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1 Note de veille, 22 juillet rue de Babylone Paris France Tél. : 33 (0) Fax : 33 (0) forum@futuribles.com L augmentation de l inflation est-elle durable? Suite au premier choc pétrolier en 1973, l inflation mondiale a été contrôlée et a diminué progressivement. Entre 2008 et 2009, l inflation mondiale a augmenté de deux points mais la crise a permis une chute rapide (trois points entre 2009 et 2010). Reste à savoir si l augmentation continue de l inflation depuis 2010 constitue un rattrapage des niveaux d avant-crise ou une prolongation de la tendance à l augmentation entamée en Trois raisons principales peuvent expliquer la diminution de l inflation depuis le début des années La mise en place d une politique monétaire plus rigoureuse dans les pays industrialisés. La création, en 1998, de la BCE (Banque centrale européenne), garante de la stabilité des prix dans la zone euro, a joué un rôle notoire dans la limitation de l inflation. - Dans les années 1970, l augmentation générale des prix a été accompagnée par une revalorisation des salaires : aujourd hui, avec le vieillissement de la population et la concurrence d une main-d œuvre bon marché dans les pays émergents, les salariés pèsent moins dans les décisions et l indexation des salaires n est plus automatique. - Enfin, la baisse des prix des produits manufacturés, due à la concurrence internationale («effet prix») ainsi qu à l amélioration de la performance de ces produits («effet qualité») ont joué un rôle dans la limitation de l augmentation des prix. - Graphique 1 : Évolution des taux d inflation dans le monde Source : FMI. Entre 2000 et 2008, l inflation augmente légèrement dans les pays industrialisés : il s agit d une inflation importée due à l augmentation des prix des matières premières (énergie et denrées agricoles) causée par la demande croissante des pays en développement. Futuribles, Système Vigie, 22 juillet
2 Entre 2002 et la crise, ces pays ont représenté 90 % de l augmentation de la demande mondiale de pétrole et 80 % de la hausse de la demande de denrées agricoles 1. Toutefois, la rigueur de la politique monétaire, la diminution des coûts salariaux et des prix des produits manufacturés dans les pays industrialisés ont compensé l augmentation des prix des matières premières. Par ailleurs, la réduction de la part du budget des ménages consacrée à l énergie et à l alimentaire au profit des services et des produits manufacturés dans les pays développés a accompagné ce phénomène. Comment expliquer alors l augmentation brutale de l inflation en 2008? Depuis les années 1980, l inflation a changé de nature, elle ne concerne plus le marché des biens et services (sphère réelle) mais le marché des actifs (sphère financière). Le niveau d inflation dépend fortement de l offre de monnaie disponible sur le marché. Or, depuis le milieu des années 1990, les pays de l OCDE ont eu recours à des politiques monétaires expansionnistes 2 dans les périodes de difficultés économiques (graphique 2) et les pays émergents et exportateurs de pétrole ont accumulés les réserves de change pour freiner l appréciation de leurs devises vis-à-vis du dollar US afin que leurs produits restent compétitifs (graphique 3). Graphique 2 Graphique 3 Source : ARTUS Patrick. Les agents économiques investissent leur richesse (monétaire) dans les différents actifs : immobiliers, actions, obligations etc. L offre d actifs étant rigide (à un moment donné elle ne peut plus s accroître), l augmentation de la masse monétaire entraîne une inflation du prix des titres financiers et une logique de bulle spéculative se met en place. L inflation est également nourrie par la perte de confiance des agents économiques : suite à la crise des subprimes, de nombreux investisseurs ont cherché des placements rémunérateurs à court terme et se sont tournés vers les matières premières : entre juillet 2009 et mars 2010, l inflation mondiale a connu une remontée de 3,3 points : 2,8 points sont imputables à l élévation du prix de l énergie et 0,4 point à la hausse des prix des produits agricoles 3. 1 FMI (Fond monétaire international). «Perspectives de l économie mondiale : logement et cycle conjoncturel». Études économiques et financières, avril 2008, 2 Politiques visant à augmenter les liquidités disponibles dans l économie (taux d intérêt faibles, achat de bon du trésor par les banques centrales) 3 PROUTAT Jean-Luc, «Inflation, le grand retour?», op. cit. Futuribles, Système Vigie, 22 juillet
