Sujet de Pédopsychiatrie n 1
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- Martine Lefèvre
- il y a 8 ans
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1 Sujet de Pédopsychiatrie n 1 Louis, 14 ans, nous a été adressé en urgence par son médecin traitant suite à une crise clastique avec hétéro-agressivité, survenue au domicile un matin du mois de janvier. Louis a de grandes difficultés relationnelles avec son père et son jeune frère. Il s emporte facilement lorsqu on s adresse à lui. Il ne répond plus à ses camarades et reste à la maison, passant de longues heures aux jeux vidéos. Il a arrêté de jouer au football le mercredi invoquant une blessure au genou survenue il y a deux mois. Ces trois dernières semaines, il a refusé à de nombreuses reprises de se rendre à l école en disant que «les profs sont nuls». Il est vu aux Urgences avec ses parents. En entretien, le contact est difficile, le regard fuyant, la voix monocorde. Son visage est fatigué, les yeux cernés. L expression émotionnelle est pauvre. Lorsqu on s adresse à lui, il rougit puis se tortille sur sa chaise. Il reste assis près de sa mère, murmure plus qu il ne parle. Il dit avoir «des trous de mémoire». Il reconnaît qu il y a un problème mais ne veut pas en parler. Il ne s explique pas sa crise de colère à la maison. Ces derniers jours il est resté au lit. Les deux parents manifestent leur grande inquiétude sans vraiment parvenir à préciser ce qu ils craignent. Ils se déclarent impuissants. Le père reste effacé pendant l entretien. Louis vit avec ses parents et son jeune frère de trois ans son cadet. Il a deux grandes sœurs dont une âgée de 20 ans revenue vivre au domicile familial suite à des troubles psychiatriques. Ses parents, artisans, ont vendu leur commerce suite à l apparition d une maladie somatique dégénérative chez le père il y a quelques années. Il est très fatigué actuellement. Quant à la mère de Louis, elle mentionne prendre des somnifères. La famille a déménagé de plus 50 kms l été dernier dans le village où sont nés les deux parents de Louis. La grossesse et l accouchement se sont déroulés sans problème. Toutefois la mère de Louis dit avoir été très fatiguée durant le premier mois et pleurait le soir car elle ne parvenait pas à s occuper de ses trois enfants. Le médecin traitant mentionne un suivi psychologique à l âge de 10 ans pour anxiété de séparation. Bon élève depuis toujours, Louis rêve de faire une grande école, ce que ses excellents résultats semblaient autoriser jusqu à l an dernier. Suite à l entrevue aux Urgences, Louis est hospitalisé en pédiatrie. Les deux premiers jours, il refuse de participer aux activités thérapeutiques et éducatives en groupe. Il n exprime pas de demandes et lorsque les infirmières lui proposent de voir un film ou un jeu de société, il n est pas motivé. Les jours suivants, le contact est nettement meilleur mais Louis refuse toujours activement de se rendre en activités, prétextant qu il «s y ennuie». Collaborant bien aux entrevues individuelles avec la psychologue, il verbalise son vécu subjectif et ses pensées.
2 Questions 1) Relever les principales formes d expression symptomatique présentées par cet adolescent? 2) En vous basant sur le tableau clinique ainsi que sur l absence de certaines lignées symptomatiques, discuter les principales pistes diagnostiques. 3) Devant ce tableau clinique, quelles sont les dimensions symptomatiques à explorer et quels examens complémentaires seraient pertinents? 4) En mettant en perspective les données de la clinique et de l histoire personnelle et familiale, expliciter les processus psychopathologiques en jeu dans cette situation? 5) Indiquer selon vous les raisons pour lesquelles l adolescent a été hospitalisé et proposer un plan de traitement et de prise en charge
3 1) Relever les principales formes d expression symptomatique présentées par cet adolescent? Conduites hétéro-agressives, irritabilité et explosivité, repli social et isolement, refus scolaire, apragmatisme, aboulie, anhédonie et asthénie rapportés à l anamnèse. Mussitation, ralentissement psychomoteur, anesthésie affective, signes neurovégétatifs et moteurs d anxiété. Pas d opposition. Ni compulsion ni bizarrerie, altération perceptuelle, signe psychotique, ou dissociation. 2) En vous basant sur le tableau clinique ainsi que sur l absence de certaines lignées symptomatiques, discuter les principales pistes diagnostiques. Phobie scolaire (refus scolaire anxieux) sur l absentéisme scolaire masqué par la dénigrement des enseignants, l installation après les vacances de Noël, la crise clastique motivant la consultation, l antécédent d anxiété de séparation, le refus de participer aux activités de groupe proposées. Etat dépressif majeur: discuter les conduites hétéro-agressives comme pouvant refléter l irritabilité associée à un état dépressif. Evoquer un état dépressif majeur sur le tableau clinique associant irritabilité, repli social, apragmatisme, aboulie, anhédonie, asthénie, ralentissement psychomoteur et anesthésie affective. Mentionner le risque d inversion du rythme veille-sommeil et l addiction aux jeux vidéo. Discuter l association des deux diagnostics et l apparition séquentielle de la dépression et de la phobie scolaire. Évoquer un tableau d opposition sur l hétéro-agressivité et les conflits relationnels et l écarter devant la bonne collaboration aux entretiens et l absence d autres conduites d opposition. Écarter une entrée dans la schizophrénie (évoquée par l apragmatisme, l isolement social et la pauvreté de l expression émotionnelle) devant l absence de discordance et de bizarrerie, l absence de phénomènes délirants. 3) Devant ce tableau clinique, quelles sont les dimensions symptomatiques à explorer et quels examens complémentaires seraient pertinents? Explorer le sommeil et l appétit ainsi que le retentissement actuel sur les apprentissages scolaires. Évaluer le risque suicidaire en recherchant une idéation suicidaire passive ou active, des conduites suicidaires préparatoires ou une tentative de suicide passée inaperçue.
