Tarification des services publics d eau potable et d assainissement collectif
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- Valérie St-Denis
- il y a 7 ans
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1 Direction départementale des territoires PRÉFET DES HAUTES-ALPES Service d'appui territorial Appui au domaine de l eau Tarification des services publics d eau potable et d assainissement collectif Catégories d usagers, tarification sociale La question de la tarification des services de l eau est objet de débat dans le département des Hautes-Alpes, comme partout ailleurs. Elle mérite d être approfondie en considérant d une part les différentes catégories d usagers qu il est possible de distinguer et, d autre part, la réglementation récente sur la tarification sociale de l eau 1. Remarque : la présente note n approfondit pas la réglementation en matière de tarification forfaitaire et de plafonnement de la part fixe. A- Les différentes catégories d usagers En référence à la LEMA 2 et à la DCE 3, on peut distinguer de façon claire deux grandes catégories d usagers des services de l eau : - les ménages (usage domestique) - les usagers à titre professionnel (industriel et agricole) Une troisième catégorie constituée des services publics ou d intérêt général est quelquefois évoquée. Cependant, hormis le cas des services d incendie et secours, visé à l article L du CGCT 4, pour la consommation des bouches et poteaux d incendie placés sur la voie publique, le tarif préférentiel que certaines collectivités accordent à leurs services publics ne paraît pas conforme au droit. Cette possibilité ne sera donc pas retenue dans les catégories potentielles d usagers développées ci-dessous. A.1 Les ménages (usages domestiques) A.1.1- Règles générales pour l application de la tarification L article L du CGCT 5, précise que toute facture d eau doit comprendre une part proportionnelle qui correspond à la consommation de l usager et une part forfaitaire (abonnement) qui tient compte des charges fixes du service et des conditions d exploitation. L article L du CGCT 6 interdit, pour les abonnés domestiques, toute caution ou dépôt de garantie qui pourrait être exigé par la collectivité ou l exploitant du service. La collectivité ou l exploitant du service peut fixer des tarifs différents soit sur des bases saisonnières (été/hiver), soit suivant les conditions d exploitation du service sur un même territoire 7. Il peut également être fixé des tranches de consommation basées sur des tarifs différents, progressif ou dégressif (article L du CGCT 8 ).
2 A.1.2- Cas particuliers Quelques cas particuliers ont suscité de nombreux litiges, alimentant une abondante jurisprudence. 1 Le cas des immeubles collectifs ou des habitations ayant plusieurs logements La collectivité ou l exploitant du service peut légalement prendre en compte les caractéristiques du branchement comme le diamètre du compteur, le nombre de logements desservis ainsi que leurs modes d occupation (article L du CGCT voir note 5 ). 2 Le cas des résidences secondaires Le Conseil d'état a déclaré illégale une différenciation des tarifs applicables aux résidences principales et secondaires 9. Il faut cependant spécifier que cette interdiction ne vaut que pour les tarifs, ce même Conseil d'état ayant reconnu légale l institution de quotas de consommation suivant la durée de présence des usagers sur le territoire communal Le cas des piscines privées Le remplissage d une piscine privée a été considéré comme étant un usage particulier de l eau et la collectivité peut instituer, dans le cas où sa tarification est forfaitaire, une cotisation annuelle spécifique 11, de même que des heures de remplissage peuvent être imposées à ces usagers par la collectivité ou l exploitant du service. Il en est de même pour les vidanges des piscines privées dans le réseau d assainissement collectif, tolérées en tant qu eaux usées domestiques, et pour lesquelles une redevance spécifique peut être envisagée 12. A.2 Les usagers à titre professionnel Il s agit des usagers qui utilisent le service de l eau pour leur activité professionnelle ou leur production, sachant qu ils peuvent être par ailleurs des abonnés de ces services pour leurs usages assimilés domestiques (toilettes, cantine,...). De la même façon que pour les ménages, la collectivité ou l exploitant du service, peut établir une tarification composée de plusieurs tranches de consommation suivant le volume, avec une progressivité ou une dégressivité des tarifs justifiée à partir de l équilibre économique du service et d autres considérations 13. Les tranches de consommation et les tarifs peuvent être différents de ceux des usagers domestiques sans qu il y ait atteinte au principe d égalité de traitement devant le service public, dans la mesure où ces consommateurs sont placés dans une situation et ont une structure de consommation spécifiques. A.2.1- Doit-on distinguer différentes catégories dans les usagers à titre professionnel? La DCE impose dans son article 9 (voir notes 3 et 13), de distinguer au moins le secteur industriel et le secteur agricole. S il est assez facile de définir les usagers du secteur agricole, cela l est moins pour les industriels, notamment en ce qui concerne la problématique des rejets au réseau d assainissement pour laquelle le critère de différenciation des abonnés devra être le plus pertinent possible et devra être fonction du volume et du niveau de pollution rejeté.
