Quelques compléments au chapitre 6

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Transcription:

Quelques compléments au chapitre 6 F. Delacroix, École des Mines de Douai, 9 décembre 010 Présentation et objectifs On propose dans ce polycopié quelques compléments d algèbre bilinéaire, notamment sur la réduction des formes quadratiques, ce qui permet notamment d envisager la réduction des matrices carrées, non plus dans leur classe de similitude comme au chapitre 5 (D = P 1 AP signifie que A est semblable à une matrice diagonale) mais dans leur classe de congruence (D = t P AP : A est congrue à une matrice diagonale). On y présente également la notion de signature d une forme quadratique réelle, ce qui permet de généraliser les notions de forme positive, définie positive, négative, définie négative. Pour ce qui est des applications de la considération de telles formes quadratiques, on peut citer, entre autres, la relativité restreinte (la forme quadratique de Lorentz q(x, y, z, t) = + y + z c t, où c est la célérité de la lumière dans le vide, est de signature (3, 1)) 1 et l étude des côniques, quadriques et hyperquadriques. Enfin, on propose quelques démonstrations de résultats du chapitre 6. On désigne par K le corps R ou C. 1 Réduction des formes quadratiques 1.1 Orthogonalité vis-à-vis d une forme quadratique On considère un K-espace vectoriel E de dimension finie n, ϕ une forme bilinéaire symétrique sur E et q la forme quadratique associée. Par analogie avec la géométrie euclidienne, on adopte la définition suivante. Définition 1 Deux vecteurs x, y E sont dits orthogonaux pour ϕ (ou q) si ϕ(x, y) = 0. On note alors x ϕ y, x q y ou, si aucune ambiguïté n est à craindre, x y. Une base B = (e 1,..., e n ) de E est orthogonale pour ϕ (ou q) si (i, j) {1,..., n}, (i j) = (e i ϕ e j ). En appliquant directement les définitions, on a la proposition suivante. 1. Voir également, dans les archives, le sujet du DM1 de l année 007-008. 1

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS Proposition 1 Une base B = (e 1,..., e n ) est orthogonale pour ϕ si et seulement si la matrice de ϕ dans B est diagonale : q(e 1 ) 0 0 0 q(e )....................... 0 0 0 q(e n ) Dans ce cas (et dans ce cas ) seulement), le rang de q est le nombre de coefficients diagonaux non nuls. Si X = la base orthogonale B, on a ( x1. x n est le vecteur-colonne des coordonnées de x E dans n q(x) = i q(e i ). i=1 1. Existence de bases orthogonales Théorème Soit E un espace vectoriel de dimension finie muni d une forme bilinéaire symétrique ϕ (ou, de manière équivalente, d une forme quadratique q). Alors il existe une base de E orthogonale pour ϕ. En particulier, toute matrice symétrique est congrue à une matrice diagonale. Preuve. On montre ce théorème par récurrence sur la dimension n de l espace vectoriel E. Plus précisément, pour tout n N, notons P n :«pour tout K-espace vectoriel de dimension n et toute forme quadratique q sur E, il existe une base de E orthogonale pour q». Pour n = 0 ou n = 1, il n y a rien à démontrer. Supposons n > 1 et supposons acquise l hypothèse de récurrence P n 1. Soient E un K-espace vectoriel de dimension n et ϕ une forme bilinéaire symétrique (et q la forme quadratique associée) sur E. Si ϕ est la forme nulle, toute base de E convient. Dans le cas contraire, q étant non nulle, il existe e 1 E tel que q(e 1 ) 0. L application x ϕ(x, e 1 ) est une forme linéaire sur E ; soit F son noyau. Puisque cette forme linéaire n est pas nulle (ϕ(e 1, e 1 ) 0), elle est de rang supérieur ou égal à 1 donc égal à 1 (l espace d arrivée est K, qui est de dimension 1). Par le théorème du rang, on a donc dim F = dim E 1 = n 1 c est-à-dire que F est un hyperplan de F. Comme F ne contient pas e 1, on a donc F Ke 1 = {0}. On peut donc en déduire que E = Ke 1 F. L application ϕ F F est une forme bilinéaire symétrique sur F, qui est un espace de dimension n 1 ; on peut donc lui appliquer l hypothèse de récurrence P n 1 : il existe une base (e,..., e n ) de F orthogonale pour ϕ F F, donc pour ϕ. De plus, par définition

