BIOTECHNOLOGIES DE LA REPRODUCTION CHEZ LES BOVINS LAITIERS
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- André Ducharme
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1 BIOTECHNOLOGIES DE LA REPRODUCTION CHEZ LES BOVINS LAITIERS Depuis 40 ans, l insémination artificielle est le vecteur de l amélioration génétique des bovins laitiers, et prouve son efficacité. Plus récemment, à partir des années 1980, se sont développées de nouvelles biotechnologies, que l on peut synthétiquement classer en 3 générations : la transplantation embryonnaire, associant la production et la collecte d embryons «in vivo» et intégrant les possibilités offertes par leur congélation ou leur sexage. le prélèvement «in vivo» d ovocytes par ponction folliculaire (OPU), suivi de leur maturation, de leur fécondation «in vitro» (FIV), puis de la culture des embryons. le clonage, ou multiplication de génotypes embryonnaires identiques, et la transgénèse ou modification contrôlée du génome. Le sexage de la semence est aussi une voie de recherche ouvrant des perspectives nouvelles pour l insémination artificielle. UN CONSTANT PROGRÈS DES CONNAISSANCES DU DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE Le début de l embryogenèse (cette période dure 14 jours chez la vache, jusqu à l implantation définitive dans son utérus) est le stade où interviennent toutes les biotechnologies de l embryon, résumées dans le schéma suivant (figure 1). Les principaux progrès résultent d une meilleure connaissance du rôle du gamète femelle dans la mise en activité du noyau, de la plasticité de l embryon, et de la définition de conditions de culture appropriées. Ils permettent aujourd hui d intégrer les différentes biotechnologies dans les schémas de sélection, en routine ou à titre expérimental. Janvier 1999 La sélection et les index chez les bovins laitiers et les caprins Page 1
2 Stade de développement Collecte des Superovulation, Ovocyte ovocytes fécondation et «Ovum Pick-Up» collecte in vivo Zygote Fécondation in vitro Morula Sexage Blastocyte Culture Congélation Transplantation Transfert nucléaire Fœtus Modifications «clonage» génétiques Gonades Jeune Adulte Culture cellulaire Figure 1 Les principales biotechnologies de l embryon - Source INRA LE TRANSFERT D EMBRYONS Progression régulière des techniques, applications multiples Le nombre de transplantations d embryons de bovins s est nettement accru ces dernières années, tout en restant faible par rapport au nombre d inséminations artificielles (tableau 1). Tableau 1 Statistiques Insémination et Transfert Embryonnaire - Source : AETE : Association Européenne de Transfert Embryonnaire, résultats 1996 Europe France nombre d IAP nombre de femelles collectées nombre d embryons collectés nombre d embryons transplantés dont congelés Malgré les progrès considérables de la technique, deux facteurs limitent encore l efficacité de la transplantation : le nombre relativement faible Janvier 1999 La sélection et les index chez les bovins laitiers et les caprins Page 2
3 Moyenne d embryons que l on obtient après traitement hormonal, et la variabilité de la réponse à cette superovulation, comme le montre le tableau 2. Tableau 2 Productivité de la collecte d embryons - Source : INRA, UNCEIA Ecart-type nombre d embryons produits par femelle traitée 7,8 5,6 nombre d embryons utilisables 5,6 (72 %) 5,2 0 dans 20 % des cas distribution : moins de 3 dans 10 % des cas de 3 à 6 dans 45 % des cas plus de 6 dans 25 % des cas La congélation : des embryons induit de multiples avantages : procéder à des échanges nationaux et mondiaux de matériel génétique. conserver la diversité génétique des races domestiques. gérer de façon plus économique des receveuses. Le sexage est obtenu après biopsie de l embryon et utilisation de sondes génomiques spécifiques. L exactitude du diagnostic avoisine aujourd hui 100 %. Toutefois, seuls 60 % des embryons collectés présentent la qualité morphologique requise pour être sexés sans réduction de viabilité ; le coût du veau produit est donc augmenté. De plus, l association du sexage avec la congélation se traduit par un taux de gestation plus faible (tableau 3) : Tableau 3 Estimation du nombre moyen de veaux par femelle