Emmanuelle GESLIN (MdC, HDR) Université d'angers

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1 Etude des foraminifères benthiques de la Baie du Mont-Saint-Michel : Développement d'indices biotiques au service de la DCE RAPPORT FINAL Emmanuelle GESLIN (MdC, HDR) Université d'angers UMR CNRS 6112 LPG- BIAF- Bio-Indicateurs Actuels et Fossiles

2 Sommaire Résumé 4 Introduction 6 Matériel et Méthodes 9 Zone d étude Prélèvements et traitements des échantillons Résultats 13 Faunes vivantes Densité Faunes vivantes espèces dominantes Faunes mortes Les radioéléments Discussion. 23 Méthodologie Ecologie interprétation environnementale Enregistrements fossiles Conclusions 27 Perspectives. 29 Bibliographie

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4 Résumé La présente étude propose l analyse des faunes de foraminifères benthiques vivants et morts sur deux sites de la baie du Mont-Saint-Michel (Cherrueix et Saint Benoit des Ondes). Les objectifs du projet déposé à Ifremer ont été atteints : 1) les assemblages de foraminifères benthiques vivants ont été analysés montrant des faunes vivantes abondantes. Une espèce dominante est commune aux deux sites étudiés alors que la deuxième espèce dominante est différente sur les deux sites. Grâce aux spécificités écologiques de ces espèces, des caractéristiques environnementales différenciées des deux sites ont été proposées. 2) la variation spatiale des faunes vivantes a été étudiée à la surface du sédiment. La différence des faunes vivantes entre les 3 réplicats de sédiment de surface est faible sur les deux sites. 3) la microdistribution spatiale dans la colonne sédimentaire (0-5 cm) a été analysée. Cette étude permet de conclure que la majorité des espèces vivantes est dans le premier centimètre et qu il n y a pas de perte d information si on se limite à l étude du centimètre superficiel du sédiment.. Cette observation est importante pour limiter le temps d analyse dans de futures études sur les foraminifères de la baie du mont Saint Michel. 4) les faunes mortes ont été étudiées sur 3 niveaux pour chaque site. Ces faunes sont différentes des faunes vivantes. Des hypothèses sont proposées mais des études supplémentaires sont nécessaires pour les affirmer. Il est donc encore difficile de conclure sur l utilisation des faunes mortes comme état de référence. 4

5 5) Les analyses des radioéléments n ont malheureusement pas permis de définir les taux de bioturbation, ni les âges des couches. La présente étude ne permet certes pas de définir un indice biotique (comme il avait été précisé dans le projet déposé, étude trop restreinte). Cependant cette étude préliminaire montre que la partie Ouest de la Baie du Mont-Saint-Michel est un lieu adapté pour mener une étude plus détaillée afin de développer un indice biotique basé sur les foraminifères benthiques. En effet, les faunes vivantes sont relativement abondantes et différentes d un site à l autre. Les faunes mortes sont abondantes, divers et bien conservées. Des études supplémentaires sont nécessaires. Des perspectives sont proposées en fin de rapport. 5

6 Introduction Les foraminifères constituent une part importante de la méiofaune benthique des environnements côtiers et marins (Murray, 2006). Ces micro-organismes unicellulaires, appartenant à l embranchement des protistes, préfèrent les zones relativement peu profondes des zones côtières et des plateformes continentales. Les foraminifères sont protégés par une coquille appelée test qui permet d enregistrer les conditions passés dans le sédiment. Ils sont aussi étudiés en tant qu indicateurs des caractéristiques environnementales comme le contenu en oxygène du sédiment ou la modification de la qualité des eaux (eutrophisation). En effet, ils présentent les caractéristiques décrites cidessous qui en font d excellents bio-indicateurs. - Grande biodiversité et exigences spécifiques : ce groupe est constitué de 5000 espèces actuelles présentant des exigences écologiques spécifiques permettant de caractériser les conditions environnementales à partir des assemblages - Forte densité : le nombre de foraminifères dans un volume restreint de sédiment est suffisant pour faire des analyses statistiques fiables - Temps de réponse rapide : ce groupe présente des cycles de vie courts (3 mois 2 ans) leur permettant d être très réactifs aux changements environnementaux - Identification simple : l identification des différentes espèces de foraminifères benthiques est relativement simple grâce à une taxonomie bien établie. - Formation d une coquille fossilisable : la coquille des foraminifères va se conserver dans le sédiment permettant un enregistrement des conditions environnementales antérieures («conditions zéro» ou état de référence). 6