de F, on a, pour tout i {,..., n}, ϕ(e 1, e i ) = 0 : la base (e 1, e,..., e n ) (c est bien une base puisqu obtenue en réunissant des bases de deux sous-espaces supplémentaires) de E est orthogonale pour ϕ. On a prouvé l assertion P n. Le théorème de récurrence conclut alors la démonstration. 1.3 Méthode pratique : décomposition de Gauss Dans cette partie, on suppose que E = K n (cette identification étant toujours possible via le choix d une base). Les formes quadratiques s écrivent alors comme polynômes homogènes de degré à n variables. 1.3.1 Principe Le théorème de réduction précédent entraîne que toute forme quadratique n q : (x 1,..., x n ) α i,i i + α i,j x i y j i=1 1 i<j n peut s écrire n q = β i ψi i=1 où ψ 1,..., ψ n sont des formes linéaires linéairement indépendantes sur E. Cette construction des formes ψ i se fait par récurrence et généralise en quelque sorte la mise sous forme canonique des trinômes du second degré étudiée dans les petites classes. Supposons n. Si q est la forme quadratique nulle, il n y a rien à démontrer. 1 er cas : Supposons qu il existe un terme «carré» non nul. Quitte à permutter les termes, supposons que ce soit α 1,1. Écrivons alors ) n q(x 1,..., x n ) = α 1,1 ( α 1,i 1 + x 1 x i + q (,..., x n ) i= α 1,1 ) n ( α n ) 1,i α 1,i = α 1,1 (x 1 + x i x i + q (,..., x n ) i= α 1,1 i= α 1,1 }{{}}{{} ψ 1 (x 1,..., x n ) q (,..., x n ) On obtient alors la forme linéaire ψ 1 et il reste à recommencer la construction avec la forme quadratique q (qui ne dépend plus que de n 1 «variables»). Les formes linéaires ainsi construites sont manifestement libres puisque, si i < j, ψ j ne dépend pas de la variable x i tandis que ψ i en dépend. ème cas : tous les termes carrés sont nuls. Puisque q est non nulle, il existe au moins un terme rectangle non nul, et, quitte à permuter les termes, on suppose que c est α 1, x 1. Isolons tous les termes contenant x 1 ou : q(x 1,..., x n ) = α 1, (x 1 + = α 1, (x 1 + n i=3 α 1,i α 1, x i n i=3 ) ( + α 1,i α 1, x 1 x i + n i=3 α,i α 1, x i ) n α,i x i + q (x 3,..., x n ) i=3 α 1, ) ( n ) ( α n ) 1,i α,i x i x i + q (x 3,..., x n ). i=3 α 1, i=3 α 1, }{{} q 3 (x 3,..., x n ) 3

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS Avec la formule ab = 1 [(a + b) (a b) ], on obtient q(x 1,..., x n ) = α 1, 1.3. Exemples Exemple ( ) n α 1,i n α,i x 1 + + x i + x i i=3 α 1, i=3 α 1, }{{} ψ 1 (x 1,..., x n ) α ( ) 1, n α 1,i n α,i x 1 + x i x i +q 3 (x 3,..., x n ). i=3 α 1, i=3 α 1, }{{} ψ (x 1,..., x n ) Réduire la forme quadratique sur R 3 suivante : 0 1 q : (x, y, z) y xz + yz A = Mat C q = 0 1 1 1 1 0 où C est la base canonique de R 3. La méthode de réduction de Gauss donne, en isolant le terme : ( q(x, y, z) = ( xz) y + yz = x 1 ) z 1 z y + yz ( = x 1 ) z (y yz) 1 ( z = x 1 ) z (y z) + z 1 z ( = x 1 ) z (y z) + 1 z. La matrice A est donc congrue à la matrice 0 0 D = 0 1 0 1 0 0 dans une base dans laquelle les vecteurs de la base canonique ont pour coordonnées 1 0 1 0, 1 et 1. 0 0 1 Autrement dit, on a la relation 1 0 1 D = t P AP avec P 1 = 0 1 1. 0 0 1 Un calcul rapide montre que 1 0 1 P = 0 1 1. 0 0 1 4

Exemple 3 Réduire la forme quadratique sur R 4 suivante : 0 0 q : (x, y, z, t) 4xy + 4xz + 4xt + 4yz + 4yt + 4zt A = Mat C q = 0 0 où C désigne la base canonique de R 4. Il n y a pas de terme carré non nul, on isole donc un terme rectangulaire, 4xy, et tous les termes contenant x ou y : q(x, y, z, t) = 4(xy + xz + xt + yz + yt) + 4zt = 4(x + z + t)(y + z + t) 4z 4t 4zt = (x + z + t + y + z + t) (x + z + t y z t) 4(z + zt) 4t ( = (x + y + z + t) (x y) 4 z + 1 ) t 3t. Ceci montre que A est congrue à la matrice diagonale D suivante, avec une matrice de passage P telles que 1 0 0 0 0 1 0 0 D = 0 0 4 0 0 0 0 3 1.4 Réduction complète 1 1 P 1 1 1 0 0 = 0 0 1 1. 0 0 0 1 Les résultats précédents permettent d écrire une forme quadratique sur K n comme une somme de termes carrés coefficientés. On peut pousser plus avant la réduction en «faisant entrer les coefficients dans les termes carrés». Cela nécessite cependant de distinguer si la décomposition se fait à coefficients complexes ou réels. 1.4.1 Cas complexe Théorème 3 Soient E un C-espace vectoriel de dimension finie n et q une forme quadratique sur E. Alors il existe une base B de E telle que Mat B q = I r 0 0 0 = 1 0 0 0 0 0................ 0.. 0 0 1 0 0 0 0 0 0.... 0 0 0 0 5

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS où r est le rang de q. Autrement dit, une forme quadratique de C n s écrit r q : (z 1,..., z n ) ψ j (z 1,..., z n ) j=1 où ψ 1,..., ψ r sont des formes linéaires linéairement indépendantes sur C n. Exemple 4 Considérons la forme quadratique de l exemple 3 en tant que forme quadratique sur C 4 : q : C 4 C (x, y, z, t) 4xy + 4xz + 4xt + 4yz + 4yt + 4zt. On a vu que q(x, y, z, t) peut s écrire ( q(x, y, z, t) = (x + y + z + t) (x y) 4 z + 1 ) t 3t. Introduisons les coefficients dans les termes carrés : q(x, y, z, t) = (x + y + z + t) + (ix iy) + (iz + it) + ( i 3t ) = ψ 1 (x, y, z, t) + ψ (x, y, z, t) + ψ 3 (x, y, z, t) + ψ 4 (x, y, z, t) avec les formes linéaires ψ 1 : (x, y, z, t) x + y + z + t ψ : (x, y, z, t) ix iy ψ 3 : (x, y, z, t) iz + it ψ 4 : (x, y, z, t) i 3t. En particulier, la forme quadratique q est de rang 4. 1.4. Cas réel Le principe est le même que dans le cas complexe, la différence venant du fait que les signes restent «à l extérieur» puisqu un carré réel est toujours positif. 6

