Le conflit socio-cognitif
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- Claudine St-Amour
- il y a 6 ans
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1 Le conflit socio-cognitif Willem Doise et Gabriel Mugny sont tous deux professeurs de psychologie sociale à l Université de Genève (FAPSE), Université dans laquelle travaillait Piaget et qui gère actuellement ses archives ( Depuis les années 1970, ils montrent que les interactions sociales sont un moteur du progrès cognitif. Rappelons pour mémoire les principes piagétiens du progrès cognitif : Essai d accomodation Non-résistance à l accomodation Situation de déséquilibre Construction d un nouveau schème assimilateur Progrès cognitif Echec d accomodation + Désintérêt Statut quo Il y a en schématisant, un solipsisme de la construction cognitive. Doise et Mugny postulent pour leur part qu il y a interdépendance entre les régulations sociales et le développement cognitif. Ainsi : «A tout moment de son développement, des compétences spécifiques permettent à l individu de participer à des interactions sociales relativement complexes qui peuvent donner lieu à de nouvelles compétences individuelles qui pourront s enrichir de nouveau lors de participations à d autres interactions sociales» (Doise, 1993, Logiques sociales dans le raisonnement, p. 126). C est une notion de progrès en spirale : Niveau de complexité Capacités cognitives Capacités cognitives Dans ce cadre que l on entendra parler de conflits sociocognitifs. Par exemple à travers les expérimentations de Doise et Mugny (1997, Psychologie sociale et développement cognitif. Paris : Armand Colin). Dans une de ces expériences ils utilisent les protocoles piagétiens de conservation des longueurs.
2 Deux situations sont proposées aux enfants. Dans les deux situations il y a conservation des longueurs malgré les déplacements ou mouvements, mais dans un cas se sont des longueurs égales (A) et dans l autre des longueurs inégales (B) qui se conservent Situation de conservation de longueurs égales Situation de conservation de longueurs inégales Grâce à un pré-test, on ne fait travailler que des enfants de 5-6 ans, non conservatoires (donc de même niveau cognitif, symétrie des niveaux) auxquels ont demande de se mettre d accord pour savoir : - s il y en a une plus grande que l autre ; - si elles sont pareilles ; - si c est autre chose. On se doute que lors des longueurs inégales les enfants ne vont pas souvent être en conflit car en 4, ils sont d accord pour dire que X est plus courte, et en 2 pour dire que X et Y sont égales puisque les bouts correspondent. Par contre dans les situations de longueurs égales soient ils jugent que c est celle qui a bougé qui est la plus longue, soient ils jugent que c est l autre. Il y a donc logiquement plus de chances qu ils s opposent lorsque les longueurs sont égales que lorsque les longueurs sont inégales. C est effectivement ce que l on constate sur 36 groupes de deux enfants :
3 Égales Conservation des longueurs Inégales Conflit 9 4 Non-conflit 9 14 Il y a en situation d égalité, la moitié des groupes où les deux sujets s opposent. On ne gardera donc que les 36 sujets des 18 groupes ayant participés à cette épreuve de conservation d égales longueur afin de pouvoir faire des comparaisons signifiantes. Ils passent à présent individuellement deux autres épreuves de conservation de longueurs égales et inégales et on mesure s ils restent non conservatoires, s ils deviennent intermédiaires (en 2, X est encore plus longue mais en 4, X est plus courte : illusion plus forte que la compensation) ou conservatoires. Conservation de longueurs égales Non conservatoires Intermédiaires Conservatoires Conflit Non conflit Avec p < 0,03 Conservation de longueurs inégales Non conservatoires Intermédiaires Conservatoires Conflit Non conflit Avec p < 0,07 Ce sont bien les sujets qui ont participé à des interactions conflictuelles qui progressent le plus : effet significatif pour égalité et tendant vers la signification dans inégalité. L interaction entre pairs est donc bien un lieu privilégié de développement cognitif, essentiellement lorsqu il y a conflit entre les points de vues des enfants (lorsqu il n y a pas conflit cela progresse tout de même un peu mais il est fort probable que des conflits est pu exister sans qu ils osent les dire). Notons que ces progrès individuels perdurent dans le temps (deuxième post-test dix jours après). On peut tout de même se demander si les progrès sont spécifiques aux individus ayant vécu un conflit sociocognitif ou s ils relèvent de la dynamique sociale qui s installe entre les partenaires. Un des éléments de réponse serait de voir si dans les situations de conflits les deux sujets progressent ou seulement un seul?
