Migrations postnuptiales des oiseaux au Col de Prat de Bouc (Cantal) : 10 jours de suivi en octobre 2006

Transcription

1 Migrations postnuptiales au Col de Prat de Bouc [ ], HEMERY D et BLAIZE C. Le Grand-Duc 70 : Migrations postnuptiales des oiseaux au Col de Prat de Bouc (Cantal) : 10 jours de suivi en octobre 2006 David HEMERY & Christine BLAIZE Introduction La migration postnuptiale débute dès le mois de juillet et se poursuit jusqu aux premiers frimas de l hiver, début novembre. Le début d automne, et le mois d octobre en particulier, offrent un magnifique spectacle. Ce sont des milliers d oiseaux qui transitent par Prat de Bouc, notamment les passereaux et encore quelques rapaces, qui se bousculent pour rejoindre des terres plus hospitalières au sud de la France, sur la péninsule ibérique et en Afrique. Chaque année, en moyenne, oiseaux ont été recensés à Prat de Bouc. Ainsi, depuis 1986, 163 espèces différentes ont été contactées. Une cinquantaine sont régulièrement observées avec des effectifs moyens supérieurs à 20 individus (LEROY et PHILIPPE, 2001). Parmi les plus abondantes, notons le Pinson des arbres, individus, soit 63% du total (LEROY et PHILIPPE, 2001 ; DUBOIS et ROUSSEAU, 2005), et les fringillidés de manière générale. Les hirundinidés, , sont les seconds. Le fameux Pigeon ramier, sujet de tant de convoitises, arrive en troisième place, avec un effectif moyen par saison de individus. Le col est survolé par 2400 rapaces dont les plus nombreux sont la Bondrée apivore (Pernis apivorus) et le Milan noir (Milvus migrans) (LEROY et PHILIPPE, 2001). Contexte de l étude Nous avons poursuivi le travail jadis entrepris par LEROY et PHILIPPE (2001). Un premier rapport a été fait pour 2005 (BLAIZE et HEMERY, 2006). Un suivi est donc toujours réalisé ponctuellement durant l'automne. En 2006, 10 jours ont été couverts : du 9 au 15 et du 23 au 27 octobre. Dans l ensemble, les conditions météorologiques ont été moyennes. Lors de la première session du 10 au 15, la journée du 10 offre des conditions favorables avec un vent léger de secteur sud-est qui forcit dans l après-midi annonçant une perturbation qui marquera les journées suivantes. Le 11 est une journée pluvieuse avec quelques éclaircies et un vent fort de secteur sud-ouest, qui n empêche pas le passage. Les journées des 12 et 13 sont bloquées en raison d une épaisse brume et de nombreuses averses. Les 14 et 15 (matinée) sont marqués par un retour des conditions anticycloniques, un vent léger de secteur sud-ouest, une bonne visibilité et un plafond oscillant autour de 1855 mètres. Ces conditions météorologiques favorables s accompagnent d une hausse des effectifs d oiseaux. La deuxième session, du 23 au 27, est caractérisée par des conditions instables, mais relativement favorables. Les phases anticycloniques alternent avec des périodes dépressionnaires de quelques heures. La couverture nuageuse est d environ 60% sur la période. Les vents sont forts à très forts, parfois violents. Ils sont majoritairement de secteur sud-est. La journée du 24 est marquée par une tempête. La couverture nuageuse s installe, le vent reste de sud-est et forcit de manière importante pour ne retomber que durant l après-midi du 26, arrivée d un nouvel anticyclone. Cette seconde session a été marquée par un flux d oiseaux plus important. En moyenne 9944 oiseaux ont été contactés chaque jour contre 3180 individus lors de la première session. Le pic de passage a alors été noté le 25 octobre. Résultats généraux Après dix jours complets et 105 heures d observation, migrateurs ont été contactés (tableau 1) et oiseaux ont été identifiés avec précision soit 79,3% du total. Ils appartiennent à 46 espèces différentes. Les passereaux représentent la majorité des espèces. Les autres oiseaux, soit 20,7%, sont des individus identifiés au mieux jusqu à leur famille (turdidés, rapaces, paridés, passereaux ). La catégorie la plus abondante est celle des passereaux sans précision (passereaux sp.) avec individus, soit 19,1% de l effectif total. Deux groupes totalisent 91,4% des oiseaux contactés : les fringillidés représentent 85,6% de l'effectif total (sans tenir compte des passereaux sp.) et les colombidés (Pigeons ramiers, Pigeons colombins et pigeons sp.) 5,8%. Quelques faits marquants : Cette année, nous avons noté un Aigle botté (Hieraaetus pennatus) tard en saison (10 octobre), un Pic épeiche (Dendrocopos major), un effectif important de Bruants zizi (Emberiza cirlus), un possible décalage de la migration des grives, l absence de passage des espèces nordiques comme le Pinson du nord (Fringilla montifrigilla), le Tarin des aulnes (Carduelis spinus) ou le Gros-bec (Coccothraustes coccothraustes), ainsi que