Théorème 4 Soient E un R-espace vectoriel de dimension finie n et q une forme quadratique sur E. Alors il existe une base B de E telle que I n + 0 0 Mat B q = 0 I n 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0.................. 0.... 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 =... 0................. 0.. 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0...... 0 0 0 0 0 0 où n, n + {0,..., n} sont tels que rg q = n + n +. Autrement dit, une forme quadratique de R n s écrit q : (x 1,..., x n ) n + j=1 ψ + j (x 1,..., x n ) n j=1 ψ j (x 1,..., x n ) où ψ 1 +,..., ψ + n, ψ + 1,..., ψ n R n. sont des formes linéaires linéairement indépendantes sur Théorème 5 (Théorème d inertie de Sylvester) Les nombres n + et n définis dans le théorème précédent ne dépendent pas de la base B dans laquelle la matrice est écrite. Le couple sgn(q) = (n +, n ) s appelle la signature de la forme quadratique q. Exemple 5 Reprenons la même forme quadratique que précédemment, cette fois définie sur R 4. q : R 4 R (x, y, z, t) 4xy + 4xz + 4xt + 4yz + 4yt + 4zt. On a toujours ( q(x, y, z, t) = (x + y + z + t) (x y) 4 z + 1 ) t 3t = (x + y + z + t) (x y) (z + t) ( 3t ) = ψ + 1 (x, y, z, t) ψ 1 (x, y, z, t) ψ (x, y, z, t) ψ 3 (x, y, z, t) 7

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS avec les formes linéaires ψ + 1 : (x, y, z, t) x + y + z + t ψ 1 : (x, y, z, t) x y ψ : (x, y, z, t) z + t ψ 3 : (x, y, z, t) 3t. En particulier, la signature de q est (1, 3). En utilisant la réduction sur R, on montre facilement la proposition suivante. Proposition 6 Avec les mêmes hypothèses que dans le théorème 4, on a (q non dégénérée) (sgn(q) = (n +, n ) avec n + + n = n), (q est positive) (sgn(q) = (n +, 0)), (q est négative) (sgn(q) = (0, n )), (q est définie positive) (sgn(q) = (n, 0)), (q est définie négative) (sgn(q) = (0, n)). Classification des côniques On désigne par E un plan affine euclidien, dont la direction est le plan vectoriel noté E. Le but de cette section est de définir et classer les côniques du plan E. On retrouvera à partir de là facilement toutes leurs propriétés usuelles..1 Définition et résultat préliminaire Définition 6 On appelle cônique de E toute courbe C admettant dans un repère orthonormal (O, i, j ) une équation du type où A, B, C, D, E, F R. A + B y + C x y + D x + E y + F = 0 Le premier membre de cette équation est donc un polynôme du second degré en (x, y), qui peut s écrire comme q( OM) + l( OM) + F = 0 où M désigne le point de coordonnées (x, y), q est la forme quadratique sur E dont la matrice dans la base ( i, j ) est ( ) A C C B et l est la forme linéaire sur E dont la matrice dans cette base est ( D dit, on a q( u ) = ( x y ) ( A C C B 8 E ). Autrement ) ( ) x = A +B y + C x y et l( u ) = ( D E ) ( ) x = D x+e y y y

dès que les coordonnées de u dans la base ( i, j ) sont (x, y). Lemme 7 La forme quadratique q ne dépend pas du repère orthonormal dans lequel l équation de C est écrite. Preuve. Soit (P, u, v ) un autre repère orthonormal de E. Par définition, M C q( OM) + l( OM) + F = 0. Alors la relation de Chasles sur les vecteurs et la linéarité de l montrent que M C q( OP + P M) + l( OP ) + l( P M) + F = 0. D autre part, en notant ϕ la forme polaire de q, on a q( OP + P M) = q( OP ) + q( P M) + ϕ( OP, P M). Le terme q( OP ) est constant et le terme ϕ( OP, P M) est linéaire par rapport à P M. En posant l ( w ) = l( w ) + ϕ( OP, w ) et F = F + l( OP ) + q( OP ) on obtient une nouvelle forme linéaire l et on a M C q( P M) + l ( P M) + F = 0 de sorte que la forme quadratique qui intervient dans ce nouveau repère est encore q. Définition 7 La forme quadratique q s appelle forme quadratique principale de C. Le rang de q est le rang de C.. Réduction d une cônique Soit C une cônique d un plan euclidien E admettant pour équation vectorielle q( OM) + l( OM) + F = 0. Théorème 8 Il existe un repère orthonormé de E dans lequel l équation de C est de la forme où A, B, D, E, F R. A + B y + D x + E y + F = 0 9

