Chapitre Fonctions mesurables Définitions
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- Émilie Françoise Laberge
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1 Chapitre 3 Théorie générale de l intégration 3.1 Fonctions mesurables Définitions Définition Soient (, A) et (Y, B) deux espaces mesurables. mesurable si B B, f 1 (B) A. Une fonction f : Y est dite Remarque : une fonction constante est mesurable par rapport à n importe quelle tribu. Proposition Soit (, A) et (Y, B) deux espaces mesurables. Soit F une famille engendrant B. Alors une fonction f : Y est mesurable ssi Démonstration. Soit B F, f 1 (B) A. C = {B Y ; f 1 (B) A}. Exo: c est une σ-algèbre. Elle contient F donc elle contient B. cqfd. Remarque : si Y est topologique on prend par défaut comme tribu B = B(Y ). Dans ce cas il suffit donc de vérifier que l image réciproque d un ouvert est mesurable. Y sera la plupart du temps l un de ces espaces topologiques : Y = R, C, [0, + ], [, + ] De manière évidente, une fonction f : R ou [0, + ] est mesurable ssi elle l est en tant que fonction à valeurs dans [, + ] (preuve: topologie induite). Proposition Les boréliens de [, + ] sont engendrés par les intervalles ]a, + ], a R. Démonstration. Comme pour le cas de R, les ouverts de [, + ] sont réunion disjointe dénombrable de leurs composantes connexes, qui sont des intervalles ouverts de [, + ], c-à-d du type [, b[, ]a, b[, ]a, + ], a, b R. Pour tout a, b R on a [, b[= n ]b 1/n, + ] c, ]a, b[=]a, + ] [, b[, cqfd. Corollaire Soit (, A) un espace mesurable. Une fonction f : [, + ] est mesurable si et seulement si a R, {f > a} := {x ; f(x) > a} A. 15
2 16 CHAPITRE 3. THÉORIE GÉNÉRALE DE L INTÉGRATION Définition Soient et Y deux espaces topologiques. Une fonction f : Y est dite borélienne si et seulement si B B(Y ), f 1 (B) B(). Proposition Une fonction continue entre deux espaces topologiques est borélienne Composition de fonctions mesurables Proposition Soient (, A), (Y, B) et (Z, C) trois espaces mesurables, f : Y et g : Y Z mesurables. Alors g f : Z est mesurable. Démonstration. Évident. Définition Si f : R on définit f + = max(f, 0) et f = max( f, 0). On a f = f + + f et f = f + f Corollaire Soit (, A) un espace mesurable. (1) La somme, le produit, de fonctions mesurables, à valeurs dans R, C ou [0, + ], est mesurable. (2) Si f n : [, + ] sont mesurables, alors sup(f n ) et inf(f n ) sont mesurables. (3) Si f : R est mesurable, alors f + et f sont mesurables. (4) f : C est mesurable si et seulement si Re(f) et Im(f) sont mesurables. (5) Si f : C est mesurable, alors f est mesurable. Démonstration. (1) : l addition est continue sur R, C et [0, + ]. La multiplication est continue sur R et C. Elle ne l est pas sur [0, + ], cependant elle l est sur ]0, + ], donc pour tout a [0, + [, est ouvert. (2) : si a R, {(x, y) [0, + ] 2 ; x y > a} = {(x, y) ]0, + ] 2 ; x y > a} {sup(f n ) > a} = n {x ; f n (x) > a} {inf(f n ) > a} = k n {x ; f n (x) > a + 1/k} (3) et (5) : découle de (1) et (2). (4) : si f : C est mesurable, ses parties réelles et imaginaires le sont car z Re(z) et z Im(z) ont continues. Réciproque : utiliser (1). (5) : le module complexe est une fonction continue. Corollaire Soit un espace topologique, muni de sa tribu borélienne. La borne inférieure et la borne supérieure d une famille (même non dénombrable) de fonctions continues de R ou [, + ] est borélienne. Démonstration. Soit (f i ) i I une famille de fonctions continues sur. Soit F leur borne sup et f leur borne inf. Pour tout a R, on a F 1 (]a, + ]) = {x ; i I, f i (x) > a} = i I f 1 i (]a, + ) = réunion d ouverts = ouvert B(), f 1 ([, a]) = {x ; i I, f i (x) a} = i I f 1 i ([, a]) = intersection de fermés = fermé B().
