CAHIER DE RECHERCHE / WORKING PAPER. Egalité et équité salariale: diagnostic et outils. Annie Cornet et Anne-Marie Dieu. July 08 / N /01
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- Jean-Philippe Noël
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1 CAHIER DE RECHERCHE / WORKING PAPER Egalité et équité salariale: diagnostic et outils Annie Cornet et Anne-Marie Dieu July 08 / N /01
2 Egalité et équité salariale : diagnostic et outils CORNET Annie, professeure DIEU Anne-Marie, chercheuse Tel Fax annie.cornet@ulg.ac.be B31-boîte 48 -bureau 2.36 Sart Tilman 4000 Liège Belgique Artile à paraître dans : Cornet A., Dieu A.M. (2008) Revue Entreprendre et Diriger», Revue de management de l Ecole
3 Egalité et équité salariale : diagnostic et outils 1 1. Introduction Etat de la situation dans les pays européens Facteurs explicatifs Egalité et équité salariale : une nuance importante à saisir Les parties prenantes de l équité salariale Les syndicats Les employeurs Le mouvement associatif Difficultés et obstacles Facteurs de succès Conclusion Références Introduction La rémunération égale pour le travail égal entre l homme et la femme est loin d être une réalité! Avec obstination, les différences salariales entre les hommes et les femmes subsistent et ce, en dépit des nombreuses législations prises dans plusieurs pays. Les Etats membres de l Union Européenne ont été priés d'introduire des mesures pour supprimer les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, conformément aux objectifs fixés au Conseil européen de Lisbonne en mars Il implique que les inégalités de salaires et la discrimination soient mises au jour et que les questions d'égalité de rémunération soient intégrées dans les négociations collectives, à tous les niveaux. 1 Recherche financée parteillement par l Institut pour l Egalité des femmes et des Hommes, projet EVA,
4 Cet article vise à dresser un panorama de la problématique des inégaltiés salariales entre les sexes. Il commence par un aperçu de la situation dans les pays européens, pour s intéresser ensuite aux facteurs explicatifs des inégalités constatées. Il propose ensuite une distinction entre l égalité et l équité salariale avec une présentation des dispositifs d action habituellement proposés : la mise en place d un système de classification analytique et l évaluation des biais sexistes pouvant intervenir dans un système de rémunérations. Nous identifions ensuite les acteursà impliquer pour terminer par les difficultés et obstacles et les facteurs de succès. 2. Etat de la situation dans les pays européens On peut trouver sur le site d'eiro (Eurofunds) 2, différentes études nationales concernant l égalité salariale entre les femmes et les hommes. Une étude comparative, datant de 2001, fait le point de la situation en matière d'équité salariale dans les différents pays de l'union européenne. Différents constats en ressortent tels que la subsistance des inégalités salariales entre hommes et femmes dans les différents pays européens. Ce rapport fait état d'une étude d'eurostat de 2001 étudiant les évolutions des inégalités salariales entre les sexes au cours des années 90. L'étude Eurostat indique que 'les gains moyens des femmes ont augmenté davantage que ceux des hommes dans la plupart des États membres de l'union, mais cette hausse est faible. Selon cette étude, l'écart de rémunération entre les sexes s'est quelque peu réduit dans sept États membres sur 13. L'écart est resté stable dans trois pays (Danemark, Irlande et Finlande) et s'est creusé de 1 à 2% dans trois pays (Autriche, Portugal et Suède). L'écart entre les salaires en fonction du sexe reste d'environ 16% dans l'union européenne. Dans l'ensemble, cet écart tend à diminuer; on relève notamment sa réduction graduelle dans les nouveaux Etats membres de l'ue, à l'exception de la République tchèque. L'écart est généralement plus faible dans le secteur public) 3 (la Commission européenne l'estime à 12%) que dans le secteur privé (21%). Ces constats se 2 "Egalité entre les hommes et les femmes en Europe", site EIRO.Eurofund, janvier