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS Preuve. D après le théorème, il existe une base de E dans laquelle la matrice de q est diagonale, i.e. de la forme ( ) A 0. 0 B Dans un repère d origine quelconque et respectant cette base, la forme de l équation de C est bien du type voulu..3 Côniques de rang On se place dans un repère satisfaisant le théorème 8, c est-à-dire que l équation de C est de la forme A + B y + D x + E y + F = 0. On suppose de plus que C est de rang, c est-à-dire que la forme quadratique (x, y) A + B y est de rang. C est équivalent à dire que A et B sont tous deux non nuls. Alors A + B y + D x + E y + F = 0 A ( + D ) A x + B (y + E ) B x + F = 0 où l on a posé X = x + D, Y = y + E et F = D + E F. A B A B Théorème 9 (Classification des côniques de rang ) ( A x + D ) ( + B y + E ) + F D A B A E B = 0 A X + B Y = F (1) Toute cônique de rang admet, dans un repère orthonormal, une équation, appelée équation réduite, de l un des types suivants : (I) (III) (V) avec a, b R +. a + y b = 1 (II) a y b = 1 a + y b = 0 (IV) a y b = 0 a + y b = 1 Preuve. Reprenons l équation (1) : dans un repère orthonormal d origine Ω ( D A, E B ), la cônique a donc pour équation A + B y = F où (A, B, F ) R R R. 1 er cas : F 0 et A, B, F sont tous trois de même signe. Alors, en divisant les deux membres de l équation par F et en posant a = F et b = F, on obtient l équation (I). A B ème cas : F 0, A et B de même signe et F de signe contraire. Quitte à multiplier par 1, on peut supposer A et B strictement positifs et F < 0. Alors, en divisant par F on obtient l équation (V) avec a = FA et b = F. B 3 ème cas : F 0 et A et B sont de signes contraires. Quitte à multiplier par 1 et/ou échanger les rôles de x et y (c est-à-dire les axes du repère), on peut supposer que F > 0, 10

Figure 1 Ellipses et hyperboles seules côniques propres de rang A > 0 et B < 0. Alors, en divisant par F, on obtient l équation (II) avec a = b = F. B F A et 4 ème cas : F = 0 et A et B sont de même signe. Quitte à multiplier par 1, on peut supposer que A et B sont strictement positifs. Alors, a directement l équation (III) avec a = 1 A et b = 1 B. 5 ème cas : F = 0 et A et B sont de signes contraires. Alors, quitte à multiplier par 1, on peut supposer A > 0 et B < 0. On obtient alors directement l équation (IV) en posant a = 1 A et b = 1 B. On vérifie immédiatement que l équation (III) donne une cônique réduite à {Ω}, que l équation (IV) correspond à la réunion des droites (sécantes en Ω) d équations cartésiennes bx + ay = 0 et bx ay = 0 et que l équation (V) réduit la cônique à l ensemble vide. Définition 8 On appelle cônique propre de rang toute cônique admettant dans un repère orthonormal une équation du type (I) ou (II). Une cônique admettant l équation (I) est appelée ellipse de demi-axes a et b. Une cônique admettant l équation (II) est appelée hyperbole de demi axes a et b..4 Côniques de rang 1 On se place à nouveau dans un repère satisfaisant le théorème 8, c est-à-dire que l équation de C est de la forme A + B y + D x + E y + F = 0. On suppose de plus que C est de rang 1, c est-à-dire que la forme quadratique (x, y) A + B y est de rang 1, c est-à-dire que l un (et un seul) des coefficients A et B est nul. Quitte à permuter x et y (c est-à-dire les axes du repère), supposons que A 0 et B = 0. 11

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS On peut alors écrire A + D x + E y + F = 0 A ( + D ) A x + E y + F = 0 avec X = x + D A, Y = y et F = F D A. Théorème 10 (Classification des côniques de rang 1 ) ( A x + D ) + E y + F D A A = 0 A X + E Y + F = 0 () Toute cônique de rang 1 admet, dans un repère orthonormal, une équation, appelée équation réduite, de l un des types suivants : avec a, p R +. (VI) = py (VII) (VIII) = 0 (IX) a = 1 a = 1 Preuve. Reprenons l équation () : dans un repère orthonormal d origine Ω ( D A, 0), la cônique a donc pour équation A + E y + F = 0 avec (A, E, F ) R R R. 1 er cas : E 0. Alors l équation () peut encore s écrire ( A + E y + F ) = 0 A p Y = 0 E où l on a posé Y = y + F et p = E. En translatant l origine du repère au point de E coordonnées (0, F ), l équation est du type (VI), le paramètre p pouvant être supposé E strictement positif, quitte à changer y en y (inversion de l orientation de l axe des ordonnées). ème cas : E = 0 et F < 0. Alors, en divisant par F et en posant a = F, on obtient A l équation (VII). 3 ème cas : E = 0 et F = 0. Alors, en divisant par A, on obtient directement (VIII). 4 ème cas : E = 0 et F > 0. Alors, en divisant par F et en posant a = F, on a l équation A (IX). On vérifie immédiatement que l équation (VII) conduit à la réunion des deux droites (parallèles) d équations x = a et x = a, que l équation (VIII) réduit la cônique à l axe (Ω, j ) et que l équation (IX) réduit la cônique à l ensemble vide. Définition 9 On appelle cônique propre de rang 1 toute cônique admettant dans un repère orthonormal une équation du type (VI). Il s agit de la parabole de paramètre p. 1

Figure Parabole seule cônique propre de rang 1 3 Classification des quadriques Dans cette section on considère les quadriques d un espace affine E de dimension 3. S agissant d analogues des côniques d un plan mais avec une dimension supplémentaire, les résultats et leurs démonstrations sont très similaires à ceux de la section précédente. Les preuves seront donc laissées au lecteur. Définition 10 On appelle quadrique de E toute surface Q admettant dans un repère orthonormal (O, i, j, k ) une équation du type A + B y + C z + D x y + E x z + F y z + G x + H y + I z + F = 0 où A, B, C, D, E, F, G, H, I, J R. Le premier membre de cette équation est donc un polynôme du second degré en (x, y, z), qui peut s écrire comme q( OM) + l( OM) + F = 0 où M désigne le point de coordonnées (x, y, z), q est la forme quadratique sur E dont la matrice dans la base ( i, j, k ) est A D E D B F E F C et l est la forme linéaire sur E dont la matrice dans cette base est ( G H I ). Lemme 11 La forme quadratique q ne dépend pas du repère orthonormal dans lequel l équation de Q est écrite. Définition 11 La forme quadratique q s appelle forme quadratique principale de Q. Le rang de q est le rang de Q. 13