3 3.2. INTÉGRALE DES FONCTIONS ÉTAGÉES Limites de fonctions mesurables Théorème Soit (, A) un espace mesurable, Y un espace métrique. Soit f n : Y une suite de fonctions mesurables, convergent simplement vers une limite f : Y. Alors f est mesurable. Démonstration. Soit U un ouvert de Y. Soit d(, U c ) la fonction distance à U c, définie pour y Y par d(y, U c ) = inf{d(x, y); x U c }. On rappelle que c est une fonction continue, donc chaque d(f n, U c ) : R + est mesurable. Comme U est ouvert, f(x) U ssi d(f(x), U c ) > 0. Cela équivaut à ce que d(f n (x), U c ) soit plus grande qu une certaine constante > 0 à partir d un rang. Donc f 1 (U) = k N l N n l {d(f n, F ) 1/k} A. Définition Si u n est une suite d élements de [, + ], on définit lim sup u n := lim sup k n u k et lim inf u n := lim inf u k. k n Démonstration de l existence des limites. La suite v n := sup k n u k est décroissante, donc est convergente dans [, + ]. La suite w n := inf k n u k est croissante, donc converge dans [, + ]. Proposition Soit u n une suite de [, + ]. (1) lim sup u n est la plus grande valeur d adhérence de u n, lim inf u n la plus petite. (2) lim inf u n lim sup u n, avec égalité ssi la suite converge dans [, + ]. Démonstration. (1) : soit l [, + ] et ϕ strictement croissante telle que u ϕ(n) l. Comme ϕ(n) n, w n u ϕ(n) v n. Passage à la limite : lim inf u n l lim sup u n. Il reste à montrer que lim sup u n et lim inf u n sont effectivement des v.a. Soit L = lim sup u n. Si L = alors u n = n, rien à démontrer. Si L = +, on choisit k n n t.q u kn v n 1, cqfd. Sinon, l R, et on choisit k n n tel que v n 1/n u kn v n. Idem pour la lim inf. cqfd. (2) : si égalité, u n a une seule v.a. Comme [, + ] est compact, cqfd. Corollaire Soit (, A) un espace mesurable, et f n : [, + ] une suite de fonctions mesurables. Alors lim sup f n et lim inf f n sont mesurables. Corollaire Soit (, A) un espace mesurable, et f n : R, C ou [0, + ] une suite de fonctions mesurables. Si la série de fonctions f n converge simplement, sa somme est mesurable. 3.2 Intégrale des fonctions étagées On fixe un espace mesuré (, A, µ). Définition Soit E. La fonction indicatrice de E est définie par { 1 si x E, 1 E (x) = 0 si x / E. Si E est mesurable, 1 E est mesurable, et réciproquement.
4 18 CHAPITRE 3. THÉORIE GÉNÉRALE DE L INTÉGRATION Proposition On a (1) 1 = 0, 1 = 1. (2) Pour tout E, F disjoints, 1 E F = 1 E + 1 F. (3) Pour tout E, F, 1 E F = 1 E 1 F. Définition Une fonction étagée est une fonction f : [0, + ], mesurable, prenant un nombre fini de valeurs. On note E() l ensemble des fonctions étagées sur. remarque : Toute fonction indicatrice d ensemble mesurable est étagée. L espace E() est clairement stable par addition et multiplication par des constantes positives. Définition Soit f une fonction étagée sur. Soit I l ensemble (fini) des valeurs de f. Pour α I soit E α = f 1 ({α}). On définit l intégrale de f par rapport à l espace mesuré (, A, µ) par fdµ := α I αµ(e α ) [0, + ]. Lemme Soient E 1,..., E n A disjoints, de réunion, α 1,..., α n R +. Soit f = n k=1 α k1 Ek. On a fdµ = n k=1 α kµ(e k ) Démonstration. On peut supposer que chaque α k est > 0, et que chaque E k est non vide (sinon ils contribuent pour 0). Cas n = 1 : évident. Cas n 2 : il n y a rien à démontrer si les α k sont distincts (c est la définition). Sinon on est ramené au cas n 1 en regrouppant les termes égaux. Lemme Soit f E(), β R + et E A. On a (f + β1 E )dµ = fdµ + βµ(e). Démonstration. Soit g = f + β1 E, et I et E α comme dans la définition. Donc f = α1 Eα, et fdµ = αµ(e α ). (3.1) α I α I Pour tout α I, α1 Eα = α1 Eα E c + α1 E α E, et puisque les E k partitionnent, α1 E = n k=1 α1 E E k. Ainsi, g = f + β1 E = α I α1 Eα + β1 Eα E = α I α1 Eα E c + α I (β + α)1 Eα E. Par le lemme, gdµ = αµ(e α E c ) + (β + α)µ(e α E) α I α I = α [µ(e α E c ) + µ(e α E)] + β µ(e α E) α I α I = αµ(e α ) + βµ(e) = fdµ + βµ(e). α I cqfd.
