MEMOIRE ENTRAÎNEMENT

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1 MEMOIRE ENTRAÎNEMENT En vue de l obtention du Master 1 EPPMMS Influence de la perception subjective de l effort en triathlon : conséquence sur la performance en course à pied Paul LALIRE Soutenu le 1 er octobre 2010 à Dijon DIRECTEUR DE MEMOIRE : Jean THEUREL JURY : Romuald LEPERS (MCU HDR), Université de Bourgogne Jean THEUREL (ATER), Université de Bourgogne Université de Bourgogne Faculté des Sciences du Sport de Dijon Année universitaire 2009 / 2010

2 SOMMAIRE 1. INTRODUCTION p METHODES p Sujets 2.2 Protocole 2.3 Enregistrements et traitements des données 2.4 Analyses statistiques 3. RESULTATS p Effet de l activité sur la perception subjective de l effort lors des exercices de pré-fatigue 3.2 Corrélation entre la Fréquence Cardiaque (FC) et l échelle de perception de l effort (Rate of Perceived Exertion RPE lors des exercices de préfatigue 3.3 Absence de relation entre la FC et la puissance (cyclisme) ou la vitesse (marche) 3.4 Effet de la pré-fatigue sur l évolution de la FC au cours des 10 KM de course à pied 3.5 Effet de la pré-fatigue sur l évolution de la RPE au cours des 10 KM de course à pied 3.6 Relation FC RPE lors des 10 KM 4. DISCUSSION p REFERENCES p. 24 2

3 1. INTRODUCTION Lors d un triathlon, les athlètes doivent enchaîner le plus rapidement possible et sans arrêt du chronomètre une épreuve de natation, de cyclisme avant de terminer par une épreuve de course à pied. Intégré il y a dix ans aux Jeux Olympiques sous le format Courte Distance (CD) : 1500 mètres de natation, 40 kilomètres de vélo et 10 kilomètres de course à pied, le triathlon sport d endurance par excellence n a cessé de se développer et a vu ses performances largement améliorées ces dernières années. De plus l évolution du règlement, autorisant notamment l aspiration en cyclisme (i.e. abri ou drafting) sur les épreuves de championnats, a modifié considérablement l enjeu de la performance en course à pied, qui est devenue déterminante dans le résultat final d un triathlon. En effet, avec l autorisation du drafting en cyclisme, on retrouve un schéma de course, où les athlètes terminent la partie vélo ensemble et doivent se disputer la victoire finale au cours de la partie course à pied. Pour exemple, une étude récente (Le Meur et al., 2009) montre que la position finale d un athlète à l arrivée d une épreuve de coupe du Monde est fortement corrélée avec sa performance en course à pied. Ces conclusions interpellent inévitablement les entraîneurs de triathlon, qui sont amenés à effectuer des choix dans les contenus d entraînement qu ils proposent. Ainsi, dans le cas où la répartition des charges d entraînement entre les différentes disciplines qui composent le triathlon doit tenir compte de ce constat, les contenus proposés devraient avant tout permettre aux athlètes d améliorer leur performance en course à pied. Néanmoins il ne faut pas oublier que l épreuve de course à pied d un triathlon est réalisée dans des conditions spécifiques, car celle-ci est précédée de deux épreuves en natation et en cyclisme effectuées à intensité élevée. Bernard et al. (2009) ont publié une étude sur les puissances développées en cyclisme lors d une coupe de Monde de triathlon. Il a ainsi été mis en évidence que même si la puissance développée au cours de cette épreuve était fortement variable, 50% du temps d effort à vélo, soit environ trente minutes, était réalisé au-delà de 70% de la puissance maximale aérobie (PMA). Or Lepers et al. (2000) ont montré qu un exercice prolongé en cyclisme réalisé à 65 % de la puissance maximale aérobie, entraînait (i) une fatigue énergétique significative, se caractérisant par une 3

