ROLLANDE DESLANDES, MARIE-CLAUDE RIVARD ET FRANCE JOYAL

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1 ROLLANDE DESLANDES, MARIE-CLAUDE RIVARD ET FRANCE JOYAL LA COMMUNICATION ENTRE L ÉCOLE ET LA FAMILLE : CONTROVERSE AUTOUR DE L ÉVALUATION DES COMPÉTENCES, OU LE REGARD POSITIF D UN GROUPE DE PARENTS QUÉBÉCOIS. 10 EDUCATION CANADA I CANADIAN EDUCATION ASSOCIATION

2 RECAP Within Quebec s system-wide reform initiative, the Quebec Education Program (QEP), the assessment of students skills has been a contentious issue. A large segment of parents has been critical not only of the evaluation method, but also of the way these results are communicated to them. And while these negative views have been widely documented in the media, little is known about the views of parents who support the QEP s evaluation methods. The authors present the findings of their study to better understand the needs of parents in terms of assessment practices, with a focus on those parents who are satisfied overall. The article reveals parents views and needs with regard to report cards, which are considered the most important communication tools between schools and families. Based on their findings, the authors advocate for greater collaboration between schools and families, suggesting that teachers need to have more time and improve their communications skills to maximize their interactions with parents, while parents daily engagement with educators is also essential to their child s school success. This study will lead to further applied research projects on school-family collaboration in the field of skills assessment. LE CONTEXTE Au Québec, l épineuse question de l évaluation des compétences a fait couler beaucoup d encre au cours des deux dernières années académiques. Nombreux sont les parents à décrier le caractère hermétique et le langage impénétrable des bulletins; ils réclament des documents simples et précis (FCPQ, 2006) 1. En clair, plusieurs parents déclarent ne pas comprendre les nouvelles pratiques d évaluation, ni la façon dont l information leur est transmise dans le bulletin de leur enfant (Miron, 2006) 2. En réaction à ces problèmes, le ministère de l éducation du Québec (MELS) a revu le bulletin scolaire afin d inclure une note en pourcentage pour chaque compétence évaluée, une moyenne de groupe pour chaque matière et des libellés de compétences simplifiés (MELS, 2007) 3. Dans ce contexte de grandes mutations en éducation, nous avons mené une étude visant à mieux saisir ce qui est porteur de succès, pour les parents, en matière de compréhension de l évaluation des compétences de leur enfant et de la communication école-famille à ce sujet. De fait, les appréhensions et les récriminations des parents ont amplement été documentées et diffusées dans les médias tant dans les tribunes publiques que dans les journaux quotidiens. Par contre, nous en savons peu sur les parents qui entretiennent une opinion positive à l égard de la façon dont le bulletin est construit et de l information qu il comporte entourant l évaluation des compétences de l élève. Bref, nous sommes curieuses de démystifier le type de propos que des parents tiennent lorsqu ils sont interrogés à ce sujet. Cette étude s inscrit dans le cadre d une recherche plus globale visant à promouvoir la formation par les pairs chez les parents. Dans cet article, nous traitons du cas de parents qui ont un regard positif à l égard de l évaluation des compétences et de la communication école-famille dans l optique de construire avec eux, dans le deuxième temps de notre recherche, des outils de formation destinés aux parents plus réservés face à la définition et à l évaluation des compétences. Nous abordons deux volets: a) le bulletin et b) les modes de communication LE BULLETIN EST HABITUELLEMENT CONSIDÉRÉ enseignant/parents. COMME L OUTIL DE COMMUNICATION LE PLUS LE BULLETIN La mise en œuvre du renouveau pédagogique, axé sur le développement des IMPORTANT ENTRE L ÉCOLE ET LA FAMILLE. compétences, commande un remaniement de l évaluation caractérisé par des approches et une terminologie nouvelles. L évaluation sert à deux fins : aider à l apprentissage et reconnaître le niveau de développement des compétences. Les outils pour la consignation de l information en vue de porter un jugement sont davantage descriptifs et comprennent par exemple, la grille d observation, l entrevue avec l élève ainsi que son portfolio ou dossier d apprentissage. Ces façons de faire sont toutefois différentes de celles que beaucoup de parents ont connues. Un bulletin scolaire type comprend habituellement les résultats aux évaluations