7 Le modèle «foraminifère» est l outil commun à toutes les études engagées au laboratoire des Bio-Indicateurs Actuels et Fossibles (BIAF) qui ciblent ses recherches sur l étude du fonctionnement des écosystèmes côtiers et marins, dans le passé et dans l actuel. Ainsi, une des thématiques du BIAF est de développer des indices biotiques en utilisant ce modèle de micro-organismes. Divers études de mise en place d indices biotiques dans des sites spécifiques ont déjà été publiées par le BIAF (Armynot du Chatelet et al., 2004, Morvan et al., 2004, Mojtahid et al., 2006, 2008, Duchemin et al., 2008, Jorissen et al., 2009, Denoyelle et al., 2010, Barras et al., 2013) A l initiative du BIAF, un groupe d experts internationaux s est formé pour constituer un groupe de travail nommé FOBIMO (Foraminiferal BIoMOnitoring). A l issu des workshops en Juin 2011 et Août 2012 à Fribourg, ce groupe de travail a publié un article scientifique préconisant les méthodes à utiliser pour étudier les foraminifères dans un objectif de biomonitoring (Schönfeld, Alve, Geslin, Jorissen et al., 2012). Ce groupe de travail est en train de définir la potentialité d utiliser des indices basés sur les spécificités écologiques de chaque espèce. Un groupe «Transitional Environments» dirigé par E. Geslin a été mis en place. 7

8 L objectif final du travail engagé avec Ifremer est de développer des indices biotiques basé sur les foraminifères benthiques en zones intertidales des milieux transitionnels. La présente étude est un projet préliminaire basé sur deux stations de la Baie du Mont-Saint-Michel afin de déterminer si ce site est adéquat pour poursuivre les études. Dans cette présente étude, nous aborderons les points suivants : 6) déterminer si des assemblages de foraminifères benthiques vivants sont présents 7) appréhender la variation spatiale à microéchelle à la surface du sédiment 8) déterminer la microdistribution spatiale dans la colonne sédimentaire 9) définir les faunes mortes pour les comparer aux faunes vivantes et déterminer la possibilité de définir un état de référence en se basant sur les faunes mortes 10) analyser les radionucléides pour déterminer les taux de bioturbation et, le cas échéant, de déterminer l âge des couches. 8

9 Matériel et Méthodes Zone d étude Le sédiment a été prélevé sur deux sites de la zone intertidale dans la Baie du Mont-Saint-Michel, le 4 Juillet 2012 (figure 1a). L'échantillonnage a été réalisé en période de vive-eau avec des coefficients de marée de 99. Cette Baie constitue un bassin sédimentaire côtier d une surface d environ 600 km 2 avec des conditions de marnages exceptionnelles, atteignant 14 m en vive-eau d équinoxe. a b SBO CH Fig.1 Carte de localisation (a) et répartition des points de prélèvement (b) dans la Baie du Mont-Saint-Michel. Le premier lieu d étude appelé CH (fig.1b) se situe à proximité d un banc à Hermelles ( N, W), soit environ 6 km de la commune de Cherrueix. La station CH de la Baie du Mont-Saint- Fig.2 Site d'échantillonnage proche de Cherrueix Michel est localisée dans le médiolittoral moyen sur les sédiments stabilisés de sables 9

