Jeudis du LAREP Séminaire du jeudi 18 avril 2013, ENSP Versailles. Penser le campus par le paysage. Exposé de Bernadette Blanchon et Sonia Keravel

Transcription

1 Jeudis du LAREP Séminaire du jeudi 18 avril 2013, ENSP Versailles Penser le campus par le paysage Exposé de Bernadette Blanchon et Sonia Keravel Répondant : Loic Vadelorge, historien contemporain, professeur à l université de Paris Est, dont les travaux portent sur les villes nouvelles, l histoire de l urbanisme, et sur l espace universitaire francilien. En introduction, les intervenantes ont proposé un retour sur leurs parcours de recherche respectifs : - Bernadette Blanchon : la place des paysagistes dans les pratiques d aménagement contemporaines notamment durant les trente glorieuses ; - Sonia Keravel : la réception des projets de paysage par le public. Le constat que font les deux chercheuses est celui d une pratique peu développée, au niveau français, de la lecture critique de projets de paysage. Quelques références existent cependant, notamment dans le cadre des revues Pages Paysage, Le Visiteur, Criticat, ou encore Les carnets du paysage. La lecture critique consiste, à partir d une situation concrète, à la déployer pour en comprendre toute l ampleur, et à montrer notamment tout ce qui est «invisible» (jeux d acteurs, etc.). Dans ce cadre, la description est pratiquée comme une activité de recherche et de conception (Corboz, Arasse). Autre référence : la description épaisse (Geertz) Les trois étapes principales du travail de lecture critique sont: - La description - L enquête - L interprétation L étude des articles de la rubrique «Under the Sky» dirigée par Bernadette Blanchon au sein de la revue JoLA, (Journal of Landscape Architecture), permet de dégager une typologie des méthodes de lecture critique : - descriptive (évaluation) - conceptuelle (travail sur le processus de projet) - - monographique «learning from» (où l histoire est très importante) comparative (plusieurs projets, géographiquement ou thématiquement : permet de faire jouer une dimension de débat plus importante) Concernant la genèse du programme de recherche «Penser le campus par le paysage» : La méthode de l étude a été mise au point au cours d une étude précédente sur des cas de Grands Ensembles, «Le paysage dans les ensembles urbains de logements, » réalisée par Bernadette Blanchon, Denis Delbaere (LACTH), Jorn Garleff (LEAV). Constat d une défiance, sur la mise en parallèle du travail sur les campus avec celui sur les Grands Ensembles, notamment lors de présentations en colloques. Jeudis du LAREP, 18 avril

2 Or, outre la période de conception, il y a des échelles et des thématiques similaires: la question des clôtures, patrimoine/démolition, etc. Ces programmes sont tous deux l objet d apriori dévalorisants. La description proposée des campus est ainsi fondée sur trois échelles, qui correspondent à trois niveaux de lecture : - Le territoire - Le plan masse : le quartier / les espaces structurants - L échelle du corps, des pratiques, des usages du site, les espaces particuliers etc. «Penser le campus par le paysage» est une étude commandée par le PUCA, qui a fait l objet d une convention avec l ENSP. L étude s inscrit dans une réflexion plus large sur la recherche à partir de cas concrets. Le travail sur la méthode constitue un enjeu majeur de cette approche. Le sujet de l étude est le rôle du paysage dans les campus. En effet, la dimension paysagère des campus reste assez méconnue. Au-delà, le patrimoine des jardins et paysages datant d après la seconde guerre mondiale est encore largement sous-évalué. Antécédents de l étude «Penser le campus par le paysage», réinvestis au niveau de l étude du LAREP : - L étude «9 Campus» de l agence Signes (M. Culot et J.P. Midant avec A. Denoyelle, paysagiste) pour le ministère de l Enseignement Supérieur, sur le patrimoine architectural et paysager des campus : approche patrimoniale qui ne prend pas en compte les «paysages ordinaires» - Une étude à plusieurs échelles sur la Cité Internationale Universitaire de Paris, réalisée par Bernadette Blanchon dans le cadre d un post-diplôme en architecture. Le corpus de l étude comprend 13 terrains, dont 6 plus approfondis (Nanterre, Montpellier, Orsay, Villeneuve d Ascq, Villetaneuse, Saint-Quentin en Yvelines). Les 6 cas approfondis ont fait chacun l objet d un livret abordant les trois échelles de description et aboutissant à des recommandations de «bonnes pratiques pour la prise en compte du paysage. Pour l ensemble des 13 terrains un tableau de synthèse a permis de rendre la comparaison possible entre des situations différentes et d avancer un début de typologie des campus à différentes échelles. - A l échelle du territoire, on distingue 3 types de campus : Un paysage issu de l avant campus, un paysage issu du projet de campus, un paysage «fragmenté». - A l échelle du plan masse, on distingue 5 types de campus : composition en quadrangle, plan concentrique, trame orthogonale quadrillée de patios, composition en strates, campus autour d un axe majeur structurant. - A l échelle du corps : plus difficile de faire des typologies, mais toujours les mêmes éléments à observer, mis en évidence sur les grands ensembles : le végétal structurant, les textures, la relation pleins-vides, le sol Selon les conclusions, il n y a pas de paysage de campus «type», mais des éléments qui se retrouvent, notamment: - La qualité des espaces ouverts - La richesse des espèces végétales - L importance du sol Jeudis du LAREP, 18 avril