5 retrouvent dans la plupart des pays du monde tels qu en témoignent les perspectives de l'emploi de l'ocde de Ce rapport analyse ensuite les différentes mesures mises en place pour introduire d'avantage d'équité salariale dans les entreprises selon les pays. Il apparaît que certains pays sont plus proactifs que d'autres en la matière d'équité salariale. La Directive sur l'égalité de traitement prévoit que des bilans de l'égalité sur le lieu de travail soient effectués à titre volontaire. La législation en Europe tend à exiger des employeurs qu'ils publient davantage de statistiques des salaires selon le sexe. A titre d exemple, en France, les employeurs ont maintenant le devoir de fournir des informations sur les salaires des femmes et des hommes, et ceci chaque année avant les négociations salariales. La législation a été renforcée en 2000 par des dispositions exigeant que les employeurs engagent des négociations annuelles sur l'égalité des sexes. Un avant projet de loi a été déposé en 2005 visant à supprimer dans un délai de 5 ans les écarts de rémunérations entre les hommes et les femmes. La France semble donc suivre la voie du Canada et mettre au point des législations qui ne s'axent plus seulement sur les principes mais sur les procédés et les résultats en matière d'équité salariale (Laufer et Silvera, 2006). De plus la France a mis sur pied un label d égalité professionnelle, démarche complémentaire à l accord interprofessionnel du 1 er mars Le pays le plus pro-actif sur ce dossier est le Canada (niveau fédéral) et le Québec (niveau provincial) qui ont voté une loi sur l équité en emploi ou l accès à l égalité en emploi et une loi sur l équité salariale (loi de 2001). 3. Facteurs explicatifs Une série de facteurs historiques et culturels influent sur la fixation des salaires et les inégalités salariales entre les femmes et les hommes (Silvera, 1996, Lemière et Laufer, 2008, Chicha, 2000, 1996) : site
6 La ségrégation horizontale du marché du travail: les femmes restent confinées dans une gamme réduite de professions, professions qui ont souvent des salaires peu élevés. La ségrégation verticale et le «plafond de verre» : les femmes ont moins d ancienneté et sont confrontées à des freins importants dans la progression de leur carrière. Plusieurs études montrent que ce sont pour les femmes cadres que les écarts salariaux sont les plus importants. Le temps de travail : les femmes restent majoritaires dans le travail à temps partiel, généralement moins bien rémunéré que le travail à temps plein. Elles prestent moins d heures supplémentaires et ont moins de flexibilité sur leurs horaires en raison des charges familiales. Elles sont moins présentes dans le travail posté notamment dans le travail de nuit qui donnent lieu à des bonus salariaux. Les femmes vont plus souvent que les hommes négocier des récupérations et/ou des jours de congé plutôt que des heures de travail supplémentaires rémunérées. Les trajectoires professionnelles: les femmes interrompent plus souvent leur carrière que les hommes (pause-carrière et congé de maternité, retrait pour soutien à des personnes dépendantes) ce qui affecte leur carrière et leur progression salariale. Le système de valorisation des compétences et de description de fonctions : les femmes sont souvent dans des emplois où leurs compétences et leur contribution sont sous-évaluées. Les fonctions à majorité occupées par des femmes sont moins rémunérées, que les fonctions occupées majoritairement par des hommes. Les compétences liées à l'exercice de métier à prédominance féminine sont souvent perçues comme «naturelles» aux femmes et de plus, elles ont tendance à occulter les autres compétences nécessaires pour l'exercice du métier Par exemple, dans le métier d'infirmière, l'aspect relationnel sera mis en évidence au détriment des aspects techniques et des efforts physiques requis par le métier. Il apparaît aussi que les femmes disposent d'un moins grand pouvoir de négociation individuel (assertivité, affirmation de soi, capacité de négociation, valorisation des expériences antérieures et des compétences mises en o euvre) et collectif (peu ou pas soutenu par les syndicats) en matière de fixation des salaires.