des compétences disciplinaires, par exemple, en français, en mathématique, en éducation physique et à la santé, en arts plastiques, etc. et l évaluation des compétences transversales comme «exploite l information», «exerce son jugement critique», «se donne des méthodes efficaces de travail», et «coopère». Une question se pose : que pensent les parents du bulletin? LES MODES DE COMMUNICATION Le bulletin est habituellement considéré comme l outil de communication le plus important entre l école et la famille. Le bulletin doit être clair et présenter un portrait global de la progression de l élève dans le développement de ses compétences. Par conséquent, les informations transmises aux parents par les bulletins scolaires et les autres outils, tels le portfolio, les encouragent, les inquiètent, ou les mystifient. Afin de faciliter leur implication dans le suivi scolaire de leur enfant, les parents doivent être en mesure de comprendre les pratiques évaluatives en vigueur et l information qui leur est acheminée. Une deuxième question se pose : quels modes de communication avec l enseignant les parents privilégient-ils afin de suivre les progrès et les difficultés de leur enfant? CANADIAN EDUCATION ASSOCIATION I EDUCATION CANADA 11

3 LES PARTICIPANTS À L ÉTUDE Cette étude a été réalisée en collaboration avec la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ) qui représente l ensemble des parents élus aux conseils d établissement des écoles québécoises. Pour cette première phase de notre recherche, l invitation a donc été lancée à ces parents que nous qualifions de leaders en matière d implication parentale compte tenu de leur participation au conseil d établissement de l école de leur enfant. La raison de notre échantillonnage était que nous voulions que ces mêmes participants exercent leur leadership dans la deuxième phase de la recherche qui consistera à élaborer un programme d éducation parentale portant sur la compréhension du bulletin et les pratiques d évaluation s adressant à l ensemble des parents. Ce groupe de parents leaders a été invité à remplir un questionnaire disponible en ligne à partir du site Web du Laboratoire Famille-École-Communauté et Compétences Transversales (F.E.C.C.T.) à l Université du Québec à Trois-Rivières ( La période de passation du questionnaire a été réalisée après la première remise de bulletins de l année scolaire , soit en novembre et décembre. La participation était évidemment sur une base volontaire. Exactement 159 parents (120 femmes et 39 hommes) d élèves du primaire (78,6 %) et du secondaire (21,4 %) ont complété le questionnaire en ligne; environ 62 % des répondants détiennent un diplôme universitaire et près de 70 % de leurs enfants réussissent bien à l école. Une question «semi-ouverte» concernait l appréciation du bulletin et une autre les modes de communication parent-enseignant. Les verbatim recueillis à la première question ont été analysés de manière à faire émerger des catégories de réponses. LES RÉSULTATS : POINTS DE VUE DES PARENTS À L ÉGARD DU BULLETIN La question du sondage portant spécifiquement sur le bulletin se lisait comme suit : «En général, est-ce que ce bulletin répond à vos attentes comme parent?» Au total, 150 parents y ont répondu : 38,7 % ont trouvé que le bulletin répondait à leurs attentes; 52 % ont déclaré que le bulletin ne répondait pas à leurs attentes alors que 9,3 % étaient plutôt ambivalents, répondant à la fois, oui et non. Voyons comment se déclinent les éléments de réponse du premier groupe de parents (nombre de parents = 58) faisant l objet du présent article et répertoriés en 6 catégories émergentes (Tableau 1). Exactement 28 unités de sens ont été relevées par rapport à la notation dans le bulletin, 15 en lien avec le fait que la moyenne de groupe apparaisse dans le nouveau bulletin, 7 par rapport aux commentaires écrits des enseignants, 9 liées aux discussions avec l enseignant et finalement, 4 en ce qui concerne l apport du portfolio. D autres parents satisfaits (3 unités de sens) ont choisi de renvoyer aux parents leur part de responsabilité dans le suivi de leur enfant. TABLEAU 1 Points de vue des parents à l égard du bulletin Catégories Fréquence Exemples de commentaires Notation 28 «car pour moi, cela est beaucoup plus clair d avoir une note au lieu d une lettre». «Le retour aux notes me permet de comprendre le résultat de l évaluation mais pas comment l évaluation est faite». Moyenne de groupe 15 «car on a la moyenne du groupe, on peut donc avoir une idée d où se situe notre enfant... ce n est pas pour comparer mais pour voir où il se situe!!!» «[ ] La