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS 3.1 Réduction d une quadrique Soit Q une quadrique d un espace affine euclidien E de dimension 3 admettant pour équation vectorielle q( OM) + l( OM) + F = 0. Théorème 1 Il existe un repère orthonormé de E dans lequel l équation de Q est de la forme où A, B, C, G, H, I, J R. 3. Quadriques de rang 3 A + B y + C z + G x + H y + I z + J = 0 Théorème 13 (Classification des quadriques de rang 3 ) Toute quadrique de rang 3 admet, dans un repère orthonormal (Ω, i, j, k ), une équation, appelée équation réduite, de l un des types suivants : (I) (III) (V) avec a, b, c R +. a + y b + z c = 1 (II) a + y b z c = 1 a y b z c = 1 (IV) a + y b z c = 0 a + y b + z c = 0 (VI) a + y b + z c = 1 On vérifie immédiatement que l équation (V) donne une quadrique réduite à {Ω} et que l équation (VI) réduit la quadrique à l ensemble vide. La section d une quadrique admettant l équation (IV) par un plan contenant l axe (Ω, k ) est la réunion de deux droites sécantes en Ω. On peut encore la voir comme la réunion des droites passant par Ω et s appuyant (par exemple) sur l ellipse C d équation + y = 1 située dans le plan d équation z = 1. Une telle quadrique est le cône de a b c sommet Ω s appuyant sur l ellipse C (parfois appelé cône elliptique). Définition 1 On appelle quadrique propre de rang 3 toute quadrique admettant dans un repère orthonormal une équation du type (I), (II) ou (III). Une quadrique admettant l équation (I) est appelée ellipsoïde de demi-axes a, b et c. Une quadrique admettant l équation (II) est appelée hyperboloïde à une nappe de demi axes a, b et c. Une quadrique admettant l équation (III) est appelée hyperboloïde à deux nappes de demi axes a, b et c. 3.3 Quadriques de rang 14

Théorème 14 (Classification des quadriques de rang ) Toute quadrique de rang admet, dans un repère orthonormal, une équation, appelée équation réduite, de l un des types suivants : (VII) (IX) (XI) (XIII) avec a, b R +. a + y b = z (VIII) a y b = z a + y b = 1 (X) a y b = 1 a y b = 0 (XII) a + y b = 0 a + y b = 1 Les équations (IX) à (XIII) ne font intervenir que les variables x et y (la troisième variable z peut être quelconque). Il s agit donc de cylindres de direction (Ω, k ) s appuyant sur la cônique correspondante du plan d équation z = 0. On obtient donc : (IX) un cylindre elliptique, (X) un cylindre hyperbolique, (XI) la réunion de deux plans sécants sur l axe (Ω, k ), (XII) l axe (Ω, k ), (XIII) l ensemble vide. Définition 13 On appelle quadrique propre de rang toute quadrique admettant dans un repère orthonormal une équation du type (VII) ou (VIII). Une quadrique admettant l équation (VII) est appelée paraboloïde elliptique. Une quadrique admettant l équation (VIII) est appelée paraboloïde hyperbolique. 3.4 Quadriques de rang 1 Théorème 15 (Classification des quadriques de rang 1 ) Toute quadrique de rang 1 admet, dans un repère orthonormal, une équation, appelée équation réduite, de l un des types suivants : avec a, p R +. (XIV) = py (XV) (XVI) = 0 (XVII) a = 1 a = 1 On vérifie immédiatement que l équation (XV) conduit à la réunion des deux plans (parallèles) d équations x = a et x = a, que l équation (XVI) réduit la quadrique au plan (Ω j, k ) et que l équation (IX) réduit la cônique à l ensemble vide. Une quadrique admettant (XIV) pour équation réduite est un cylindre parabolique 15

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS de direction (Ω, k ) s appuyant sur la parabole d équation = py située dans le plan (Ω, i, j ). 3.5 Récapitulatif Le tableau 1 récapitule les différentes quadriques propres, en précisant leur nom, leur équation intrinsèque, leur rang, le paramétrage utilisé pour les tracer (à l aide de MAPLE) et la figure obtenue. Il est à noter pour les quadriques non compactes (toutes hormis l ellipsoïde) que seule une partie est obtenue par le paramétrage : on s est en général restreint à une partie de la surface qui se projete à l intérieur d une ellipse de l un des plans du repère. Pour représenter une plus grande partie de la surface, le paramétrage doit être adapté en conséquence. Dans le tableau, on a représenté les quadriques impropres non triviales (i.e. non réduites au vide, un point, une droite ou deux plans parallèles). Remarques 1. Le paramétrage donné est fonctionnel mais n est en général pas la seule possibilité. Par exemple, on peut facilement démontrer que z = x y est encore l équation d un paraboloïde hyperbolique ; et le paramétrage (x, y, x y) permet de «quadriller» cette surface par deux familles de droites. On dit que le paraboloïde hyperbolique est une surface réglée. On peut vérifier que c est aussi le cas de l hyperboloïde à une nappe.. Des versions animées (en rotation) de ces graphiques sont disponibles sur la plate-forme campus, ainsi que la feuille de calcul MAPLE permettant de les obtenir. L animation permet en général une meilleure compréhension de la surface obtenue. 3. Ces définitions et classifications se généralisent à un espace affine euclidien de dimension finie quelconque ; on parle alors d hyperquadriques. Si le corps de base est C, il n y a plus de distinction de signe et beaucoup des quadriques obtenues se confondent (il n y a plus de distinction entre ellipsoïdes et hyperboloïdes, par exemple). 4 Quelques démonstrations du chapitre 6 On présente ici des démonstrations de quelques résultats du chapitre 6. Le numéro des théorèmes et propositions est celui utilisé dans le poly intitulé «Chapitre 6 : Espaces euclidiens» (édition du 13/11/009). Théorème 1 Pour toute forme quadratique q sur E, il existe une unique forme bilinéaire symétrique ϕ q sur E telle que x E, q(x) = ϕ q (x, x). 16

