Interview de Kim Eng Par Jean- Luc Champougny Le 15 novembre 2008

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1 Interview de Kim Eng Par Jean- Luc Champougny Le 15 novembre 2008 J- L.C : «Quel a été ton parcours pour arriver à enseigner le yin yoga? Quand et comment as- tu appris cette pratique? Kim Eng : «Comment?. J ai commencé par la méditation il y a longtemps, c est une vieille pratique pour moi, pour être dans l état de quiétude. Et je faisais aussi des mouvements dans le même but et comme je les faisais dehors ou pendant les retraites d Eckart Tolle, il y avait des personnes qui s arrêtaient et qui me demandaient si c était du chi gong ou du tai chi. Je leur répondais : «Je bouge, c est tout!». Ce n est pas que je n avais jamais entendu parler de ces pratiques mais ce que je faisais n était ni l un ni l autre car tout venait de cet état de quiétude et c était spontané. Eckart Tolle m a alors suggéré d aller vers un enseignant pour voir de quoi il s agissait exactement. J ai donc recherché un enseignant. Tout ce qui me fascinait était que ces mouvements puissent venir de l état de quiétude. Le Chi gong et le tai chi sont des arts millénaires et cela me fascinait de sentir que tout cela vient d un état de quiétude. Car leur pratique amène à la quiétude, à la conscience, à l éveil. C est comme la vie qui se manifeste à travers le corps, qui arrive à certaines formes symboliques, à certaines manifestations.» J- L.C : «C est comme un art» Kim Eng : «C est un art. C est gracieux à regarder lorsque l énergie circule dans le corps librement. Le moment présent est là, maintenant, sans besoin de mental. Les gens le voient. Quand ils me voient bouger, c est la quiétude qu ils perçoivent. Cela marche ainsi. Le Chi gong et le tai chi, pour ces deux pratiques, l essence, c est la quiétude, être conscient, tu ne te sers pas de ton mental. Je dis cela mais le mental peut s activer en voulant être plus, mieux. Et là, cela peut devenir juste un exercice pour le futur, pour être mieux et la pensée arrive. La tension est là : je pars d ici et je veux arriver là! Mais si tu es dans ton corps et que tu commences à sentir l énergie (le chi pour le chi gong et tai chi et le pràna pour le yoga), tu n as plus besoin du mental. 1

2 La plupart des personnes ne savent pas ce qu est l énergie et ne ressentent pas tout de suite cette énergie, donc ils utilisent le mental pour se discipliner, pour faire l exercice jusqu à ce qu ils sentent la force de la vie, le chi en eux. Et lorsque nous sentons cela et que nous restons connectés à cette force vitale, c est un nouveau seuil de franchi où la quiétude est révélée. Ainsi l essence de ce que tu es vraiment t est révélée. Dieu ou Esprit ou Dao, quelque soit le nom que tu lui donnes, t est révélé. Le premier niveau, c est le corps, ensuite l énergie et enfin la quiétude.» J- L.C : «Comment fais tu pour aider les personnes à sentir le Chi au- delà de la forme?» Kim Eng : «Quand ils commencent à bouger, ils peuvent sentir donc j aime à commencer par les faire se secouer, s agiter, pour qu ils puissent ressentir les vibrations quand le corps se relâche. Quand ils arrêtent, après 10 minutes au moins au début, quelquefois plus, ils sentent la légèreté dans le corps. C est un bon exercice à faire. Et ensuite, je leur demande de mettre leurs mains devant eux, paumes tournées l une vers l autre, et de sentir ce qu il y a entre leurs mains. Et ils peuvent sentir, pour la majorité. Certaines personnes sont trop dans leur tête cependant, en conséquence elles ne savent pas comment ressentir, il leur faut alors plus de pratique. Donc, est- ce que c est nécessaire de faire ces exercices? Non, car l énergie est en nous, toujours là. Nous n avons pas à faire quoi que ce soit pour nous mettre en lien avec l énergie. Nous sommes assis là et il y a cette énergie en nous. Cependant, c est une expression. Quelqu un va résonner plus avec le tai chi, le chi gong ou le yoga. Ils vont résonner avec cela. Certaines personnes ont besoin d une forme pour se mettre en lien avec l énergie. Souvent, nous nous identifions avec nos pensées et toutes les formes de pensées sont des énergies. Et nous les stockons dans notre tête. Nous ne sommes pas alors un canal transparent, un espace vide pour laisser l énergie circuler, pour sentir la force de la vie en nous. Et les mouvements peuvent améliorer notre ressenti de la plus pure des énergies, la force de la vie. C est cela le pont vers la quiétude.» J- L.C : «Dans ta pratique, tu combines Chi gong, Tai chi et Yoga.» Kim Eng : «J inclus effectivement le yoga dans ma pratique, un yoga dirigé vers la quiétude car toutes ces trois pratiques sont venues à travers la quiétude. Quand j étais plus jeune, j étais gymnaste et je faisais des compétitions donc j avais déjà une pratique qui me préparait au yoga. 2