moyenne me permet d évaluer les forces et faiblesses de mon enfant. Si par exemple, il obtient un 75 % en mathématique alors que la moyenne est 90 %, je pense qu on a du travail à faire». Commentaires de 7 «dans la mesure où l enseignant inscrit des commentaires pour expliquer les résultats [ ]» l enseignant «Il présente également des commentaires succincts sur l attitude de mon enfant en classe et ses capacités, je peux donc savoir s il y a un problème ou non». Discussion avec les 9 «Oui, cela va de pair avec la discussion avec l enseignante. Sans ce contact, je n aurais pas tout enseignants compris, particulièrement sur les méthodes d évaluation». «Surtout si le prof croit en ce qu elle présente comme bulletin et le comprend». Complémentarité 4 «J apprécie surtout le portfolio qui me permet de cerner avec précision les difficultés éprouvées, du portfolio les progrès faits». Responsabilités 3 «c est très facile à comprendre. Ça m indique où je dois mettre plus d emphase comme parent, du parent ça alimente les discussions d ordre académique que j ai avec mon enfant». «je trouve qu un bulletin donne toujours le nécessaire à savoir si un enfant va bien ou non à l école. Ce qui reste à faire, c est de le suivre autant dans ses leçons, ses travaux qui se font soit à l école, soit à la maison. [ ]». 12 EDUCATION CANADA I CANADIAN EDUCATION ASSOCIATION

4 POINTS DE VUE DES PARENTS À L ÉGARD DES MODES DE COMMUNICATION La deuxième question qui portait sur les modes de communication avec les enseignants était libellée de la façon suivante : «Il existe plusieurs façons de communiquer avec l école et les enseignants de votre enfant. Placez en ordre de préférence les modes suivants que vous jugez les plus souhaitables : entretiens téléphoniques avec les enseignants une ou deux fois par mois; rencontres individuelles avec l enseignant une fois par mois; bulletin d information; mémos ajoutés à l agenda à chaque jour ou à chaque semaine, si l enfant a des besoins; communiqués à chaque jour ou à chaque semaine, si l enfant a des besoins». Les parents ont accordé la palme d or aux courts messages ajoutés à l agenda de l enfant, puis en second aux communiqués de l enseignant adressés personnellement à leur endroit. Les entretiens téléphoniques et les rencontres individuelles avec l enseignant ont remporté ex equo la 3 e place, suivis par le bulletin d information et les messages courriels, comme le montre le tableau 2. Il importe de préciser que la hiérarchie dans l ordre de préférence des parents a été calculée en fonction du nombre de fois où un mode de communication donné était mentionné par les parents. TABLEAU 2 Points de vue des parents à l égard des modes de communication Façons de communiquer Mémos ajoutés à l agenda à chaque jour ou à chaque semaine Communiqués à chaque jour ou à chaque semaine Entretiens téléphoniques avec les enseignants 1 ou 2 fois/mois Rencontres individuelles avec l enseignant 1 fois/mois Bulletin d information Messages courriels Rang accordé 1 er 2 e 3 e 3 e 4 e 5 e COMMENT INTERPRÉTER CES RÉSULTATS? Bien que les résultats ne puissent être généralisés à tous les parents du Québec, nous croyons qu ils sont représentatifs des parents considérés comme leaders, parents impliqués dans la communauté scolaire que nous voulons mettre à profit dans la suite du projet. Néanmoins, nous émettons comme hypothèse que les commentaires reçus reflètent ce que pensent plusieurs parents silencieux jusqu à maintenant. Nous avions donc choisi de donner la parole à plus du tiers de nos parents interrogés. Les propos positifs des parents à l endroit du bulletin, dans sa forme actuelle, saluent le retour aux chiffres et la moyenne de groupe. Pour eux, les chiffres sont plus parlants que les lettres. Les moyennes de groupe leur permettent de situer leur propre enfant par rapport aux autres, cette position servant d indicateur de ses forces et de ses faiblesses. Toutefois, ils reconnaissent l importance des commentaires pour mieux comprendre les résultats scolaires de leur enfant. Certains apprécient l apport complémentaire du portfolio de l enfant dans l identification des forces, des faiblesses et des progrès réalisés. Par ailleurs, les discussions et les échanges avec l enseignant de leur enfant leur semblent primordiaux pour une meilleure compréhension des méthodes d évaluation et des résultats de l enfant. Ils conviennent aussi que ce n est pas tout de prendre connaissance du bulletin scolaire, encore faut-il poursuivre le suivi à la maison. Parmi les modes de communication, les parents privilégient d abord les mémos qui sont ajoutés à l agenda de l enfant, puis