Nom Équation intrinsèque Rang Paramétrage possible Surface Ellipsoïde + y + z = 1 a b c 3 x = a cos θ cos ϕ y = b cos θ sin ϕ z = c sin θ Hyperboloïde à 1 nappe + y z = 1 a b c 3 x = a ch t cos ϕ y = b ch t sin ϕ z = c sh t Hyperboloïde à nappes y z = 1 a b c 3 x = a ch t y = b sh t cos ϕ z = c sh t sin ϕ x = a ch t y = b sh t cos ϕ z = c sh t sin ϕ Paraboloïde elliptique + y = z a b x = a cos θ cos ϕ y = b cos θ sin ϕ z = cos θ Paraboloïde hyperbolique y = z a b x = a cos θ cos ϕ y = b cos θ sin ϕ z = cos θ cos ϕ Table 1 Les quadriques propres 17

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS Nom Équation intrinsèque Rang Paramétrage possible Surface x = a cos θ cos ϕ y = b cos θ sin ϕ x z = c cos θ Cône + y z = 0 a elliptique b c 3 x = a cos θ cos ϕ y = b cos θ sin ϕ z = c cos θ Cylindre elliptique + y = 1 a b x = a cos θ y = b sin θ z = z Cylindre hyperbolique y = 1 a b x = a ch t y = b sh t z = z Plans sécants y = 0 a b x = x y = b a x z = z x = x y = b a x z = z Cylindre parabolique = py 1 x = x y = x p z = z Table Les quadriques impropres non triviales 18

Cette forme bilinéaire symétrique ϕ q s appelle la forme polaire de q. Elle est donnée par l une des identités suivantes, dites identités de polarisation : (x, y) E E, ϕ q (x, y) = 1 [ ] q(x + y) q(x) q(y) = 1 [ ] q(x) + q(y) q(x y) = 1 [ ] q(x + y) q(x y) 4 Preuve. Notons L (E, K) l espace vectoriel des formes bilinéaires sur E. Alors on a L (E, K) = (E) (E) où (E) désigne le sous-espace des formes bilinéaires antisymétriques et (E) celui des formes bilinéaires symétriques sur E (vérifier que ce sont bien des sous-espaces vectoriels de L (E, K). En effet, si f (E) (E) (c est-à-dire si f est à la fois symétrique et antisymétrique), alors x, y E, f(y, x) = f(x, y) = f(x, y) de sorte que f(x, y) = 0 pour tous x, y E. Ceci montre que f = 0 et donc que (E) (E) = {0}. D autre part, une forme bilinéaire f L (E, K) s écrit f = g + h où l on a posé x, y E, g(x, y) = f(x, y) + f(y, x) et h(x, y) = f(x, y) f(y, x). Par construction, g et h sont des formes bilinéaires respectivement symétrique et antisymétrique (à vérifier). On en déduit donc que f (E) (E) et donc la supplémentarité de ces deux sous-espaces. L application Φ : L (E, K) ( Q(E) ) qϕ : E K ϕ x ϕ(x, x) (où Q(E) désigne l espace vectoriel des formes quadratiques sur E) est linéaire et surjective (à vérifier). De plus, son noyau est ker Φ = (E). En effet, si ϕ (E), on a x E, Φ(ϕ)(x) = ϕ(x, x) = ϕ(x, x) = Φ(ϕ)(x) ce qui montre que Φ(ϕ) = 0 et donc que ϕ ker Φ. Réciproquement, si ϕ ker Φ, cela signifie que ϕ(x, x) = 0 pour tout x E. Alors on peut écrire que x, y E, 0 = ϕ(x + y, x + y) = ϕ(x, x) + ϕ(x, y) + ϕ(y, x) + ϕ(y, y) = ϕ(x, y) + ϕ(y, x) ce qui montre que ϕ(x, y) = ϕ(y, x) pour tous vecteurs x, y, donc que ϕ (E). Si l on considère la restriction de Φ à (E), on obtient une application linéaire qui devient injective. En effet, son noyau est ker Φ (E) = (E) (E) = {0}. Il reste 19

