Philippe Herzog C.F.D.T. 21 février Une vue d ensemble sur l encadrement du nouveau paysage financier en gestation
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- Ève Marois
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1 Philippe Herzog C.F.D.T. 21 février Une vue d ensemble sur l encadrement du nouveau paysage financier en gestation Tout a commencé par les travaux d assainissement. C est une crise de surendettement : il faut donc purger. Vu la totale impréparation antérieure, et face au risque de dépression catastrophique, les Etats ont du recourir à un bail out massif pour les banques (évaluation 10% du PIB mais chiffre à bien interpréter! En France, pas de subvention nette in fine). Les BC d autre part ont arrosé de liquidités [helicopter money]. En fonction des principes adoptés par le G20 et le CSF, une vaste entreprise de réglementation financière a été entreprise depuis 3 ans par la Commission européenne, avec co-décision PE- Conseil. Elle vise deux objectifs : A) empêcher une nouvelle crise du même type ; B) en cas de nouvelle crise, ne plus recourir à un bail out d une telle ampleur. 28 initiatives législatives déjà depuis le début de la mandature (janvier 2010). Parfois les banques ont anticipé les normes (fonds propres), les procédures de décision et plus encore d application ont été longues, et le chantier est inachevé. Sens des ratios prudentiels : - Solvabilité (fonds propres/crédits distribués pondérés des risques) : les banques ont souvent anticipé les règles (profits importants + appels de fonds au MF) ; vote S Liquidité à court terme : les actifs liquides devront être supérieurs aux flux nets sortants à un mois. Le Comité de Bâle doit lâcher du lest parce que contexte de course pour les dépôts et d offres de crédit resserrées : horizon renvoyé à Ratio à un an en discussion ; pour Artus c est absurde. - Levier (rapport actifs pondérés fonds propres). Elevé en Europe, plus faible aux USA en raison de systèmes financiers différents. Attente calibrage Commission. Encadrement des marchés : - Shadow banking (très partiellement régulés, au-delà attente de règles Bâle mi 2013). Le shadow a sombré dans la crise. - Dérivés (encadrer titrisation et transparence ; un trou noir de la réglementation) où en sont les marchés? - Marchés financiers : une révision MIFID décevante qui ouvre la porte à de nouvelles plateformes de négociations. Restructurations - Ne jamais oublier qu elles n ont pas attendu le rapport Liikanen. Elles sont engagées, et le secteur bancaire s amincit. - La «séparation» est une réforme de structure ( des règles prudentielles). Ce n est pas la panacée, loin de là, sachant la nature des besoins de financement de l économie réelle 1
2 internationalisée. Plusieurs modèles, chacun en fonction des intérêts nationaux. Il est justifié de conserver un modèle de banque universelle. Comparaisons - Aux USA, la règle Volker est transgressée et la législation Dodd-Franck est inappliquée aux 2/3 (les grandes banques sont redevenues profitables et banques régionales peu encadrées). - GB remet en cause son système pour mieux le défendre (supervision par BC + système holding/filiales). - Fortes différences au sein de la zone euro : deleveraging encore difficile en Allemagne ; Irlande, Grèce, Espagne, Chypre France bien résiliente. - BCE contre la séparation mais pour le bail in (mais attention aux différences des structures groupe/filiales). De façon générale : - Processus rapide de recapitalisation des banques (ainsi en France : cinq ans avant échéance) : mais des difficultés demeurent dans plusieurs pays (banques régionales) ; - De sérieuses incertitudes demeurent sur le nouveau paysage financier : les régulations et restructurations sont inachevées, les modèles de gestion sont à revoir. 2 L Union bancaire modifiera la structuration de l espace financier européen Bien entendu l Union bancaire répond aussi aux objectifs A et B de l assainissement, en l occurrence surtout le B. Mais elle répond aussi à un objectif C tout aussi stratégique : consolider l Eurozone. Avec de toutes autres implications macro-politiques. En effet, la contagion des crises imbriquées bancaires/souveraines menaçait de ruine l euro ET le marché unique. Un processus de renationalisation des banques était en cours. Est-il stoppé? Les banques allemandes et françaises ne sont plus exposées en Grèce (les créanciers sont publics!) Il faut pour l avenir briser la fragmentation et relancer un processus d intégration bancaire (elle était amorcée) mais encadré. Concourent à ça : un Single Rule Book! Rester fermes face aux anglais (cf. les discussions sur la votation au sein de l EBA). Et des institutions européennes capables de prévenir et gérer des crises bancaires (sujet à l ordre du jour après 4 ans de désarroi en raison des réponses nationales trop unilatérales). Trois dimensions de l Union bancaire (décision de principe : juin 2012) : - Supervision unique N oublions pas le rapport Larosière qui a permis une première étape de supervision avec la création de 4 agences. Il a fallu vite voir plus loin (comme l auteur le souhaitait). Impératif : BCE clé de voûte. But : prévention, et aussi transmission des signaux de la politique monétaire (pour impacts sur le crédit). La nouvelle fonction de supervision crée un chevauchement avec «le politique». 2