3 Je m exerçais tous les jours, prenais des postures et au fur et à mesure, j ai eu des démangeaisons qui me sont venues. Je croyais au début que c était toutes les toxines de mon corps qui se libéraient mais cela durait. Et je ne savais pas ce qui se passait. Eckart Tolle m a dit que maintenant que j étais dans la conscience, je ne réagissais plus de la même façon aux évènements et donc «c est peut être ton ancien corps de souffrance qui se libère à travers ces manifestations.». Cela m a semblé juste. Tout ça a duré presque un an pour tout nettoyer. Ensuite, j ai trouvé un cours sur un yoga puissant : le yin yoga. J y suis allée. J ai trouvé cela intéressant. J ai reçu cette forme comme une belle manière d accéder à la quiétude, à l énergie et pour garder mon corps en forme aussi. Les trois traditions marchaient vraiment bien pour moi, ensemble et parce que c est venu naturellement à moi, je les combine. Quelquefois les postures en Tai chi et Chi gong amènent à une sorte de souffrance confortable (rires). C est la pratique qui permet cela. Parce que tu es tranquille dans la posture. Si tu es dans la souffrance de la pose, c est que ton corps est contracté. Mais si tu lâches les étiquettes, l histoire qui va avec, tu peux être dans une méditation dans cette même posture et être juste avec les sensations car tu apprends à être témoin, à ressentir, parce que les sensations, c est l énergie. Ton corps de souffrance se libère parce que tu es témoin de ce qui se passe, tu le ressens, sans jugement. Il n est pas question là d une libération pour toujours. Dans la spiritualité, la notion de temps n existe pas. L égo créé le temps et veut être libéré pour toujours. Il n y a pas de «pour toujours», juste le temps présent et si cela revient encore, la souffrance, tu recommences à la libérer, c est tout.» (Rires) J- L.C : «As- tu des recommandations pour les personnes qui veulent accéder à cette pratique?» Kim Eng : «Ce qui prime dans mon enseignement, c est la quiétude, l éveil et après le corps, la forme. C est intéressant parce que j utilise les trois modalités. Quelques personnes veulent combiner les trois pratiques, d autres ne sont intéressés que par une. Le corps, c est important à un niveau relatif pour cette pratique. L essentiel est l enseignement spirituel, ressentir l énergie du Chi. Si tu peux continuer cette pratique des mouvements (ce n est pas forcément les mouvements que j enseigne), tu peux aller vers ta propre pratique après. Si tu ressens le Chi, ces «hauts», cet état de conscience modifié où tu es en contact avec la quiétude, c est ce qui te fait revenir à la pratique. Les personnes qui ressentent cela y sont attachées et cela les fait pratiquer. 3