10 fins légèrement vaseux (Fig. 2). Concernant la caractéristique granulométrique, on observe un sédiment argilo-sableux sur les cinq premiers centimètres de profondeur. Au delà, le sédiment est plus sableux. Le second site SBO (Fig. 3) se situe à proximité (environ 700 mètres) de la commune de Saint-Benoitdes-Ondes (48 37'21.168N, 1 50'44.775W) (fig.1b). Cette station de la Baie du Mont-Saint-Michel est localisée à l'ouest de la baie dans la zone intertidale. Fig.3 Site d'échantillonnage proche de Saint-Benoit des Ondes Le sédiment est beaucoup plus fin et meuble par rapport au premier secteur. Les six premiers centimètres des carottes sont constitués de sédiment essentiellement vaseux alors que les suivants ont une caractéristique plutôt sableuse. Ces deux stations ont été choisies en fonction des sites préalablement étudiés au sein de la DCE. Pour trouver les stations, les fiches descriptives (obtenues par le personnel d Ifremer faisant les missions DCE) ont été utilisées. Prélèvements et traitements des échantillons Quatre carottes sédimentaires d un diamètre de 8.2 cm ont été prélevées sur chacun des sites. Trois carottes (C1, C2, C3) ont été utilisées pour étudier les faunes de foraminifères vivants grâce à l addition de Rose Bengale (2% dans de l éthanol 95%). Parmi ces 3 carottes, une a été étudiée jusqu à 5 cm alors que les deux autres ont été découpées jusqu à 1 cm (pas de découpage Tab. 1) Une carotte de 10 cm a été prélevée sur chaque site pour étudier les faunes mortes. 10

11 Tableau 1 : Données sur les carottes prélevées Nom localisation Niveaux Découpe des carottes Niveaux Traitement Analyses carotte prélevés étudiés sur le terrain CH C1 Cherrueix 0-5 cm 0.5 cm jusqu à 2cm 1cm jusqu à 5cm tous RB* Foraminifères vivants CH C2 Cherrueix 0-1 cm 0.5 jusqu à 1cm tous RB Foraminifères vivants CH C3 Cherrueix 0-1 cm 0.5 jusqu à 1 cm tous RB Foraminifères vivants CH-C4 Cherrueix 0-10 cm Tous les 0.5 ou 1 cm cm 5-6 cm 7-8 cm CH-C5 Cherrueix 0-14 cm Tous les 1 cm 2-3 cm 5-6 cm cm cm aucun aucun Foraminifères morts Radioéléments SBO-C1 Saint Benoit 0-5 cm 0.5 cm jusqu à 2cm tous RB* Foraminifères des Ondes 1cm jusqu à 5cm vivants SBO-C2 SBO-C3 Saint Benoit des Ondes Saint Benoit des Ondes 0-1 cm 0.5 jusqu à 1cm tous RB Foraminifères vivants 0-1 cm 0.5 jusqu à 1 cm tous RB Foraminifères vivants SBO-C4 Saint Benoit 0-10 cm Tous les 0.5 ou 1 cm cm aucun Foraminifères des Ondes 5-6 cm morts 7-8 cm SBO-C5 Saint Benoit 0-14 cm Tous les 1 cm 4-5 cm aucun Radioéléments des Ondes 8-9 cm cm cm *RB = Rose Bengale 11

12 Une carotte (C5) de 14 cm a été prélevée sur chaque site (découpe tous les cm) pour mesurer les radioéléments afin de déterminer l âge des niveaux sédimentaires. Toutes les découpes ont été faites sur le terrain à l aide d un pousse-carotte permettant d avoir des découpes très précises (Fig 4). Figure 4 : pousse carotte Au laboratoire, les échantillons pour l étude des faunes de foraminifères ont été lavés sur des tamis de : 315 µm, 150 µm, 125 µm et 63 µm.dans cette étude, la fraction >150 µm regroupant l'essentiel des foraminifères de ces milieux a été analysée à la loupe binoculaire. Les analyses concernant les faunes vivantes (C1, C2 et C3) consistent aux piquages de tous les spécimens colorés au RB de chaque échantillon qui sont ensuite placés dans des 12

13 cellules micropaléontologiques. Pour les études des faunes mortes, les échantillons sont splittés et les tests morts sont analysés. Trois niveaux profonds (1-1.5 / 5-6 cm / 7-8 cm) par carotte ont été analysés permettant de déterminer si les faunes mortes sont différentes des faunes vivantes. La détermination taxinomique a été réalisée au niveau du genre ou de l espèce. Cependant dans les résultats, certaines espèces ont été regroupées en fonction de leur mode de vie et de leur écologie afin de simplifier la présentation des résultats. Ces regroupements n altèrent en rien l interprétation écologique des assemblages. Les tests de foraminifères analysés ont tous été placés dans des cellules micropaléontologiques et stockées au BIAF. Les radioéléments ont été analysés à EPOC (université de Bordeaux) par S. Schmidt. Résultats Faunes vivantes - Densité Tous les échantillons analysés présentent des foraminifères vivants (colorés au Rose Bengale). Les densités totales (sur l ensemble de la carotte de 0-5 cm) sont de 254 ind. / 50 cm -3 pour Cherrueix et de 191 ind. / 50 cm -3 pour Saint-Benoit-des-Ondes. La densité sur le niveau de surface (0-1 cm) est de 275 ± 66 (n=3) ind. / 50 cm -3 pour Cherrueix et de 128 ± 46 (n=3) ind. / 50 cm -3 pour Saint-Benoit-des-Ondes (Fig. 5). Il s avère que les densités de foraminifères enregistrées à Cherrueix sont supérieures à celles enregistrées à Saint-Benoit-des-Ondes. Les données des 3 replicats montrent une certaine variation spatiale à 13