3 Exemple immédiat : l articulation M.E.S.-politique monétaire. Le partage des responsabilités entre BCE et Etats face à l imbrication des dettes bancaires et souveraines faisait l objet de divergences (cf. J-C Trichet). Ça se clarifie. La BCE sera bien prêteur en dernier ressort des banques (liquidités autant qu il faut) ; au-delà pas prévu... Sous la supervision de la BCE, le MES pourra recapitaliser directement des banques en crise de solvabilité (mais blocage au sujet des «coûts hérités»). - Mécanisme de résolution unique (rappeler son importance, ainsi le modèle Suèdois début années 1990). Proposition de directive de la Commission ambitieuse. La négociation a conduit à la demande d une deuxième version attendue courant 2013 Le bail in est un des gros enjeux (et quelle transition du bail out au bail in) ; l autre étant le choix de l autorité de résolution. - Système de garantie de dépôts unique Non moins nécessaire, mais on n en est pas là. N.B. : Ces deux dernières dimensions ont de grosses implications budgétaires. Grande complexité du rapport EU 28-Eurozone. Ainsi progressivement se bâtit un pouvoir de politique macro économique de la zone euro : discipline budgétaire commune + Union bancaire + capacité budgétaire zone euro demain (mais quand? A noter que les eurobonds ne peuvent être admis avant un gouvernement économique, et pour les allemands une discipline budgétaire nationale renforcée, sauf peut-être une expérimentation pour des projets d investissements?). 3 Ouverture d un autre sujet majeur : le financement des investissements Contexte : la volonté d accompagner une politique d assainissement raisonnable par une politique européenne de croissance. Malheureusement la relance a fait long feu. La position des Etats sur le budget est une catastrophe qui fait plus qu annuler un «growth compact» dont l affichage de 120 milliards d euros n était lui-même qu un objectif. Il reposait sur un budget en hausse et souhaitait doper le financement privé d infrastructures communes mais à ce jour, 4 milliards seulement vont à l expérimentation. Or les ressources consacrées au financement Rd-infrastructures-compétitivité seront accrues de 8/10000 ème du PIB européen! L estimation des besoins d ILT faite par la Commission elle-même est de 24 trillons d ici à Le débat sur une capacité budgétaire de la zone euro n est pas encore engagé ; la question du taux de change renvoyée au G20, alors que les Etats ne s accordent pas. Donc le cadre d action macroéconomique n est pas bâti. Mais ne négligeons pas les efforts engagés sur le terrain des fondations microéconomiques : rénovation du grand marché (appelée à se poursuivre au-delà de 2014) ; début de prise de conscience du besoin de réindustrialisation (les actes devront suivre) ; et Livre vert sur le financement des ILT, une question essentielle pour l avenir (pas encore dans le débat public, mais grande opportunité de l y mettre). L ILT, c est le moteur à bâtir pour la croissance Il repose sur la capacité des entreprises de monter des projets (cycles d innovation dans les industries), de même pour les collectivités publiques (nouveaux biens publics), et sur des 3
4 partenariats pour l investissement immatériel comme les transitions emploi-formation et le développement des capacités humaines au long de la vie (cycles de compétences), et pour l investissement productif. Question : pourquoi l investissement ne repart pas? Problème de valorisation économique des investissements : D une part, l immense difficulté de la transition pour réindustrialiser la productivité stagne : les entreprises, PME en particulier ont le plus grand mal à s approprier les nouvelles technologies ; la demande en Europe pâtit de la fragmentation du marché avec la concurrence violente entre firmes et Etats et la capacité d exportation au-delà est très inégale ; D autre part, le système de prix et les conditions de financement ne sont pas favorables : - exemple du secteur de l énergie : bouleversement du contexte (demande plate en Europe gaz de schiste US et exportation de charbon américain ; marché effondré des ETS ; retour au nationalisme énergétique) ; les prix sont trop bas (et volatils) pour les investissements rentables (sauf ENR dopés mais les coûts de l intermittence font déjà problème). - coût du capital élevé pour ILT : primes de risque, incertitude radicale. Trappe à liquidités : réserves en cash très élevées. La reprise du marché actions, d ailleurs interrompue, fait des bulles, non de l ILT. Les marchés obligataires progressent mais les risques de crise sont importants quand les taux d intérêt remonteront. - le crédit bancaire MLT est contraint parce que deleveraging et parce que le spread entre le retour sur investissement anticipé et le coût du capital pondéré est jugé négatif. Mais il ne faut pas céder à la pression des banques et des institutions financières qui incriminent surtout des excès de régulation prudentielle : d une