7 On voit que certains facteurs sont liés aux comportements des individus (femmes et hommes), d autres sont liés aux organisations (organisation du travail et GRH), d autres enfin sont liés à des facteurs sociétaux comme le partage inégal du travail et des responsabilités familiales ainsi que d'un manque d'infrastructures pour la garde des enfants et les soins aux personnes âgées. Toutefois " la plupart des études en viennent à la conclusion qu'outre l'écart dû à ces facteurs, une différence entre les salaires reste inexpliquée et l'on présume qu'elle est due à la discrimination." En effet, en dehors de ces facteurs, on constate qu au sein d'une même catégorie de fonctions, un nombre important de femmes ne sont pas rémunérées au même niveau que leurs homologues masculins, et ce d'autant plus nettement que l'on prend en compte la rémunération globale (avantages extra-légaux compris). 4. Egalité et équité salariale : une nuance importante à saisir Il a lieu de distinguer l égalité salariale (à travail égal, salaire égal) de l équité salariale (à travail équivalent, salaire équivalent). L'égalité salariale consiste à rémunérer les hommes et les femmes qui occupent un même poste et fournissent le même travail de la même manière. L'équité salariale suppose de rémunérer de la même manière les emplois de valeur égale, que ceux-ci soient occupés majoritairement par des hommes ou par des femmes. Pour arriver à l'égalité salariale, l'ensemble des experts s'accorde sur le fait qu"il est nécessaire de passer par une classification et une évaluation analytique des fonctions. Il s'agit donc de passer d'un système de GRH dit "arbitraire" (c'est à dire d un système où les fonctions ne sont pas formellement définies et où la détermination des salaires dépend des capacités de négociation de chacune des parties) à un système de GRH plus "objectivant" (formalisé et applicable à tous de manière uniforme). L égalité salariale sera atteinte grâce à la mise en place de procédures transparentes et connues de tous pour le calcul des salaires, donc avec la création d un système de
8 rémunération prévoyant des niveaux de revenus en lien avec le poste occupé, le diplôme, l ancienneté. Certains vont plus loin et affirment qu il faut revoir le système «objectivant» pour identifier les "biais sexistes systémiques" dans la description et la classification des fonctions. Ceci passe par une analyse des biais sexistes possibles dans l identification et la valorisation des critères utilisés pour cette classification. Certains ont établi des listes de compétences dites "féminines". Ces listes rendent visibles des savoirs et compétences qui sont souvent peu pris en compte ou tenus comme "naturels" aux femmes. Cette démarche qu on appelle l équité salariale va bien au-delà du passage d un système de GRH «arbitraire» (pas de critères) à un système de GRH «objectivant» 2 (classification analytique) (Pichault, Nizet, 2000). En effet, pour qu un processus d équité salariale soit complet, il faut inclure : une réflexion sur les biais sexistes possibles dans l identification et la valorisation des critères utilisés pour les classifications de fonctions (y compris dans les classifications analytiques) un travail d ajustement salarial des fonctions majoritairement occupées par des femmes par rapport à celles occupées majoritairement par des hommes pour une classification équivalente (processus en cours au Québec, expliqué ci-dessous). Dans le premier scénario, l hypothèse de départ est que la formalisation d une description et d une classification des fonctions à partir d une grille d analyse analytique va permettre de supprimer la part «d arbitraire» ou de «subjectif» qui peut déboucher sur des salaires différents pour des hommes et des femmes. Dans le deuxième scénario, on va plus loin en questionnant l apparente objectivité de tout système de description et de classification, y compris le système analytique (choix et pondération des critères utilisés). Ces analystes montrent que le sexisme peut survenir à différents points du processus : collecte des renseignements sur les catégories d emploi, définition des facteurs et sous-facteurs d évaluation, dans la pondération des facteurs et le processus même de l évaluation (discrimination systémique).