3 Selon les types de plans de masse on peut s intéresser à différentes catégories d espaces : espaces d entrées, franges et limites des campus, espaces majeurs centraux, linéaires ou en trames, patios L étude comprend un essai de typologie des campus, aux différentes échelles, enrichi par un travail d investigation historique en archives. Ce dernier pourra se développer éventuellement grâce aux archives de paysagistes collectées dans le cadre d une convention de l ENSP avec les archives départementales de Yvelines. L approche paysagiste permet notamment d échapper à une lecture purement patrimoniale et d aborder également les espaces «ordinaires». «La critique elle-même fait projet, au sens où après avoir observé attentivement et déconstruit son objet d étude, elle le reconstruit selon le sens qu elle donne à cette lecture.» Intervention de Loic Vadelorge, en réponse à la présentation Le paysage est un sujet relativement neuf chez les historiens. Si l historien a des objets et des trajectoires de recherche en commun avec BB et SK, leurs méthodes diffèrent. L enjeu consiste à les faire dialoguer. Sur la méthode, LV insiste sur le fait que les entretiens avec des usagers l ont souvent induit en erreur (par exemple : une sculpture à Villetaneuse attribuée par erreur à Niki de Saint Phalle, etc.). Ils sont donc à manier avec précaution. Arpenter le terrain, c est risquer, pour l historien, d aller vers des contre-sens. La démarche de l historien part d abord des archives, et va ensuite vers le dialogue aves des acteurs. LV illustre la question du corpus et des sources documentaires mobilisées, à l exemple d une étude réalisée sur le campus de Villetaneuse, qui a mobilisé : - Les archives du Scarif (service constructeur de l université), où l on trouve notamment les plans d architectes - Des archives de l IAURP, qui propose, en ligne, des campagnes photographiques réalisées dans les années 1980 sur plusieurs campus - Le fonds de l architecte Fainsilber, qui contient notamment un important fonds photo, dont celles de la construction du campus dans les années 1970, des coupures de presse relatives au concours, ou encore l appel d offre du concours, qui inclut des reproductions de peintures du paysage de Villetaneuse. Ensuite, LV propose une lecture rétrospective des plans du cabinet Fainsilber pour le campus paysager de Villetaneuse, un projet universitaire urbain qui fait partie des plus ambitieux en France à l époque, avec un système de parkways sur 1000 Ha, mais qui dans les faits sera avorté, enclavé, etc. L interprétation que fait LV des abords de Villetaneuse diffère de celle de BB et SK, plutôt positive : mauvais état général, friches causées par un classement en ZAD dans les années 1960, qui n ont jamais été développées, des espaces partagés entre université et habitat social qui fonctionnent très mal. Jeudis du LAREP, 18 avril