5 3.3. INTÉGRALE DES FONCTIONS MESURABLES POSITIVES 19 Théorème (Linéarité de l intégrale sur E()). Pour tout f, g E(), α, β R +, on a (αf + βg)dµ = α fdµ + β gdµ. Démonstration. Récurrence immédiate à partir du lemme Théorème (Croissance de l intégrale sur E()). Soit f, g E() telles que f g. On a fdµ gdµ. Démonstration. Soit h(x) = g(x) f(x) si f(x) < + et h(x) = 0 si f(x) = +. Alors on a g = f + h, h est étagée, donc gdµ = hdµ + fdµ fdµ. 3.3 Intégrale des fonctions mesurables positives On fixe un espace mesuré (, A, µ) Lemme d approximation Lemme Pour toute fonction mesurable f : [0, + ]. Il existe une suite croissante de fonctions étagées (c-à-d f n f n+1 ), convergent simplement vers f. Démonstration. La suite f n (x) := { 2 n [2 n f(x)] si 0 f(x) < n, n si f(x) n. convient. En effet, il est clair de par la formule que f n (x) f(x) x et que f n est étagée (construite à partir de fonctions continues par morceaux). Pour la croissance, fait un dessin dans le cas f(x) = x. cqfd Définition de l intégrale Définition (Intégrale d une fonction mesurable positive). Soit f : [0, + ] une fonction mesurable. On appelle intégrale de f par rapport à (, A, µ) la quantité { } fdµ := sup hdµ; h E() telle que h f [0, + ]. Théorème (Croissance de l intégrale). Si f, g : [0, + ] sont mesurables et vérifient f g alors fdµ gdµ. Démonstration. Soit h E() telle que h f. On a h g, donc par définition de gdµ, hdµ gdµ. Ceci est vrai pour toute h étagée telle que h f. cqfd.
6 20 CHAPITRE 3. THÉORIE GÉNÉRALE DE L INTÉGRATION Proposition (Inégalité de Tchebitchev). Soit f : [0, + ] et α [0, + ]. On a µ({f α}) 1 fdµ. α Démonstration. Soit E = {f α}. On a f f1 E α1 E par définition de E. Donc fdµ αµ(e), cqfd. Définition Une propriété (P (x)) est dite vraie presque partout s il existe N A de mesure nulle t.q (P (x)) soit vraie x / N. Proposition Soit f : [0, + ] mesurable. (1) fdµ = 0 ssi f(x) = 0 p.p. (2) Si fdµ < alors f(x) < p.p. Démonstration. (1) : supposons que fdµ = 0. Pour n N, soit E n = {x ; f(x) 1/n}. On a µ(e n ) n fdµ = 0, donc µ(e n ) = 0. Ainsi, µ({f > 0}) = µ( n E n ) n µ(e n) = 0, cqfd. Réciproque évidente : si f(x) = 0 p.p, alors toute h f étagée est nulle p.p, donc d intégrale nulle. (2) : supposons que fdµ <. Soit F n = {x ; f(x) n}. On a F n+1 F n, et µ(f n ) 1 fdµ 0, n donc µ({x ; f(x) = + }) = µ( n F n ) = 0 cqfd Théorème de convergence monotone et lemme de Fatou On a comme corollaire immédiat un résultat extrèmement puissant : Théorème (Théorème de convergence monotone, dit de Beppo-Levi). Soit f n : [0, + ] une suite de fonctions mesurables, convergent simplement vers une fonction mesurable f : [0, + ]. Si (1) la suite est croissante (2) ou si la suite est décroissante, et f 1 dµ < +, alors lim f n dµ = fdµ. Démonstration. (1) : comme la suite f n est croissante, la suite f n dµ est croissante. Soit l [0, + ] a limite. Puisque f n f, on a l fdµ. Pour obtenir l égalité nous allons voir que pour toute fonction étagée h f et tout ε ]0, 1[, l (1 ε) hdµ. ( ) Cela suffit car si on fait tendre ε vers 0 et si on prend ensuite la borne sup. en h, on a bien l fdµ.