2 Le Grand-Duc N 70 Juin l importance du flux de Bergeronnettes grises (Motacilla alba). Le passage de l Aigle botté est faible sur ce site, 3 en moyenne par saison de 1988 à 1995 (LEROY et PHILIPPE, 2001). L individu observé en 2006 est très tardif. En effet, cette espèce migre en août et principalement en septembre (LEROY et PHILIPPE, 2001). Quant au Pic épeiche son observation est aussi très rare au col de Prat de Bouc : seulement 13 individus en 7 ans dont 5 en Les déplacements observés principalement fin octobre proviennent sûrement d un comportement erratique (LEROY et PHILIPPE, 2001). Bien que rare, le Bruant zizi est contacté quasiment chaque année (LEROY et PHILIPPE, 2001). Depuis deux ans, le nombre de Bruant zizi est en nette augmentation. L effectif observé en 2006 (13 oiseaux) est largement au dessus des valeurs obtenues durant les recensements de 1983 à 1998 : 1 à 2 individus par an, avec un maximum de 7 en Deux hypothèses pourraient expliquer cette hausse du nombre de Bruants zizi vu au col de Prat de Bouc. Premièrement, elle pourrait être en relation avec l expansion de l espèce. En effet, le Bruant zizi fait partie des espèces en augmentation en période de nidification en France (JULLIARD et JIGUET, 2005 ; JIGUET et JULLIARD, 2004). Ce phénomène est aussi remarqué en Angleterre dans le Devon depuis 1989 (JULLIARD et JIGUET, 2005). En second lieu, elle pourrait provenir de conditions de suivis plus favorables qui facilitent la perception de cette espèce dans le flux des migrateurs. En effet, tous les oiseaux ont été contactés en migration rampante lors de grands coups de vent. On peut penser que cette espèce est plus difficile à détecter en vol dans des groupes d autres passereaux. La Bergeronnette grise représente 2,9% des oiseaux déterminés, soit la quatrième espèce la plus abondante cette année. Le flux des Bergeronnettes grises est très important durant ces quelques jours. Habituellement la pleine migration se déroule entre le 8/10 et le 24/10 (LEROY et PHILIPPE, 2001). Avec 1127 individus, ces 10 jours représentent quasiment la moitié de l effectif moyen de septembre à octobre entre 1986 et 1998 (2867). Discussion et Conclusion Ce suivi ponctuel de la migration postnuptiale au col de Prat de bouc a permis de recenser plus de oiseaux, soit de moins par comparaison à la même période en 2005 (BLAIZE et HEMERY, 2006). Sur la période d'observation en 2006, le pinson des arbres est l espèce la plus abondante, suivi par le Pigeon ramier, l Alouette des champs et la Bergeronnette grise. Il est probable que beaucoup d oiseaux profitent des prolongations de la douceur du climat et ne ressentent pas le besoin de descendre plus au sud. Plusieurs espèces comme le Pinson du nord, le Tarin des aulnes ou les grives, affichent des effectifs bien moins importants à cette période que par le passé. Ces quelques jours de suivi mettent en avant certains changements dans le comportement des migrateurs. En effet, pour certaines espèces le passage semble décalé de quelques jours : Bergeronnette grise, Pinson des arbres, Tarin des aulnes, Grives. Seule la Grive draine affiche des valeurs record avec 541 individus. Ce phénomène a été observé sur d autres sites dans le nord-ouest de la France, notamment dans l estuaire de la Seine (HEMERY, obs. pers.), au Cap de la Hève (PROVOST et HEMERY, obs pers.). Au cours des prochaines années nous verrons bien si ces changements perdurent ou bien s il s agissait de phénomènes ponctuels. Les connaissances acquises depuis 1972 sur le site ont déjà montré que le mois d octobre s est toujours avéré être le plus important pour la migration post-nuptiale. Ainsi, même si ce suivi reste ponctuel et sous estime à la fois le nombre d espèces migratrices et les effectifs, il permet de donner une idée des flux et des espèces les plus abondantes. Il peut également souligner le caractère invasif de certaines espèces (Jaseur boréal en PAUL et OLIOSO, 2006-, Mésanges en 2005). En répétant cette même opération chaque année, aux mêmes dates, il serait peut-être possible de mettre en avant des différences inter annuelles dans la migration. Bibliographie DUBOIS P.J., ROUSSEAU E., La France à tire d aile. Comprendre et observer les migrations d oiseaux. Delachaux & Niestlé Eds, Neuchâtel/Paris : 262 p. BLAIZE C., HEmery D., Migration post nuptiale des oiseaux au col de Prat de Bouc (Cantal) : 9 jours de suivi en octobre Le Grand Duc, 69 : 1-6. JIGUET F., JULLIARD R., Suivi temporel des Oiseaux Communs. Bilan du programme STOC pour la France en Ornithos, 13(3) : JIGUET F., JULLIARD R., Suivi temporel des Oiseaux Communs. Bilan du programme STOC pour la France en Ornithos, 11-3 : JULLIARD R., JIGUET F Statut de conservation en 2003 des oiseaux communs nicheurs en France selon 15 ans de programmes STOC. Alauda, 43 : LEROY T., PHILIPPE P., La migration postnuptiale des oiseaux au col de Prat de bouc (Cantal) : synthèse des observations Le Grand Duc, 59 : PAUL J.P., OLIOSO G., Afflux mémorable de Jaseurs boréaux en France dans l hiver Ornithos, 13(1) : TIXIER J.P., DAMERON J.C., Etude des migrations des oiseaux au col de la tombe du père. Cahiers d Auvergne et Nature, 2 :