9 La notion d'équité salariale dépasse donc celle d'égalité salariale car elle suppose de reconsidérer la manière dont sont évaluées les fonctions d'une entreprise ou organisation. L'équité salariale est " un concept qui reconnaît la discrimination fondée sur le sexe en matière de salaire et de conditions de travail pour les femmes. L équité salariale reconnaît que les postes occupés majoritairement par des femmes sont souvent moins rémunérés que les postes occupés majoritairement par des hommes. L équité salariale va au-delà d un salaire égal pour les mêmes emplois et requiert que le salaire soit attribué de manière égale aux emplois de même valeur. Lorsque des emplois ont les mêmes exigences, et requièrent le même niveau de compétences et d efforts, les travailleurs hommes ou femmes devraient recevoir le même salaire et avoir les mêmes conditions d emploi. L équité salariale requiert que les systèmes de salaire soient contrôlés pour éliminer toute discrimination ou tout désavantage fondé sur le genre." 61 Pour rappel, les biais peuvent consister suite à une sous-estimation des connaissances et qualifications nécessaires pour certaines fonctions car celles-ci seraient perçues comme «naturelles» aux femmes. De plus, la spécificité de certaines fonctions majoritairement féminines reste peu documentée quant aux compétences techniques nécessaires. On parle alors de compétences oubliées ou négligées. Le fait d ignorer ou d oublier des aspects du travail associés aux femmes conduit à une sous-évaluation des salaires versés aux travailleuses. Pour rendre visible et reconnaître, à sa juste valeur, le travail des femmes, il faut être sensibilisé aux préjugés sexistes et aux biais dans les perceptions relatives à la difficulté des tâches et fonctions. Plusieurs commissions d équité salariale ont dressé une liste de ces compétences oubliées ou sousestimées 7 à partir des quatre niveaux d analyse utilisés habituellement dans les descriptions et classifications de fonctions : les qualifications requises, les responsabilités assumées, les efforts requis et les conditions dans lesquelles le travail est effectué. A titre d exemple : sous la rubrique «qualifications requises» : o capacité à faire fonctionner et entretenir divers types d appareils tels que photocopieurs, ordinateurs, la maîtrise de logiciels bureautiques ; 6 "Glossaire", site de L'Internationale de l'education. 7 Voir notamment les fiches info équité «l évaluation des emplois» et «le contrôle des biais sexistes» réalisé par la Commission de l équité salariale du Québec
10 o la motricité fine et rapide utilisée notamment pour des travaux de secrétariat et d employés pour la saisie de données sur ordinateur mais aussi des métiers professionnels et techniques tels que ceux du textile mais aussi de technologie de précision ; sous la rubrique «responsabilités assumées» : o la protection de la confidentialité, o la gestion des agendas ; o sous la rubrique «efforts requis» : o le déplacement de petits colis et paquets, les postures de travail inconfortables, la concentration et attention sensorielle, o la capacité à exercer plusieurs tâches en alternance rapide (regarder l écran, consulter un document, répondre au téléphone et à un client au comptoir) ; sous la rubrique «conditions dans lesquelles le travail est effectué» : o les contraintes liées à un environnement de travail peu confortable, o les contraintes liées à un environnement psychologique difficile (avec des enfants, des clients hostiles, des personnes ayant une déficience intellectuelle, etc.) combiné aux rythmes de travail. En outre, plusieurs études ont montré que ce qui se joue est non seulement l identification des exigences de fonctions mais aussi le poids qui va être donné à chacun de ces critères, en comparaison avec des fonctions majoritairement masculines. On observe en effet encore souvent une survalorisation des exigences liées à des fonctions perçues comme majoritairement masculines versus des fonctions perçues comme majoritairement féminines. Notons enfin que les données concernant le salaire doivent être traitées avec prudence. En effet, alors que les femmes et les hommes sont au même niveau de salaire, leurs rémunérations peuvent varier en fonction d éléments connexes tels que la valorisation ou non d années d ancienneté et d expertise spécifique, les primes liées à la flexibilité (heures supplémentaires) et aux horaires de travail, les bonus, les primes liées au rendement, les paiements en nature et les avantages divers qui sont souvent répartis inégalement entre les salariés.