14 microéchelle pour les densités (Tab. 2) qui s avère relativement faible et comparable sur les 2 sites au vue de la valeur de l écart-type autour de la moyenne des densités. Tableau 2 : nombre d individus vivants par 50 cm3 de sédiment (niveau 0-1 cm, fraction > 150 µm, 3 replicats) Lieu Nom carotte Total du nbre d'ind. vivants / 50 cm 3 Cherrueix CH-C1 206 Cherrueix CH-C2 282 Cherrueix CH-C3 337 Saint-Benoit des Ondes SBO- C1 142 Saint-Benoit des Ondes SBO-C2 166 Saint-Benoit des Ondes SBO-C nbre d'individus vivants sur 0-1 cm /50 cm CH SBO Figure 5 : Densité de foraminifères vivants dans le premier cm (n=3 carottes) à Cherrueix (CH) et Saint Benoit des Ondes (SBO) 14

15 Les spécimens vivants sont principalement localisés en surface dans le premier demicentimètre de sédiment (Fig. 6 et 7). Cette faune (0-0,5 cm) représente 71% des individus vivants étudiés sur une carotte de 5 cm pour CH-C1 et 67% pour SBO-C1. Si l on considère le premier centimètre, la faune vivante représente alors 81 % pour CH- C1 et 74% pour SBO-C1 de la faune totale sur 0-5 cm. Cette observation permet de préconiser de se limiter à l analyse du premier centimètre des carottes sédimentaires pour de futures études. Nbre d'individus vivants / 50 cm profondeur cm Figure 6 : Distribution verticale des densités des faunes vivantes sur le site de Cherrueix 15

16 Nbre d'individus vivants / 50 cm profondeur cm Figure 7 : Distribution verticale de la densité des faunes vivantes sur le site de Saint-Benoit-des-Ondes Faunes vivantes espèces dominantes Sur chaque site, 3 espèces dominantes (représentant plus de 10% de la faune totale dans au moins un échantillon) sont présentes. Deux espèces sont communes aux deux sites, une espèce à test calcaire typique des environnements transitionnels Haynesina germanica et une espèce à test organique (non fossilisable) appelé «foram nu» dans ce rapport. Sur le site de Cherrueix, la troisième espèce dominante est Elphidium excavatum et sur le site de Saint-Benoit, c est Ammonia tepida. 16

17 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% Autre foram nu A. tepida E. excavatum H. germanica 20% 10% 0% CH-C1 SBO-C1 Figure 8 : Histogramme présentant les proportions des différentes espèces dominantes de la faune totale des carottes C1 (0-5 cm sur chaque site). Les figures 8, 9 et 10 montrent clairement que les foraminifères à tests calcaires (susceptibles de se retrouver dans la faune morte) de Cherrieux sont représentés essentiellement par H. germanica et E. excavatum, alors qu à Saint-Benoit, on rencontre principalement H. germanica et A. tepida. 17

18 CH-C1 (0-5 cm) SBO-C1 (0-5 cm) Ammonia tepida Elphidium excavatum Haynesina germanica Foraminifères nus autres Figure 9 : Secteurs présentant les proportions des différentes espèces dominantes de la faune totale des carottes C1 (0-5 cm sur chaque site). CH-C1 (0-1 cm) CH-C2 (0-1 cm) CH-C3 (0-1 cm) Figure 10 : Secteurs présentant les proportions des différentes espèces dominantes de la faune du premier cm des 3 niveaux répliqués sur le site de Cherrueix (0-1 cm). SBO-C1 (0-1 cm) SBO-C2 (0-1 cm) SBO-C1 (0-5 cm) Figure 11 : Secteurs présentant les proportions des différentes espèces dominantes de la faune du premier cm des 3 niveaux répliqués sur le site de Saint-Benoit- des-ondes (0-1 cm). 18