les communiqués à chaque jour ou à chaque semaine, selon les besoins. Ils prônent ce regard spécifique au vécu scolaire de leur enfant comme façon d exercer un suivi efficace. Ils accordent moins d importance aux entretiens téléphoniques et aux rencontres mensuelles avec l enseignant et encore moins aux bulletins d information d ordre général et aux messages courriel. Malgré les efforts visant à favoriser l utilisation des TIC en milieu scolaire, le courriel tarde à entrer dans les habitudes des parents, même scolarisés. L ENGAGEMENT QUOTIDIEN DE LA PART DES PARENTS REVÊT UNE IMPORTANCE CAPITALE EN REGARD DU CHEMINEMENT SCOLAIRE DE L ENFANT. CANADIAN EDUCATION ASSOCIATION I EDUCATION CANADA 13

5 QUELLES SONT LES INTERVENTIONS À PRIVILÉGIER POUR CONTRER LA CONTROVERSE? Suite à cet éclairage nouveau sur le point de vue des parents face à l évaluation des apprentissages, en l occurrence le bulletin scolaire, nous envisageons des pistes d intervention à privilégier tant auprès des enseignants que des parents. Du côté des enseignants, il est évident que ceux-ci ont tout intérêt à prendre le temps pour échanger avec les parents désireux d en savoir plus. Il importe qu ils développent leurs habiletés de communication et de vulgarisation afin de clarifier les méthodes d évaluation et la façon dont les chiffres sont rapportés dans le bulletin; la place aux commentaires individualisés est aussi toute indiquée 4. Nul doute que le dégagement de plages à l horaire des enseignants optimiserait leur disponibilité et faciliterait ce processus de collaboration avec les parents. Du côté des parents, une mise au clair est essentielle concernant les deux fonctions de l évaluation, la première «régulative» et la seconde «certificative». L engagement quotidien de la part des parents revêt une importance capitale en regard du cheminement scolaire de l enfant. CONCLUSION ET PISTES DE RECHERCHE Comme intervention prometteuse, nous pensons à la mise en œuvre de petites communautés mixtes d apprenants composées de parents et d enseignants qui seraient appelés à vivre des activités d évaluation. Les parents seraient alors des apprenants actifs et engagés en opposition à des récepteurs d information passifs. Un module d accompagnement des parents pourrait émerger de cette communauté de pratique et être par la suite expérimenté par d autres parents favorisant ainsi une meilleure collaboration école-famille. Cette démarche fera l objet de la seconde phase de la recherche qui prévoit contribuer à la construction d une nouvelle culture de collaboration école-famille en ce qui concerne l évaluation des compétences. I ROLLANDE DESLANDES, Ph.D. est professeure titulaire au Département des sciences de l éducation, chercheure régulière au Centre de recherche et d intervention sur la réussite scolaire (CRIRES). Ses travaux ont trait à la collaboration école-famille-communauté et à l influence du milieu familial sur la réussite éducative. MARIE-CLAUDE RIVARD, Ph.D., professeure au Département des sciences de l activité physique. Ses travaux portent sur l éducation à la santé en milieu scolaire, la mise en œuvre du renouveau pédagogique sous l angle du déploiement des compétences et la formation des maîtres. FRANCE JOYAL, Ph.D., professeure au Département des arts et chercheure régulière à l URAV (Unité de recherche en arts visuels). Ses travaux portent entre autres, sur l éducation artistique, les représentations, l esthétique cognitive et la formation des maîtres en arts. Les trois auteures sont chercheures régulières au Laboratoire de recherche Famille-École communauté et Compétences Transversales (F.E.C.C.T.) de l UQTR. Nous remercions Marie-Hélène Bergeron et Thierry Nadeau pour leur apport dans l élaboration et le traitement du questionnaire. Cette étude a été possible grâce à une subvention du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH, ) accordée à la première auteure. Notes 1 Fédération des comités de parents (Fascicule de formation 8, 2002). La réforme de l éducation et les parents. Québec. pub/fascicules/8.htm 2 Miron, D. (2006). Et dire que le bulletin se veut un outil de communication! Mot de la Présidente de la FCPQ. Action Parents 30 (1), 1. 3 MELS (2007). Les bulletins chiffrés : un pas de plus vers la réussite scolaire. Québec, Gouvernement du Québec. 4 Deslandes, R. (2006). La problématique école-famille-communauté dans la formation des futurs enseignants. Dans J. Loiselle, L. Lafortune et N. Rousseau (dir.). L innovation en formation à l enseignement. Pistes de réflexion et d action. (p ). Québec: PUQ. 14 EDUCATION CANADA I CANADIAN EDUCATION ASSOCIATION