Philosophie(s) et sciences cognitives La philosophie des sciences cognitives. Alice DUPAS - ENS de Lyon -
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- Sabine Desroches
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1 Philosophie(s) et sciences cognitives La philosophie des sciences cognitives Alice DUPAS - ENS de Lyon - alice.dupas@ens-lyon.fr
2 Axe 1 - B (27/09/2016) Scientificité et pseudosciences : la question de la démarcation (entre le scientifique et le non-scientifique)
3 Rappel : Skinner, Cognitive Science and Behaviorism, «J accuse les scientifiques cognitivistes, comme j accuserais les psychanalystes, de prétendre explorer les profondeurs du comportement humain, d inventer des systèmes explicatifs qui sont admirés en raison d une profondeur plus judicieusement appelée inaccessibilité. J accuse les scientifiques cognitivistes de relâcher les standards de définition et de pensée logique et de libérer un flot de spéculation caractéristique de la métaphysique, de la littérature, et des relations quotidiennes, une spéculation peut-être assez appropriée dans de telles arènes mais qui va à l encontre de la science».
4 Plan du cours I - Le problème de la démarcation en sciences 1) Une définition de la science est-elle suffisante pour démarquer ce qui est scientifique de ce qui ne l est pas? 2) Existe-t-il des critères de scientificité? II. Application du problème de la démarcation à la science de l esprit. 1. Un exemple de science de l esprit falsifiable : la psychologie. De la psychologie scientifique à la psychologie cognitive. 2. Un exemple de pseudoscience de l esprit : la phrénologie. 3. Le cas de la psychanalyse.
5 I - Le problème de la démarcation en sciences
6 Zoom sur le problème Double écueil, double problème : exclusion de certaines disciplines vs relativisme. Des enjeux primordiaux : - rapport (distinctif) à l idéologie (dogme) - rapport (distinctif) à la croyance (opinion)
7 Comment définir la science? La définition du Petit Robert =«ensemble de connaissances, d études d une valeur universelle, caractérisées par un objet et une méthode déterminés, et fondées sur des relations objectives vérifiables». La définition du Larousse = Ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d'objets ou de phénomènes obéissant à des lois et/ou vérifiés par les méthodes expérimentales.
8 Les caractéristiques de la science idéale (cadre normatif) Objet déterminé Méthode déterminée Connaissances vérifiables Valeur universelle des connaissances Connaissanc es adéquates Science Ensemble de connaissances
9 Une définition équivoque Une définition descriptive qui décrite l usage de la science Une définition normative qui énonce ce qu une discipline doit être pour avoir le droit d appartenir à la catégorie science. Une démarche descriptive a posteriori qui prend pour point de départ l ensemble des pratiques considérées comme scientifiques. Une démarche normative a priori qui prend pour point de départ une norme de scientificité idéale
10 Carnap, Le Dépassement de la métaphysique «En vérité, la situation est telle qu il n y a pas de place, en métaphysique, pour des énoncés doués de sens, et cela résulte de l objectif qui est le sien, à savoir : découvrir et présenter une connaissance sur laquelle la science empirique n a pas de prise. C est un point établi plus haut que le sens d un énoncé est la méthode de sa vérification. Un énoncé ne dit que ce qui est en lui vérifiable. C est la raison pour laquelle il ne peut affirmer, s il affirme vraiment quelque chose, qu un fait empirique. Une chose située par principe au-delà de l expérience ne saurait être énoncée, pensée, ni questionnée.
11 Les divers énoncés selon Carnap Énoncés linguistiques Énoncés doués de sens Énoncés non doués de sens (métaphysiques) Énoncés analytiques Énoncés synthétiques
12 La progression scientifique passe par les énoncés empiriques pour l empirisme logique (et a fortiori pour Carnap) Au sein des énoncés synthétiques : 1. Énoncés d observation = énoncés protocolaires = vérifiables directement. 2. Énoncés théoriques = non vérifiables directement (mais liés à un énoncé d observation). Toutes les théories scientifiques devraient être du côté des énoncés protocolaires = théorie de l empirisme logique.
13 Le problème de l induction Le raisonnement inductif s'oppose au raisonnement déductif dans le sens où l'on part de cas particuliers pour en tirer une conclusion générale. Les prémisses d'un raisonnement inductif ne sont pas des garanties logiques que la conclusion est vraie. Un exemple de raisonnement inductif est: 1. Le cygne n 1 est blanc. 2. Le cygne n 2 est blanc. 3. Le cygne n 3 est blanc. 4. Et ainsi de suite Le cygne n 1000 est blanc. 6. Donc tous les cygnes sont blancs. En observant que les 1000 premiers cygnes sont blancs, nous en tirerons la conclusion que tous les cygnes sont blancs. Mais il n'y a aucune contradiction logique à supposer que le prochain cygne ne sera pas blanc, même si les 1000 premiers étaient blancs. Il se peut logiquement que le cygne n 1001 soit noir. Un seul cas particulier qui déroge à la règle suffit à faire s'effondrer le raisonnement inductif en question.