19 La comparaison des pourcentages des espèces vivantes dominantes dans la colonne sédimentaire (0-5 cm Figs. 8 et 9) et des premiers centimètres des 3 replicats étudiés montre une forte similitude pour les 2 sites. Les faunes vivantes de surface donnent une bonne représentativité des faunes vivantes totales. Ce point est important à mettre en évidence car il prouve une fois de plus que l information enregistrée dans le sédiment superficiel (0-1 cm) donne une image de l ensemble de la faune de foraminifères vivants. Cette observation permet de suggérer de se limiter à l étude des premiers niveaux dans des études complémentaires permettant d alléger le travail d analyse des faunes. Faunes mortes Le comptage des faunes mortes montre des densités supérieures aux densités des faunes vivantes (Tab. 3). Les faunes mortes sont plus denses à Cherrueix qu à Saint Benoit des Ondes, pour tous les niveaux étudiés. On peut remarquer la faible densité de foraminifères morts enregistrés dans les sédiments de subsurface sur le site de Saint Benoit des Ondes. carotte niveaux étudiés densité / 50 cm 3 CH-C CH-C4 5-6 cm 3969 CH-C4 7-8 cm 5060 SBO-C SBO-C4 5-6 cm 2068 SBO-C4 7-8 cm 2416 Tableau 3 : densité des faunes mortes dans les 3 niveaux étudiés sur les deux sites 19

20 100% 80% 60% 40% 20% autres épiphyte Porcelané spp. Elphidium gerthi Haynesina germanica Elphidium excavatum Elphidium wiliamsoni Ammonia tepida Ammonia beccarii 0% CH-C1 surface vivant CH-C cm mort CH-C4 5-6 cm mort CH-C4 7-8 cm mort Figure 12 : Histogramme cumulé des pourcentages des espèces dominantes de la faune vivante de surface (0-0.5 cm) et de la faune morte dans les 3 niveaux étudiés sur le site de Cherrueix 100% 80% 60% 40% 20% autres épiphyte Porcelané spp. Elphidium gerthi Haynesina germanica Elphidium excavatum Elphidium wiliamsoni Ammonia tepida Ammonia beccarii 0% SBO-C1 surface vivant SBO-C cm mort SBO-C4 5-6 cm mort SBO-C4 7-8 cm mort Figure 13 : Histogramme cumulé des pourcentages des espèces dominantes de la faune vivante de surface (0-0.5 cm) et de la faune morte dans les 3 niveaux étudiés sur le site de Saint-Benoit des Ondes 20

21 Sur les 2 sites étudiés de la Baie du Mont-Saint-Michel, il est remarquable de noter les différences de composition entre les faunes vivants de surface et les faunes mortes aux 3 niveaux étudiés (Figs. 12 et 13). Comme remarqué ci-dessus, les faunes vivantes ne sont représentées que par un faible nombre d espèces dominantes. Les faunes mortes sont beaucoup plus diversifiées (notons que les groupes épiphyte spp. et Porcelané spp. contiennent plusieurs espèces). Il est remarquable aussi de noter la constance dans la composition des faunes mortes dans les 3 niveaux étudiés par site. Sur le site de Cherrueix, les 2 espèces les plus dominantes dans les faunes vivantes (H. germanica (67 %) et E. excavatum (31%)) sont toujours présentes dans les faunes mortes mais dans des pourcentages moindres. Haynesina germanica représente 7 à 15 % de la faune totale morte selon les niveaux ; E. excavatum représente 8 à 10% de la faune morte selon les niveaux étudiés (Fig. 12). Dans les faunes mortes, des espèces dominantes non représentées dans la faune vivante apparaissent tels que E. williamsoni (5 à 10%), E. gerthi (8 à 19%), des porcelanés (11 à 23%) et des formes épiphytes (28 à 43 %). Sur le site de Saint-Benoit des Ondes, les 2 espèces à tests calcaires les plus dominantes dans les faunes vivantes (H. germanica (67 %) et A. tepida (31%)) sont toujours présentes dans les faunes mortes. Haynesina germanica représente 34 à 41 % de la faune totale morte selon les niveaux alors qu elle représente 85% de la faune vivante (0-0.5 cm) ; A. tepida représente 9 à 12% de la faune morte selon les niveaux étudiés ce qui est comparable aux faunes vivantes (13%, cm) (Fig. 13). Dans les faunes mortes, des espèces dominantes non représentées dans la faune vivante apparaissent tels que E. williamsoni (4 à 10%), E. excavatum (12 à 15 %), E. gerthi (5 à 13%), des porcelanés (5 à 8 %) et des formes épiphytes (5 à 16 %). La comparaison des faunes mortes ente les 2 sites montre une diversité relativement comparable, bien que des différences peuvent être remarquées. Les faunes mortes de 21