11 Ceci explique aussi pourquoi le fait de relever les bas salaires peut être un pas important dans la direction de l'équité salariale, les professions récoltant de bas salaires étant majoritairement occupées par des femmes. Des études montrent en effet que l'écart de rémunération entre les sexes tend à se resserrer dans les pays disposant d'une forte protection des salaires et où il existe par exemple un salaire minimum et/ou une fixation du niveau des rémunérations relativement centralisée, comme en Suède, au Danemark et en France. 5. Les parties prenantes de l équité salariale Certains acteurs sont appelés à jouer un rôle clé dans ce processus : les gouvernements qui votent les lois qui contraignent les entreprises à mettre en place un programme d équité salariale mais aussi les employeurs, les syndicats et tout simplement les employé-e-s. Le secteur associatif peut aussi être un acteur très actif. 5.1 Les syndicats L égalité de rémunération est à l'ordre du jour de nombreux syndicats. Les campagnes pour des salaires égaux font partie des objectifs plus vastes de valorisation du travail féminin et d'amélioration de la qualité des services publics. Les syndicats ont adopté diverses stratégies en matière d'écarts de salaires entre hommes et femmes, notamment: Recours à la loi: des procès ont parfois aidé à clarifier l'égalité de rémunération et en élargir la portée. Ces revendications peuvent mettre longtemps à être jugées et être très coûteuses pour les syndicats qui les défendent. Evaluations d'emplois pour contrer les systèmes de classification discriminatoires et la ségrégation professionnelle en mettant en évidence la sous-évaluation du travail féminin.
12 Pression pour des salaires de minimum vital, dans l'idée qu'une augmentation du salaire minimum peut avoir des avantages importants pour les travailleuses peu rémunérées. Promotion de la négociation pour l'égalité en associant l'égalité de rémunération à une négociation de salaire. Les négociateurs syndicaux ont dû s'attaquer spécifiquement à la problématique de la rémunération hommes/femmes et réorganiser leurs équipes pour s'assurer que les femmes soient suffisamment représentées. Formation des négociateurs syndicaux et des femmes syndicalistes pour développer leur capacité à agir comme défenseurs de l'égalité de rémunération et comme négociateurs/trices. Beaucoup de syndicats considèrent la négociation collective comme la principale voie vers l'égalité de rémunération. Certains pays sont au point mort en ce qui concerne l'intégration des questions d'égalité de rémunération dans la négociation collective. D'autres pays connaissent un développement plus positif. 5.2 Les employeurs Les employeurs sont rarement les premiers demandeurs ou les moteurs de l'équité salariale. Néanmoins, ils peuvent être convaincus de la nécessité et de l'intérêt d'introduire cette démarche dans leur organisation. Il est probable que l'on retrouvera dans l'ensemble des employeurs une gamme d'implication allant du simple «légaliste» (qui se contente d'appliquer les lois) ou plus proactif. L expérience québécoise a montré que les employeurs qui ont manifesté une évaluation positive du processus d équité salariale mettent en avant la mise en place d un système d évaluation des fonctions basé sur des critères perçus comme objectif par l ensemble des parties en présence. Rappelons aussi que les travaux des québécois mettent en évidence que le coût salarial pour l entreprise dépasse rarement les 5% de la masse salariale globale donc que le coût de la mesure est un souvent un faux argument. Plusieurs études montrent aussi que l égalité et
13 l équité salariale sont des outils indispensables pour capter et fidéliser une main d œuvre féminine, de plus en plus qualifiée. 5.3 Le mouvement associatif Les associations militant pour l'égalité entre hommes et femmes sont concernées au premier chef par la question de l'équité salariale. Elles peuvent être un organe de pression important vis-à-vis des pouvoirs publics en la matière, mais ceci nécessite des compétences en interne sur cette question aux aspects très techniques et une compréhension fine de la différence entre égalité et équité salariale. Il reste très difficile de trouver au sein des associations des telles compétences. 6. Difficultés et obstacles Introduire une démarche d égalité et d équité salariale n est pas une chose facile. Plusieurs difficultés et obstacles ont été identifiés. La première est relative aux perceptions des acteurs clés de la situation d inégalité : les employeurs, mais aussi parfois les syndicats, pensent que les différences sont dues à des facteurs objectifs. De plus, on constate une certaine réticence des employeurs, par peur des coûts directs et indirects. On constate également qu il n y a pas toujours de demandes des des femmes : elles n ont pas toujours conscience des inégalités et les différences salariales sont parfois perçues comme «normales». Il s agit aussi d un domaine très technique qui demande des compétences pointues. 7. Facteurs de succès A la lumière des différents travaux, nous pouvons identifier différents facteurs de succès (Dieu, Cornet, 2006) : Avoir un cadre législatif contraignant.