7 3.3. INTÉGRALE DES FONCTIONS MESURABLES POSITIVES 21 Démontrons ( ) d abord dans le cas où h(x) < + pour tout x. Soit n = {x ; f n (x) (1 ε)h(x)}. C est une suite croissante d ensembles mesurables. On affirme que la réunion des n est. En effet, si h(x) = 0, x est dans tous les n. Sinon, 0 < h(x) f(x) < +, donc f n (x)/h(x) f(x)/h(x) 1, et il existe n tel que f n (x)/h(x) (1 ε) cqfd. Pour tout n, f n f n 1 n (1 ε)h1 n, donc f n dµ (1 ε) hdµ. n Le membre de gauche tend vers l si n +. Comme la suite n est croissante de réunion, pour tout E mesurable, µ(e n ) µ(e). Le membre de droite tend donc vers (1 ε) hdµ, et ( ) est démontrée. Si h peut prendre la valeur infinie on procède comme suit : pour k N, x, on pose h k (x) = min(h(x), k). Soit E = {x ; h(x) = + }. Alors par définition de h k, si k est assez grand (vu que h prend un nombre fini de valeurs), on a h k (x) = h(x) pour x / E et h k (x) = k pour x E. Donc h k dµ = (h1 E c + k1 E )dµ = h1 E cdµ + kµ(e) h1 E cdµ + µ(e) = hdµ. Comme h k est étagée, f, et finie, on a bien ( ) pour h k : l (1 ε) h k dµ, k N, et en passant à la limite on obtient ( ). (2) : applique (1) à f 1 f n. Premier corollaire : Théorème (Linéarité de l intégrale). Si f, g : [0, + ] sont mesurables et α, β R +, alors (αf + βg)dµ = α fdµ + β gdµ. Démonstration. Soit f n et g n deux suites croissants de fonctions étagées convergent simplement vers f et g. On sait déjà que l intégrale est linéaire pour les fonctions étagées donc (αf n + βg n )dµ = α f n dµ + β g n dµ n. On applique ensuite le théorème de convergenve monotone. cqfd. Second corollaire : Théorème (de convergence monotone pour les séries). Soit f n : [0, + ] une suite de fonctions mesurables. On a ( ) + f n dµ = f n dµ. Démonstration. Appliquer le théorème de convergence monotone aux sommes partielles. cqfd.