4 augmentation de la consommation d oxygène (VO2) et de la fréquence cardiaque (FC), mais aussi (ii) une fatigue neuromusculaire, mise en évidence par une diminution de la contraction maximale volontaire (CMV) des muscles extenseurs du genou. De plus une étude de Bernard et al. (2007) a montré que lors d enchaînement "cyclisme (20 KM) - course à pied (5 KM)", la performance en course était davantage altérée à la suite d un exercice de cyclisme réalisé à intensité variable (68 à 92% PMA), qu après un exercice de cyclisme continu de même intensité moyenne. Il apparaît donc que dans les conditions de course décrites par Bernard et al. (2009), la course à pied d un triathlon est le plus souvent réalisée dans des conditions de fatigue neuromusculaire et énergétique qui peuvent être responsables d une altération de la performance lors cette épreuve. En effet Millet et al. (2000) ont mis en évidence que le coût énergétique en course à pied est détérioré après un exercice fatigant de cyclisme, ce qui serait selon ces auteurs principalement expliqué par une fatigue neuromusculaire et une déplétion des réserves en glycogène. D autre part, Amann et al. (2008) ont récemment mis en évidence que suite à un exercice fatigant (cyclisme), l altération des performances du post--exercice pourrait également être occasionnée par une diminution de la commande centrale, faisant elle-même réponse à une augmentation des afférences sensorielles musculaires. Ainsi lorsque le sujet percevait une difficulté d exercice importante, probablement induite par les afférences sensorielles musculaires, celui-ci limitait inconsciemment l intensité d exercice. De plus il a été montré que la perception de la difficulté de l exercice transmise au système nerveux, pourrait également limiter l intensité des exercices d endurance dans des conditions de déplétion énergétique (Johnson et al, 2006). Il apparaît donc clairement que les deux premières épreuves d un triathlon peuvent entraîner une fatigue d origine neuromusculaire, énergétique, ou même psychologique, qui pourrait être responsable d une diminution de la performance du 10 KM de course à pied réalisée à la fin du triathlon. Le but de cette étude est donc de mesurer les effets physiologique (fréquence cardiaque) mais aussi psychologique (perception de l effort : RPE) entraînés par un exercice de préfatigue réalisé en cyclisme, sur une performance de 10 KM en course à pied. De plus, les recherches précédentes ayant principalement utilisé le cyclisme comme modèle de pré-fatigue (Bernard et al. 2006, Millet et al. 2005, Amman et al. 2008, 4

5 Johnson et al 2006), cette étude a également pour objectif de vérifier la reproductibilité de nos résultats à d autre type de pré-fatigue (marche en montée) réalisée à même intensité moyenne (FC). 5

6 2. METHODES 2.1 Sujets 9 sujets âgés de 19 à 45 ans, entraînés dans des disciplines d endurance telles que la course à pied, le cyclisme et le triathlon, étaient volontaires pour participer à cette étude. Les caractéristiques des participants sont présentées dans le tableau 1. Sujet Age Taille Poids PMA VMA (années) (cm) (Kg) (Watts) (KM.h-1) AA AM BF ,5 FL HA JT ,5 NG PL RL ,5 MOYENNE ,5 ECART TYPE ±9 ±6 ±8 ±38 ±1,5 Tableau 1 : Caractéristiques des sujets 6

7 2.2 Protocole Les sujets ont d abord participé à un test de puissance maximale aérobie (PMA) sur ergocyle, puis à 3 sessions distinctes, séparées par un minimum de 7 jours (tableau 2). La première session comportait un enchaînement : pré-fatigue en cyclisme suivi d un 10 KM de course sur tapis roulant. La seconde session était composée d un exercice pré-fatigant de marche en montée et d un 10 KM. Lors de la troisième session, les sujets réalisaient uniquement un 10 KM de "contrôle", sans exercice pré-fatigant. Les seconde et troisième sessions étaient réalisées dans un ordre aléatoire. Il est à noter que tous les tests ont été effectués sans ravitaillement possible pour les sujets, seule une hydratation à l eau était autorisée Test de Puissance Maximale Aérobie (ergocycle) Avant de commencer les sessions d enchaînement, les 9 sujets ont participé à un test PMA en cyclisme. Ce test incrémenté permet de déterminer la puissance maximale aérobie et la fréquence cardiaque maximale des sujets en cyclisme. Le test débute à une puissance de 100 watts (W), puis est incrémenté de 25 W toutes les 2 minutes. La puissance moyenne obtenue est égale à 357 W ±38, et la moyenne des fréquences cardiaques maximales correspond elle à 178 ±10 battements par minute (bpm). 7

