christian salez ceo de delvaux 22ème saison petits déjeuners financiers

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1 christian salez ceo de delvaux 22ème saison petits déjeuners financiers

2 Trouver une manière créative d atteindre un équilibre entre réputation et réalité économique. Christian Salez, CEO de Delvaux Pour la dernière session du printemps 2011, les «Petits Déjeuners Financiers» ont eu pour cadre L Arsenal, l exceptionnel siège des ateliers Delvaux, la maroquinerie qui a sans aucun doute sa place au firmament de l industrie belge. Les participants ont pu assister à une explication passionnante du CEO Christian Salez, qui n a écarté aucun sujet délicat. Il a notamment évoqué la stratégie de Delvaux, visant à trouver un équilibre entre la forte réputation de la marque sur le marché belge, étroit, et la réalité économique selon laquelle Delvaux n occupe qu une place particulièrement restreinte dans un secteur du luxe mondialisé. Christian Salez peut, tout comme l illustre l introduction donnée par Martine Maelschalck, rédactrice en chef de L Echo, se targuer d une riche expérience professionnelle. Il a travaillé pour de grandes agences de publicité comme TBWA et Saatchi & Saatchi. C est notamment à lui qu on doit la célèbre campagne OK de Mazda. Il a alors rejoint La Poste et ensuite Vinçotte pour finalement devenir à partir de 2007 CEO de Delvaux et gérer l entreprise en collaboration avec le propriétaire familial, François Schwennicke. En acceptant ce poste, Salez a confirmé aimer les défis, car l entreprise familiale créée en 1829 en offrait beaucoup. Cependant, elle était confrontée à des pertes depuis quelques années déjà. «Afin de pouvoir correctement évaluer la situation chez Delvaux et les défis qui nous attendaient», explique Christian Salez, «il est également important de connaître l historique de l entreprise.»

3 Un pionnier à de nombreux égards Delvaux peut se vanter d être la plus ancienne maroquinerie au monde. «La qualité irréprochable a toujours été le credo de la maison», affirme Christian Salez. «À ses débuts, Delvaux fabriquait exclusivement des produits fonctionnels, une ligne de voyage pour la noblesse de l époque. En 1933, Franz Schwennicke, qui avait amassé un certain capital dans la colonie belge, rachète Delvaux et en fait une maison de Haute Couture équipée d un studio de création produisant chaque année deux collections saisonnières aux créations originales. Il sera le premier dans le secteur du luxe à associer mode et fonctionnalité. Mais ce ne fut pas sa seule brillante idée. Lors de l organisation de l Exposition universelle à Bruxelles en 1958, toutes les hôtesses (à l époque, cette fonction était encore prestigieuse et principalement confiée à des jeunes filles de la classe supérieure) étaient équipées d un sac à bandoulière fabriqué par Delvaux. Cet événement et le titre de fournisseur officiel de la Cour que Delvaux arborait depuis 120 ans (c est un titre auquel on attache beaucoup plus d importance en Belgique que dans d autres pays, car il ne s agit souvent que d une donnée superficielle) ont permis à Delvaux de peu à peu se forger une solide réputation dans ce pays. Lors du décès de Franz Schwennicke en 1970, sa veuve Solange s est retrouvée seule avec trois enfants en bas âge. Mais, en tant que l une des premières femmes CEO du pays, elle est parvenue à maintenir la maison à flot et a fait reconnaître Delvaux en tant que marque de luxe. Depuis la fin des années 80, François Schwennicke s attèle à la modernisation de la maison, comme l illustre notamment le déménagement de l entreprise à L Arsenal, à Etterbeek.»

4 Marque de niche à petite échelle La réputation de Delvaux comme marque de qualité dans le secteur du luxe, où l on travaille avec des marchandises rares, et donc onéreuses, pour créer des collections et pièces uniques, est restée intacte au fil des ans. «C est un avantage indéniable», explique Christian Salez, «mais également notre faiblesse. Car cette réputation touche surtout le marché belge, étroit. Le secteur du luxe brasse un chiffre d affaires annuel mondial de près de 300 milliards d euros. Vu qu au cours de ces dernières années, notre chiffre d affaires a oscillé entre 16 et 22 millions d euros, nous restons une marque de niche à très petite échelle. Nous sommes il est vrai portés au même rang que des marques comme Hermès et Louis Vuitton, mais ce dernier brasse par exemple un chiffre d affaires de 4 milliards d euros rien que pour les sacs et produit environ 7 millions de sacs par an, alors que notre production ne s élève qu à environ sacs. Le cuir représente chez nous environ 90 % de la production, alors qu il ne représente que 10 % chez Hermès. Tous ces chiffres illustrent le défi qui nous attend : Delvaux est il est vrai porté au même rang que ces grands noms du secteur du luxe, ce qui pourrait porter à croire que nous jouons dans la même cour, mais la réalité économique nous rappelle que ce n est pas du tout le cas.» Delvaux est portés au même rang que des marques comme Hermès et Louis Vuitton