8 22 CHAPITRE 3. THÉORIE GÉNÉRALE DE L INTÉGRATION Troisième corollaire. Lemme (Lemme de Fatou). Soit f n : [0, + ] une suite de fonctions mesurables. On a ( ) ( ) lim inf f n dµ lim inf f n dµ. Démonstration. Soit g n = inf k n f k et I n = inf k n f k dµ. Pour tout k n on a g n f k donc g n dµ f k dµ k n => g n dµ I n. Ensuite on passe à la limite en utilisant le théorème de convergence monotone Relation de Chasle Définition Soit E A et f : [0, + ] une fonction mesurable. On définit l intégrale de f sur E par rapport à (, A, µ) par fdµ := (f1 E )dµ. Théorème Soit f : [0, + ] mesurable. L application E fdµ est une mesure sur A. On l appelle la mesure de densité f par rapport à µ. Démonstration. Pour tout E A, soit E E ν(e) := Soit E n A, deux-à-deux disjoints, et E leur réunion. On a 1 E = E fdµ. 1 En => f1 E = f1 En. Le théorème de convergence monotone pour les séries donne le résultat. Théorème Soit f : [0, + ] une fonction mesurable, et ν la mesure de densité f par rapport à µ. Pour toute fonction g : [0, + ] mesurable, on a gdν = gfdµ, (3.2) ce qui justifie la notation dν = fdµ. Démonstration. Par définition de ν, la relation (3.2) est vérifiée pour les indicatrices d ensembles. Par linéarité de l intégrale, elle est vraie pour toute fonction étagée. Soit g : [0, + ] mesurable, et g n une suite croissante de fonctions étagées sur, convergent simplement vers g. Pour tout n, g n dν = g n fdµ. On passe à la limite, cqfd.
9 3.4. INTÉGRALE DE FONCTIONS À VALEURS RÉELLES OU COMPLEES Intégrale de fonctions à valeurs réelles ou complexes. On fixe un espace mesuré (, A, µ). On rappelle que pour toute fonction f : C mesurable, la fonction f : [0, + [ est mesurable, donc son intégrale existe Définition Définition (Fonction sommable, ou intégrable). Une fonction mesurable f : C est dite sommable, ou intégrable, sur l espace mesuré (, A, µ) si f dµ < +. C est clairement un espace vectoriel. On note L(µ) c est ensemble Intégrale d une fonction sommable Proposition Soit f L(µ). Alors les quatre fonctions [Re(f)] +, [Re(f)], [Im(f)] +, [Im(f)] sont mesurables, à valeur positive, et ont une intégrale finie. Démonstration. Elle sont toutes plus petites que f. cqfd. Définition (Définition de l intégrale des fonctions sommables). Si f L(µ) on pose fdµ := Re(f) + dµ Re(f) dµ + i Im(f) + dµ i Im(f) dµ. Définition Soit f : C et E A mesurables. On dit que f est sommable sur E si f1 E sommable. Si c est le cas on pose fdµ = f1 E dµ. E est Premières propriétés Proposition On a les propriétés suivantes : (1) Si f, g : C sont sommables, et α C, alors (f + g)dµ = fdµ + gdµ, et αfdµ = α fdµ (2) Si f, g : R sont sommables, et si f g, on a fdµ gdµ. (3) Si f : C est nulle p.p, alors fdµ = 0.
10 24 CHAPITRE 3. THÉORIE GÉNÉRALE DE L INTÉGRATION (4) Si f : C est sommable, fdµ f dµ. (5) On a égalité dans (4) ssi il existe α C, g : [0, + [ sommable, et h : C mesurable, nulle p.p, telles que f = αg + h. Démonstration. (1) : ceci est long à démontrer, mais facile, c est quasiment par définition, mais il y a énormément de cas. cas où f, g sont réelles. On écrit f + g = (f + f ) + (g + g ) = (f + g) + (f + g) donc f + + g + + (g + g) = f + g + (g + g) + L intégrale étant linéaire pour les fonctions positive, on obtient f + dµ + g + dµ + (g + g) dµ = f dµ + g dµ + (g + g) + dµ, et donc fdµ + gdµ = f + dµ f dµ + g + dµ g dµ = (f + g) + dµ (f + g) dµ = (f + g)dµ, cqfd. Cas des fonctions à valeurs complexes. On a Re(f + g) = Re(f) + Re(g) et Im(f + g) = Im(f) + Im(g) donc (f + g)dµ := Re(f + g)dµ + i Im(f + g)dµ = [Re(f) + Re(g)]dµ + i [Im(f) + Im(g)]dµ = Re(f)dµ + Re(g)dµ + i Im(f)dµ + i Im(g)dµ par le cas précédent ( ) ( ) = Re(f)dµ + i Im(f)dµ + Re(g)dµ + i Im(g)dµ =: fdµ + gdµ. Cas α R + et f réelle. αfdµ := (αf) + dµ ( = α f + dµ = α fdµ. (αf) dµ = αf + dµ αf dµ ) f dµ en utilisant la linéarité pour les fonctions et les constantes positives. (3.3) Cas α R et f réelle. αfdµ = ( α) ( f)dµ = α ( f)dµ car α 0 ( ) ( = α ( f) + dµ ( f) dµ = α f dµ ) f + dµ = ( α) ( fdµ) = α fdµ
11 3.4. INTÉGRALE DE FONCTIONS À VALEURS RÉELLES OU COMPLEES. 25 Cas α R et f complexe : αfdµ := Re(αf)dµ + i Im(αf)dµ = αre(f)dµ + i αim(f)dµ = α Re(f)dµ + iα Im(f)dµ par le cas précédent ( ) = α Re(f)dµ + i Im(f)dµ =: α fdµ (3.4) Cas α C et f complexe. Posons α = a + ib, a, b R. αfdµ = (af + ibf)dµ = a fdµ + b ifdµ par le cas précédent ( ) ( ) := a fdµ + b Re(if)dµ + i Im(if)dµ = a fdµ + b [ Im(f)]dµ + i Re(f)dµ ( ) = a fdµ b Im(f)dµ + ib Re(f)dµ = a fdµ + ib i Im(f)dµ + Re(f)dµ =: a fdµ + ib fdµ = α fdµ (2) : la fonction g f est mesurable, à valeurs positives, donc son intégrale est positive. On conclut par linéarité. (3) : Re(f) +,..., etc sont nulles p.p, cqfd. (4) : soit θ R tel que fdµ = fdµ eiθ. On a ( fdµ = Re e iθ ) ( fdµ = Re ) e iθ fdµ = def Re(e iθ f)dµ f dµ, cqfd. (5) : on doit avoir ( ) f Re(e iθ f) dµ = 0. Donc f(x) = Re(e iθ f(x)) p.p, donc f(x) = e iθ f(x) p.p. En posant h = f e iθ f, α = e iθ et g = f, on a le résultat. Réciproque triviale Théorème de convergence dominée de Lebesgue Théorème (de convergence dominée de Lebesgue). Soient f n : C une suite de fonctions sommables, convergent simplement vers une fonction f : C. On suppose qu il existe une fonction ϕ : [0, + ] d intégrale finie, telle que f n (x) ϕ(x) x n N. Alors les fonctions f, f n sont sommables, pour tout n N. La suite lim f n dµ = fdµ. f n dµ est convergente dans C, et
12 26 CHAPITRE 3. THÉORIE GÉNÉRALE DE L INTÉGRATION Démonstration. Par passage à la limite, on voit que f ϕ. Donc f n dµ ϕdµ <, n N, et f dµ et les fonctions f, f n sont toutes sommables. Soit g n = 2ϕ f f n. C est une fonction mesurable. De plus f f n 2ϕ, ϕdµ <, donc g n 0. Par hypothèse, g n converge simplement vers 2ϕ. Le lemme de Fatou donne 2ϕdµ lim inf g n dµ. Or g n 2ϕ n donc lim sup g n dµ 2ϕdµ. On conclut que g n dµ converge vers 2ϕdµ, c est-à dire f f n dµ tend vers 0. Or fdµ f n dµ f f n dµ, cqfd. En corollaire on a une version améliorée : Théorème (de convergence dominée p.p). Soit f n : C une suite de fonctions mesurables, convergent p.p. vers f : C. On suppose qu il existe ϕ : [0, + ] mesurable, d intégrale finie, telle que pour tout n, f n (x) ϕ(x) p.p. Alors f n et f sont sommables, la suite f n dµ converge dans C, et lim Démonstration. Soit N 0 A de mesure nulle, tel que f n dµ = fdµ. x / N 0, f n (x) converge. Pour tout n N, soit N n A de mesure nulle, tel que f n (x) ϕ(x) x / N n. Soit N la réunion des N n, n N. On a N A et µ(n) = 0. On pose { lim f(x) = f n(x) si x / N 0 si x N. Pour tout n N soit Par construction on a g n = { fn (x) si x N c, 0 si x N, g n = f n 1 N c, ψ = ϕ1 N c, donc g n et ψ sont mesurables. Par construction, g n converge simplement vers f. La thórème de convergence dominée donne le résultat.