3 B- Tarification sociale de l eau La LEMA a précisé comme suit au code de l environnement la définition du droit d usage de l eau : «chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d accéder à l eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous» 14. Quelques remarques sur la définition de ce droit : - cette notion de «conditions économiquement acceptables par tous» n a jamais sousentendu une gratuité quelconque (cf. article L du CGCT voir note 4 ) ; - «par tous» : par toutes les parties, usagers mais aussi par la collectivité ou l exploitant qui ont en charge les investissements et la gestion du service ; - le droit à l usage de l eau dans des conditions «acceptables par tous» (du point de vue de l usager : à un tarif modéré) est donc limité par la loi aux usages de première nécessité des personnes physiques que sont l alimentation et l hygiène. Au delà, ou pour des usages autres, le prix du service doit refléter les coûts. B.1 La tarification progressive Sans oublier les possibilités offertes par la réglementation pour la mise en place d aides au règlement des factures d eau et d assainissement 15, la collectivité en charge du service peut s orienter vers une division des tarifs en tranches de consommation représentatives de catégories d usages, du «vital» au «superflu» : - une première tranche de consommation assise sur un tarif assez bas, répondant aux besoins vitaux de l alimentation et de l hygiène. Ceci permet d alléger la facture des ménages, d autant que l arrêté du 6 aout relatif au plafonnement de la part fixe (abonnement) diminue l impact de la part fixe sur le montant de la facture, - une seconde tranche de consommation avec un tarif plus élevé, assise sur le coût réel du service. L arrosage des potagers est par exemple dans cette catégorie d usage non vital. - enfin, une troisième tranche au tarif beaucoup plus élevé, alourdissant la facture des «gros consommateurs», en vue de lutter contre le gaspillage et préserver la ressource en eau. Ce type de tarification permettrait à la fois de satisfaire les besoins vitaux évoqués dans la LEMA et d inciter à la préservation de la ressource. La principale difficulté est de définir le volume nécessaire à la satisfaction des besoins vitaux. La justification, par le gestionnaire, du bien fondé des autres tranches tarifaires est plus facile car basée d une part sur le coût de fonctionnement et, d autre part, sur les enjeux de préservation de la ressource en eau : - enjeu pour le service : satisfaction des besoins du service et des usagers en étiage ; - enjeu lié au contexte de la ressource : débit réservé, autres prélèvements.
4 1 - Loi n du 31 mai 1990, visant à la mise en œuvre du droit au logement, article 6 : «Il est créé dans chaque département un fonds de solidarité pour le logement. ( ) Le fonds de solidarité accorde, dans les conditions définies par son règlement intérieur, des aides financières, garanties ou subventions à des personnes ( ) qui entrent dans un logement locatif ou qui, étant locataires, sous-locataires ou résidents de logements-foyers, se trouvent dans l'impossibilité d'assumer leurs obligations relatives au paiement du loyer, des charges (...)» Loi ci-dessus, art. 6-2 introduit par la loi n du 7/2/2011 relative à la solidarité dans les domaines de l alimentation en eau et de l assainissement : «II - ( ) la demande d aide est notifiée par le gestionnaire du fonds au maire et au centre communal ou intercommunal d action sociale de la commune de résidence du demandeur. Ceux-ci peuvent communiquer au gestionnaire du fonds, avec copie à l'intéressé, le détail des aides déjà fournies ainsi que toute information en leur possession susceptible d éclairer le gestionnaire du fonds sur les difficultés rencontrées par le demandeur.» 2 - La loi sur l Eau et les Milieux Aquatiques n du 30 décembre 2006 («LEMA»), article 20 a modifié l article du code de l environnement : «II. - la gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences ( ) de l agriculture ( ), de l industrie ( )» 3 - «DCE» Directive Cadre sur l Eau 2000/60/CE, article 9 : «...les États membres veillent ( ) à ce que (...) les différents secteurs économiques, décomposés en distinguant au moins le secteur industriel, le secteur des ménages, et le secteur agricole, contribuent de manière appropriée à la récupération des coûts des services de l'eau ( )» 4 - CGCT L : «Toute fourniture d eau potable, quel qu en soit le bénéficiaire, fait l objet d une facturation (...)». Le présent article n est pas applicable aux consommations d eau des bouches et poteaux incendie placés sur le domaine public. 5 - CGCT L : «I.- toute facture d eau comprend un montant calculé en fonction du volume réellement consommé et peut, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume en fonction des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement, notamment du nombre de logements desservis.» 