donneuse et par traitement - Source : INRA, UNCEIA estimations type d embryon taux de mise-bas nombre moyen de veaux frais 56 % 5,6 (1) x 56 % = 3,1 congelé 46 % 5,6 (1) x 46 % = 2,6 frais et sexé 41 % 0,5 x 5,6 (1) x 41 % = 1,1 sexé et congelé 24 % 0,5 x 4 (2) x 24 % = 0,5 (1) nb moyen d embryons utilisables par traitement (2) nb moyen d embryons de qualité 1 par traitement Le sexage des embryons devient malgré tout accessible aux éleveurs à des coûts raisonnables. Plus de recul reste toutefois nécessaire avant de conclure sur son utilisation à titre individuel ou collectif. Janvier 1999 La sélection et les index chez les bovins laitiers et les caprins Page 3
4 Intérêt en schéma de sélection laitière Avec la transplantation embryonnaire, le progrès génétique annuel laitier augmente de l ordre de 20 à 30 %. En effet, trois facteurs du progrès génétique (fiche 13) sont essentiellement favorisés : 17La transplantation embryonnaire utilisée en sélection a des effets favorables sur le progrès génétique car elle permet de : réduire l intervalle de génération augmenter la pression de sélection améliorer la précision de la sélection d une part, la réduction de l intervalle de génération : des collectes précoces peuvent être effectuées sur des génisses de 15 mois (3 veaux obtenus en moyenne à l âge de 2 ans avec le transfert embryonnaire, contre 3 en 6 ans en reproduction naturelle ou par insémination). d autre part, l augmentation de l intensité de sélection des Mères à Taureaux : en moyenne, un mâle par vache est garanti, ce qui permet d approvisionner les schémas à partir des toutes meilleures d entre elles. enfin, l augmentation de la précision de la sélection : il devient possible d évaluer les animaux en tenant compte de collatéraux issus de la même mère (situation rare en schéma classique). Actuellement, tous les programmes de sélection laitière utilisent ainsi la transplantation embryonnaire dans des noyaux de sélection (fiche 14) en complément des procédures classiques (figure 2). Des sommes importantes sont investies collectivement à cette fin. Leur rendement économique est plus évident et plus régulier que dans le cas d un éleveur individuel utilisant cette technique. Le sexage des embryons est encore peu utilisé. Tant que le coût du veau produit reste important, les maîtres d œuvre des programmes de sélection préfèrent encore utiliser tous les embryons, mettre au testage les jeunes mâles et utiliser les femelles dans le noyau de sélection. Mais le sexage peut permettre d économiser des receveuses et de mieux planifier les transferts en fonction des besoins de renouvellement. Figure 2 Programme de sélection utilisant la transplantation embryonnaire chez les bovins laitiers - Source : INRA Janvier 1999 La sélection et les index chez les bovins laitiers et les caprins Page 4
5 LA PRODUCTION D EMBRYONS IN VITRO L OPU-FIV, un + pour le transfert d embryons L OPU, «Ovum Pick-Up», est une méthode directement dérivée de celle utilisée en routine en clinique humaine. Elle consiste à récolter des ovocytes sur animal vivant par ponction échoguidée des follicules ovariens. En pratique, l opération peut être répétée une à deux fois par semaine pendant plusieurs mois sans affecter la fertilité ultérieure des animaux. L OPU présente 2 avantages principaux : elle peut se pratiquer sur femelles infertiles ou n ayant pas répondu à des traitements de superovulation : ainsi, toutes les femelles génétiquement intéressantes peuvent être utilisées. elle peut se pratiquer tout au long des trois premiers mois de la gestation, donc ne pas interférer avec la conduite de la reproduction des animaux au sein d un troupeau. Avec cette technique, une vache laitière pourra donner 20 veaux par an, soit 5 fois plus que ne le permet la collecte classique d embryons après polyovulation. Le tableau 4 en illustre le détail. Tableau 4 Estimation du nombre de veaux produits par femelle donneuse et par an après OPU-FIV ; comparaison avec la collecte in vitro - Source : INRA Collectes : fréquence Statut physiologique nombre total par an Nombre d embryons transférables par an % de femelles donnant plus de 3 embryons Taux moyen de gestation Nombre de veaux attendus Vaches en