5 La crise mondiale a été positive pour Delvaux Ce qui explique immédiatement pourquoi Delvaux a éprouvé des difficultés entre 2002 et «La situation économique semblait plus florissante que jamais», ajoute Christian Salez. «De plus en plus de personnes du monde globalisé pouvaient s offrir des produits de luxe. Nous ne pouvions profiter d un tel contexte de croissance en raison de notre production artisanale dans nos ateliers d Etterbeek, de France et du Vietnam. C est à cet égard que la crise économique mondiale nous a été bénéfique, car elle a permis à des concepts comme éthique et durabilité, indissociables de notre production artisanale, de revenir en avant. Force est d avouer que cette crise nous a été bénéfique au cours de ces deux dernières années et a permis à l entreprise de redevenir lucrative et rentable. Mais indépendamment de ces circonstances externes, qui sont par ailleurs toujours notables (nous réalisons par exemple toujours un quart de notre chiffre d affaires pendant la période de fin d année, et lorsqu il y a d abondantes chutes de neige comme lors de ces deux dernières années, je ne peux m empêcher d en frémir), nous avons tout mis en œuvre pour rester à flot. Au cours de ces dernières années, nous avons donc convié chaque semaine des personnes dans nos seize enseignes en Belgique. L objectif était surtout d accroître la fréquence d achat de nos clients. Car bien que nos sacs, sans que nous puissions formellement l avancer, soient de facto garantis à vie, nous pensons qu une approche personnelle pourrait accroître la fréquence d un achat tous les quatre ans. Nous avons également veillé à désormais également disposer de tous les accessoires nécessaires permettant de pouvoir réparer les sacs que nous avons vendu ces 30 dernières années. Et nous avons choisi de continuer à proposer des tarifs abordables, tant pour notre ligne haute couture que pour notre ligne prêt-à-porter. Le prix des sacs de cette catégorie oscille entre 500 et 1000 euros. Ces choix stratégiques nous ont permis de créer plus que jamais des liens personnels avec nos clients.»

6 Optimisme pour l avenir Cette stratégie a permis à Delvaux d augmenter son chiffre d affaires de 10 à 12 % au cours de ces deux dernières années, et de surtout renouer avec le bénéfice. «Nous avons réaligné la stratégie et la gestion de l entreprise à la réalité économique, sans perdre de vue la forte réputation de notre marque. Nous allions techniques modernes comme CRM et les médias sociaux à notre riche tradition, et cela fonctionne. Il ne reste cependant pas moins vrai que les clients plus âgés constituent une partie importante de notre public-cible, mais un tiers de notre clientèle se trouve déjà dans la tranche d âge ans. Et grâce à la qualité des créations, nous veillons à ce que ces clientes puissent tant marier nos sacs à un jeans qu à un élégant manteau ou une robe de soirée. Mais force est de constater que notre présence reste limitée sur le marché belge. Plusieurs pistes sont à explorer pour renforcer notre croissance. Une nouvelle extension du segment prêt-à-porter devrait nous permettre de porter la production à sacs. À terme, nous voudrions en produire Une expansion internationale est possible, surtout avec des enseignes propres. Mais rien que pour louer un immeuble à Paris, dans le quartier correspondant à notre image, il nous faudrait pouvoir débourser 1 million d euros. Vu que notre production relativement onéreuse en Belgique et en France, où nous produisons encore plus de 60 % des sacs Nous nous considérons comme la version homéopathique du secteur du luxe

7 de manière artisanale et où les ateliers ne comportent aucune machine (et où les coûts de la main-d œuvre sont cinq à sept fois plus élevés qu au Vietnam) limite considérablement les marges, nous devrions vendre énormément de sacs pour amortir ce montant. C est pourquoi nous sommes à la recherche d une collaboration avec des détaillants de haut niveau, connus à l échelle internationale. Nous sommes également en train de mener des entretiens exclusifs avec deux groupes industriels en vue d un éventuel renforcement du capital. Mais je ne peux encore rien vous dévoiler concernant l issue de ces entretiens. Je peux simplement vous dire que les efforts que nous avons fourni au cours de ces dernières années ont porté leurs fruits dans un marché difficile, et que nous abordons l avenir avec confiance. La diversification n est pas vraiment envisagée. Nous allons il est vrai quelque peu nous détourner pour faire état de notre savoir-faire technique, mais à chacun son métier. Nous nous considérons comme la version homéopathique du secteur du luxe et vu que près de 98,5 % des femmes du monde entier ne portent pas encore de sac Delvaux, le potentiel est énorme.» Geert Degrande