6 - ( ) pour les abonnés domestiques, les demandes de caution ou de versement d un dépôt de garantie sont interdites ( ) 7 - Conseil d'état du 26/07/1996 association Narbonne Libertés : «( ) considérant que la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d un service public implique, à moins qu elle ne soit la conséquence nécessaire d une loi, soit qu il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d exploitation du service commande cette mesure» «Considérant qu il ressort des pièces du dossier que la délibération attaquée a décidé l institution d un tarif différent pour les usagers du service résidant dans la partie de la commune dénommée «Narbonne-plage» ; que cette mesure est justifiée par le coût de l extension du réseau de distribution de l eau à cette partie de commune et par les conditions de son exploitation pour répondre à des besoins liés à sa vocation principalement touristique ; que, par suite, elle ne méconnait pas le principe d égalité des usagers du service public municipal de distribution d eau.» Conseil d'état du 08/04/1998, association pour la promotion et le rayonnement des Orres : «considérant qu aucune disposition législative ou réglementaire n interdit à une commune de n affermer que partiellement un service public, dès lors que la différence de traitement en résultant pour les usagers du service est justifiée, soit par l'existence de différences de situation appréciables, soit par une nécessité d'intérêt général; ( ) eu égard aux conditions d exploitation et de l importance des investissements à amortir, elle a pu aussi décider à bon droit de prélever une surtaxe sur les usagers résidant à l intérieur du périmètre couvert par le contrat d affermage.» 8 - CGCT L III.- «( ) un tarif dégressif peut être établi si plus de 70% du prélèvement d eau ne fait pas l objet de règles de répartition des eaux (...)»
5 9 - Conseil d'état du 28/4/1993 commune de COUX : «( ) ces motifs ne sont pas de nature à justifier les discriminations opérées pour les mêmes quantités d eau consommée aux mêmes époques de l année entre les résidents permanents de la commune et les autres abonnés ; que ces discriminations, qui ne trouvent leur justification ni dans la différence de situation existant entre ces 2 catégories d usagers, ni dans aucune nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d exploitation du service, sont contraires au principe d égalité entre les usagers, au respect duquel est tenu un service public.» 10 - Conseil d'état du 12/7/1995 commune de BOUGNON : «(...) considérant que le conseil municipal pouvait légalement, en vue d éviter le gaspillage de l eau et sans méconnaitre le principe d'égalité des usagers du service public, tenir compte de la différence de situation existant entre les résidents permanents et les habitants ne résidant pas de manière non permanente dans la commune pour attribuer à ces derniers, dont les besoins annuels en eau sont inférieurs à ceux des résidents permanents, un quota de consommation inférieur.» 11 - Conseil d'état du 14/01/1991 : «(...) considérant ( ) que le principe d égalité au respect duquel est tenu un service public industriel et commercial, s apprécie entre usagers placés dans des situations analogues ; que tel n est pas le cas des usagers disposant d une piscine privée, dont les besoins d alimentation en eau sont différents de ceux des autres usagers (...)» 12 - Réponse du ministre de la santé et des solidarités à la question publiée au JO du Sénat le 01/12/2005 p 3106 : «( ) il est à noter que dans le cas d un rejet dans le réseau des eaux usées d'une piscine privée, et selon les conditions locales particulières, une redevance d assainissement spécifique peut être envisagée.» 13 - DCE, article 9 déjà cité : «les différents secteurs économiques ( ) contribuent de manière appropriée à la récupération des coûts des services de l'eau, sur la base de l'analyse économique (...) et compte tenu du principe du pollueur-payeur ( ) les États membres peuvent tenir compte des effets sociaux, environnementaux et économiques de la récupération ainsi que des conditions géographiques et climatiques de la région ou des régions concernées» 14 - Code de l environnement, article L modifié par Loi n («LEMA») «L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. Les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques.» 15 - Voir également note 1. CGCT L : «Les services publics d eau et d assainissement peuvent attribuer une subvention au fonds de solidarité pour le logement afin de contribuer au financement des aides au paiement des fournitures d eau (...)» 16 - Arrêté du 06/08/2007 relatif à la définition des modalités de calcul du plafond de la part de la facture d eau non proportionnelle au volume d eau consommé, article 2 : «le montant maximal de l abonnement (part de la facture d eau non proportionnelle au volume d eau consommé), ne peut dépasser, par logement desservi, et pour une durée de 12 mois, tant pour l eau que pour l assainissement, 40% du cout du service pour une consommation d eau de 120 m3»
NOR : DEV O 08 1 5 9 0 7 C
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