13 3.5. CHANGEMENT D ESPACE MESURÉ 27 Second corollaire, le théorème de convergence dominée pour les séries : Théorème (de convergence dominée pour les séries). Soit f n : C une suite de fonctions mesurables, telles que f n dµ < +. Alors chaque f n est sommable, la série de fonctions f n (x) converge p.p vers une fonction S : C sommable, la série f n dµ est convergente dans C, et f n dµ = Sdµ. Démonstration. Soit ϕ = C est une fonction mesurable sur à valeurs dans [0, + ]. La théorème de convergence monotone pour les séries donne ϕdµ = f n dµ <. Soit S n = f f n. Comme f n. f n (x) = ϕ(x) < p.p, la suite de fonctions S n, qui est mesurable de C, converge p.p. De plus S n (x) n f k (x) ϕ(x) x. k=1 Le théorème de convergence dominée p.p donne le résultat. Corollaire (Relation de Chasle). Soit f : C sommable et E n une suite d ensembles mesurables deux-à-deux disjoints. La série E n fdµ est convergente, et ne n fdµ = E n fdµ. 3.5 Changement d espace mesuré Changement de tribu Lemme Soit (, A, µ) un espace mesuré et f : [0, + ] mesurable. On munit [0, + [ de la mesure de Lebesgue et de la tribu induite. Soit ϕ : [0, + [ [0, + ] définie par ϕ(t) = µ{f t}. C est une fonction borélienne, positive, et ϕdm = fdµ.
14 28 CHAPITRE 3. THÉORIE GÉNÉRALE DE L INTÉGRATION Démonstration. C est clairement une fonction décroissante, donc elle est mesurable (l image réciproque d un intervalle en est un). La suite f n croissante convergent simplement vers f exhibée dans le lemme d approximation est Donc f n dµ = n2 n 1 k=1 f n = = n2 n 1 k=0 n2 n 1 k=0 k2 n 1 k2 n f<(k+1)2 n + n1 f n k2 n ( 1 f k2 n 1 f (k+1)2 n) + n1f n = n2 n 1 k=1 2 n 1 f k2 n. 2 n ϕ(k2 n ). Comme ϕ est décroissante on a pour tout 1 k n2 n 1 [k2 n,(k+1)2 n [ ϕdm 2 n ϕ(k2 n ) [(k 1)2 n,k2 n [ ϕdm, donc si on somme sur k on obtient [2 n,n[ ϕdm f n dµ ϕdm. [0,n 2 n [ On conclut par le théorème de convergence monotone. Corollaire : Théorème Soit (, A, µ) un espace mesuré, f : [0, + ] ou C mesurable par rapport à A. Pour toute tribu A A rendant f mesurable, les intégrales de f par rapport à (, A, µ) ou (, A, µ) sont identiques. Démonstration. L intégrale ne dépend que de la mesure des ensembles qui sont tous dans A puisque f est A -mesurable. {f t}, t [0, + [, Définition Soit un ensemble, f : [0, + ] ou C une fonction. La tribu engendrée par f est C est la plus petite tribu sur rendant f mesurable. A(f) := {f 1 (B); B B} Changement de mesure : cas des fonctions positives Proposition Soit (, A) un espace mesuré, µ et ν deux mesures sur A, f : [0, + ] mesurable, et α, β [0, + [. Alors (1) fd(αµ + βν) = α fdµ + β fdν. (2) si µ ν, alors fdµ fdν.