4 Longueurs égales Longueurs inégales Nombre de partenaires qui progressent par groupe Conflit Sans conflit Dans les groupes où les sujets étaient en conflit, la progression simultanée des deux partenaires est plus fréquente que dans les groupes sans conflit. Principalement dans les situations de longueurs égales. Ainsi les 4 progrès des groupes sans conflit apparaissent dans 4 groupes différents (un seul du groupe a donc progressé). Alors que dans les groupes avec conflits, 8 des 11 progrès sont issus de 4 groupes (où les deux ont progressé). En situation d inégalité cela n est pas significatif mais cela va dans le même sens. La rencontre de pairs autour d une tâche peut donc entraîner des progrès cognitifs personnel à condition qu il y ai conflit sociocognitif. En clair qu il y ai par l enfant prise de conscience d une réponse autre que la sienne. C est étonnant pour des enfants égocentrés mais leur difficulté semble qu à cause de cet égocentrisme ils ne peuvent imaginer le point de vue de l autre. Or dans la relation conflictuelle la différence est explicite. C est donc avant d être un conflit cognitif, un problème social.!la coordination de ses propres démarches avec celles d un partenaire entraîne des équilibrations cognitives dont l enfant n est pas capable seul!bénéfice des interactions exigeant une coordination sociale : effectuer seul des tâches réussies en groupe!les échanges interindividuels sont source de progrès cognitifs parce qu il y a conflit socio-cognitif (confrontation des points de vue)!besoin de compétences initiales : faire la différence entre son point de vue et celui de l autre Les diverses expérimentations genevoises (Doise et Mugny) ont montré que les progrès constatés lors d'un travail interindividuel sont réels et authentiques :! Possibilités de généralisation de ces progrès à d'autres notions fondées sur des opérations similaires ;! Stabilité des progrès dans le temps ;! Les enfants sont capables de donner des justifications, des arguments n'ayant pas été explicités lors de la rencontre interindividuelle. Les rencontres interindividuelles conduisent au progrès cognitif dans la mesure où un conflit sociocognitif a lieu durant l'interaction. Le conflit sociocognitif se défini par l'hétérogénéité des réponses (que les enfants utilisent ou non les mêmes procédures cognitives). Trois raisons à ces progrès :! la prise de conscience par l'enfant de réponses autres que la sienne. Une des caractéristique de la pensée pré-opératoire c'est l'ignorance des points de vue, l'impossibilité pour l'enfant d'imaginer des réponses autres que la sienne (égocentrisme). La confrontation explicite des points de vue dans la rencontre interindividuelle rend présente les autres réponses possibles. Il y a donc un déséquilibre cognitif et social ; cognitif car le système
5 cognitif des enfants peine à intégrer des réponses différentes à un même problème, social car le désaccord s'inscrit nécessairement dans une relation à autrui. Sans la présence de cette relation qui supporte le désaccord, il n'y aurait pas de déséquilibre puisque l'enfant ne peut envisager d'autres réponses que la sienne.! l'efficacité du conflit vient de ce que le partenaire fourni, en plus de sa réponse, des indications, des informations, sur sa manière de construire sa réponse, sur sa manière de prendre des indices dans la tâche. Que sa réponse soit correcte ou non, cette centration différente fournie une autre manière de construire sa réponse.! le conflit sociocognitif augmente la probabilité que l'enfant soit actif cognitivement, activité cognitive sur l'objet mais aussi mais surtout, une activité à propos des réponses divergentes. "Si nos procédures de conflit sociocognitif font preuve d'une grande efficacité, c'est surtout parce que le problème posé à l'enfant n'est pas simplement cognitif mais social. Pour lui, il ne s'agit pas tant de résoudre un problème difficile que, avant tout, d'engager une relation interindividuelle" (Doise et Mugny, Psychologie sociale et développement cognitif, Paris : Armand Colin, p. 211). Les résultats de ces recherches plaident en faveur d'une conception pédagogique qui prend en compte les relations et les activités entre enfants en réaction de l'exclusive pédagogique de la simple relation adulte/enfant.! Problème : il y a une situation d évitement qui consiste à résoudre le conflit sociocognitif uniquement sur le plan relationnel : «Pour être bénéfique, l interaction sociale doit en même temps assurer un plein déroulement du conflit socio-cognitif et non seulement viser une solution purement relationnelle en termes d entente ou de mésentente» (Doise, 1995, p. 131). Ce risque est particulièrement important lors de relations dissymétriques (complaisance, dominance-soumission). Pour qu il y ait résolution du conflit sur un mode sociocognitif il faut qu il y ait une réorganisation cognitive, création de nouveaux instruments cognitifs, une coordination des points de vue initialement opposés. Voici schématiquement comment se présente l impact de l interaction sociale : Interactions sociales Situation de conflit socio-cognitif
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