8 2.2.2 Synthèse du protocole ENCHAINEMENT SESSION DE TESTS PRE-FATIGUE EXERCICE COMPARE Activité Cyclisme Course à Pied Volume 60 minutes 10KM 1 er KM à 75% VMA, puis 1 ère session 5min à 70% PMA gestion libre de la vitesse en Intensité puis exercice à RPE cherchant à faire la meilleure constante [13 ; 15] performance possible Activité Marche en montée : pente à 25 % Course à pied 2 ème session Volume 60 minutes 10 KM Intensité FC identique à la Vitesse identique à la pré-fatigue vélo première session Activité Course à pied Volume 10KM 3 ème session Aucune Vitesse identique à la Intensité première session Tableau 2 : Protocole des 3 sessions de tests 8

9 2.2.3 Première session : enchaînement Cyclisme Course à pied Lors de la première session de tests, les sujets devaient réaliser un enchaînement comportant un exercice de cyclisme suivi d une course à pied. Afin de se rapprocher des conditions de réalisation d un triathlon CD, 40KM de cyclisme et 10KM de course à pied, nous avons choisi de proposer un enchaînement comprenant 1h de pré-fatigue sur ergocyle, suivi d un 10KM sur tapis roulant. Les sujets disposaient d 1min30 pour changer d équipement entre les deux exercices. Nous avons demandé aux sujets de commencer leur exercice à 70% de PMA durant les 5 premières minutes. Par la suite, ils avaient la possibilité de réguler la puissance de l effort en fonction de leur perception de la difficulté de l exercice. Ainsi ils pouvaient, pour chaque période de cinq minutes, modifier la puissance développée afin de maintenir une difficulté subjective comprise entre 13 et 15 sur l échelle de Borg (1982), i.e. entre "un peu difficile" et "difficile". Pour le 10 KM course à pied, nous avons contrôlé uniquement le premier kilomètre qui devait être réalisé à 75% de la VMA. Par la suite, les sujets étaient libres dans la gestion de leur allure de course, ils pouvaient ainsi ajuster à chaque kilomètre leur vitesse, dans le but de réaliser la meilleure performance possible. 9

10 2.2.4 Session «enchaînement Marche en montée Course à pied» Cette deuxième session comprend à nouveaux deux exercices enchaînés. Cependant, ici nous avons remplacé l exercice de cyclisme par un exercice de marche en montée sur tapis roulant. L exercice de marche a été réalisé durant 1h00 sur un tapis roulant incliné avec une pente de 25 %. Afin de reproduire un exercice pré-fatigant de même intensité que celle obtenue en cyclisme lors de la première session, nous avons ajusté la vitesse de marche toutes les 5 minutes de manière à obtenir la même évolution de fréquence cardiaque (FC) que celle relevée lors de la session précédente sur l exercice de cyclisme (cf. tableau 2) La vitesse de course lors du 10 KM était programmée afin de reproduire à l identique le 10 KM réalisé après l exercice de cyclisme lors de la première session de test. Temps (min) Fc cyclisme (bpm) Fc marche (bpm) ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ±13 Moyenne 153 ± ±12 Tableau 3 : Evolution de la FC sur les exercices de pré-fatigue cyclisme et marche. Absence d'effet "activité" : p = 0,35 10

11 2.2.5 Session contrôle Lors de cette session les sujets ont effectué uniquement un 10 KM sans exercice pré-fatigant, permettant ainsi de mesurer et de comparer l évolution des paramètres physiologiques au cours de chaque 10 KM réalisé dans différentes conditions. Afin de stabiliser les conditions de réalisation, la vitesse de course était programmée pour reproduire à l identique le 10 KM réalisé après l exercice de cyclisme lors de la première session de test. Figure 1 : Evolution de la vitesse des 10 KM post-cyclisme (pc) ; post-marche (pm) ; contrôle (c). Absence d effet "condition" : p > 0,05 11