22 Cherrueix sont dominées par un groupe de foraminifères (les épiphytes) non présent dans les faunes vivantes alors que les faunes mortes de Saint-Benoit-des-Ondes restent dominées par une espèce présente dans les faunes vivantes (H. germanica). Les faunes mortes de Cherrueix sont finalement composées de plus de 70% d espèces nouvelles (comparées aux faunes vivantes), alors que Saint Benoit des Ondes présente environ une proportion à peu près équivalente d espèces «nouvelles» et d espèces présentes dans la faune vivante. Les radioéléments Les profils de radioéléments (Fig. 14) n apportent que très peu d éléments interprétatifs dans la mesure où les activités de 210 Pb en excès sont peu élevées dès le sommet de la carotte. Il est donc délicat de juger si les fluctuations peuvent être interprétées en termes de vitesses de sédiments ou juste remaniement et hétérogénéité du sédiment Pbxs mbq/g 10 Cherrueix Saint Benoit profondeur cm Figure 14 : Mesure du 210 Pb en excès sur les deux sites (d après S. Schmidt) 22

23 Discussion Méthodologie La comparaison des faunes vivantes du premier centimètre et de la colonne sédimentaire étudié (0-5 cm) permet de montrer clairement que 1) la majorité des foraminifères vivants habite la surface du sédiment (plus de 75 % dans le 1 er centimètre), 2) la composition des faunes de surface est comparable à celle en profondeur. Il n y a donc pas de microhabitat spécifique dans la colonne sédimentaire de ces 2 sites comme ceci est fréquemment observé dans les milieux marins plus ouverts (Jorissen, 1999). Cette observation est très importante pour la poursuite des études. Elle permet de confirmer que le protocole suggéré par Schönfeld et al (2012) préconisant d étudier le premier centimètre dans les études de bio-monitoring est applicable à la Baie du Mont Saint Michel. Cette observation permettra de proposer des études allégées dans de futurs projets sur les faunes de foraminifères dans la baie du Mont Saint Michel. Ecologie interprétation environnementale La présence de l espèce Haynesina germanica sur les deux sites est en adéquation avec la littérature. Cette espèce est typique des environnements transitionnels (Debenay et al., 2000). Le fait d observer Elphidium excavatum que sur le site de Cherrueix et Ammonia tepida que sur le site de St Benoit des Ondes est particulièrement intéressant. Elphidium excavatum est une espèce présentant un caractère plus marin qu Ammonia tepida. Ammonia tepida est une espèce que l on trouve classiquement dans les environnements de transition faiblement soumis à l influence marine (Debenay et al., 2000). Ammonia tepida est connu pour supporter des environnements vaseux, peu oxygénés, riche en 23