3 L augmentation de l inflation est-elle durable? L inflation pourrait continuer à augmenter pour deux raisons majeures. - L inflation mondiale actuelle couplée à des taux d intérêt nominaux bas est une manière d obtenir des taux d intérêts réels négatifs. L endettement est donc favorisé, puisque les crédits coûtent moins chers aux agents économiques : cela peut favoriser la relance et alléger la dette publique de l État. La lutte contre l inflation risque donc de ne pas être la priorité des différents pays : depuis le début de la crise, les États-Unis ont mené une politique de quantitative easing, augmentant considérablement l offre de monnaie 4. Certains experts considèrent qu une politique de déflation 5 serait catastrophique et entraînerait une longue période de récession. Graphique 4 : Évolution du taux d intérêt réel aux États-Unis Source : PCASD. - Selon les experts de Natixis, la forte croissance des pays émergents va contribuer à augmenter davantage les prix des matières premières et l augmentation du niveau de vie des populations de ces pays va contribuer à augmenter les coûts salariaux. Il devrait en résulter une hausse du coût des importations pour les pays de l OCDE 6. Toutefois, ce tableau pourrait être nuancé pour plusieurs raisons. L inflation pourrait produire des effets autorégulateurs dans les pays en développement : des prix trop élevés des matières premières et notamment du pétrole pourraient réduire la compétitivité de ces pays, entraînant une baisse de l inflation. Les pays émergents sont également concernés par la réduction de l inflation : au Brésil, par exemple, l inflation a atteint un pic de 6,4 % en avril La Banque centrale a relevé son taux directeur de 0,25 point : il est actuellement de 12 % (contre 1,25 % pour la zone euro) 7. En Inde, l inflation est à 9 % et la Banque centrale a augmenté son taux directeur de 0,5 point en mai Le gouvernement a revu ses prévisions de croissance à la baisse pour 2011 : elle serait comprise entre 8 et 8,5 %, contre 9 % annoncés en février ARTUS Patrick. «Que se passe-t-il quand l offre de monnaie mondiale augmente trop vite pendant une très longue période de temps?» Flash Économie n 566, Natixis, Baisse durable de l indice des prix. 6 ARTUS Patrick. «Quand l inflation va revenir dans les pays de l OCDE, l attitude des Banques centrales sera cruciales». Flash Économie n 329, Natixis, Voir Futuribles, Système Vigie, 22 juillet
4 Pour la Chine, la situation est plus complexe : son taux d inflation est actuellement de 5,4 %. Elle rechigne à laisser sa monnaie s évaluer craignant de rendre ses exportations moins compétitives. Ce comportement nourrit l inflation dans la mesure où ses réserves de change en dollars US (3 000 milliards de dollars US en 2011) sont reversées dans l économie en yuans, augmentant ainsi les liquidités. Confronté à la pression des États-Unis, le gouvernement chinois a consenti à réévaluer sa monnaie dont la valeur a augmenté de 5 % par rapport au dollar US depuis juin Par ailleurs, le différentiel d inflation entre la Chine et les États-Unis (et les pays industrialisés en général) atténue la compétitivité de la Chine, puisque le prix relatif de ses produits devient progressivement plus élevé, ce qui équivaut donc indirectement à une réévaluation de sa monnaie. Pour le moment, les banques centrales des pays développés ont tendance à laisser les taux d intérêt réels diminuer afin de limiter l endettement et de contrer la crise, mais un laxisme prononcé des politiques monétaires concernant l inflation constituerait une entorse significative au dogme de l indépendance des banques centrales. Par ailleurs, selon Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, deux économistes, l augmentation du niveau d inflation après la crise est «normale», voire même souhaitable. Après avoir étudié les crises financières depuis 1800, ils considèrent que l inflation fait partie d un cycle : lorsque les pays sont en défaut de paiement à la suite d une crise, ils créent de l inflation pour réduire leur dette et celle des ménages ; la crise de 2008 n échapperait pas à la règle et l inflation devrait servir à assainir l économie 10. Graphique 5 : Inflation et défauts de paiement extérieurs, Source : REINHART Carmen. «Eight Hundred Years of Financial Folly». VoxEU, 5 mai 2010, Laurie Grzesiak 8 Voir «Inde, la production industrielle plus forte que prévu en mars». Les Échos, 12 mai 2011 ; et «L inde sacrifie un peu de croissance pour endiguer le fléau». Le Monde, 19 mai «La Chine prête à juguler son inflation». La Tribune, 11 mai 2011, et «La Chine se résout à un yuan plus fort pour combattre l inflation». La Tribune, 9 mai 2011, 10 REINHART Carmen et ROGOFF Kenneth. Cette fois, c est différent : huit siècles de folie financière. Paris : Paerson Education, 2010, 470 p. Futuribles, Système Vigie, 22 juillet
5 Source : PROUTAT Jean-Luc. «Inflation, le grand retour?» Eco Week, BNP Paribas Economic Research Department, 2011, Site Internet : C FF863/$File/ECOWEEK_11-16-FR.pdf?OpenElement. Champs de veille : Économie et finance / Géopolitique Mots clés : Inflation / Politique monétaire / Système monétaire international / Pays en développement Futuribles, Système Vigie, 22 juillet
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