12 2.3 Enregistrement et traitement des données Au cours de chaque exercice nous avons relevé les variables suivantes : Fréquence cardiaque (FC) Lors des exercices aérobies, le cœur joue un rôle de "pompe" afin d augmenter le débit sanguin dans l organisme, car le sang transporte l oxygène aux muscles sollicités qui l utilisent comme carburant. La fréquence cardiaque (FC) est donc un très bon indicateur permettant de mesurer l intensité d un exercice aérobie. Au cours des exercices de pré-fatigue la FC était relevée toutes les 5 minutes, tandis que lors des 10 KM celle-ci était relevée tous les kilomètres. On a également calculé la FC moyenne sur chaque exercice réalisé. Echelle de Perception de l effort (Rate of Perceived Exertion: RPE) Borg (1982) a publié une échelle de perception de l effort (RPE) permettant à l athlète d estimer de façon subjective l intensité à laquelle est réalisé l exercice. Cette estimation subjective de l intensité de l exercice est notamment utilisée dans le domaine de l entraînement pour estimer la charge de travail réalisée. En effet, des auteurs ont montré que les méthodes d estimation subjectives de la charge d entraînement étaient corrélées aux méthodes objectives utilisant la FC pour déterminer l intensité de l exercice (Foster, 1998 ; Grappe, 1999). Dans cette étude nous avons utilisé la RPE pour déterminer l intensité de l exercice de pré-fatigue en cyclisme. Nous avons donc relevé cette donnée toutes les 5 minutes lors des exercices de pré-fatigue (cyclisme et marche), et tous les kilomètres lors des 10 KM. La RPE moyenne a également été calculée pour chaque exercice réalisé. Lors des différentes sessions de tests, nous avons également enregistré la vitesse de déplacement en course à pied ou marche, et la puissance mécanique développée en cyclisme. Ces paramètres permettaient de fixer les intensités d exercice dans chacune des activités supports afin de standardiser les conditions de réalisation. 12

13 2.4 Analyses statistiques Les variables mesurées (FC, RPE, vitesse, puissance) ont été analysées par un test ANOVA à deux facteurs (condition X temps ou distance) à mesures répétées. Le niveau de significativité retenu correspond à p < 0,05. 13

14 3. RESULTATS 3.1 Effet de l activité sur la perception subjective de l effort lors des exercices de pré-fatigue Dans les méthodes de l étude, nous avons vu que les exercices de cyclisme et de marche en montée ont été réalisés à une intensité cardiaque identique. Or, les relevés de RPE enregistrés au cours des différents tests montrent que ces exercices ont également été accomplis à un niveau de difficulté subjectif équivalent en cyclisme et en marche. En effet, les tests statistiques mettent en évidence qu il n y a pas d effet "activité" (p = 0,32) sur les résultats de RPE lors ces deux exercices de pré-fatigue. Figure 2 : Evolution de la RPE au cours des exercices de pré-fatigue réalisés en cyclisme et en marche. Absence d'effet "activité" : p = 0,32 14

15 3.2 Corrélation entre la FC et de la RPE lors des exercices de pré-fatigue Les résultats obtenus au cours de cette étude montrent qu il existe une corrélation très significative entre la RPE, et la FC, au cours des exercices de cyclisme et de marche. Figure 3 : Relation FC / RPE sur les exercices de pré-fatigue réalisés en cyclisme et marche 15

16 3.3 Absence de relation entre la FC et la puissance (cyclisme) ou la vitesse (marche) Les résultats de l étude permettent de montrer qu il n existe aucune corrélation entre la puissance et la FC, ni entre la vitesse et la FC au cours des exercices de pré-fatigue réalisés en cyclisme et en marche. En effet, on observe une diminution de la puissance en cyclisme avec une augmentation de la FC. Début exercice cyclisme (10min) : 84% FC max et 70% PMA Fin exercice cyclisme (50min) : 86% FC max et 66% PMA Figure 4 : Evolution de la puissance et de la FC au cours de l'exercice de cyclisme Relation FC / Puissance en cyclisme : R² = 0,42 p > 0,05 Figure 5 : Evolution de la vitesse et de la FC au cours de l'exercice de marche Relation FC / Vitesse en marche : R² = 0,03 p > 0,05 16