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS à montrer que cette nouvelle application linéaire reste surjective, c est-à-dire que toute forme quadratique est définie par au moins une (et donc exactement une, par l injectivité de Φ) forme bilinéaire symétrique. Soit q une forme quadratique sur E et considérons la forme ϕ q définie par la première identité donnée dans le théorème. Il s agit de prouver que ϕ q est symétrique, bilinéaire, et que la forme quadratique associée est q, ce qui se traduit par ϕ q (E) et Φ(ϕ q ) = q. Ces dernières vérifications sont laissées au lecteur, ainsi que la vérification des deux autres identités de polarisation. Proposition 13 Soient E un espace euclidien et, pour tout x E, la forme linéaire ϕ x : E R y x y. Alors l application Φ : E E x ϕ x est un isomorphisme d espaces vectoriels. Si x est un vecteur non nul, le noyau de ϕ x est l hyperplan de vecteur normal x. Preuve. E étant le dual de E, c est-à-dire l espace vectoriel des formes linéaires sur E, il s agit d abord de vérifier que Φ est bien définie, c est-à-dire que pour tout x E on a bien Φ(x) E, c est-à-dire que ϕ x est linéaire. Soient y, y E, λ R. D après les propriétés du produit scalaire, on a bien sûr ϕ x (y + λy ) = x y + λy = x y + λ x y = ϕ x (y) + λϕ x (y ) qui montre que ϕ x E. Il s agit ensuite de prouver que Φ est linéaire. Soient x, x E et λ R. On a y E, Φ(x + λx )(y) = ϕ x+λx (y) = x + λx y = x y + λ x y = ϕ x (y) + λϕ x (y) = Φ(x)(y) + λφ(x )(y) ce qui montre que Φ(x + λx ) = Φ(x) + λφ(x ), c est-à-dire que Φ est linéaire. Montrons que Φ est injective : soit x E tel que Φ(x) = 0, c est-à-dire que ϕ x est la forme nulle. Autrement dit, on a y E, x y = ϕ x (y) = 0 (c est-à-dire x E ). En particulier, x = x x = 0 donc x = 0. L application Φ est injective. Étant donné que la dimension de E est finie, le fait que dim E = dim E (le démontrer à l aide de la base duale d une base de E) entraîne que Φ est également surjective. Par conséquent, Φ est un isomorphisme d espaces vectoriels. Remarque 0 Ce théorème subsiste en dimension quelconque lorsqu on ajoute des conditions de nature topologique. Plus précisément, on impose que l espace préhilbertien E soit complet, c est-à-dire que toute suite de Cauchy d éléments de E converge dans E (on dit

alors que E est un espace de Hilbert), et que les formes linéaires sur E soient continues (leur espace est le dual topologique de E). Dans ce cadre, ce résultat porte le nom de théorème de représentation de Riesz, il s agit d un résultat extrêmement important d analyse fonctionnelle. On peut observer que ces deux conditions topologiques sont automatiquement vérifiées lorsque E est de dimension finie. Proposition 5 Pour tout endomorphisme u L(E), il existe un unique endomorphisme u de E, appelé adjoint de u, tel que (x, y) E, u(x) y = x u (y). Preuve. Soit y E. L application E R x u(x) y est une forme linéaire sur E (à vérifier). D après la proposition 13, elle s écrit donc de manière unique sous la forme ϕ z (avec les notations de cette proposition) où z est un vecteur de E dépendant de y. Posons u (y) = z. On définit ainsi une application qui vérifie, par construction, u : E E y u (y) x, y E, u(x) y = ϕ u (y)(x) = u (y) x. On a la relation voulue, il reste simplement à vérifier que l application u est un endomorphisme de E, c est-à-dire qu elle est linéaire. Soient x, x E, λ R, on a : y E, u (x + λx ) y = x + λx u(y) = x u(y) + λ x u(y) = u (x) y + λ u (x ) y ou encore y E, u (x + λx ) u (x) λu (x ) y = u (x + λx ) y [ ] u (x) y + λ u (x ) y ce qui signifie que le vecteur u (x + λx ) u (x) λu (x ) est orthogonal à tout vecteur de E (et en particulier à lui-même), donc est nul. On a bien = 0 u (x + λx ) = u (x) + λu (x ) ce qui montre que u L(E). 1

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS Théorème 30 Tout endomorphisme autoadjoint de E admet une valeur propre réelle. Classiquement, ce théorème se démontre par le biais d une complexification de E, c est-à-dire la considération de l espace préhilbertien complexe E C (produit tensoriel). L existence de valeurs propres a priori complexes ne fait pas de doute puisque le polynôme caractéristique est alors scindé (comme tout polynôme complexe). On parvient alors à démontrer que ces valeurs propres sont en fait réelles et que les vecteurs propres associés peuvent être choisis eux aussi à composantes réelles. Une telle démonstration nécessite toutefois de passer par la complexification de l espace (moralement, cela signifie qu on décrête que si une base est donnée, les coordonnées ont le droit de devenir complexes) et du produit scalaire (ce qui nécessite de passer par la défintion de la sesquilinéarité et de la symétrie hermitienne), plus de nombreux détails techniques. On propose ici une démonstration «alternative» de ce théorème, utilisant les formes quadratiques et un soupçon de topologie. Preuve. Soit u un endomorphisme autoadjoint de l espace euclidien E de dimension n. Soit B une base orthonormée de E et A = Mat B (u). Comme u est autoadjoint et que B est orthonormée, la matrice A est symétrique réelle (d après la proposition 9). Considérons la forme quadratique q sur R n dont la matrice dans la base canonique est A. La forme quadratique q apparaît comme un polynôme homogène de degré à n variables, c est en particulier une fonction continue sur R n. La sphère unité de R n S(0, 1) = {x R n, x = 1} est compacte car elle est fermée et bornée (on a muni R n de la norme euclidienne. associée au produit scalaire canonique). Par conséquent, lorsque restreinte au compact S(0, 1), la fonction q est bornée et atteint ses bornes, en particulier son maximum : il existe x 0 S(0, 1) tel que x S(0, 1), q(x) q(x 0 ). Notons λ = q(x 0 ) et posons, pour tout x R n, q 1 (x) = λ x q(x). Alors q 1 est encore une forme quadratique (puisque combinaison linéaire de., forme quadratique dont la forme polaire est le produit scalaire canonique de R n, et de q), qui est de plus positive. En effet, pour x R n \ {0} (le cas x = 0 étant trivial), ( ) x q 1 (x) = x q 1 car q 1 est une forme quadratique x = x λ x q x }{{} = x [λ q =1 ( )] x x 0 car λ = sup q. S(0,1) ( x x ) avec x x S(0, 1)