4 Mais parce que c est une ancienne tradition, l égo peut s y attacher en disant : «cet enseignement est mieux que les autres» donc je préfère aller ailleurs que dans la tradition, dans l ancien. Je vais plutôt vers ce qui résonne à l intérieur de moi que de rester dans la tradition, dans les concepts car ce n est pas venu de moi. Accéder au Chi et ressentir, c est devenir son propre enseignant qui sort de soi, de laisser la sagesse interne du corps se manifester. C est ce à quoi je veux que les personnes travaillent. L accès au Chi pour le yoga, c est le pràna, c est basiquement la même chose. Avec mon enseignant, en tout cas, c est plus la posture, le corps. Même si cela change au cours du temps. D après mon expérience, c est différent pour ressentir le Chi. Tu peux sentir l énergie mais pour moi, le Tai chi et Chi gong, c est plus puissant. Ceci dit, dans le yoga, cela peut arriver, surtout quand tu maintiens une posture.» J- L.C : «Si tu n as pas fait un travail sur les émotions, l énergie peut se trouver bloquée dans le corps et la souffrance est là.» Kim Eng : «Si tu n as pas libéré les émotions, les pratiques peuvent aider à les libérer. Si tu mets en valeur l aspect spirituel, tu peux commencer à réaliser qui tu es vraiment, avoir quelques aperçus de ce que c est que d être Soi, non plus l histoire que tu te racontes, les pensées, le mental mais tu deviens conscient, tu deviens témoin. Les émotions peuvent venir et alors tu es le témoin de ce qui émerge, sans oublier qui tu es. Mais si tu es dans un cours où il n y a pas de compréhension de cet état, de pratique spirituel, tu ne comprends pas ce qui t arrive lorsque l émotion arrive et tu te sauves du cours car tu es encore trop identifié à tes pensées, émotions et ton histoire. (Rires).» J- L.C : «Toi qui as enseigné dans plusieurs pays, vois- tu une différence entre les différentes cultures? Comment les personnes accueillent- elles cette pratique dans ces différents pays?» Kim Eng : «Généralement, les gens n ont aucune expérience dans aucune de ces trois modalités. C est un accès pour le corps, le mental et l esprit et c est très bien reçu. J en suis à chaque fois surprise. Les gens me disent que cela les inspire à se mettre à nouveau en mouvements. Mon attention à ce moment est la quiétude. Quand je regarde la pièce, je vois des corps, certains plus en peine que d autres, je les rappelle à une certaine conscience de leur corps, en étant dans leurs sensations à travers la respiration, l énergie, la quiétude. Le corps a sa propre intelligence. Il est fait pour être libre, aligné, en bonne santé. Quand tu accèdes à cette énergie, le corps se réajuste, il se réaligne lui- même. Il est fait pour être entier, sain. 4

5 Les personnes sont là pour être elles- mêmes, pour devenir complètes à nouveau. Et être entier ne se fait pas seulement à travers le mouvement, une pratique des arts martiaux comme le Tai chi, cela peut arriver à tout moment, c est là! La recherche spirituelle, c est pour cette entièreté, c est vouloir être complet. Même lorsque quelqu un recherche de l argent, ce qu il veut, c est se compléter. Et un moment, tu réalises que tu dois arrêter de chercher, même dans une quête spirituelle, car tout est là, maintenant. J- L.C : «Effectivement, Eckart Tolle dit que dans la méditation, s il y a un méditant qui médite, c est qu il cherche encore quelque chose. Et quand tu enseignes, comment fais- tu avec ce constat?» Kim Eng : «Si tu vas vers cette pratique, la méditation, le Chi gong, le Tai chi, à la recherche de quelque chose, c est le mauvais chemin, et tu créés alors un blocage. La méditation est une pratique car tu es conscient de ta respiration mais tu ne peux pas «pratiquer» ta respiration, c est là! Cependant, comme beaucoup de personnes sont dans leur tête et ne sont pas conscientes de leur respiration, c est une pratique mais le «moi» doit lâcher prise, la pratique doit être laissée de côté. Tu vas pratiquer tous les jours car il est bon d être conscient et non d être perdu dans tes pensées, dans le mental. Mais le but est d être conscient tout le temps donc après, tu peux pratiquer plutôt trois fois par jour, moins longtemps, pour que cela soit petit à petit, à tout instant dans ta vie quotidienne. Tout est méditation et tu es conscient de chaque instant, tu peux dire que c est en quelque sorte l éveil car tu es toujours pleinement conscient. Tu dois effectivement laisser de côté la pratique, le but. Tu es cela! Mais pratique jusqu à atteindre cette conscience. Avant de t installer dans la méditation, tu es là, tu es conscient. Tu es pleinement dans le présent, dans le corps, tu es conscient de l espace, de la forme, tu n es pas séparé. Tu es conscient de tant de choses, d être assis, de bouger, de cuisiner peu importe. Tu es juste aligné avec la force vitale, la quiétude, l énergie de la vie, pareil à celle de l arbre, de l animal, toi, moi, c est de la même énergie dont il s agit et tu peux donc regarder l autre et dire «je me regarde moi- même» parce que tu es dans cette quiétude, c est la même énergie, et c est très beau de voir ainsi. (Rires)» 5