24 matière organique (Murray, 2006). D après les caractéristiques écologiques des faunes benthiques, nous pouvons suggérer que le site de Cherrueix est soumis à une plus forte influence marine que le site de Saint-Benoit des Ondes. Nous pouvons dire aussi que le site de Saint Benoit est plus confiné, c'est-à-dire qu il entretient des échanges plus restreints avec le milieu marin ouvert. Cette caractéristique peut être due à sa localisation. Par conséquence, la granulométrie du sédiment peut être affectée. En effet, un milieu marin ouvert va être soumis à une plus forte énergie qu un milieu «protégé» entraînant un dépôt de sédiment plus sableux. Logiquement, si nous avions les données granulométriques, nous devrions avoir un sédiment plus sableux à Cherrueix qu à St Benoit des Ondes (suggestion en accord avec les observations faites sur le terrain). Les caractéristiques granulométriques vont influencer le contenu en matière organique sachant qu un sédiment sableux retient généralement moins la matière organique qu un sédiment fin. Il serait donc aussi logique de retrouver un milieu plus riche en matière organique à Saint Benoit qu à Cherrueix. Les foraminifères répondent à l ensemble de ces paramètres (influence marine, granulométrie/matière organique). La présence d Ammonia tepida à Saint Benoit et d Elphidium excavatum à Cherrueix tendent donc à montrer des caractéristiques environnementales différentes avec un site plus ouvert, plus sableux et moins riche en matière organique (Cherrueix) et un site plus confiné, avec des sédiments plus fins et plus riche en matière organique. Les résultats de la présente étude ne nous permettent cependant pas de montrer si l enrichissement en matière organique de Saint Benoit est naturel (lié seulement à la granulométrie) ou s il existe un enrichissement additionnel du notamment aux activités anthropiques. Il est cependant possible de déconvoluer la réponse des foraminifères à l apport de matière organique excédentaire de la charge naturelle du à la granulométrie. Un tel travail a été réalisé par Barras et al. (Biological Indicators, 2013) pour de 24

25 nombreux échantillons de la côte Méditerranéenne. Des analyses de granulométrie sur tous les échantillons utilisés pour l analyse des faunes de foraminifères ont permis alors de définir une courbe de référence corrigeant la réponse des faunes à l enrichissement naturelle en matière organique (Fig. 15). Figure 15 : Pourcentage des espèces tolérantes en fonction du pourcentage des particules < 63 µm de stations de la côte Méditerranéenne. La courbe exponentielle représente le pourcentage d espèces tolérantes dans des conditions naturelles. (modifiée d après Barras et al., 2013) Enregistrements fossiles Les données de radioéléments ne nous permettent pas de déterminer un taux de sédimentation et de dater les carottes. Nous considérons cependant que le niveau cm représente la situation actuelle. Les niveaux plus profonds sont considérés comme plus anciens. L analyse des faunes mortes montre des densités supérieures aux densités des 25

26 faunes vivantes suggérant une conservation et une accumulation des coquilles au cours du temps. Les faunes mortes sont plus abondantes sur le site de Cherrueix que sur le site de Saint-Benoit-des-Ondes. Sans les taux de sédimentation, il est très difficile d interpréter sérieusement ces données. Les différences de composition entre les faunes vivantes et les faunes mortes peuvent être expliquées de différentes façons : 1 Variation saisonnière : la faune vivante prélevée au mois de juillet n est pas forcement représentative de ce qui se passe tout le long d une année. En d autres termes, il est possible qu il y ait une forte variabilité saisonnière entraînant l apparition de nouvelles espèces lors de périodes plus productives tels que le printemps ou l automne. Pour vérifier cette hypothèse, il serait nécessaire de faire au moins 4 missions de prélèvements au cours d une année. 2 Transport : il est possible que les nouvelles espèces présentent dans les faunes mortes soient des tests transportés ayant vécus auparavant dans d autres environnements, plus au large par exemple. Cela peut être le cas des formes épiphytes qui peuvent facilement être transportées avec leur support (algues par exemple). Nous avons remarqué que ces faunes nouvelles sont plus abondantes à Cherrueix qu à Saint Benoit. D après les faunes vivantes, nous avons suggéré que le site de Cherrueix est probablement plus soumis à des influences marines et donc à des échanges plus importants pouvant alors apporter de nombreuses nouvelles coquilles. Une étude plus étendue spatialement dans la baie du Mont Saint Michel nous permettrait de définir les faunes vivantes des environnements alentours. Tant que les hypothèses émises ci-dessus ne sont pas clairement comprises, il est difficile de conclure sur l utilisation des faunes mortes comme état de référence. Les différences de composition entre les faunes actuelles et les faunes fossiles 26