De plus q 1 (x 0 ) = λ x 0 q(x 0 ) = λ q(x 0 ) = 0. On dit que x 0 appartient au cône }{{} isotrope de q 1. =1 Soit ϕ la forme polaire de la forme quadratique q 1. Comme il s agit d une forme bilinéaire symétrique positive, on peut appliquer l inégalité de Cauchy-Schwarz : de sorte que y R n, ϕ(x 0, y) q 1 (x 0 ) }{{} =0 q 1 (y) = 0 y R n, ϕ(x 0, y) = 0 ie x 0 q1 y. On dit alors que x 0 appartient au radical (ou : noyau) de ϕ (ou de q 1 ). Matriciellement, si on note X 0 le vecteur-colonne des coordonnées de x 0 dans la base canonique de R n, et en tenant compte du fait que la matrice de q 1 est λi A, on obtient que Y M n,1 (R), t Y (λi A)X 0 = 0 = Y (λi A)X 0. Autrement dit, le vecteur (λi A)X 0 est orthogonal à tout vecteur Y ; il est donc nul : (λi A)X 0 = 0 soit λx 0 AX 0 = 0 ou encore AX 0 = λx 0. Comme X 0 0 (il est de norme 1), cette égalité permet de conclure que le réel λ est valeur propre de la matrice A et que X 0 est un vecteur propre associé. Vectoriellement parlant, on a donc que λ est valeur propre de l endomorphisme u et qu un vecteur propre associé est x 0. Théorème 3 (Théorème spectral) Tout endomorphisme autoadjoint u est diagonalisable, et il existe une base orthonormée de E formée de vecteurs propres pour u. Preuve. Soient u un endomorphisme autoadjoint de E, λ 1,..., λ p ses valeurs propres (sans répétition). On sait que la somme des sous-espaces propres F = E λ1 (u) E λp (u) est directe (fait général chez les endomorphismes) et orthogonale (d après la proposition 31). Il reste à montrer que F = E (rappelons que u est diagonalisable si et seulement si E est la somme directe des sous-espaces propres de u). Supposons que ce ne soit pas le cas, F E. Alors l orthogonal F de F n est pas réduit à {0}. L espace F, en tant que somme de sous-espaces stables par u (les sous-espaces propres de u) est stable par u ; il en est donc de même de F. En effet, si x F, on a y F, u(x) y = x u(y) = 0 (car u est autoadjoint et u(y) F puisque F est stable par u). On en déduit donc que u(x) F. L endomorphisme induit par u sur F (notons-le u F ) reste autoadjoint, donc admet une valeur propre λ en vertu du théorème 30. Si x est un vecteur propre pour u F associé à cette valeur propre λ, on a en particulier x F, donc on peut écrire u(x) = u F (x) = λx 3

Quelques compléments au chapitre 6MathématiquesÉcole des Mines de Douai FIAAS ce qui montre, x étant non nul, que x est encore vecteur propre pour u associé à la même valeur propre λ. Un tel vecteur x ne peut appartenir à F (puisque F F = {0} et x 0) mais appartient à E λ (u), ce qui contredit la définition de F, somme des sous-espaces propres de u. On a ainsi prouvé que l hypothèse F E conduit à une absurdité ; et comme F E, on a nécessairement F = E. L espace E est donc la somme directe des sous-espaces propres de u, on peut en conclure que u est diagonalisable. Cette somme directe est en plus orthogonale d après la proposition 31, on obtient donc une base orthonormale formée de vecteurs propres pour u en réunissant des bases orthonormales de chaque sous-espace propre de u (que l on peut obtenir par orthonormalisation de Schmidt). 5 Exercices Exercice 1 Soit l application b : R 3 R 3 R ((x 1,, x 3 ), (y 1, y, y 3 )) x 1 y 1 + x 1 y + x 1 y 3 + y 1 + x 3 y 1. 1. Démontrer que b est une forme bilinéaire sur E = R 3 et déterminer sa matrice relativement à la base canonique de R 3. Écrire la forme quadratique q qu elle définit sur R 3.. q est-elle dégénérée? Déterminer sa signature. Déterminer E. 3. Soit H = {(x 1,, x 3 ) R 3, x 1 = x 3 }. Déterminer H. Exercice Soit l application q : R 4 R (x, y, z, t) xy + xz + xt + yz 1. Démontrer que q est une forme quadratique sur R 4 et déterminer sa forme polaire ϕ.. Calculer la matrice de q dans la base canonique de R 4 ; et réduire q par la méthode de Gauss. 3. La forme quadratique q est-elle dégénérée? Quelle est sa signature? Exercice 3 1. Démontrer que l application 4 ϕ : M n (R) M n (R) R (A, B) tr( t AB)

est un produit scalaire sur l espace vectoriel M n (R).. Démontrer que les ensembles S n (R) et A n (R) respectivement des matrices symétriques et antisymétriques de M n (R) en sont des sous-espaces vectoriels supplémentaires. Déterminer leurs dimensions. 3. Déduire des deux questions précédentes la signature de la forme quadratique q : M n (R) R A tr(a ). Exercice 4 Mettre en évidence des paramétrages du paraboloïde hyperbolique et de l hyperboloïde à une nappe prouvant que ce sont des surfaces réglées, c est-à-dire se présentant comme réunion d (au moins) une famille de droites. 5