15 3.5. CHANGEMENT D ESPACE MESURÉ 29 Démonstration. C est vrai pour les indicatrices d ensembles mesurables par définition, donc par linéarité c est vrai pour les fonctions étagées. On conclut par cv monotone en appliquant ceci à la suite f n du lemme d approximation. Théorème (de convergence monotone pour les mesures). Soit (, A) un espace mesurable, µ n une suite croissante de mesures sur A. Soit µ = lim n µ n leur limite (on sait que c est une mesure). Pour toute fonction f : [0, + ] mesurable, lim fdµ n = fdµ. Démonstration. Le résultat est vrai pour les indicatrices d ensembles, et donc par linéarité, pour les fonctions étagées. Par la proposition, la suite fdµ n est croissante, donc convergente. Soit l [0, + ] sa limite. Pour tout n, fdµ n fdµ, donc l fdµ. Soit h étagée t.q. h f. Pour tout n, hdµ n fdµ n, donc par passage à la limite, hdµ l, pour toute h étagée f. cqfd. Théorème (de convergence pour les séries de mesure). Soit (, A) un espace mesurable, µ n une suite de mesures sur A. Soit µ = µ n. On a pour toute fonction mesurable f : [0, + ], fdµ = fdµ n Changement de mesure : cas des fonctions sommables Théorème Soit (, A) un espace mesurable, µ n une suite de mesures sur A, et f : C mesurable. Soit µ = µ n. Alors f est sommable par rapport à µ ssi Si c est le cas, la série n fdµ n converge, et f dµ n < +. n fdµ = n fdµ n. Démonstration. Immédiat.
16 30 CHAPITRE 3. THÉORIE GÉNÉRALE DE L INTÉGRATION 3.6 Integrales à paramètre Continuité sous l intégrale Théorème Soit (, A, µ) un espace mesuré, (Y, d) un espace métrique. Soit f : Y C une fonction telle que (1) pour tout y Y, f(, y) est mesurable. (2) pour tout x, f(x, ) est continue, (3) il existe ϕ : [0, + ] d intégrale finie, telle que pour tout (x, y) Y, f(x, y) ϕ(x). Alors pour tout y Y, x f(x, y) est sommable, et F (y) := est une fonction continue sur Y. Démonstration. Soit y Y. On a f(x, y) dµ(x) f(x, y)dµ(x) ϕ(x)dµ(x) < +, donc f(, y) est sommable. F est donc bien définie. Montrons qu elle est continue. Soit (y n ) n 1 une suite de Y convergent vers y. Pour tout x, f(x, y n ) converge vers f(x, y). Par le théorème de convergence dominée, f(x, y n ) existe et vaut f(x, y)dµ, cqfd. lim remarque : Le théorème est vrai en remplaçant dans (2) et (3) pour tout par pour presque tout x. Démonstration. Appliquer le théorème de cv dominée p.p Dérivation sous l intégrale Théorème Soit (, A, µ) un espace mesuré, I un intervalle ouvert de R, non vide. Soit f : I C une fonction telle que (1) pour tout t I, f(, t) est mesurable et sommable. (2) pour tout x, f(x, ) est dérivable sur I. (3) il existe ϕ : [0, + ] d intégrale finie, telle que pour tout (x, t) I, t f(x, t) ϕ(x). Alors pour tout t I, t f(, t) est mesurable et sommable sur. Soit, pour t I, F (t) := f(x, t)dµ(x). F est dérivable sur I et pour tout t I, F (t) = t f(x, t)dµ(x).
17 3.6. INTEGRALES À PARAMÈTRE 31 Démonstration. Soit t I. Pour tout x, t f(x, t) = donc t f(, t) est mesurable. De plus t f(x, t) dµ(x) f(x, t + n 1 ) f(x, t) lim, n 1 ϕ(x)dµ(x) < +, donc t f(, t) est sommable. Soit t n I \ {t} une suite convergent vers t. Pour tout x, (f(x, t n ) f(x, t))/(t n t) converge vers f(x, t). Par l inégalité des accroissements finis, (f(x, t n ) f(x, t))/(t n t) t n t ϕ(x) sup t n t ϕ(x), x n. n Le théorème de cv dominée donne lim f(x, t n)dµ(x) f(x, t)dµ(x) t n t existe et vaut t f(x, t)dµ(x), cqfd. Remarque : on peut remplacer (1) par (1) pour tout t I, f(, t) est mesurable, et pour un t 0 I, elle est sommable. Alors necessairement les autres f(, t) sont toutes sommables t I (inégalité des accroissements finis). On peut remplacer pour tout x par pour presque tout x dans (2) et (3) Itérations On a par itération des résultats du type classe C n sous l intégrale, et la variable t peut varier dans un ouvert de R d.
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