27 sont difficilement explicables par un changement notable du milieu si l on considère que le niveau cm représente la situation actuelle. Conclusions Les faunes de foraminifères vivants sont présents sur les sites de Cherrueix et de Saint- Benoit-des-Ondes avec des densités supérieures à Cherrueix qu à Saint-Benoit. La répartition des faunes dans la colonne sédimentaire montre que la majorité des individus vivent en surface dans le premier demi-centimètre. La composition des faunes vivantes n est pas différente en surface et en profondeur. Ces deux constations nous permettront de nous limiter à l étude des faunes vivantes en surface dans de futurs projets ce qui est conforme aux propositions méthodologiques faites par Schönfeld et al., (2012) pour l élaboration d étude de bio-monitoring avec les foraminifères benthiques. La présente étude met en évidence que les espèces vivantes dominantes ne sont pas les mêmes sur les deux sites. Cette différence prouve que ces deux sites présentent des caractéristiques environnementales distinctes. Saint-Benoit-des-Ondes semble moins propice aux développements des foraminifères. Les caractéristiques écologiques des espèces vivantes de foraminifères laissent penser que le site de Cherrueix est plus soumis à des influences marines que le site de Saint-Benoit-des-Ondes qui paraît plus confiné. La granulométrie du sédiment associée à la charge en matière organique est un facteur influençant la répartition des espèces de foraminifères benthiques. Nous pouvons constater grâce à nos résultats préliminaires que les faunes de Saint Benoit (notamment A. tepida) sont favorisées un milieu à sédiments plus fins et plus riches en matière organique que les espèces présentent sur le site de Cherrueix (notamment E. excavatum). Sur la base de nos résultats, nous ne pouvons cependant pas préciser si 27

28 l enrichissement en matière organique de Saint-Benoit du à des causes anthropiques ou si la teneur en matière organique est seulement naturel.. Des études supplémentaires en combinant des analyses granulométriques et de teneur en matière organique seraient nécessaires pour déconvoluer la réponse naturelle des foraminifères et la réponse anthropique. Les faunes mortes du niveau considéré actuel sont comparables aux faunes mortes des niveaux plus profonds permettant de montrer une certaine stabilité dans le temps du milieu ou une homogénéisation par la bioturbation engendrée par la macrofaune. N ayant pas de datation des couches par les analyses de radioélément, il est difficile d aller plus loin dans l interprétation. La composition des faunes mortes des 3 niveaux étudiés sont similaires. Par contre, les faunes mortes sont différentes des faunes vivantes surtout sur le site de Cherrueix. Ceci peut être expliqué par une forte variabilité saisonnière des faunes ou/et par un transport d espèces allochtones. La présente étude ne permet pas de définir un indice biotique (comme il avait déjà été précisé dans le projet déposé, étude trop restreinte). Cependant cette étude préliminaire montre que la partie Ouest de la Baie du Mont-Saint-Michel est un lieu adapté pour mener une étude plus détaillée afin de développer un indice biotique basé sur les foraminifères benthiques. En effet, les faunes vivantes sont abondantes et différentes d un site à l autre. Les faunes mortes sont abondantes, divers et bien conservées. Des études supplémentaires sont nécessaires pour vérifier les hypothèses émises pour expliquer les différences entre faunes vivantes et faunes mortes (variation saisonnière). 28

29 Perspectives Pour tenter de définir un indice biotique dans la baie du Mont Sait Michel, il serait nécessaire d augmenter le nombre de stations en prélevant 4 transects perpendiculaires entre Saint Benoit des Ondes et Cherrueix (avec 3 à 5 stations sur chaque transect). Cette étude pourrait se limiter à la surface du sédiment (0-1 cm) pour l analyse des faunes vivantes de foraminifères. Il faudra y ajouter des analyses de granulométrie et de la teneur en matière organique afin de corriger l effet de l enrichissement de matière organique naturelle lié à la taille des grains. Afin de réaliser cette correction, il est important d avoir un nombre assez important de stations d où la proposition de travailler sur 4 transects entre le gradient écologique enregistré entre Saint Benoit et Cherrueix. Afin de comprendre la composition des faunes mortes et de définir si celles-ci peuvent être utilisées comme état de référence, il faut vérifier les hypothèses émises dans ce rapport. D une part, il serait nécessaire de faire une étude sur la variabilité saisonnière en prélevant chaque station pendant les 4 saisons de l année. D autre part, il faudrait préciser les analyses de radioéléments pour comprendre l effet de la bioturbation. Le fait d augmenter le nombre de stations dans cette région permettra d évaluer la biodiversité des faunes et donc d appréhender le transport d espèces allochtones. 29

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