production 2 par semaine pendant 4 mois % 50 % 20 OPU / FIV Génisses 2 par semaine pendant 2 mois % 50 % 10 Collecte in vivo Vaches/génisses 2 collectes + superovulation % 56 % 4 Attention : Les méthodes de congélation des embryons obtenus donnent encore des résultats de gestation largement inférieurs à ceux des embryons produits in vivo. Certaines conditions de fécondation, et de culture in vitro seraient responsables du poids plus élevé des veaux issus de FIV. Intérêt de l OPU-FIV en sélection Trois possibilités sont particulièrement intéressantes avec cette technique : augmenter encore la pression de sélection sur les mères à taureaux (en temps égal, le nombre de veaux potentiellement obtenu est multiplié par 4). Janvier 1999 La sélection et les index chez les bovins laitiers et les caprins Page 5
6 obtenir des descendants de femelles ne répondant pas à la superovulation : peu de résultats sont toutefois disponibles à ce sujet. gérer les accouplements ovocyte par ovocyte, à savoir varier considérablement le nombre de mâles accouplés à une même femelle, et obtenir à coup sûr des descendants de chacun des meilleurs accouplements (au mieux autant de taureaux que de collectes en T.E. simple). D où une meilleure précision des index, et surtout une diminution de la parenté moyenne car le nombre de pleins frères ou pleines soeurs est moindre. Grâce à ces effets positifs, le rythme de progrès génétique annuel est estimé, avec un schéma OPU-FIV, de 10 à 30 % supérieur à celui d un schéma avec transplantation classique. Il reste à mieux définir ses conditions de mise en oeuvre pour son développement (organisation pratique en atelier, normes techniques et sanitaires). LE CLONAGE Une biotechnologie au stade de la recherche Cloner signifie reproduire à l identique, en plusieurs exemplaires. C est, en biologie, le contraire de la reproduction sexuée qui permet la naissance d organismes génétiquement différents. Un clone désigne aujourd hui un animal produit par la technique de «transfert nucléaire» (fusion d une cellule donneuse de noyau avec un ovocyte receveur énucléé). La recherche a constamment progressé en ce domaine, avec des résultats marquants plus ou moins médiatisés. Cependant : actuellement, en moyenne 10 % des embryons reconstitués à partir de noyaux d embryons peuvent donner un veau (taux doublé en quelques années). la production de clones par transfert de noyau a un rendement naissance faible (fréquences de développements stoppés précocement et de mortalité foetale tardives plus élevées). En sélection, l utilisation du clonage permettrait d augmenter le progrès génétique obtenu en schéma laitier utilisant déjà le transfert d embryons : en augmentant la prolificité des génotypes femelles en augmentant la précision de l évaluation de ces génotypes. en diffusant plus largement des génotypes d élite bien connus. Par exemple : un très bon taureau aurait des répliques multipliant la production de semence. Toutefois, l intérêt principal du clonage réside : dans la recherche : en particulier pour des caractères d héritabilité élevée, l efficacité de l expérimentation d animaux clonés est largement supérieure au nombre équivalent d animaux non clonés qui seraient nécessaires pour obtenir la même puissance de détection d un effet traitement. Janvier 1999 La sélection et les index chez les bovins laitiers et les caprins Page 6
7 dans les applications des biotechnologies du génome (fiche 18), et en particulier de la transgénèse où la technique la mieux maîtrisée passe par le clonage à partir de cellules embryonnaires ou somatiques. Synergie avec les biotechnologies de la connaissance du génome Actuellement, la recherche mondiale en génétique est très active dans deux domaines. On peut donc espérer disposer à long terme de méthodes de sélection assistée par marqueurs pour lesquelles les biotechnologies du génome et de la reproduction bénéficieront mutuellement l une de l autre. La connaissance des génotypes marqueurs permet d affiner le choix des reproducteurs mâles et femelles d élite impliqués dans les opérations de reproduction intensive (transfert embryonnaire et accouplements raisonnés). Les produits issus de ces reproducteurs peuvent être triés plus efficacement en intégrant la connaissance de leur génome marqueur. Biotechnologie de la reproduction + biotechnologie du génome : synergie indispensable pour une meilleure efficacité. Inversement, les techniques de reproduction permettent de diffuser efficacement les génotypes favorables. A l extrême, le clonage permettrait de multiplier un génotype obtenu par transgénèse et correspondant à une association très rare de gènes favorables à plusieurs loci et/ou pour plusieurs caractères. Les perspectives du clonage, ont toutefois des limites (outre son coût) : en sélection proprement dite : le clonage ne va pas dans le sens d une augmentation de la variabilité génétique. vis à vis de la société : il suscite des interrogations éthiques. Celles-ci sont légitimes si l image qui est représentée met en relief la fabrication de «individus particuliers», «copiables à l infini», et non les avantages techniques de son application, limités à certains domaines. En tout état de cause, cette technique ne devrait concerner que le secteur des programmes de sélection collectifs, et celui des programmes de recherche, avec l application du principe de précaution. La procréation de bovins par reproduction sexuée (insémination) reste encore d actualité pour la majorité des éleveurs. LE SEXAGE DE LA SEMENCE L insémination artificielle à partir de sperme congelé de taureau est une des plus anciennes biotechnologies, apparue dans les années 40. Aujourd hui, parfaitement admise par une majorité d éleveurs, et non contestée par la société civile, elle a eu pour principales conséquences : de garantir une sécurité sanitaire de la reproduction côté mâle de supprimer le risque lié à la dangerosité du taureau pour l éleveur et surtout, de favoriser de façon considérable la création et la diffusion du progrès génétique, en transformant la sélection en une activité collective. Janvier 1999 La sélection et les index chez les bovins laitiers et les caprins Page 7
8 Ainsi, elle a été et demeure un facteur d amélioration du revenu des exploitations. Les progrès attendus maintenant dans ce domaine portent sur le sexage de la semence, qui s il était applicable en ferme, constituerait une avancée majeure. L éleveur pourrait en effet choisir de faire procréer les femelles de renouvellement, et les mâles destinés à l engraissement ou à la reproduction de façon ciblée, en fonction de ses besoins et des caractéristiques de chacune de ses vaches. La technique de sexage Les spermatozoïdes mâles porteurs du chromosome Y possèdent moins d ADN que les spermatozoïdes femelles porteurs du chromosome X. Depuis 1986, la technique la plus avancée utilisant cette différence est le sexage par cytométrie en flux. Elle consiste à : orienter préférentiellement les spermatozoïdes dans le sens du flux analysé détecter les X et les Y par leur différence de fluorescence émise par l ADN de la partie plane des spermatozoïdes. Résultats et perspectives En 1998, les progrès et les adaptations de la technique donnent les résultats suivants : 65 à 75 % des spermatozoïdes s orientent correctement dans le flux, et pourront être analysés 4 à 5 millions de spermatozoïdes peuvent être triés à l heure la pureté de la détection plafonne à 90 %. Deux expériences de mise en place de spermatozoïdes sexés ont été réalisées en frais, directement dans la corne utérine de 22 et 45 vaches par les équipes de JOHNSON et de SEIDEL. Le taux de gestation est toutefois resté modeste (27 % et 42 %), même si les foetus ont été diagnostiqués femelles dans les deux cas à plus de 95 %. Si les progrès en matière de sexage de la semence sont manifestes ces dernières années, leur application à grande échelle pour les centres d insémination n est pas encore possible. Le coût de l opération, le rendement insuffisant (taux de spermatozoïdes triés, vitesse de tri) et la difficulté de mise en place en sont la cause. Bibliographie J.J COLLEAU, Y. HEYMAN, J.P RENARD, Les biotechnologies de la reproduction chez les bovins et leurs applications réelles ou potentielles en sélection. INRA, Prod. Anim., 1998, 11 (1), Janvier 1999 La sélection et les index chez les bovins laitiers et les caprins Page 8
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