BILLET Pourquoi chercher si loin?

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Jules St-Louis
il y a 7 ans
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1 BILLET Pourquoi chercher si loin? Je me suis envolée le 10 octobre dernier pour la Nouvelle-Zélande. Buts du voyage, à 20 ans : trouver le bonheur et réaliser un rêve. Récit en deux temps. Tamara Lalonde Les premiers jours ne furent qu une suite de désillusions. J avais beaucoup idéalisé mon voyage et je me rendais compte que la réalité se trouvait à des années-lumière de tout ce que j avais pu imaginer. Je devais faire face à des situations auxquelles rien ne m avait préparée, et qui me prenaient bien au dépourvu. Le choc était d autant plus grand que je ne parlais pratiquement pas un seul mot d anglais. Gesticulant et baragouinant des phrases pour la plupart dénuées de sens, je ne pouvais que constater que mes efforts pour me faire comprendre étaient complètement loufoques.

2 En m exilant de la sorte, j avais en quelque sorte volontairement sauté dans le vide, et ma chute effrénée dans les profondeurs vertigineuses de ce gouffre m avait fait perdre tous mes repères, me forçant à affronter mes limites. C est avec beaucoup de désarroi que pour la première fois de ma vie, entièrement livrée à moi-même dans les montagnes de la Nouvelle-Zélande, je me suis aperçue qu il existait une frontière que je n avais pas la force de franchir. L onde de choc qui suivit cette ébranlante révélation se répercuta en moi pendant un long moment : toute mon existence, probablement en raison d un orgueil démesuré et assurément d un manque d amourpropre, j avais tenté de repousser mes limites, tantôt pour plaire, tantôt pour me prouver que j avais une certaine valeur en tant qu individu. Des habits neufs... et trop grands Dans cette forêt néo-zélandaise, subissant l humeur déchaînée de dame Nature, j avais, en plus de ressentir ma très grande vulnérabilité, véritablement pris conscience que je ne possédais ni les connaissances ni la capacité physique nécessaires pour réaliser ce

3 genre d expédition. Dans mes vêtements de sport neufs, mon sac beaucoup trop lourd sur le dos, j avais la dérangeante impression de n être qu une imposteure affublée d un costume beaucoup trop grand pour habiller sa médiocrité. Je me demandais, perplexe, quel absurde raisonnement avait bien pu me faire croire que mes quelques nuits de camping dans les parcs de la SEPAQ m avaient préparée à ce que j allais affronter. J avais voulu, encore une fois, aller au bout de moi et, repoussant mes limites au maximum, j ai appris à mes dépens que, parfois, nous sommes contraints d abdiquer. J avais cru qu il me suffirait d enfiler mes bottes de marche pour devenir une randonneuse aguerrie et, à présent, mon naïf optimisme du début me paraissait bien ridicule. Je m apercevais qu une partie de moi avait souhaité ce voyage pour les mauvaises raisons et, contrairement à ce que j avais pu affirmer avec force avant même de commencer ma quête, il s avérait qu en m éloignant de la sorte, j avais peut-être cherché à fuir, non pas une situation, mais bien une partie de moi-même que je n acceptais pas, croyant avec ferveur que cette

4 entreprise me permettrait enfin d atteindre le bonheur. La vérité est que peu importe l endroit où je me trouverais, la femme que je suis resterait toujours sensiblement la même. Brûler les étapes Mon erreur n avait pas été d avoir vu trop grand, mais plutôt d avoir brûlé les étapes, car ce n est pas nécessairement la destination qui importe, mais le chemin parcouru. Lors de cette éprouvante randonnée, je me suis aperçue, à grand regret, que je n étais pas invincible. Pire : que j étais irrémédiablement humaine et que la perfection était un luxe auquel je n aurais jamais droit. Partir à l autre bout du monde a assurément été l une des meilleures décisions de ma vie. Prendre du recul m a permis de voir mon monde sous un angle différent. Je me suis rendu compte que mes craintes concernant mon avenir et mon champ d études n étaient pas fondées, puisqu il n est pas dramatique de ne pas savoir avec précision où nous allons ; l important est d être heureux là où nous sommes maintenant.

5 L opinion des autres, à laquelle j accordais une trop grande importance, avait fini par m étouffer. Ce périple m a permis de réaliser qu il fallait, autant que possible, essayer de faire abstraction du bruit de fond qui nous entoure, car si on lui accorde trop de considération, il peut rapidement devenir cacophonique et nous faire perdre le nord. Au fond, j avais fait tout ce chemin pour tenter de trouver innocemment le bonheur, mais j ai réalisé que notre paradis perdu ne se trouve pas au-delà de la mer, comme je l avais cru, mais bien au fond de nous, tel un merveilleux jardin qu il appartient à chacun de cultiver à sa manière.

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