17 3.4 Effet de la pré-fatigue sur l évolution de la FC au cours des 10 KM de course à pied Au cours de cette étude, nous avons remarqué que l évolution de la FC durant les 10 KM de course à pied n était pas influencée par les conditions de réalisation du 10 KM (p = 0,15). En effet, les 10 KM de course à pied ont tous été courus à des fréquences cardiaques (FC) similaires comprises entre 90% et 93% de fréquence cardiaque maximale (FC max). Les exercices de pré-fatigue réalisés en cyclisme et en marche n ont donc pas modifié significativement les valeurs de FC développées en course à pied. Figure 6 : Evolution de la FC au cours des 10 KM post-cyclisme (pc), post-marche (pm), et contrôle (c). Absence d effet "condition" : p = 0,15 17

18 3.5 Effet de la pré-fatigue sur l évolution de la RPE au cours des 10 KM de course à pied Les résultats de l étude mettent en évidence une modification de la RPE relevée au cours des 10 KM, en fonction des conditions de réalisation de la course à pied : en situation de pré-fatigue versus sans pré-fatigue. Ainsi les 10 KM qui ont été réalisés à la suite d un exercice de pré-fatigue ont été perçus significativement plus difficiles (RPE moyen = 15) que celui réalisé sans exercice pré-fatigant (RPE moyen = 13). Cela est démontré par un effet "condition" significatif (p = 0,02) sur la perception de la difficulté de l exercice. Figure 7 : Evolution de la RPE au cours des 10 KM post-cyclisme (pc), post-marche (pm), et contrôle (c). Présence d un effet "condition" : p = 0,02 18

19 3.6 Relation FC RPE lors des 10 KM Cette étude a permis de montrer qu il existait une relation très significative entre la FC et la RPE au cours des 10 KM de course à pied, et ce quelles que soient les conditions de réalisation (i.e. repos vs. fatigue). Cependant on peut noter qu au cours du 10 KM "contrôle" la difficulté ressentie est plus faible qu en situation de pré-fatigue pour une fréquence cardiaque identique. Figure 8 : Relation FC - RPE lors des 10 KM de course à pied post-cyclisme (pc), post- marche (pm) et contrôle (c) 19

20 4. DISCUSSION Le but de l étude était de mesurer les effets physiologique (fréquence cardiaque : FC) et psychologique (perception de l effort : RPE) provoqués par une pré-fatigue de type cyclisme, ou marche en montée sur une performance de 10 KM en course à pied. Nous avons constaté au cours de cette étude, et plus particulièrement lors des exercices de pré-fatigue réalisés à même intensité cardiaque, que la perception de l effort (RPE) n était pas influencée par l activité pratiquée : cyclisme vs. marche en montée. Ainsi la RPE apparaît étroitement liée à la fréquence cardiaque (R 0,89 p < 0,01), alors que les variables telles que la puissance ou la vitesse ne le sont pas au cours de ces exercices de pré-fatigue effectués sur une durée d une heure (R 0,65 p > 0,05). Ces résultats semblent cohérents avec les travaux d Alberton et al. (2010) qui montrent une corrélation entre le RPE et la consommation d oxygène lors d un exercice. Il semble donc que la RPE soit un indicateur permettant de déterminer l intensité d un exercice d une manière aussi fiable que la fréquence cardiaque. Ce constat va dans le sens des conclusions des études de Foster (1998) et Grappe (1999) qui ont établi des méthodes subjectives permettant de définir la charge d entraînement, en utilisant notamment la perception de l effort pour déterminer l intensité des exercices. Néanmoins, bien que les résultats nous apprennent ici que l utilisation de la RPE peut être valable dans la pratique de plusieurs activités d endurance (i.e., cyclisme, marche en montée, course à pied) dans des conditions de repos, il apparaît que les relations entre RPE et FC soient modifiées en condition de fatigue. En effet, les résultats mettent en évidence que la RPE a été significativement modifiée (p = 0,02) par les conditions de réalisation des exercices de course à pied (i.e., 10 KM contrôle vs. 10 KM pré-fatigue). Cela nous montre donc qu en situation de fatigue, les sujets ont modifié leur rapport à la difficulté de l effort, en attribuant une note de perception supérieure pour une intensité d exercice identique. Cela met donc en évidence que la perception de l effort est affectée par la fatigue. En outre, bien que les corrélations entre l intensité énergétique et la RPE, observées par Alberton et al. (2010), ont été vérifiées dans plusieurs types d activités lors de cette étude, il apparaît que les droites de corrélations (FC/RPE) soient décalées vers une augmentation de la 20