4 Explorer la lignée anxieuse : obsessions idéatives, craintes concernant les proches, éléments de phobie sociale, agoraphobie, survenue d une crise anxieuse (hyperventilation, spasmophilie) à l extérieur de la maison. Écarter une contribution somatique, et parmi celles-ci Sérologie pour la mononucléose infectieuse (réaction de Paul-Bunnel-Davidsohn), TSH à la recherche d une hypothyroïdie, numération formule avec hémoglobine à la recherche d une anémie. Rechercher une consommation de drogue ou d alcool. Rechercher un évènement traumatique, en particulier à l école, (ex : brimades à l école, rupture amoureuse) et Évaluer l impact du déménagement sur la socialisation et la perte de relations sociales significatives. Evaluer l état thymique des parents et rechercher un état dépressif paternel en explorant l attitude en entrevue, la vente du commerce et le pronostic de la maladie somatique. 4) En mettant en perspective les données de la clinique et de l histoire personnelle et familiale, expliciter les processus psychopathologiques en jeu dans cette situation? a) Enfance marquée par une probable dépression du post-partum chez la mère, puis des angoisses de séparation, Adolescence troublée par une probable dépression de son père suite à la vente de son commerce et l apparition d une maladie somatique au pronostic réservé. Milieu familial frappé par l inquiétude suscitée par la maladie paternelle et les troubles psychiatriques de la sœur aînée, préoccupations que Louis peut partager. Ceci peut alors le retenir à la maison et contribuer à la phobie scolaire. Le déménagement a entraîné un changement d établissement scolaire, contribuant aux difficultés d adaptation scolaire et à l état dépressif si Louis a perdu de vue ses camarades de l an dernier et si les attentes des enseignants et son efficience scolaire ont changé, amenant une chute des résultats et la faillite des espoirs de bonne scolarité ultérieure. b) Sur le plan psychodynamique, on peut faire l hypothèse que : La situation actuelle du père ne permet pas un étayage identificatoire suffisant et conduit à des conflits père-fils. Ces conflits sont mal contenus et médiatisés par la mère, elle-même actuellement envahie par l anxiété suscitée ou exacerbée par les menaces concernant la santé du père et de sa seconde fille. Ceci réactive les angoisses de perte d objet chez Louis. Dans le même temps ses crises clastiques et hétéro-agressives nourrissent sa culpabilité, et creusent fanstasmatiquement la distance entre le sujet et l objet d amour, (soit pour protéger l objet maternel de l agressivité, soit parce que lui-même ne se ressent pas comme suffisamment bon pour la mère).
5 5) Indiquer selon vous les raisons pour lesquelles l adolescent a été hospitalisé et proposer un plan de traitement et de prise en charge a) Hospitalisation en raison du tableau dépressif franc avec atteinte fonctionnelle sur la socialisation familiale et amicale, et sur la scolarité. Anxiété voire dépression parentale actuelle et impuissance à contenir la situation qui s aggrave. Adolescent en grande souffrance parlant peu. Évaluation clinique plus approfondie et séparation d avec le milieu familial nécessaires. Permet une meilleure évaluation de la suicidalité. b) Indication d un traitement antidépresseur sur l intensité des symptômes anxieux et dépressifs, s il existe une oligophagie et une insomnie. Plutôt Inhibiteur de la recapture de la sérotonine (ex Fluoxetine 20 mg ou Sertraline 25 mg, un puis deux comprimés en une prise) En général bonne tolérance en dehors de quelques nausées Bien informer le jeune et ses parents du temps de latence habituel avant que ne se manifeste l effet antidépresseur. Ëtre vigilant à la possible réactivation de l anxiété A poursuivre six mois après la disparition des symptômes, puis diminuer progressivement. c) Discuter l articulation entre l hospitalisation en pédiatrie, hôpital de jour et consultations ambulatoires de secteur.
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