3 Migrations postnuptiales au Col de Prat de Bouc [ ], HEMERY D et BLAIZE C. Le Grand-Duc 70 : Manuscrit reçu le 30 janvier 2007 David HEMERY & Christine BLAIZE Grumpy Nature 106 rue Casimir Delavigne Le Havre grumpy.bird@wanadoo.fr

4 Le Grand-Duc N 70 Juin Tableau I : récapitulatif de l ensemble des résultats des dix journées de suivi, ainsi que leur comparaison avec la moyenne de 1989 à 1998 d'après LEROY et PHILIPPE (2001). Moyenne 9-oct 10-oct 11-oct 12-oct 13-oct 14-oct 15-oct ST 1 23-oct 24-oct 25-oct 26-oct 27-oct ST 2 Total espèces pinson des arbres pigeon ramier ,3 alouette des champs ,8 bergeronnette grise ,4 chardonneret élégant ,7 étourneau sansonnet ,8 grive draine ,3 tarin des aulnes ,5 linotte mélodieuse ,1 alouette lulu ,5 mésange charbonnière ,5 serin cini ,6 verdier d'europe ,9 pinson du nord ,3 grand cormoran ,2 bruant des roseaux ,2 milan royal ,4 grive musicienne ,3 choucas des tours ,8 mésange bleue ,4 pipit farlouse ,3 bruant jaune ,4 hirondelle rustique ,7 buse variable ,7 pigeon colombin ,8 bruant zizi ,5 épervier d'europe ,8 hirondelle de rivage ,3 faucon crécerelle ,2 accenteur mouchet ,2 berg. ruisseaux ,1 moineau domestique ,3

5 Migrations postnuptiales au Col de Prat de Bouc [ ], HEMERY D et BLAIZE C. Le Grand-Duc 70 : Tableau I : récapitulatif de l ensemble des résultats des dix journées de suivi, ainsi que leur comparaison avec la moyenne de 1989 à 1998 d'après LEROY et PHILIPPE (2001). Moyenne 9-oct 10-oct 11-oct 12-oct 13-oct 14-oct 15-oct ST 1 23-oct 24-oct 25-oct 26-oct 27-oct ST 2 Total espèces grosbec casse noyaux ,5 busard saint-martin Busard des roseaux bouvreuil pivoine ,8 corbeau freux ,5 corneille noire ,2 faucon émerillon merle à plastron ,3 merle noir ,2 aigle botté ,7 balbuzard pêcheur ,5 faucon hobereau ,8 grive mauvis ,3 pic épeiche Sous total passereaux sp alouette sp pinson sp grive sp hirondelle sp rapace sp pigeon sp ,9 mésange sp Sous total Total