21 RPE lors des exercices post-fatigue. Ces résultats pourraient être expliqués par une intégration centrale de la fatigue neuromusculaire (Amann et al. 2008) ou énergétique (Johnson et al, 2006). Johnson et al. (2006), ont par exemple montré qu un exercice prolongé en cyclisme, réalisé par un sujet dont les réserves en hydrate de carbone étaient déplétées, entraînait une modification de son rapport à l effort, qu il percevait plus difficile qu en condition d abondance énergétique. Amann et al (2008) ont eux démontré que lors d un exercice prolongé en cyclisme, les afférences sensorielles musculaires diminuaient la commande centrale et par conséquent la performance. Ceci pourrait expliquer la différence de RPE observée pour deux exercices réalisés à une intensité identique, mais dans des conditions de fatigue différente. De plus, compte tenu des résultats de Millet et al. (2000) qui montraient une augmentation du coût énergétique en course à pied après une épreuve de cyclisme, nous avions également supposé que cette augmentation de RPE puisse être liée à une augmentation du coût énergétique. Cependant, de façon surprenante, les résultats de cette étude ont montré qu il n y avait aucune modification significative de la fréquence cardiaque (p=0,15), et donc probablement du coût énergétique (Astrand et Rodahl, 1994) lors des courses à pied de 10 KM réalisées à la suite des exercices pré-fatigants (i.e., cyclisme et marche). Nos résultats semblent donc indiquer que les exercices de pré-fatigue (marche et cyclisme) n ont pas entraîné de modifications significatives du coût énergétique en course à pied lors de l épreuve terminale de 10 KM, en comparaison du 10 KM de contrôle. Dans la présente étude, il apparaît donc que la baisse des performances en course à pied à la suite d un exercice fatigant est donc principalement expliquée par une augmentation de la perception subjective de l effort et non par une hausse du coût énergétique. Les conclusions de cette étude permettent ainsi d apporter quelques solutions nouvelles pour l entraînement en triathlon. En effet, les résultats montrent que deux exercices de cyclisme et de marche en montée, réalisés à une intensité cardiaque identique, sont perçus de la même façon par les sujets (RPE moyenne identique). Cette perception peut être due au fait que de la même manière qu en cyclisme, la marche en montée sollicite dans un régime de contraction concentrique et de façon prépondérante, les groupes musculaires extenseurs du genou. Les résultats mettent également en évidence que les enchaînements cyclisme/course et marche/course, provoquent des effets 21

22 similaires, tant au niveau physiologique (FC) que psychologique (RPE) sur les efforts de course à pied réalisés ensuite. Cela montre que lors du travail des enchaînements à l entraînement, l entraîneur peut très bien remplacer la partie cyclisme par un effort réalisé en marche en montée. Ce type d enchaînement peut être un avantage dans les régions où la pratique du cyclisme n est pas facile à mettre en place toute l année à cause notamment des conditions météorologiques. En outre les résultats de l étude mettent en évidence une corrélation importante entre la fréquence cardiaque et la perception de l effort. Par conséquent, l entraîneur de triathlon pourra donc utiliser cette dernière variable pour déterminer, fixer, et contrôler l intensité d une séance d entraînement, surtout dans le cas où l athlète ne possède pas d appareil de mesure de la fréquence cardiaque. En revanche, lors de l utilisation de cette méthode l entraîneur devra tenir compte des conditions de réalisation de l exercice (repos vs. fatigue), car nous avons vu que celles-ci pouvaient influencer la difficulté ressentie par les athlètes. Les résultats de cette étude comportent cependant quelques limites à prendre en considération Tout d abord au niveau des méthodes, l étude aurait pu être plus complète en proposant une quatrième session aux sujets, où ils auraient effectué un 10 KM sans pré-fatigue le plus rapidement possible. Cette session nous aurait permis de vérifier si les sujets étaient capables d effectuer un 10 KM significativement plus rapide que celui effectué à la suite d une heure de cyclisme. De plus, grâce avec cette quatrième session nous aurions pu déterminer si les exercices de pré-fatigue limitaient les valeurs de fréquence cardiaque maximale obtenues sur la course à pied. D autre part, en cherchant à reproduire les distances d un triathlon CD, nous avons proposé aux sujets une pré-fatigue d une durée identique pour tous les sujets (1H00), et un exercice de course à pied à distance fixe (10 KM). Or, nous avons remarqué qu en fonction du niveau sportif des sujets, la durée du 10 KM a été comprise entre 34,5 minutes et 51 minutes, soit un écart de temps supérieur à 45%. Les sujets n ont donc vraisemblablement pas réalisé un exercice identique dans la durée totale de l effort, ce qui a forcément influencé les résultats de l étude puisque, lors des sessions de tests, les sujets ne disposaient pas de ravitaillement énergétique. Cette différence peut avoir toute son importance pour un effort proche de deux heures, car elle peut entraîner par la suite un changement de 22