4 Sur la question de la clôture : l université est clôturée depuis 2 ans, point final au projet de Fainsilber d intégration de l université à la ville Discussion Méthode La question de l écart entre les méthodes reste entière. Comment penser l articulation du travail de BB et SK à d autres façons de travailler sur les mêmes objets, comme ici, l investigation historique, à partir du document? Autre ex. : Olivier Balaï, travail sur le campus de Lyon à partir de l entrée du corps. La volonté de «couvrir un ensemble de propos» est-elle une ambition trop large pour l approche/la démarche paysagiste? Il s agit plutôt de développer une démarche parmi d autres. Chaque projet est un cas particulier, même si l on peut découvrir certains points communs Si on vise les aspects écologiques, on sera encore plus particulier. La question, c est la multiplication des cas particuliers. Mettre en œuvre une méthode générique semble peu porteur. Biodiversité Par rapport à la problématique actuelle d homogénéisation écologique dans la ville, il serait intéressant de procéder à des relevés et à engager une approche éco-historique sur la biodiversité des campus. Les campus sont des «mini-laboratoires» à l échelle de la ville, avec des mini-trames vertes etc. LV suggère la piste des enseignants de SVT sur les campus, comme interlocuteurs précieux sur ces questions. Gestion des campus Différents types de gestion des campus, en interne ou externalisée. En général, la gestion et l entretien ne prennent pas en compte le paysage. Suggestion d une comparaison entre les plans de services techniques, d architectes, de paysagistes etc. sur un même objet, pour mettre en évidence la différence d approche des espaces extérieurs. Hypothèse générale pour expliquer l état actuel des espaces extérieurs : choix des pratiques de gestion, qui souvent ignorent le projet initial. Différence de gestion entre campus publics et privés (exemple du campus privé de l université américaine de Beyrouth,). Question des élevages urbains : lorsque ceux-ci sont intégrés à une pratique de gestion, ils contribuent à la qualité des espaces extérieurs des campus. Introduire les raisons politiques des choix de gestion dans les paramètres analysés serait très intéressant : par exemple : la sécurité, l économie Périmètre et résultats de l étude LV suggère que cette étude mériterait d être prolongée au-delà de la commande du PUCA Le PUCA demande une production «homogène» d un campus à l autre (BB). La commande du PUCA comprenait un nombre très important de cas à étudier, avec l intention de construire une politique à partir de cet outil. Il y a eu une réinterprétation de la commande dans le cadre de la recherche, notamment pour limiter le nombre des cas. Le périmètre de l étude reste très vaste, beaucoup d entrées, d échelles de travail possibles. Le travail de BB et SK pose la question du rapport à l action, qui constitue une vraie difficulté. Jeudis du LAREP, 18 avril

5 Elles ont plusieurs intentions, notamment que le travail puisse informer les concepteurs Résultats de l étude : - Reconnaissance des qualités de projets jusqu ici peu reconnus - Etablissement d une typologie LV : la brochure produite à l occasion de l étude évoque les brochures de certains CAUE. Est-il prévu de lui donner une dimension plus scientifique, au delà de la description? Prolongement du travail dans le cadre d ateliers pédagogiques régionaux? En particulier sur la question des modes de gestion qui font projet? L approche patrimoniale L approche patrimoniale est-elle à privilégier, par rapport à celle par la sécurité, l économie, la vie étudiante? BB et SK ont voulu donner une acception étendue au patrimoine, et notamment introduire la dimension économique, à travers les modes de gestion. Dialogue interdisciplinaire Comment un historien reçoit-il le travail de lecture critique produit dans ce type de démarche? LV monte en ce moment un projet «diagnostic historique et développement urbain». Des temporalités de recherche trop courtes rendent souvent impossible la mobilisation d archives. Les différentes disciplines n ont pas les mêmes grilles de lecture (géographes, historiens, etc.) Plutôt que d intégrer les différentes méthodologies les unes aux autres, l enjeu serait de penser leur complémentarité (FP). On ne peut pas monter une formation aujourd hui du point de vue d une seule discipline. Jeudis du LAREP, 18 avril