14 Popper : la critique de l induction et du vérificationnisme Or dans ma conception, il n y a rien qui ressemble à de l induction. Aussi, pour nous, est-il logiquement inadmissible d inférer des théories à partir d énoncés singuliers «vérifiés par l expérience» (quoi que cela puisse vouloir dire). Les théories ne sont donc jamais vérifiables empiriquement. Si nous désirons éviter l erreur positiviste qui consiste à exclure, en vertu de notre critère de démarcation, les systèmes théoriques de la science naturelle nous devons choisir un critère qui nous permette d admettre également dans le domaine de la science empirique des énoncés qui ne peuvent pas être vérifiés (La Logique de la découverte scientifique, p. 38).
15 Popper : une vérification négative (réfutation) est possible Toutefois, j admettrai certainement qu un système n est empirique ou scientifique que s il est susceptible d être soumis à des tests expérimentaux. Ces considérations suggèrent que c est la falsifiabilité et non la vérifiabilité d un système, qu il faut prendre comme critère de démarcation (ibid, p. 38).
16 Ce qu il faut différencier dans la théorie de Popper 1. Ce qui est falsifiable lorsque des expériences sont susceptibles de contredire l énoncé. 2. Ce qui est non falsifiable ce qui est non-scientifique ou pseudo scientifique. 3. Ce qui est falsifié ce qui est faux (énoncé erroné), lorsque l expérience a prouvé que l énoncé n était pas vrai; mais cet énoncé reste scientifique.
17 Enjeu de la démarcation pour Popper Ce qui me préoccupait à l époque n était pas le problème de savoir «quand une théorie est vraie», ni même quand celle-ci est recevable». La question que je posais était autre. Je voulais distinguer science et pseudoscience, tout en sachant pertinemment que souvent la science est dans l erreur, tandis que la pseudoscience peut rencontrer inopinément la vérité. (Conjectures et réfutations, p. 59).
18 II - Application du problème de la démarcation à la science de l esprit
19 La psychologie scientifique - Seconde moitié du XIXème siècle. - Elle se distingue de la philosophie (psychologie philosophique). - = Une psychologie expérimentale qui use de techniques (ex : mesure du temps de réaction). - Elle a les caractéristiques standards de la scientificité = notamment la reproductibilité. - Elle a la capacité d être réfutée.
20 La psychologie cognitive - Discipline des sciences cognitives qui émerge dans les années Continuité avec la psychologie scientifique dans la démarche expérimentale. - Utilisation de l observation directe et de l expérimentation - Là encore, capacité d être falsifiée.
21 la phrénologie - Début du XIXème siècle. - Gall prétend connaître les instincts et les facultés intellectuelles des hommes en observant la forme de leur crâne. - Ancêtre du localisationnisme.
22 Les méthodes de la phrénologie Des méthodes traditionnelles de dissection des cerveaux. Une pratique de palpation des crânes Invention d appareils de mesure de la taille des bosses = appareils placés sur la tête des individus, avec des sondes qui explorent le crâne et fournissent une mesure topographique du crâne.
23 La psychanalyse est-elle une science? La critique de Popper C est au cours de l été 1919 que ces trois théories la théorie de l histoire de Marx, la psychanalyse et la psychologie individuelle ont commencé à susciter en moi de plus en plus de réserves, et je me suis mis à m interroger sur la légitimité de leur prétention à la scientificité. Le problème m est sans doute d abord apparu sous une forme assez simple : «En quoi le marxisme, la psychanalyse et la psychologie individuelle sont-ils insatisfaisants? Qu est-ce qui les rend si différents des théories physiques, de la théorie newtonienne et, surtout, de celle de la relativité? (Conjectures et réfutations, p. 61).
24 La psychanalyse, un pouvoir explicatif apparent selon Popper J'avais remarqué que ceux de mes amis qui s étaient faits les adeptes de Marx, Freud et Adler étaient sensibles à un certain nombre de traits communs aux trois théories, et tout particulièrement à leur pouvoir explicatif apparent. Celles-ci semblaient aptes à rendre compte de la quasi-totalité des phénomènes qui se produisaient dans leurs domaines d attribution respectifs ( ). Le trait le plus caractéristique de cette conjoncture intellectuelle était selon moi, le flot ininterrompu des confirmations, des observations «vérifiant» les théories en question ; et leurs partisans ne manquaient pas de souligner constamment cet aspect (ibid, p. 62).... (...) la théorie opérait dans tous les cas et se trouvait toujours confirmée qui constituait, aux yeux des admirateurs de Freud et d Adler, l argument le plus convaincant en faveur de leurs théories. Et je commençais à soupçonner que cette force apparente représentait en réalité leur point faible (ibid, p. 64).
25 Pour aller plus loin : bibliographie indicative - Carnap, Le Dépassement de la métaphysique par l analyse logique du langage, Grünbaum, La Psychanalyse à l épreuve, James W., Principes de Psychologie, Lanteri-Laura G., Histoire de la phrénologie. L Homme et son cerveau selon F. J. Gall, Paicheler G., L Invention de la psychologie moderne, Popper, Conjectures et Réfutations, Popper, La Logique de la découverte scientifique, Tiberghien, G., Guillaume, F., & Baudouin, J.-Y. (2007). La neuro-imagerie cognitive : nouvel indicateur, nouvelle science... ou nouvelle phre nologie?, in J. Vauclair & S. Nicolas (Eds.), Localisation ce re brale des fonctions Mentales : de la cranioscopie de Gall a l'irmf (pp ). - Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 1921.
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