23 substrat énergétique, avec notamment une diminution du rendement. D autres limites liées cette fois à la population étudiée ont sans doute influencé les résultats de notre étude. Tout d abord le nombre de sujets est très certainement un peu faible pour tirer des conclusions définitives sur l ensemble des résultats obtenus. De plus, les sujets étaient des sportifs entraînés dans une discipline d endurance (triathlon, course à pied, cyclisme), ainsi leur spécialité sportive a sans doute influencé les résultats de cette étude. Aussi, comme nous l avons présenté dans les méthodes, l étude s étendait sur une durée minimum de trois semaines pour chacun des sujets. Or, au cours de cette période, leur niveau de performance et les adaptations physiologiques liées à l entraînement, telle que la fréquence cardiaque, ont pu différer, influençant du même coup les résultats de l étude. 23

24 5. REFERENCES Alberton CL, Antunes AH, Pinto SS, Tartaruga MP, Silva EM, Cadore EL, Fernando L, Kruel M (2010) Correlation Between Rating of Perceived Exertion and Physiological Variables During the Execution of Stationary Running in Water at Different Cadences. J Strength Cond Res Jan 21 Amann M, Dempsey JA (2008) Locomotor muscle fatigue modifies central motor drive in healthy humans and imposes a limitation to exercise performance. J Physiol (2008) Astrand, Rodahl (1994) Précis de physiologie de l exercice musculaire, Ed Masson, 1994 Bernard T, Vercruyssen F, Mazure C, Gorce P, Hausswirth C, Brisswalter J (2007) Constant versus variable-intensity during cycling: effects on subsequent running performance. Eur J Appl Physiol Jan;99(2): Epub 2006 Dec 5. Borg G (1982) A category scale with ratio properties for intermodal and individual comparisons. Psychophysical judgement and the process of perception. Ed HG Geissler and Petzold, Foster C et al (1998) Monitoring training in athletes with reference to overtraining syndrome. Med Sci Sports Exerc, 30(7) : , 1998 Grappe F et al (1999) Quantification des charges d entraînement en cyclisme en fonction d une échelle d estimation subjective de l intensité de l exercice (échelle d ESIE). VIIIe congrès international de l ACAPS, Marcolin, Suisse, 1999 Johnson NA et al (2006) Effect of altered pre-exercise carbohydrate availability on selection and perception of effort during prolonged cycling. Eur J App Physiol (2006) 98: 62-70l Le Meur Y, Hausswirth C, Dorel S, Bignet F, Brisswalter J, Bernard T (2009) Influence of gender on pacing adopted by elite triathletes during a competition. Eur J Appl Physiol (2009) 106: Lepers R et al (2000) Evidence of neuromuscular fatigue after prolonged cycling exercise. Med Sci Sports Exerc Nov;32(11): Millet GY, Lepers R, Lattier G, Martin V, Babault N, Mafiuletti N (2000) Influence of ultra long-term-fatigue on the oxygen cost of two types of locomotion. Eur J Appl Physiol (2000) 83: