d'altitudes (de 590 à m), en sorte qu'aucune circonstance locale particulière de nature orologique ne paraît susceptible de fausser les résultats recueillis. c) La nature du sol elle-même est très variable: sol profond ou très profond dans les vallées ; moyennement profond sur les plateaux ; superficiel, voire squelettique sur les versants. d) Enfin, ainsi qu'en témoigne une carte de répartition des essences, établie à la demande de la 3 Θ Section de la Station de Recherches et d'expériences Forestières, l'épicéa est parfaitement disséminé à toutes les altitudes et à toutes les expositions, quelquefois en peuplement pur, de plus ou moins grande étendue, le plus souvent intimement mélangé au sapin, et aucune localisation vraiment privilégiée ne peut être observée qui justifierait une protection particulière de cette essence contre les dégâts dus au vent. B. Considérations relatives à Γ année de référence. a) Importance des : L'importance des en, dans les Vosges, a déjà été signalée (compte rendu de M. le Conservateur Bérard, Revue forestière d'avril ). La forêt domaniale de Gérardmer n'a pas été épargnée, puisque plus de bois d'essences résineuses y ont été, représentant plus de 2 % du nombre de tiges. Les résultats observés ont donc toutes chances d'être plus caractéristiques du comportement relatif des deux essences étudiées que ceux qui pourraient l'être en année normale sur un nombre d'arbres^ cinq ou six fois moindre. b) Epoque et origine des : De ce point de vue également, l'année est particulièrement favorable, les s'y étant produits en des circonstances très variées et à diverses époques de l'année. Les principaux dégâts ont été provoqués dans la nuit du 6 au 7 janvier par un fort vent d'est, dans la nuit du 19 au 20 janvier, par un fort vent d'ouest sur neige lourde ; les 24, 25 et 26 février par une tempête tourbillonnante avec pluie et neige ; enfin, dans la nuit du 10 au 11 août par quelques violents tourbillons très localisés, de direction générale Sud-Ouest - Nord-Est. L'échantillonnage des causes possibles de a donc été à peu près complet, et les résultats observés ont d'autant plus de chances de pouvoir être généralisés. 3) Cas particulier de la 9 e série La 9 e série est la seule pour laquelle des conclusions d'ensemble paraissent battues en brèche. Or, il s'agit d'une série riche en jeu-

4 640 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE nés plantations d'épicéas d'origine artificielle rattachées à la forêt domaniale par voie d'échange, et il est bien connu que de tels peuplements sont particulièrement sensibles aux dégâts de la neige qui, sans occasionner d'arrachis proprement dits, n'en provoque pas moins de nombreux bris de cime, d'autant plus fréquents que la densité des plantations est plus élevée. Ces arbres dont la cime est cassée figurent naturellement parmi les, et représentent à la fois un très faible volume, mais un nombre de tiges élevé. Pour vérifier que telle est bien la cause de l'anomalie constatée, le volume des sapin et épicéa a été spécialement calculé (il ne figurait pas à l'époque sur les cahiers affiches) et les résultats enregistrés sont consignés ci-dessous : 9 e Série. Contenance: 509 ha. Sapin pectine Epicéa commun Proportion épicéa/sapin inventorié imi) Taux inventori ó 4*,*)»958 Taux * Matériel Chablis I * , ,83 17,8 J2,1 Il ressort de ce tableau que l'anomalie observée pour la 9 e Série n'est qu'apparente et tient bien, uniquement, à la présence parmi les, de nombreux petits bris de neige d'essence épicéa. 4) 'Explication possible des résultats observés Il semble que de simples considérations mécaniques suffisent à rendre compte, clans une certaine mesure, de la résistance de l'épicéa aux coups de vent générateurs de. L'enracinement traçant de cette essence lui permet de développer, quelle que soit la profondeur du sol, un réseau de racines de grande étendue et relativement rigide, une preuve de cette rigidité étant fournie par l'observation des épicéas déracinés qui reposent le plus souvent uniquement sur leur cime, et sur l'extrémité du plateau radiculaire, sans flexion notable, ni dislocation de celui-ci. On peut donc, dans une certaine mesure, considérer un épicéa sur pied, avec ses racines, comme un solide indéformable pivotant à la limite de stabilité sur l'extrémité du plateau radiculaire et non autour d'un point situé sur l'axe de la tige, ce qui accroît considérablement la valeur du moment fléchissant nécessaire pour rompre l'équilibre. Quant au sapin, s'il peut, dans un sol suffisamment meuble, dé-

5 SENSIBILITÉ RELATIVE DU SAPIN PECTINE ET DE L'ÉPICÉA 641 Souche d'un épicéa. Noter le large plateau rigide formé par les racines. Souche d'un sapin. Noter la boule de racines moins large que chez l'épicéa.

6 642 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE velopper un réseau de racines s'enfonçant en profondeur et lui assurant des forces de liaison au sol particulièrement élevées, il doit souvent se contenter, dans des sols plus ou moins superficiels, d'une boule de racines de quelques mètres de diamètre à peine, ne suffisant pas à la mettre à l'abri du risque d'arrachement. 5) Conclusion La résistance supérieure de l'épicéa aux coups de vent en forêt domaniale de Gérardmer est indubitable, et cependant, un facteur local au moins devrait tendre à l'effet contraire, à savoir l'existence en forêt de nombreuses trouées de bostryches consécutives à l'invasion qui y a sévi de 1946 à 1950, et dont les lisières, particulièrement exposées aux dégâts du vent, sont encore constituées par des peuplements purs d'épicéas. Le problème est de savoir jusqu'à quel point les observations faites en forêt de Gérardmer peuvent être généralisées, et jusqu'à quel point par conséquent cette résistance plus grande de l'épicéa au déracinement peut être considérée comme une qualité spécifique. Il semble bien que la nature et la profondeur du sol jouent un rôle primordial, en sorte que l'on ne peut extrapoler du cas particulier de la forêt domaniale de Gérardmer à l'ensemble des massifs forestiers situés sur une autre roche-mère que le granit des Hautes-Vosges. Cependant, force est bien de constater que les peuplements mélangés de sapin et d'épicéa se rencontrent principalement en montagne, sur des sols rocheux où le sapin n'a que rarement la possibilité de développer son pivot, alors que l'épicéa bénéficie le plus souvent de son large plateau radiculaire. On peut donc penser que le reproche fait à l'épicéa d'être plus sensible que le sapin aux dégâts dus au vent devrait être abandonné à tout le moins tant que des études statistiques généralisées ne seront pas venues contredire les observations faites en forêt domaniale de Gérardmer.