14 Disposer de données fiables sur l'écart entre les salaires des hommes et des femmes dans les services publics, le secteur privé et le non-marchand. Allouer des ressources spécifiques pour le développement d'un savoir-faire dans le domaine des bilans en matière d'égalité de rémunération (tel que la commission d équité salariale au Québec). De tels projets nécessitent des expertises spécifiques. Impliquer de toutes les parties à toutes les étapes du processus donc employeurs, employés (hommes et femmes) et syndicats. Informer les syndicats et développer leur capacité à lutter contre les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, notamment en élaborant une liste de points à vérifier en matière d'égalité de rémunération pour aider les négociateurs à soutenir le processus de négociation collective. Mettre en place des groupes de travail (hommes-femmes) mixtes et améliorer la représentation des femmes dans les équipes de négociation collective. Inclure des femmes dans le processus est un facteur nécessaire mais pas suffisant, les femmes étant elles-mêmes porteuses de stéréotypes en la matière et devant elles aussi être formées aux principes de la description et de l'évaluation de fonctions Inclure des représentants des catégories de fonctions concernées dans le processus : les personnes qui occupent les fonctions doivent pouvoir participer à leur description et à l'établissement des listes de compétences requises. Former dès le début les personnes impliquées dans la mise en place du système tant à la description et l'analyse de fonctions qu'aux principes de l'équité salariale (partenaires sociaux, experts, consultants,...). L idéal est une formation conjointe de l employeur et des syndicats. Evaluer les coûts directs (revalorisations salariales) et indirects. Travailler sur l'ensemble des postes de travail et choisir une méthode analytique, la plus objective en matière de description et d'analyse de fonctions Recourir à des listes de compétences dites "féminines". Ce recours peut aider dans la mesure où ces listes rendent visibles des savoirs et compétences qui sont souvent peu pris en compte ou tenus comme "naturels" aux femmes.
15 8. Conclusion Des politiques de gestion de ressources humaines favorables à l égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne peuvent évacuer la question de l égalité et l équité salariale. Les différences salariales entre les deux sexes restent largement influencées par les stéréotypes sexués et la division traditionnelle des rôles et des femmes. Ce sont ces éléments qui expliquent pourquoi les femmes se cantonnent dans certains métiers et fonctions et pourquoi ces fonctions et métiers sont dévalorisés sur le marché du travail en regard des emplois et fonctions majoritairement masculines. Ces problèmes de hiérarchisation se traduisent par des écarts salariaux construits sur une sous-estimation et une occultation des compétences nécessaires pour exercer ces métiers. Ce dossier mérite qu on s y attarde et qu on lui accorde plus d attention, ne fut-ce que pour capter une main d œuvre qualifiée. 9. Références CHICHA M.T. (2000), L'équité salariale, Mise en oeuvre et enjeux, 2ième édition, Montréal, Les Éditions Yvon Blais. CHICHA M-T (1998), La Loi sur l'équité salariale: une démarche complexe à plusieurs volets, Gestion, printemps, pp DIEU A.M., CORNET A. (2006), Les classifications analytiques et l égalité salariale entre hommes et femmes, recherche réalisée pour l Institut pour l Egalité des Femmes et des Hommes, en collaboration avec Berenschot et Mieke Vanhaegendoren, Diepenbeek (Université du Limbourg), , rapport final juillet LAUFER J., SILVERA R. (2006),» Les accords d entreprise sur l égalité professionnelle», Regards sur l actualité, La Documentation française, n 317, janvier. LEMIERE S. et SILVERA R. (2008), Les différentes facettes des inégalités salariales hommesfemmes in CORNET A., Laufer J., BELGHITI S. (Sous la coordination de), Le genre et la GRH : les défis de l égalité hommes-femmes, Paris, Vuibert, à paraître NIZET J., PICHAULT, F. (2000), Modèles de GRH, Paris, Coll. Points, Seuil.
16 SILVERA, R. (1996), Les discriminations salariales entre hommes et femmes : toutes choses inégales par ailleurs, Economie du Travail, Paris, La documentation française.
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