part, serrer les boulons contre les dérives était nécessaire ; d autre part les règles de Bâle III sont assouplies (sous réserve de la compréhension de la réalité des PME). Cela étant la place de Paris a raison de souligner la résilience du système bancaire français et les carences de régulation des marchés. La critique de Solvency II est fondée : les assureurs n ont pas les mêmes contraintes de liquidité qu ont les banques et ont passé la crise sans problème de solvabilité. Mais ça peut venir : incertitudes sur les placements et exposition aux risques des marchés obligataires. Certes les assureurs se sont désengagés depuis longtemps des marchés actions et leur volonté de financer les ILT reste à mesurer. Cela étant, Solvency II combiné à IFRS engendrent volatilité et difficultés pour matching actifs/passifs et diversification. - au total, le nouveau système financier n est ni stabilisé ni encore bâti. Ce ne sera pas un retour à l ancien régime ; reste que les réformes à opérer exigeront un nouvel équilibre des responsabilités entre public et privé qui est encore loin d être trouvé. En dépit de la formation des BPI et du début de conscience du rôle potentiel des investisseurs institutionnels, la balance pencherait plutôt vers un rôle accru des marchés avec dopants. Mais rien n est joué. - Que faire? Valorisation des ILT et transformation du système d intermédiation entre épargne et investissement sont des enjeux fondamentaux. Je n évoque pas ici les conditions socioéconomiques à réunir (stratégies de transition macro- et micro-économiques), et je m en tiens aux questions relatives à la réforme du système de financement. 4
5 Chantiers principaux 1 Définition des normes comptables La «fair value» n est pas juste : elle ne représente que la valeur financière, pas la valeur socioéconomique. L Europe doit recouvrer le contrôle de ses normes. 2 Renouvellement du rôle des banques et du crédit Le modèle continental de transformation dépôts/crédits est plus affecté qu on ne pense. Le lien entre dettes souveraines et bancaires et les incertitudes sur l Union bancaire sont préoccupants. Or le rôle du crédit bancaire dans le financement de l économie ne doit pas être réduit inconsidérément. D où la position à prendre contre une séparation type Glass Steagall Act. S il ne faut pas relancer le modèle originate and distribute, mais on doit organiser un partage des risques (originate to share) entre banques et d autres agents sur des marchés intermédiés régulés Redéfinir la titrisation et restaurer la relation banques-entreprises (proposition à faire pour les PME). 3 Définir le rôle des investisseurs institutionnels Gestionnaires de l épargne longue, ils sont tributaires d une réforme de la politique de l épargne (cf. plus loin). Mais leurs modèles de gestion doivent bouger pour aller vers des stratégies d engagements de long terme. Favoriser cela : différenciation des règles selon des classes d actifs, création de fonds d investissement, partage des risques avec les banques privées et publiques dans les cycles d investissement. 4 Réformes des marchés financiers Restaurer les mécanismes de formation des prix : centralisation de l information sur les bourses et les plates-formes de compensation. Plusieurs directives en cours s y essaient. De gros problèmes de transparence, de rémunération et de contrôle. Définir les responsabilités des gestionnaires d actifs. Réforme de la corporate governance pour combattre l alignement des intérêts. 5 Banques publiques d investissement Nécessaires, mais avec un réel besoin de coordination en Europe. Exemple : les project bonds pour les investissements en infrastructures reposent sur un lien Commission-BEI, mais ils ne pourront pas fonctionner sans agglomérer des fonds publics nationaux et européens (avec levier). Il faut des coopérations UE-EM. 6 Politiques d épargne et taxation Des problèmes évidents : dépôts courts, obligations des établissements financiers en faveur des dettes publiques, produits longs inadaptés : tout cela doit changer. Faut-il adapter des produits d épargne spécifiques au LT au niveau de l UE (OPCVM longs pour fonds d investissement, passeport européen du capital-risque mais pas livrets A). Harmonisation fiscale nécessaire. N.B. : la TTF a des effets pervers sur le level playing field, comment les traiter. 5
6 7 Politiques européennes d investissements Connecting Europe Facility : un dispositif à reconsidérer. Politiques industrielles à bâtir : - Définition d investissements européens stratégiques avec des modèles de financement adaptés. - Politiques sectorielles et territoriales avec des incitations adéquates pour les PME. - Politiques des aides d Etat, marchés publics innovants et cadre pour PPP transfrontières. Pour conclure : beaucoup d efforts dans une situation déjà très différente de la crise , le système bouge plus vite que le politique ; un formidable défi démocratique ; l implication des acteurs socio-économiques est sine qua non ; l accountability est nécessaire mais les élus ne pourront pas jouer un rôle efficace sans cette implication. 6
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